Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: La Mémoire des révoltes en Europe à l’époque moderne
- Pages: 453 to 458
- Collection: Constitution of Modernity, n° 14
Résumés
Jesús Gascón Pérez, « “La verdad sencilla y desnuda de los sucesos de Aragón”. Memoria, olvido y proyecto político en las obras sobre la rebelión de 1591 contra Felipe II »
Les Aragonais qui ont écrit sur la rébellion de 1591 prétendent, comme Lupercio de Argensola, exposer « la vérité simple et nue des événements d’Aragon ». Cependant, dans leurs discours est perceptible un processus sélectif de mémoire et d’oubli, visant à appuyer un projet politique concret. Ce travail explore ce processus, influencé par les limites du métier d’historien, par la situation difficile après le conflit et par le changement de paradigme historiographique enregistré à l’époque.
Anne-Lise Richard, « Entre interprétations et omissions. Les Germanías de Valence dans quelques textes historiographiques espagnols de l’époque moderne au xixe siècle »
Cette contribution confronte plusieurs interprétations des Germanías de Valence, dans des récits castillans et valenciens du xvie au xixe siècle, en mettant en valeur une évolution concernant l’identification des responsables et de la nature de l’événement. D’abord attribuée à un peuple violent dressé contre l’autorité royale, la révolte est progressivement perçue comme un moyen de s’affranchir face à une noblesse toute-puissante, le peuple devenant le porte-parole de cette volonté d’indépendance.
Alexandra Merle, « Interprétations et échos des Comunidades de Castille de l’historiographie à la réflexion politique dans l’Espagne moderne »
Cette contribution met en évidence la corrélation entre historiographie et littérature politique à propos des Comunidades de Castille : tandis que les interprétations du soulèvement dans les chroniques espagnoles de l’époque moderne occultent un pan des aspirations des révoltés et les principes théoriques 454présents dans leurs revendications, la place de cet événement dans la réflexion politique sur les révoltes est particulièrement discrète et souvent limitée à des emplois convenus, jusqu’à l’essor du libéralisme.
Marion Bertholet, « Écritures, mémoires et usages politiques d’une révolution manquée. La conjuration des Pazzi et la révolte des Florentins (1478) dans l’historiographie des Lumières à Sismondi »
Au xviiie siècle, le complot des Pazzi était utilisé par les auteurs des Lumières pour dénoncer la violence d’une époque durant laquelle des princes aussi légitimes que les Médicis pouvaient être la proie des plus odieux calculs politiques. Sismondi, au début du xixe siècle, introduit une nouvelle lecture : celle du tyrannicide. Les Pazzi souhaitaient rendre la liberté à leur cité asservie politiquement et redonner à leurs concitoyens les moyens d’agir pour la res publica.
Éric Leroy du Cardonnoy, « Clio, une muse mineure ? ou l’Histoire du soulèvement des Pays-Bas de Friedrich Schiller »
Au cours de la brève période (1788-1790) où Schiller se consacre à la discipline historique, il met en place une réflexion sur la liberté et le despotisme. L’esthétisation de l’histoire est selon lui nécessaire, car la connaissance scientifique et le beau ou l’art ont des affinités structurelles, conférant à l’histoire son caractère éducatif. L’Histoire du soulèvement témoigne d’une mise en forme possible de l’histoire et constitue un maillon dans l’évolution de l’historiographie en Europe aux xviiie et xixe siècles.
Laura Casella, « Mémoire de la révolte et mémoires de famille. La crudel zobia grassa (1511) dans les livres de famille du xvie siècle : brève histoire des manuscrits et des éditions »
Cette contribution traite de la transmission de la mémoire d’une des plus sanglantes révoltes italiennes du xvie siècle, la « crudel zobia grassa », survenue à Udine le 27 février 1511. De nombreux écrits qui rapportent cet épisode dans les décennies suivantes font partie des livres de famille rédigés par les victimes de la violence. Ces sources sont en même temps des narrations historiques publiques et privées, entremêlant la mémoire familiale et la chronique politique.
455Ann Hughes, « Taking Account and Making Memories in the English Civil War »
L’étude des archives comptables constituées à la suite des destructions occasionnées par la guerre civile anglaise permet de restituer la manière dont une partie significative de la population a interprété et préservé la mémoire des années 1640. Dans le cadre d’une procédure étatique destinée à dédommager les victimes des affrontements, les communautés locales s’impliquèrent activement dans la production d’un récit détaillant les préjudices subis, tant matériels que psychologiques.
Stéphane Jettot, « De la dissimulation à la commercialisation. Les mémoires familiales de la première révolution anglaise (1660-1740) »
À travers l’exemple du souvenir de la révolution anglaise de 1640 est analysé le passage progressif d’une mémoire confinée dans le for privé des familles à des opérations de publication sélective. Dans un premier temps, les contemporains se livrent à une censure mutuelle de leurs souvenirs. Puis le renforcement de la métropole londonienne comme le principal centre politique et culturel conduit à la publication de compilations de dictionnaires généalogiques facilitant l’expression de mémoires antagonistes.
Vincent Challet, « Entre oubli et résurgence. Le souvenir des révoltes paysannes dans l’Occident médiéval »
La mémoire des rébellions paysannes, ordinairement souterraine, n’apparaît que réinvestie par un nouvel épisode de contestation réactivant une gamme de gestes, de mots et d’attitudes. Les communautés villageoises fonctionnaient comme autant de microsociétés mémorielles entrecroisant dans leurs souvenirs le rappel de vastes rébellions et celui de séditions plus localisées dans un entrelacs de fragments mémoriels et de conduites pragmatiques. Elles se forgeaient ainsi une « mémoire insurgée », élément essentiel de leur identité.
