La noisette collée à une oreille, elle écoute. « Ça chante. Ça dit : hû-û-û… […] » Elle écoute, la bouche entrouverte, les sourcils relevés touchant sa frange de cheveux plats. Ainsi immobile, et comme désaffectée par l’attention, elle n’a presque plus d’âge. Elle regarde sans le voir l’horizon familier de ses vacances. […] « Qu’est-ce que tu fais de cette vieille noisette ? » Mieux vaut se taire, et cacher, tantôt dans une poche, tantôt dans un vase vide ou dans le nœud d’un mouchoir, la noisette qu’un instant, impossible à prévoir, dépouillera de toutes ses vertus, mais qui pour l’heure chante, contre l’oreille de Bel-Gazou, ce chant qui la tient immobile et comme enracinée… « Je vois ! Je vois la chanson ! Elle est aussi fine qu’un cheveu, elle est aussi fine qu’une herbe !… »1
1 Colette, « La Noisette Creuse » in La Maison de Claudine, Œuvres Complètes, édition Gallimard, Bibl. de La Pléiade, tome II, 1986, p. 1084.