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Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : La Lettre clandestine
2024, n° 32. La littérature philosophique clandestine et l’Allemagne - Auteurs : Israel (Jonathan), Artigas-Menant (Geneviève), Coissard (Guillaume)
- Pages : 273 à 296
- Revue : La Lettre clandestine
Réflexions morales et métaphysiques sur les religions et sur les connaissances des hommes. Manuscrit clandestin attribuable à Camille Falconet (1671-1762). Édition et notes par Antony McKenna et Gianluca Mori, Paris, Honoré Champion, 2023.
On ne s’attendrait guère à ce que l’un des manuscrits clandestins français les plus rares de la fin du xviie et du début du xviiie siècle attire l’attention et fasse l’objet des analyses de deux des spécialistes les plus accomplis dans le domaine de la philosophie clandestine, Antony McKenna et Gianluca Mori, au point qu’ensemble ils éditent et publient non seulement le texte de 284 pages mais qu’ils l’accompagnent aussi d’une étude approfondie et d’une annotation qui occupent 325 pages supplémentaires. En lisant leur édition, on est étonné, d’autant plus qu’ils affirment dès le début de l’introduction que les Réflexions morales et métaphysiques n’ont guère circulé dans la première moitié du dix-huitième siècle et que, autant qu’on le sache, elles n’ont jamais fait l’objet d’un commentaire explicite tout au long du siècle des Lumières.
L’œuvre est restée jusqu’à présent si peu remarquée dans la littérature critique sur la philosophie clandestine que, dans sa liste impressionnante de 2013, Miguel Benítez ne la mentionne pas parmi les manuscrits intitulés Réflexions dans sa liste quasi-exhaustive des manuscrits philosophiques clandestins connus1. Ni le texte ni celui qui en est presque certainement l’auteur, Camille Falconet (1671-1762), ne sont mentionnés dans le seul ouvrage important publié récemment en anglais sur les manuscrits philosophiques clandestins, Clandestine Philosophy. New Studies on Subversive Manuscripts in Early Modern Europe, 1620-1823, paru en 2020, et ils ne sont mentionnés ni dans mes propres études sur les Lumières radicales, ni dans les excellentes études parues au cours de ces dernières années portant sur l’« athéisme » au siècle des Lumières publiées par Kors, Curran, Devellenes et Mori lui-même. Cependant, l’œuvre en question méritait bien l’effort des éditeurs : leur édition 274est un apport très précieux à la littérature critique sur la philosophie clandestine.
La première partie de l’Introduction se lit presque comme un roman policier, qui nous guide d’un rare indice à l’autre avec une adresse qui finit par convaincre le lecteur – en combinant l’élimination des candidats possibles et l’accumulation des indices pertinents – que l’auteur jusqu’ici anonyme avait en effet des liens étroits avec Lyon, qu’il était membre de l’Académie de Lyon vers 1700, date à laquelle les Réflexions ont commencé à circuler, qu’il a passé pratiquement tout le reste de sa vie à Paris, qu’il s’intéressait passionnément à la « nouvelle philosophie » de Descartes, Pascal, Spinoza, Malebranche et Fontenelle en particulier, et qu’enfin il ne pouvait être que le très érudit Camille Falconet, qui se révèle être une figure remarquable des Lumières – même si on ne trouve pas son nom dans les ouvrages de Kors, Benítez, Israel, Devellennes et autres. Margaret Jacob le mentionne dans son ouvrage The Radical Enlightenment, lorsqu’elle évoque les cafés parisiens fréquentés par les libres penseurs dans les années 1720 et les cercles académiques, où l’on pouvait rencontrer des académiciens admirateurs de Spinoza2. Falconet était en effet un académicien, mais surtout un médecin de la haute société, lui-même issu d’une famille éminente avec des liens à la Cour. En tout cas, il n’y a aucun doute qu’il admirait Spinoza, ou du moins le spinozisme, ce qui mérite notre attention.