Jan Dumolyn et Jelle Haemers, « “We Will Ask for a New Artevelde”. Names, Sites, and the Memory of Revolt in the Late Medieval Low Countries »
Après les conflits urbains survenus dans les Pays-Bas à la fin du Moyen Âge, les autorités, les princes tout comme leurs sujets et les révoltés façonnèrent divers 456récits autour des défaites ou des victoires. Ce chapitre montre l’importance de l’évocation des noms (ceux des principales révoltes urbaines, de leurs meneurs ou des factions), et celle des espaces où se déroulèrent les conflits, instruments privilégiés de ces politiques mémorielles.
Éva Guillorel, « La mémoire comme moteur de la révolte. Réflexions autour du rôle subversif des traditions orales dans l’Europe moderne »
En quoi la transmission de traditions orales évoquant le souvenir de révoltes passées peut-elle influencer l’irruption ou le déroulement de soulèvements ultérieurs ? En quoi la mémoire orale peut-elle être un acteur et parfois même un des moteurs de la révolte, en se faisant l’écho d’événements subversifs passés ? Cette question est abordée à travers des exemples européens basés sur des traditions diverses – chansons, légendes et prophéties – entre la fin du Moyen Âge et la Révolution française.
José Luis Egío, « “Restaurar el reino de Francia en su antiguo esplendor”. Percepción y fundamentación histórica en la sublevación de los malcontents (1574-1576) »
L’usage de l’histoire fut fondamental dans la justification du soulèvement des « Malcontents ». Dans les écrits analysés (tels que ceux de Gentillet, qui par ailleurs attaque les compétences de Machiavel comme « polyhistor ») le soulèvement est comparé à la Ligue du Bien public (1465) ou à la Guerre folle (1485-1488), tandis que les révoltes populaires des Maillotins et des Chaperons blancs (1380-1383) sont évoquées pour souligner par contraste les objectifs « restaurateurs » des révoltés.
Alberto Rodríguez Martínez, « Negociación, sublevación y concierto. Memoria e imagen de la revuelta de Flandes en los Países Bajos meridionales durante la negociación de la Tregua de los Doce Años (1598-1609) »
Après 1598, le rapprochement diplomatique initié par les archiducs avec les Provinces Unies fut suivi de près en Espagne, et au Conseil d’État s’exprimèrent des préoccupations au sujet des contacts entre les sujets catholiques des Pays-Bas des Habsbourg et les rebelles néerlandais. La mémoire des anciens épisodes de révolte et la peur d’un nouveau soulèvement général aux Pays-Bas ont toujours été à la base de la réticence des conseillers devant la négociation avec l’ennemi.
457Manuel Herrero Sánchez, « La memoria de la revuelta de Flandes en la toma de decisiones y en la acción política de la Monarquía Hispánica entre 1630 y 1700 »
Le but de ce chapitre est de souligner l’impact considérable que la mémoire de la révolte des Pays-Bas a eu sur la pratique quotidienne du gouvernement dans la monarchie hispanique tout au long du xviie siècle. Les événements révolutionnaires renforcèrent le maintien du respect des privilèges locaux dans le reste des domaines placés sous la juridiction du roi catholique et agirent comme un facteur déterminant pour maintenir le modèle de gouvernement polycentrique de cette structure impériale.
Diego Pizzorno, « The Ever-impeded Revolt. The Seventeenth-century Genoese Conspiracies and their Memory »
Le coup d’État est un fil rouge dans l’histoire de Gênes. Le dernier coup réussi, celui de Doria en 1528, a donné à la République une structure qui, malgré l’insurrection de Fieschi (1547) et une guerre civile (1575-1576), a trouvé sa stabilité. Cet essai contient deux exemples antithétiques de manipulation effectuée au xviie siècle par l’oligarchie génoise sur la mémoire des épisodes insurrectionnels : le coup de Leveratto, couvert par l’oubli, et celui de Vachero, voué à la damnatio memoriæ.
Domenico Cecere, « History in the service of order. The memory of popular revolts in the public domain and in judicial practices (Kingdom of Naples, 17th-18th century) »
Après l’étouffement de la révolte antiespagnole qui ravagea l’Italie du Sud en 1647-1648, le spectre de Masaniello continua de hanter la conscience des groupes privilégiés. À travers l’examen des récits des émeutes et des traités de certains juristes, l’article analyse les raisons pour lesquelles les protestations populaires survenues dans le Royaume de Naples jusqu’à la fin du xviiie siècle furent souvent perçues, en référence à la révolte de Masaniello, comme des éclats de fureur plébéienne.
Ulrich Niggemann, « Contested Memories. The Revolutions of the Past in Eighteenth-Century Britain »
Ce chapitre analyse l’utilisation de la mémoire des deux révolutions anglaises (1640 et 1688-1689) dans le contexte des affrontements politiques 458et religieux du xviiie siècle. Les partis whig et tory ont mobilisé les souvenirs de ces révolutions pour se discréditer mutuellement auprès des monarques. Après 1760, ces oppositions partisanes commencent à s’étioler avec l’émergence de mouvements réformateurs qui conduisent à la réhabilitation de certains segments de la révolution de 1640 aux dépens de celle de 1688-1689.
- CLIL theme: 4127 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie éthique et politique
- ISBN: 978-2-406-08254-5
- EAN: 9782406082545
- ISSN: 2494-7407
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08254-5.p.0453
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-03-2018
- Language: French