-Almies au rare discernement, la lecture de mes historiettes a pu faire dire à certains que je suis trop sensible à votre charme, et qu'il ne me sied pas d'être trop porté à vous plaire, à vous consoler, ou même — comme le prétendent les plus méchants, — à exalter votre mérite. D'autres ont montré plus de mesure dans leurs reproches : à mon âge, il ne conviendrait guère que je sois assidu à parler du beau sexe ou à lui plaire. ... C'est de la sorte, mes valeureuses amies, que mon dévouement à votre cause me vaut un souffle si empesté, des morsures si cruelles, la pointe de flèches si acérées : vous me voye2 heurté, maltraité, enfin blessé à vif. Dieu sait de quel esprit complai¬ sant j'écoute mes censeurs. Mais, bien qu'il vous appartienne de prendre en tout et pour tout ma défense, j'entends ne point mettre bas les armes devant eux; sans riposter autant qu'il serait admis¬ sible, je veux immédiatement, par une légère contre- attaque, affranchir mes oreilles de tels bourdonne¬ ments... Je tiens à me défendre moi-même, en vous contant non pas une nouvelle entière... mais un fragment d'historiette... Un des bourgeois de notre ville était un homme de condition fort modeste... Il était marié à une femme qu'il aimait avec ferveur, et qui lui rendait cet amour. Ils coulaient ensemble des jours paisibles, et, par-dessus tout, mettaient leurs soins à se rendre mutuellement la vie plaisante. J. B., Préface de la Quatrième Journée du Décaméron.