Pour autant qu’on le sache, Falconet n’a fait qu’une véritable tentative pour faire publier ses Réflexions – à Rotterdam en 1715 – sans succès. Puisque son texte est resté inédit et que, manifestement, il n’a guère circulé sous forme manuscrite avant sa mort, et puisqu’il n’a rien publié d’autre en dehors de quelques thèses médicales de peu d’intérêt et quelques communications académiques, on peut bien se demander comment on peut prétendre qu’il a joué un rôle significatif dans les réseaux qui ont préparé les Lumières françaises. La réponse est que, après s’être établi à Paris en 1707, il a constitué une des plus belles et des plus grandes bibliothèques parisiennes, dont une grande partie a été léguée par la suite à la Bibliothèque royale. Non seulement il l’a constituée, mais il y invitait de jeunes auteurs talentueux, parmi lesquels Du Marsais, d’Alembert et, vers la fin des années 1740, Diderot 275et Rousseau, et mettait sa bibliothèque à la disposition des principaux rédacteurs de l’Encyclopédie à l’époque de la préparation des premiers volumes3. Falconet est mentionné à plusieurs reprises dans l’étude classique de Paul Vernière, qui affirme qu’il était, en effet, un grand bibliophile et un grand admirateur de Spinoza, membre de l’Académie des inscriptions et des belles lettres à partir de 1716, et que figuraient dans sa bibliothèque non seulement les œuvres de Spinoza mais aussi la réfutation latine par Van Mansvelt et également celles de Wolzogen, Velthuysen, François Lamy et d’autres, aussi bien que la biographie par Colerus. De plus, Falconet connaissait Toland, a édité le Cymbalum Mundi en 1732, et a été pendant longtemps un pilier du salon de Mme Marie-Anne Doublet (1677-1771), où il fréquentait Bachaumont, Dortous de Mairan, Mirabaud et d’autres libres penseurs. Il connaissait apparemment assez bien par ailleurs Boulainvilliers, Fréret et Fontenelle4.
Dans ses Réflexions, Falconet s’abstient de mentionner de façon élogieuse la personne ou l’œuvre de Spinoza et de se présenter explicitement comme un admirateur du spinozisme. Malgré les dimensions considérables de son ouvrage philosophique, il est frappant de voir combien Falconet se retient de citer les auteurs majeurs qui servent de points de repère de sa pensée. Manifestement, il s’agit ici moins de prudence que d’une réticence à faire appel à des penseurs qui font autorité. C’est ainsi qu’il ne mentionne aucun des philosophes anciens et qu’il omet de nommer Pascal, Leibniz, Bayle, Malebranche et d’autres, ne mentionnant que Descartes, qu’il ne cite d’ailleurs qu’une seule fois5. Quant à la collection de spinozana, je ne suis pas tout à fait d’accord avec McKenna et Mori lorsqu’ils affirment que la « collection “spinoziste” de Falconet est remarquable au xviiie siècle : il possède l’édition originale des Principia philosophiae cartesianae (1664), les Opera posthuma, et la traduction du Traité théologico-politique (1678), ainsi que plusieurs réfutations du spinozisme6 » et il se peut qu’une telle collection ait été rare à cette époque en France, où la censure était rigoureuse et où il n’était pas facile d’obtenir des exemplaires d’ouvrages anciens qui n’avaient pas été réédités en Hollande. Mais si on la compare à de nombreuses bibliothèques allemandes, hollandaises 276et scandinaves – et même à certaines bibliothèques en Angleterre, où l’intérêt pour l’œuvre de Spinoza était toujours moindre que sur le continent – la collection de Falconet n’avait rien de remarquable. Si on tient compte de la prolifération extraordinaire de réfutations de Spinoza pendant cinquante ans jusqu’en 1720, on pourrait même affirmer que la collection de Falconet était plutôt maigre par rapport aux dimensions de sa bibliothèque – à moins qu’elle ait abrité d’autres ouvrages spinozistes ou anti-spinozistes que ceux cités par Vernière, McKenna et Mori. Bayle avait une collection plus abondante de spinozana dès 1679.
Quoi qu’il en soit, McKenna et Mori ont certainement raison de désigner les Réflexions morales comme « un des textes les plus profonds de la littérature clandestine du xviiie siècle », grâce à la capacité de l’auteur d’approfondir ses lectures et de débattre d’égal à égal avec les grands penseurs de son temps. Ce qu’il importe de souligner est que, comme Boulainvilliers, Falconet était un spinoziste convaincu concernant les religions établies, la morale, le monde, Dieu, le déterminisme et la place de l’homme dans le monde, et qu’il a même pu introduire une dose d’originalité dans son spinozisme. Puisque, comme Spinoza, il conçoit la réalité comme une seule substance, Falconet répète souvent que la variété et la diversité apparentes du monde qui nous environne est en fait parfaitement uniforme avec des variations qui se produisent de façon en quelque sorte secondaire. Ainsi, par exemple, toutes les religions établies sont à son avis également fausses, n’étant que des artifices qui se fondent sur l’ignorance des fidèles, mais elles remplissent toutes les mêmes fonctions fondamentales, politiques et sociales, permettant aux sociétés de construire un cadre moral et juridique convenu, et la diversité des moyens qu’elles y emploient n’est que superficielle.
