Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Revue des lettres modernes. La Violence dans l’œuvre de Samuel Beckett. Entre langage et corps
- Pages : 453 à 458
- Revue : La Revue des lettres modernes
- Série : Samuel Beckett, n° 4
Résumés/Abstracts
Llewellyn Brown, « Samuel Beckett et la violence. Un parcours de l’œuvre »
La dysharmonie engendrée par le langage se manifeste dans la violence du surmoi. La fureur des coups révèle l’insistance de cette voix qui tourmente, et qui suscite une révolte visant à la faire taire. Cependant, le surmoi est aussi aiguillon qui pousse le personnage à l’action. Enfin, l’évolution de l’œuvre conduit de l’affrontement avec des doubles imaginaires, passant par une métonymie incessant, vers un arrêt qui révèle une part réfractaire à l’impératif de dire.
The disharmony produced by language is often manifested by the violence of the superego. The fury of blows reveals the insistence of this tormenting voice, which arouses a revolt in order to silence it. However, the superego is also a goad pushing the character to action. Finally, the work’s evolution leads from the confrontation with imaginary doubles, through ceaseless metonymy, toward a halt which reveals a resistance regarding the imperative to say.
Stéphane Bikialo, « Violence du discours chez Beckett. Les voix de “derrière” »
Chez Beckett, la violence du discours passe par des voix de derrière : celles qui forcent à dire (“voix extorquée”), celles (anonymes) qui relèvent d’un déjà-dit (dialogisme interdiscursif), “soufflées” au sujet, ou encore des “voix chloroformées”, relevant de “l’ordre du discours” et de ses procédures de contrôle. Cette violence – liée à la dépossession du sujet de la maîtrise de son dire, et à la difficulté d’une subjectivation – est envisagée principalement dans L’Innommable et Comment c’est.
In Beckett, the violence of discourse appears in voices from behind : voices that force one to speak (the “extorted voice”), anonymous voices belonging to an already-said (interdiscursive dialogism) “whispered” to the subject, or “chloroformed voices”, belonging to the “order of discourse” and its procedures of control. This violence – associated with the subject’s dispossession of mastery over his saying and the difficulty of subjectivation – is essentially envisaged in The Unnamable and How It Is.
454Cécile Yapaudjian-Labat, « Worstward Ho de Samuel Beckett. La violence du logos »
Logos (parole, raison, raisonnement) et violence semblent antithétiques. Pourtant, le logos recèle une violence qui se manifeste dans sa fonction d’étiquetage d’un monde. Dans Worstward Ho, les mots font, eux aussi, impression sur le monde qu’il s’agit de réduire, afin d’atteindre le néant. Mais cette violence est mise en échec par la révolte des affects, et par l’invention d’une langue de la contre-violence au sein même du discours premier auquel il est fait ainsi violence.
Logos (speech, reason) and violence seem antithetical. However, the logos conceals an internal violence which manifests itself in its function of labelling the world. In Worstward Ho, words also make an impression on the world which they attempt to reduce as much as possible, in order to attain nothingness. But this violence is thwarted by the revolt of affects, and by the invention of a language of counter-violence at the very heart of the first discourse, which thus suffers this violence.
Bruno Geneste, « Samuel Beckett, l’“entre” vivifiant de lalangue et l’hiatus sinthomatique. Contrer ces vérités du Surmoi »
Partant de l’hypothèse que la mélancolie confrontait Beckett aux assauts de l’instance que le langage freudien nomme le Surmoi – situé au point d’insertion du langage sur le corps du parlant –, nous cernons l’originalité de sa réponse via les usages de la musicalité de la langue (lalangue) et la promotion de l’hiatus dans l’écriture. Les derniers développements topologiques de Lacan nous permettent d’en dessiner une configuration nodale, qui éloigne Beckett radicalement de la solution de Joyce.
Working from the hypothesis that melancholy confronted Beckett with the assaults of what Freud calls the Superego – situated at the point of insertion of language in the body of speaking beings –, we define the originality of his response through the usages of the musicality of language (llanguage) and the promotion of the hiatus in writing. Lacan’s latest topological developments allow us to suggest a nodal configuration of this operation that sets Beckett apart from the solution found by Joyce.
