La première partie du présent travail propose un tracé initial des caractères distinctifs de la vertu de prudence tel que l’envisagent Montaigne et Gracián. Dans cette partie, il en sera notamment question des contours et des reliefs définitoires et symboliques les plus saillants. De quelles manières cette notion est-elle définie et métaphorisée à travers les textes étudiés ? Autour de quels axes thématiques et imaginaires ces représentations tendent-elles à s’organiser ? Y-aurait-il des convergences d’un auteur à l’autre entre ces représentations ? Voici quelques-unes des questions qui orienteront les pages qui suivent et dont il est possible d’amorcer quelques réponses dans ces lignes préliminaires. Nous constaterons en effet la saillance de quelques images et schémas à travers les thématisations de la prudence qui s’élaborent d’un corpus à l’autre. La prudence se signale d’abord par des fonctions hégémoniques et économiques souvent sous-tendues par des imaginaires de profondeur et d’élévation ainsi que personnifiées par des figures situées au pinacle de diverses hiérarchies. Ce sont les aspects qui seront abordés dans les deux premiers chapitres de cette partie. L’un comme et l’autre auteur tendent également à assigner à cette notion des caractères et des indices inscrits dans le monde naturel, le corps humain, le passage du temps et la vie en société. Les modes de visibilité de la prudence en lien avec ces thèmes feront l’objet des cinq chapitres subséquents.