Falconet envisage toutes les catégories – qu’il s’agisse de plantes, d’animaux, d’oiseaux, de langues ou de peuples différents – comme étant fondamentalement des unités avec une diversité superficielle, suivant ce que McKenna et Mori désignent comme sa « double loi d’uniformité et de variété7 ». « La loi d’uniformité regarde l’essence et la nécessité des choses, la variété ne tombe que sur les différences et les accidents. Ces deux lois sont constantes et immuables ; elles sont l’âme de cet univers » (p. 452). La source de cette double loi d’uniformité et de variété est désignée par McKenna et Mori comme étant surtout l’œuvre 277de l’ami de Falconet, Jean Terrasson (1670-1750), qui croyait la déduire des publications de Malebranche et de Fontenelle.
Le « Dieu » de Falconet engendre toutes choses mais il n’est pas une divinité savante, sage, créatrice, qui juge et qui récompense, et il est loin d’être tout-puissant. Et même, il n’a aucune capacité de faire ou de ne pas faire telle et telle chose, mais il existe plutôt comme le principe universel de l’unité du tout selon des lois invariables qui constituent l’essence de son être. Falconet refuse d’attribuer une quelconque liberté et des traits anthropomorphiques à Dieu, ce qui, souligne-t-il, « détruit toute idée de religion8 ». De plus, aux yeux de Falconet, ces principes ne détruisent pas seulement toutes les religions établies mais aussi l’épicurisme. Falconet rejette complètement l’élément du « hasard » sur lequel les épicuriens ont élaboré leur athéisme, puisque les atomes dont la matière est composée ne peuvent pas constituer un facteur actif supérieur à la matière elle-même ; ils ne sauraient constituer l’agent sans lequel auraient manqué les lois et l’uniformité avec la diversité qui règnent dans tout l’univers. C’est là une étape cruciale dans son système, car il était courant que des apologistes chrétiens respectent la règle (brandie par Le Clerc, Henry More et beaucoup d’autres) de réfuter l’« athéisme » de leur époque sans mentionner ou attirer l’attention sur tel ou tel « athée » contemporain – surtout sur Spinoza – et de viser plutôt sans trembler les « épicuriens » comme leur cible et comme les représentants de l’ensemble des « athées ».
Il y avait une conscience et un malaise dans les cercles élevés du clergé en France, dès les années 1680, que la diffusion clandestine du spinozisme touchait de façon inquiétante les libres penseurs de l’époque – une évolution plus inquiétante que tout autre événement intellectuel récemment interdit9. Pour cette raison, afin d’en empêcher la diffusion, la stratégie de passer Spinoza sous silence – stratégie suivie couramment en Hollande, en Allemagne et en Grande-Bretagne aussi bien qu’en France jusqu’à la fin des années 1690, moment où elle a été renversée par Bayle, qui évoque Spinoza à tout moment dans son Dictionnaire – était rigoureusement maintenue par les apologistes pendant un quart de siècle, y compris par Le Clerc et par Fénelon dans sa Demonstration de l’existence de Dieu (1715) – avec laquelle Falconet dialogue dans ses 278Réflexions. Les désavantages de cette stratégie n’étaient que trop évidents au début du dix-huitième siècle, mais elle a été maintenue, ce qui explique que l’adversaire de Malebranche, le jésuite Tournemine, ait ajoutée sa célèbre réfutation explicite de Spinoza à la seconde édition de la Démonstration de Fénelon en 1718, remplissant ainsi la lacune devenue trop évidente qui affaiblissait l’argumentation de Fénelon lui-même. « Et comment », demande Falconet, écartant l’épicurisme comme peu pertinent, « les atomes peuvent-ils par leurs rencontres former constamment tant d’espèces différentes d’êtres sans être eux-mêmes quelque chose de supérieur à leur ouvrage ? » Falconet vise expressément l’épicurisme. Le Dieu des Réflexions est indubitablement « un Dieu spinoziste », comme le formulent McKenna et Mori.