Llewellyn Brown, « Doubles et violence dans Molloy de Samuel Beckett »
Les doubles qui structurent ce roman servent à pallier une voix incessante, apportant un terrain soutenu par l’imaginaire. La succession de doubles révèle 455la violence que l’imaginaire ne parvient que partiellement à mettre à distance. Le dire de l’écriture vient afin d’offrir une issue à cette impasse.
The doubles that structure this novel serve to palliate a ceaseless voice, providing a grounding supported by the imaginary. A succession of doubles reveals the violence that the latter can only partially keep at bay. The saying rendered possible by writing offers a way out of this impasse.
Claire Lozier, «Violence du Beckett de Bataille. “Le Silence de Molloy” »
La violence de Molloy s’éclaire au prisme de l’analyse faite par Bataille dans son compte-rendu du roman. Sont considérés : la condition de Molloy, l’usage fait du langage et de la communication – aspects dont Bataille fournit éléments d’analyse et outils critiques pour comprendre la valeur de ce mode de relation problématique. Si la reconnaissance de la violence participant aux rapports humains scelle l’affinité entre les deux auteurs, leur conception respective entérine ce qui les distingue.
The violence of Molloy is clarified through the prism of Georges Bataille’s analysis in his account of the novel. The ideas considered : Molloy’s condition, the use made of language and communication – aspects for which Bataille offers elements of analysis and critical tools to understand the value of this problematic mode of relationship. If the recognition of the violence in human relationships confirms the two authors’ affinity, the conception they each hold reveals what distinguishes them.
Natália Laranjinha, « Samuel Beckett et les meurtrissures du corps »
Nous nous proposons une analyse de la relation interhumaine des personnages où le rapport établi par le couple s’avère empreint de meurtrissures portées au corps. La violence physique vise, entre autres, à effectuer un dressage. Elle établit ainsi une relation quasi sadomasochiste où les rôles paraissent interchangeables. La violence affectant le corps n’épargne pas les autres personnages en dehors du couple, et semble être l’une des formes récurrentes pour créer un rapport avec l’autre.
We undertake an analysis of the interhuman relationships established by couples characterised by the impression of bruises on the body. This physical violence aims, among others, to accomplish training, and violence establishes an almost sadomasochistic relationship with interchangeable roles. The violence affecting the body does not spare the characters outside the couple, and seems to be one of the recurrent forms for creating a relationship with the other.
456Michel Bertrand, « Violence de l’horizontalité chez Samuel Beckett. La boue, les coups, et plus si affinités »
Les difficultés centrales – commencer, continuer, finir – se déploient dans les trois parties du récit du cycle de la boue, dans Comment c’est. La violence se loge dans l’horizontalité et la reptation contre nature auxquelles est contraint l’homme : mise en abyme d’un récit qui ne peut plus s’écrire. La littérature, peut-être l’Histoire, sont susceptibles d’apporter une réponse à cette violence d’une horizontalité évoluant par boucles et par spirales, se disant par bribes et sans ponctuation.
The central difficulties – to begin, to continue, to end – unfold in the three parts of the story of the cycle of mud, in How It Is. Violence is lodged in the anti-natural horizontality and crawling which man is constrained to adopt : in a miniature reflection of a story that can no longer be written. Literature, and perhaps history, can provide a response to this violence of a horizontality evolving by loops and spirals, that is spoken by scraps and without punctuation.
Anthony Cordingley, « Comment c’est de Beckett : le ventriloque à la fourrure »
La violence dans Comment c’est / How It Is est éclairée par le recyclage beckettien d’études portant sur les notions freudiennes du sadisme et du masochisme. La critique nietzschéenne de la raison et du langage fait écho à la manière dont Beckett transforme la rationalisation de la psychologie humaine en une comédie noire révélant l’activité de l’auteur, les relations entre le Je et son sujet narratif, l’apprentissage et la créativité, la mémoire et la récitation, l’original et la traduction.
Violence in Comment c’est / How It Is is studied through Beckett’s recycling of studies pertaining to Freudian accounts of sadism and masochism. Nietzsche’s philosophical critique of reason and language offers a counterpoint to the way Beckett transforms a limited rationalising of human psychology into a dark comedy of authorial activity, of relations between the “I” and its narrative subject, of learning and creativity, of memory and recitation, of original and translation.
