Le lecteur de romans participe à un rite, avec ses règles à la fois simples et compliquées. Autant qu’il soit ici prévenu : ce qui suit n’est pas un roman et ne prétend pas l’être. C’est pourtant une aventure, puisqu’on y considérera les romans du point de vue non pas, comme souvent, de ceux qui les écrivent, mais de ceux qui les lisent. Il s’agit bien sûr d’un parti pris, mais il revient, finalement, à s’attacher à des destinataires que le genre romanesque a toujours prétendu satisfaire, et parmi lesquels nous nous trouvons tous. Il n’est pas question de nier que des romanciers aient créé ces œuvres, aient raconté ces histoires, déployé ces mondes, inventé ces personnages. On essaiera seulement de se pencher sur les plaisirs qu’ils procurent à leurs lecteurs.
Pour légitime qu’elle soit, l’entreprise n’est pas sans dangers. Parmi ceux-ci, il y a la tentation de simplifier, de réduire la diversité, la richesse et des romans et des lecteurs. On peut aussi mentionner l’éventuel effet secondaire d’un discours tenu sur les saveurs, donnant l’impression de rompre un enchantement, d’analyser des émotions ressenties comme inextricables. Repérés, ces écueils seront, on l’espère, évités.
En fait, l’objectif visé est de rendre compte de l’aventure qu’est toute lecture d’un roman. Les périls n’y sont point mortels, puisqu’on risque seulement de rester sur le quai, de ne pas avoir envie de mener l’expérience jusqu’au bout, de constater qu’une occasion a été manquée. Si tel n’est pas le cas, alors c’est la possibilité d’un voyage imaginaire, qui a la particularité d’accroître notre expérience de la réalité. On n’en omettra pas les difficultés, on en évoquera avec gourmandise 8les plaisirs, qu’ils soient ou non spécifiques au roman, qu’ils aient été explicitement recherchés ou qu’ils soient d’agréables surprises.
Comment mieux remercier tous les auteurs des romans que nous avons aimés ?