Il est significatif que le père jésuite René-Joseph Tournemine (1661-1739) ait préparé son appendice à la Démonstration de Fénelon au moment même (1715) où Falconet tentait de faire publier ses Réflexions en Hollande, or c’est Tournemine qui, au cours de sa réfutation de Spinoza, introduit le concept d’immatérialisme en son sens moderne. Tournemine a bien saisi que le spinozisme n’est pas à strictement parler un matérialisme mais un immatérialisme qui abolit fondamentalement la distinction entre la matière et l’esprit. Falconet adhère fortement au principe que « tout est Dieu et esprit » : tout émane de là et il n’existe pas de matière pure. Maintenant que nous savons que Tournemine n’avait pas lu un mot de Berkeley, McKenna et Mori font la suggestion intéressante que c’est probablement par des connaissances communes – telles que Fréret – que Tournemine se saisit du terme immatérialisme – c’est-à-dire, dans la pratique, la doctrine de la substance unique – des spinozistes, tenant compte du fait que, pour Falconet et ses semblables, tout est sensible, comme Falconet l’exprime, le monde entier « n’est composé que d’êtres pensants » (p. 161-165).
Bien entendu, Falconet n’est pas un spinoziste à tous égards. D’une part, il est beaucoup plus sceptique quant aux capacités de la raison humaine : « je n’aime pas à suivre la superstition qui croit tout, ni le pyrrhonisme qui ne croit rien. Croire tout est au-dessus de la raison, et ne croire rien est au-dessous. La superstition rend un homme fou, et le pyrrhonisme en fait un furieux » (p. 364). Falconet cherche une voie moyenne entre ces deux extrêmes. Méfiant à l’égard de toutes les sciences, il rabat la mathématique, comme Bayle et plus tard Diderot, 279à un statut d’incertitude, d’irréalité et d’abstraction vide (p. 356-363), qui aurait plu à Gödel plus qu’à Spinoza. À ses yeux, la mathématique n’est pas infaillible et ses vérités ne sont pas évidentes. Mais il est proche de Spinoza sur la plupart des questions, et le statut important de Falconet et de ses Réflexions comme un chaînon dans la diffusion du spinozisme en France est indéniable, puisque nous savons désormais que l’importance historique du système de Spinoza dans l’élaboration de la pensée de Bayle, de Leibniz, de Toland et de Diderot était bien plus grande, plus soutenue et plus décisive qu’on ne le croyait autrefois. Des études récentes ont aussi montré que Montesquieu, Voltaire et Rousseau ont tous bataillé avec la philosophie de Spinoza dans les coulisses tout au long de leur carrière intellectuelle, encore une fois bien plus intensément qu’on ne le croyait autrefois. Une des sections les plus significatives de la longue introduction proposée par les éditeurs est la prise en compte du texte de Falconet comme source possible de différents passages des écrits de Rousseau.
Cela dit, il reste une question importante à poser. Est-ce que les Réflexions nous permettent de juger si la métaphysique du spinozisme, la conception de Dieu, du monde et de l’homme qui émane du système de Falconet, implique nécessairement des convictions morales et sociales qui définissent les Lumières radicales – c’est-à-dire le refus de toute autorité religieuse et un penchant favorable au républicanisme démocratique ?
En fait, dans ses Réflexions, Falconet ne restreint aucunement sa pensée à la métaphysique du spinozisme. Loin de là. Alors qu’il est typiquement spinoziste en jetant à la poubelle toute philosophie antérieure, une grande partie de son texte est constituée par un survol de la misère et de l’ignorance humaines, par la discussion du fonctionnement de la société : pourquoi les hommes dépendent drastiquement les uns des autres, pourquoi la misère et l’esclavage règnent partout de tout temps, et comment et pourquoi l’ignorance humaine et les croyances fausses rendent le monde encore plus misérable qu’il n’est nécessaire. Sa vision du monde est très largement pessimiste. Les hommes s’imaginent qu’ils sont supérieurs aux autres animaux ; ils se trompent complètement. « Tout bien considéré, il n’est point d’animal si aveugle et si vil que les hommes » (p. 321). Néanmoins, il faut s’appliquer aux sciences et, au moyen des connaissances acquises, nous pouvons rendre la vie des hommes – et la nôtre – moins misérable. Les hommes les plus heureux, affirme-t-il, sont 280ceux qui mènent leur vie avec prudence et avec discernement, et plus les sciences se diffusent, plus de tels hommes sont nombreux. Dans le reste de l’humanité, l’amour-propre s’accompagne d’aveuglement et de brutalité : « ceux-ci ne sauraient être que bien misérables : voilà en un sens toute leur punition. Ceux-là sont persuadés que la santé du corps et la tranquillité d’esprit font leur félicité en ce monde » (p. 467) et savent qu’ils ne jouiront ni de l’une ni de l’autre sans la modération de leurs appétits « et par un usage prudent des égards et de l’amour que l’on doit à son prochain ».