Elsa Baroghel, «Samuel Beckett, lecteur de Sade ? Comment c’est et Les Cent Vingt Journées de Sodome »
Les lectures d’un écrivain peuvent en dire long sur ses propres préoccupations esthétiques, surtout lorsqu’elles ressurgissent dans ses œuvres. Le marquis de 457Sade constitua une source d’inspiration importante pour Beckett, en particulier pour Comment c’est, avec ses nombreux échos des Cent Vingt Journées de Sodome. Cette étude comparée permet de localiser la source sadienne dans le texte, afin de mieux comprendre les procédés intertextuels à l’œuvre dans cet univers résolument postmoderne.
A writer’s readings can say a lot about their own aesthetic preoccupations, particularly when they resurface in their works. The marquis de Sade was an important source of inspiration for Beckett, especially for Comment c’est, with its many echoes of the Cent Vingt Journées de Sodome. This comparative study will localise the Sadean source in the text, to allow for a better understanding of the intertextual strategies at work in this resolutely postmodern universe.
Éric Wessler, « La violence comme métaphore de l’écriture dans l’œuvre de Beckett »
La violence chez Beckett est liée à la constitution de la personnalité humaine (filiation, sexualité). Vers 1955, elle subit un changement de traitement profond, tout comme le style de l’auteur. Cette coïncidence révèle que violence et écriture se reflètent ; car Beckett donne à la création littéraire la fonction de rejouer, à travers des scènes de violence, l’acquisition problématique d’une personnalité via le regard d’autrui : la littérature pallie l’accession manquée à l’ordre du langage.
Violence in Beckett is linked to the constitution of the human personality (filiation, sexuality). Around 1955, it undergoes a profound change in its treatment, as does the author’s style. This coincidence reveals that violence and writing reflect each other ; since Beckett ascribes to literary creation the function of rehearsing, through scenes of violence, the problematic acquisition of a personality via the gaze of others : literature palliates the failure to accede to the order of wisdom.
Anne-Cécile Guilbard, « Beckett et la Violence du voir. “Voir à mort” »
L’agressivité verbale que manifeste Beckett dans la critique d’art résonne avec un rapport constamment violent du dire au voir dans l’œuvre. L’auteur dénonce autoritairement l’abus de pouvoir de la langue sur l’œil, que ce soit dans ses textes ou dans les discours qu’il force les spectateurs de ses téléfilms à entendre ou à tenir. Au-delà d’une équivalence du “mal vu mal dit”, il semble, en fait, mettre en relief une vulnérabilité du vu face à l’incompétence dévastatrice du dit.
458The verbal aggressiveness Beckett manifests in art criticism resonates with a constantly violent relationship to saying and seeing. The author denounces in an authoritarian manner the abuse of the powers of language over the eye : both in his texts and in discourses he forces the spectators of his television films to hear or deliver. Beyond the equivalence of “ill seen ill said”, it seems to bring to the fore the vulnerability of the seen with regards to the devastating incompetence of the said.
Eri Miyawaki, « Une violence invisible du regard chez Beckett. La rupture entre le voyant et le vu dans l’œuvre ultérieure »
Les œuvres des années Soixante et Soixante-dix se caractérisent par l’élaboration d’un regard austère et invisible. Brisant la possibilité d’un échange égalitaire entre voyant et vu – s’apparentant au couple bourreau / victime – Beckett remet en cause la présence du “percevant non perçu” sartrien détaché du monde visible. Dans sa quête d’un point de vue convenable et sa tentative de dépasser ce dualisme, ses textes élaborent souvent une critique virulente de la philosophie de la vision.
The works of the Sixties and Seventies are characterized by the development of an austere and invisible gaze. Breaking with the possibility of shared exchange of glances between the seer and the seen, akin to the executioner / victim couple, Beckett questions the presence of a “non perceived perceiver” standing apart from the visible world, as described by Sartre. In his search for a suitable vantage point and an attempt to overcome dualism, his texts often become a virulent criticism of the philosophy of vision.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-5023-5
- EAN : 9782812450235
- ISSN : 0035-2136
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-5023-5.p.0453
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 20/01/2017
- Périodicité : Mensuelle
- Langue : Français