[Introduction de la première partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Première Loi du royaume. L’acte de fixation de la majorité des rois de France (1374)
- Pages : 65 à 65
- Collection : Histoire du droit, n° 9
La première erreur serait de négliger la tradition historiographique qui entoure l’acte. Toute insatisfaisante qu’elle puisse rétrospectivement paraître par certains aspects, elle est riche, et même d’une richesse extrême, si l’on songe que ce texte n’a jamais cessé d’être commenté, du xive au xxie siècle. On touche dans ce maniement continu, exceptionnel, qui fait passer insensiblement du plein Moyen Âge à l’histoire scientifique à travers l’érudition du Grand Siècle et des Lumières, à la nature particulière de ce texte dont la centralité dans la pensée politique française ne s’est jamais démentie, tant qu’il est resté une possibilité qu’un roi mineur exerce le pouvoir en France, c’est-à-dire fort tard1. Paradoxalement, on le verra, les basses eaux de la recherche sur la loi correspondent plutôt au décollage de la « médiévistique » scientifique, pré-positiviste et positiviste, et, dans une certaine mesure, au début du xxe siècle. Avant d’envisager ce problème, il importe toutefois de revenir au moins succinctement, après bien d’autres, sur les conditions de création et de promulgation de cette « première loi du royaume ».
1 La question de l’accession à la majorité des rois mineurs, une dernière fois directement d’actualité au début du règne de Louis XV, a encore fort inquiété les milieux légitimistes qui ferraillaient entre « henriquinquistes », partisans de la reconnaissance de la double abdication de Charles X et du dauphin au profit du duc de Bordeaux en 1830, et « carlistes », dans la décennie 1830, après la dernière chute des Bourbons. Les deux têtes découronnées ayant reconnu pour leur part au moins officiellement la validité de leur acte d’abdication, l’accession à la majorité d’Henri V à treize ans révolus, en 1833, donna lieu à un ensemble de manifestations à caractère semi-folklorique, semi-politique en France, dans les milieux légitimistes, et à Prague (où la famille royale s’était alors installée, en bénéficiant de l’hospitalité de l’empereur d’Autriche). Ces épisodes quelque peu pathétiques, racontés à sa manière toute personnelle de « réactionnaire de charme » par Chateaubriand dans les Mémoires d’Outre-Tombe, avaient encore un certain poids dans le contexte politique mal assuré du début de la monarchie de Juillet.