Falconet adopte alors une philosophie morale parfaitement spinoziste, fondée sur la réalité inévitable de l’amour-propre et de notre quête de bonheur dans ce monde. Si les hommes apprenaient à mieux connaître leur véritable nature et celle de l’humanité, et s’ils accédaient à une véritable connaissance éclairée, alors il en résulterait des conséquences merveilleuses : « il régnerait toujours entre eux une paix délicieuse et profonde et une inclination réciproque de se faire plaisir » (p. 468). La tranquillité et le discernement que les hommes devraient rechercher sans relâche dérivent toujours et nécessairement, non pas d’eux-mêmes et de leurs plaisirs mais de leur union avec Dieu, c’est-à-dire avec la totalité de tout ce qui est, et de leur meilleure compréhension de l’unité de l’univers en son essence unie et en sa diversité apparente. En s’unissant à Dieu par la recherche de la connaissance, on peut, malgré la misère habituelle de cette vie, s’élever à la joie de vivre dans ce monde et plus on médite sur l’infinie grandeur de la majesté divine, « plus notre bassesse devient sensible et plus notre félicité devient grande » (p. 533).
La personne véritablement philosophique, « ce philosophe éclairé », qu’il soit magistrat, ecclésiastique, un roi qui songe surtout aux moyens de « rendre ses sujets parfaitement heureux » (p. 506), ou l’homme de la rue qui réfléchit de façon profonde et juste, est toujours le modèle de l’homme le plus éclairé et le plus heureux. Mais tout le monde ne peut pas être philosophe. Les bénéfices de la philosophie doivent donc se répandre plus largement d’une autre manière. Falconet partage donc avec Spinoza et avec tous les spinozistes le concept de la « véritable religion », très différente de toutes les religions établies, utile surtout à ceux qui sont incapables de penser de façon philosophique – une religion donc qui est organisée et qui comporte des cérémonies, mais qui est réalisée et appréciée uniquement à travers ce que Falconet désigne comme « la 281pratique d’une morale pure et sainte » (p. 480). Cependant, une telle réforme morale et la diffusion de la « véritable religion » sont parfaitement impossibles si les circonstances politiques ne sont pas d’abord fondamentalement transformées, de telle sorte que les princes et les législateurs visent sans relâche le bien-être et le bien commun de leur peuple comme une priorité essentielle, plutôt que leur propre ambition, leur gloire et les autres préoccupations habituelles des souverains.
Un tel mécanisme pour la transformation de la politique et de la société, partout où il est mis en place, peut seul permettre de réaliser les progrès de l’humanité (p. 479-488, 506-508). Voilà la réponse à notre question. À partir de 1680, le spinozisme est devenu la colonne vertébrale des Lumières radicales en France, et les Réflexions de Falconet illustrent parfaitement comment cette évolution s’est réalisée – sous la surface officielle et publique de la vie intellectuelle, scientifique et académique – secrètement, subversivement et efficacement.
Jonathan Israel
School of Historical Studies
Institute for Advanced Study
Princeton
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Miguel Benítez, L’Antichristianisme des Lumières. Judaïsme et déisme dans les écrits clandestins des frères Lévesque. Textes en grande partie inédits, présentés et annotés, Paris, S.É.H.A./Milan, ARCHÉ, 2023, 3 vol., 1393 p.
Textes « en quête d’auteur », les manuscrits philosophiques clandestins n’ont pas fini de provoquer les recherches, les interrogations, les hypothèses, les discussions, les vives passions même ! C’est leur 282particularité, leur intérêt … oserait-on dire leur séduction ? Car il faut bien avouer qu’ils ne sont pas toujours, pas souvent, des modèles de prose ni d’éloquence, tout en étant captivants par leur nature complexe : anonymat, accumulation d’emprunts, hybride de création personnelle et d’entreprise collective. Depuis les années soixante-dix, Miguel Benítez les repère, les recense, les décrit, les analyse et les commente. Il donne aujourd’hui (2023), sous le titre L’Antichristianisme des Lumières. Judaïsme et déisme dans les écrits clandestins des frères Lévesque. Textes en grande partie inédits, présentés et annotés une savante synthèse sur un ensemble de textes, voire de bribes de textes, épars, anonymes, puisés à des sources plus ou moins identifiables. Pour mesurer l’importance et l’intérêt de cette vaste entreprise, il faut rapidement remonter loin en arrière.
