![Les Camps nazis. Réflexions sur la réception littéraire française - [Introduction à la deuxième partie]](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/YmuMS01.png)
[Introduction à la deuxième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Les Camps nazis. Réflexions sur la réception littéraire française
- Pages : 149 à 150
- Collection : Littérature, histoire, politique, n° 2
Si la découverte des camps a fait événement dans la société française et a suscité une réaction médiatique réelle dans le temps de sa communication, elle a, comme toute information, progressivement disparu des pages des journaux et hebdomadaires pour finalement devenir un objet historique soumis au temps long de la transmission1. Ainsi, ce n’est plus la découverte elle-même qui est questionnée, mais bien les camps eux-mêmes, appelés à être pensés à travers différents cadres d’interprétation que je me propose ici d’analyser à travers une étude archéologique des discours de la sphère littéraire et intellectuelle française.
Pour ce faire, j’étudierai les médiations qui permettent aux camps de retrouver une actualité dans les débats d’idée français. Or, cette étude me permettra de comprendre comment, au cœur d’un événement apparemment unique (les camps, la déportation), a émergé un événement particulier et que le temps de la communication n’a pas permis de mettre clairement à jour : le génocide des Juifs. L’enjeu archéologique est ainsi de rendre compte de cette lente émergence du paradigme génocidaire au cœur de l’événement concentrationnaire.
J’ai fait le choix de centrer mon analyse sur la période précédant le procès Eichmann de 1961 (dont j’étudierai la réception) qui marque une étape décisive dans la reconnaissance internationale du génocide2. Mon analyse se portera principalement sur le champ revuiste français, du fait que chaque revue littéraire constitue non seulement un lieu d’élaboration et de promotion de pratiques littéraires nouvelles, mais également un lieu où les intellectuels français réagissent à l’actualité immédiate. Je m’appuierai également sur des témoignages et des œuvres littéraires entrant en résonance avec les discours d’interprétation des 150camps et du génocide. J’espère, par cette diversité des sources, rendre compte d’un maillage culturel complexe où les discours circulent, évoluent et se transforment au gré des évolutions historiques, sociales et intellectuelles.
1 Sur le traitement médiatique de la découverte des camps en France, voir D. Epelbaum, Pas un mot, pas une ligne ? 1944-1994 : des camps de la mort au génocide rwandais, op. cit.
2 Voir A. Wieviorka, L’Ère du témoin, op. cit. Cette indication chronologique ne m’empêchera pas de déborder largement cette année 1961, l’enjeu consistant à conduire l’analyse jusqu’au seuil des années 70 qui initient un véritable retour du refoulé où les questions du génocide et de la collaboration d’État arrivent sur le devant la scène publique et médiatique. Voir H. Rousso, Le Syndrome de Vichy, op. cit. et en particulier les chapitre 3, « Le miroir brisé (1971-1974) », et 4 « L’obsession (après 1974). La mémoire juive. », p. 118-194.