![Le Mythe et l’Exactitude. L’ordonnance de Villers-Cotterêts à l’époque moderne - Conclusion de la seconde partie](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/HsuMS01b.png)
Conclusion de la seconde partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Le Mythe et l’Exactitude. L’ordonnance de Villers-Cotterêts à l’époque moderne
- Pages : 515 à 516
- Collection : Bibliothèque d’histoire de la Renaissance, n° 23
Conclusion de la seconde partie
Une tradition littéraire fait du justiciable la principale cause de l’encombrement des cours : d’Aristophane à Jean Racine, les Plaideurs portent la responsabilité des lenteurs de la justice. Cette approche n’est pourtant pas celle qui, prima facie, l’emporte dans la lettre même de l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Certes, le texte de François Ier prévoyait de nombreuses amendes, qui visaient notamment à décourager l’appel et les recours abusifs. Mais, tant sous la plume du législateur que sous celle des juristes de l’époque moderne, c’est bien plutôt la magistrature et, en partie, l’avocature qui furent remises en cause. L’ordonnance portait en effet réforme de la justice ; ses dispositions visaient à prévenir ou corriger une pratique judiciaire que la royauté estimait contraire à l’intérêt même des justiciables. Il en va ainsi des nombreuses règles déontologiques, dont la valeur normative ne doit pas dissimuler une critique certaine du comportement des gens de loi, particulièrement des parlementaires. Il en est de même de la suppression des délais et formalités perçus comme inutiles. La remise en cause des gens de justice est particulièrement patente en matière criminelle : le législateur frappe durement les erreurs judiciaires en cours d’instruction, et l’article 145 se voulait un remède à la résolution privée des litiges.
En somme, la lecture des règles énoncées par l’ordonnance révèle que celle-ci fut prise dans l’intérêt supérieur tant de la justice publique que des justiciables, que la doctrine s’est efforcée de défendre au civil comme au pénal. De 1539 jusqu’à la fin de l’époque moderne, les juristes ont accompagné l’entreprise du législateur en matière civile. Ils ont dénoncé l’incompétence, l’absentéisme et la désinvolture des juges quant aux règles même qui régissaient le procès. Ils ont approuvé la suppression de formalités telles que l’obtention préalable d’apôtres pour interjeter appel ou les réponses par creditvel non credit. Ils ont salué, enfin, la fixation de règles précises en matière d’ajournement ou d’instruction, qu’ils se sont efforcés de détailler. Leurs œuvres entreprenaient de concilier le respect 516du contradictoire et l’exigence de célérité judiciaire. Mais en matière criminelle, c’est davantage l’intérêt des accusés qui s’est trouvé questionné par une justice trop prompte. S’il y a eu des juristes pour approuver les mesures nouvelles, l’aggravation de la procédure inquisitoire, qui mettait à mal les droits de la défense, a été l’objet d’une dénonciation durable. S’il est bien avéré que les juges ne se sont guère comportés en « gardiens » de toutes les rigueurs apportées par l’ordonnance1, cette dernière n’en est pas moins restée à l’origine directe de la légende noire qui a longtemps entouré son auteur présumé Guillaume Poyet. Le texte de François Ier est demeuré un véritable « Code de procédure jusqu’en 16702 », date de promulgation de celle de Saint-Germain-en-Laye.