En 1969 Alain Niderst donne l’édition de L’Âme matérielle,première édition critique française d’un manuscrit du corpus philosophique clandestin découvert par Gustave Lanson en 1912. Il propose alors de l’attribuer à Dumarsais, « hypothèse plausible » selon ses termes10. En 1980, à l’occasion d’un mémorable colloque organisé par Olivier Bloch, le même Alain Niderst suggère d’y voir plutôt une production de « l’officine de Burigny » en raison de « l’allure extraordinairement érudite de ce traité où sont cousues des citations des Anciens et des Modernes, et souvent des mêmes Anciens et des mêmes Modernes que dans L’Examen critique [des apologistes de la religion chrétienne] — Plutarque, Bayle, Malebranche, Nicole11 » .
En 1984, Sergio Landucci publie les Essais sur la recherche de la vérité12, deuxième pièce du recueil Arsenal 2558. Il y décèle des passages entiers de L’Âme matérielle qu’Alain Niderst n’avait pas remarqués. En 1987, l’édition par Antony McKenna de la neuvième pièce du recueil Mazarine 1194, De la conduite qu’un honnête homme doit garder pendant sa vie13, aboutit à la même constatation.
C’est aussi en 1987 que Miguel Benítez consacre un article à l’énigme du Traité des trois imposteurs et à « l’affaire Guillaume » qui « jette de 283nouvelles lumières sur la littérature clandestine », en particulier sur les « textes pillés dans les sources les plus diverses et savamment démarqués », rappelant ainsi « que c’était là une méthode généralisée dès les premières années du siècle14 ».
En 2001, Alain Niderst publie l’Examen critique des apologistes de la religion chrétienne qu’il déclare « attribuable à Jean Lévesque de Burigny15 ». Et en 2003, il donne une nouvelle édition de L’Âme matérielle, considérablement enrichie d’une quantité de sources identifiées depuis 1969, faisant alors l’hypothèse que ce petit traité pourrait « émaner du groupe formé par les frères Lévesque et leur ami Saint-Hyacinthe16 ».
La même année 2003, La Lettre clandestine publie deux articles novateurs étroitement liés. Dans le premier, Catherine Hémon-Fabre et Alain Mothu présentent la découverte des Mémoires, alors inédits, du chevalier de La Vieuville (1697-1771) « lecteur des curés Guillaume et Meslier17 » . Ils en donnent un long extrait (p. 79-90) dans lequel il est question d’« une dissertation curieuse sur le fameux livre des Trois Imposteurs » où « Feu M. de La Monnoye […] prouve qu’il n’y a jamais eu de ce livre, que le titre, et quelques divisions de chapitres ». Dans le second article18, sous le titre général « Autour du curé Guillaume », Gianluca Mori et Alain Mothu exploitent les nouvelles données fournies par cette importante découverte. Ils s’interrogent d’abord sur les sources communes de L’Âme matérielle et du traité De la conduite qu’un honnête homme doit garder pendant sa vie dont les éditions de Sergio Landucci et d’Antony McKenna avaient montré l’intérêt, mais aussi d’une « Préface du Traité sur la religion de M … », abordant ainsi un aspect aussi énigmatique qu’essentiel du corpus clandestin, celui des recueils. En effet cet apax sans véritable titre est la troisième pièce du recueil manuscrit 284Arsenal 223919, dont la première pièce est L’Âme matérielle dans la version publiée par Alain Niderst. Relevant les nombreuses homologies entre ces textes, dont « la plus frappante […] concerne un bloc de citations tirées essentiellement de Bayle que l’on retrouve dans les trois textes avec une disposition analogue », ils font « l’hypothèse que ces textes [ont] été tirés de manière plus ou moins complète et fidèle de l’opus du curé de Fresnes ». Ils s’attachent ensuite à « éclaircir les rapports que Des Miracles et Des Oracles20 entretiennent avec L’Âme matérielle et les autres fragments attribuables à Guillaume ».
C’est dans ce mouvement général de la recherche que Miguel Benítez propose une somme monumentale de ses propres enquêtes, savamment composée d’études imbriquées sur la forme et sur le fond de « l’antichristianisme des Lumières » tel que l’expriment les écrits clandestins des frères Lévesque. Comme son titre complet l’indique, sa perspective est triple : historique, heuristique, éditoriale. En effet l’objet central de ce travail considérable, nourri d’une impressionnante érudition, est de reconstituer en partie, dans une édition savante, un manuscrit philosophique clandestin primitif, disparu sous sa forme originale, un Traité sur la vérité de la religion dont des fragments sont conservés principalement dans les recueils Arsenal 2239 et Mazarine 1194.
