L’analyse conduite jusqu’ici a produit des résultats qui semblent être tout à fait cohérents avec les résultats des études inaugurées par Furley. La dette évidente d’Épicure à l’égard de Démocrite n’exclut pas la possibilité que le philosophe du Jardin ait voulu renforcer ultérieurement la doctrine atomiste, en exploitant à son avantage le regard critique d’Aristote et son école. Aristote jouerait donc un rôle fondamental pour la compréhension de la réception de la philosophie des premiers atomistes par Épicure, et dans sa réélaboration, en constituant une sorte d’élément clé dans le rapport dialectique entre les deux atomismes. Autrement dit, quand on parle de « la réponse » d’Épicure aux critiques d’Aristote à l’égard de Démocrite, cela ne veut pas dire qu’Épicure répond de manière satisfaisante dans un strict cadre de pensée aristotélicien et cela ne veut pas dire non plus qu’il se défend sans rien changer à sa doctrine (en opposant l’incapacité d’Aristote et de ses disciples à la comprendre). « Répondre à Aristote », pour Épicure, veut dire emprunter ses concepts et les réélaborer dans les termes propres à la philosophie atomiste dans le but de fournir une doctrine solide et satisfaisante, non pas pour les adversaires péripatéticiens mais pour les épicuriens qui doivent se confronter à de tels adversaires. Le résultat de cette dialectique est donc une psychologie (et une philosophie) enrichie et renforcée par l’échange dialectique avec Aristote et ses disciples mais toujours authentiquement atomiste.