Le premier volume est constitué d’une riche introduction qui présente les justifications historiques et textuelles du projet (p. 1-299), suivie de l’édition abondamment commentée des textes considérés comme des fragments possibles du Traité sur la vérité de la religion inspirés par les écrits judaïques contre le christianisme (p. 303-468). Le deuxième contient l’édition, aussi richement introduite (p. 473-528), des textes considérés comme des fragments possibles du Traité sur la vérité de la religion inspirés par la perspective déiste contre le christianisme (p. 531-938). Le troisième dresse un double bilan raisonné de l’entreprise de reconstitution du traité fragmentaire : méthodologique et thématique (p. 973-1276), avant une conclusion récapitulative.
285Partant d’une analyse minutieuse (p. 9-18), Miguel Benítez constate que « les différentes pièces analysées, recopiées dans le recueil Paris-Arsenal 2239 comme si elles faisaient partie d’un traité sans titre, ont […] été très probablement tirées, du moins en partie, d’un Traité sur la religion qui n’a pas été localisé ». Se pose alors la question « de savoir si d’autres textes circulant dans la littérature manuscrite clandestine n’auraient pas cette même origine » : Des Miracles, Des Oracles, Des Démons, De la conduite qu’un honnête homme doit garder pendant sa vie, L’âme matérielle, pièces qui composent le recueil Mazarine 1194 (p. 18). Et l’examen, aussi minutieux, du recueil Mazarine 1194, le conduit à « se demander si, la Dissertation sur Moyse et la Dissertation sur le Messie21ne faisaient pas à l’origine également partie du traité sur la religion » (p. 27).
Une « enquête documentaire » approfondie le conduit à confirmer ces intuitions et à réfuter « l’identification avec le traité du curé Guillaume non seulement des fragments du traité sur la religion », mais aussi des cinq traités apparentés contenus dans les recueils manuscrits Mazarine 1194 et Arsenal 2239. C’est ici qu’intervient « la coterie des frères Lévesque » (p. 61), déjà évoquée par Alain Niderst : Louis Jean Lévesque de Pouilly (1691-1750), Jean Lévesque de Burigny (1692-1785), Gérard Lévesque de Champeaux (1694-1778). On sait, par plusieurs témoignages, dont trois publics, que dans leur jeunesse, précisément jusqu’en septembre 1733, ils ont composé une « Encyclopédie littéraire […] de douze énormes volumes in-folio22 », « fruit de leurs immenses lectures », à la manière des notes de lecture de Boulainvilliers.
À la recherche des traces de cette savante compilation disparue, Miguel Benítez se livre d’abord à une analyse détaillée des activités et écrits publics des deux frères aînés (de la Dissertation sur l’incertitude de l’Histoire des quatre premiers siècles de Rome de Pouilly23 à la dernière édition de sa Théorie des sentimens agréables24, du Traité de l’autorité du Pape de Burigny à son Histoire de la Philosophie païenne sans oublier sa 286collaboration, entre 1717 et 1719, à L’Europe savante de Saint-Hyacinthe). Il la complète par l’examen des échanges épistolaires des mêmes deux frères avec une élite intellectuelle européenne, notamment de d’Aguesseau avec Pouilly qu’il incite, en janvier 1724, à écrire, en collaboration avec Burigny, un « traité complet sur la vérité de la religion25 ». Et Miguel Benítez conclut que ce traité « est très probablement celui que l’abbé Genet a trouvé dans les papiers de la famille Lévesque [… et que] plusieurs des textes recopiés dans Arsenal 2239, introduits par une “Préface du traité sur la Religion de M …” » ainsi que la plupart de ceux qui sont réunis dans Mazarine 1194 « tous composés avec des extraits pillés substantiellement aux mêmes sources, ne sont fort vraisemblablement que des parties de ce traité » (p. 124).
À partir de là, persuadé que « l’ordre dans le réservoir original d’où ces textes ont été tirés n’était pas celui-là même que nous retrouvons dans nos recueils », Miguel Benítez envisage la circulation de copies : « les frères Lévesque, ou plus probablement quelqu’un appartenant à leur coterie a commencé à faire circuler des parties choisies avec critère, mettant ensemble les essais concernant les miracles, les oracles et les démons, ou ceux concernant l’éternité du monde […] ou sans critère défini, comme il arrive pour l’ensemble des textes introduits par la préface » (p. 125). Il prend un exemple précis de ce dernier cas dans le recueil Mazarine 1194 : « il est invraisemblable que la Dissertation sur le Messie, qui exprime le point de vue de l’orthodoxie savante juive […] ait pu faire partie d’un traité sur la religion qui plaide la cause de la religion naturelle contre toute religion positive, contre toute superstition » (p. 126). Il propose alors une démonstration de l’hypothèse de la circulation d’extraits de la compilation inédite des frères Lévesque avec une parfaite maîtrise des textes et de leur contexte. Il introduit et éclaire successivement, par d’abondants chapitres constitués de savants commentaires, l’édition de ces écrits antichrétiens, présentée en deux parties bien distinctes.
La première (p. 321-437) réunit des textes inspirés par « la perspective juive de l’antichristianisme » : la Dissertation sur le Messie (Mazarine 1194)26 « fabriquée avec des matériaux pris chez Isaac Orobio de Castro 287et chez Saul Levi Mortera » (p. 367), et des copies de trois « fragments » du Traité sur la vérité de la religion disparu27, désignés comme « un traité d’inspiration judaïque » : Chapitre iv « Jesus christ n’est point le Messie promis dans les Livres Saints » (Arsenal 2239, ff 166-172), Chapitre v « Les juifs ont eu raison de rejetter Jesus-Christ » (Arsenal 2239, ff173-191, Chapitre [vi] « C’est avec justice que les Juifs ont fait mourir Jesus-christ » (Arsenal 2239, ff 192-199). La seconde (p. 531-939) réunit douze textes qu’inspire « la perspective déiste de l’antichristianisme » (dix manuscrits, deux imprimés : Préface du Traité sur la religion de M. (Arsenal 2239, ff 2-70), Que le monde est éternel (Mazarine 1194), Dissertation sur Moyse (Mazarine 1194), De Jesus-Christ (Arsenal 2239, ff 100-165), Histoire des suppositions d’ouvrages faites dans les premiers Siecles (Arsenal 2125), Sur les ouvrages apocryphes Supposés dans les premiers siècles de l’Église (éd. 1761)28 , De la Trinité (Arsenal 2239, ff 70-99), Traité des Miracles (Mazarine 1194), Traité des Oracles (Mazarine 1194), [Des Démons. D’où est venue la croyance des Démons](éd.1775)29,[De l’origine des Demons](Mazarine 1183)30, De la conduite qu’un honnête homme doit garder pendant sa vie (Mazarine 1194).Le texte des sources identifiées est présenté en bas de page. La totalité des variantes est donnée à la fin de chaque texte édité. Cette reconstitution hypothétique ne prétend ni à l’exhaustivité ni évidemment à l’exactitude littérale du modèle disparu. Elle tend à recréer le déroulement probable d’une démonstration méthodique conduisant à la « véritable religion » à travers l’examen des erreurs et des impostures.
Cette reconstruction est suivie d’un magistral bilan méthodologique de l’entreprise accomplie. Miguel Benítez ne se contente pas des riches commentaires dont il a déjà accompagné progressivement son édition, mais il revient ici en détail sur les principes et la réalisation du 288défrichement effectué. Il analyse parallèlement sa démarche d’éditeur et celle du compilateur, l’un scientifiquement à la recherche des sources de l’autre qui les a habilement masquées. Ces sources sont aussi bien les dictionnaires (en particulier Moreri et Bayle) que les journaux, « or, les extraits des ouvrages publiés dans les journaux reproduisent parfois, explicitement ou pas, des morceaux de ces textes » et « des sources différentes se révèlent ainsi susceptibles d’être à la racine d’un même passage dans le manuscrit » (p. 987). Pour exemples des difficultés rencontrées, on relève parmi beaucoup d’autres, dans la Préface du traité sur la religion de M … (Arsenal 2239), un jugement sur Michel de l’Hospital, qui peut aussi bien être inspiré par la deuxième édition des Pensées diverses de Bayle que par la Critique générale de l’Histoire du calvinisme de Mr. Maimbourg du même Bayle, et une formule sur « la vraie piété » qui peut aussi bien venir de la Préface de l’Histoire Ecclésiastique de Claude Fleury que des Réflexions sur les règles et l’usage de la critique du Père carme Honoré de Sainte Marie ; et dans la neuvième pièce du recueil Mazarine 1194, De la conduite qu’un honnête homme doit garder pendant sa vie,on relève l’affirmation que « toutes les opérations de l’esprit par lesquelles nous pouvons acquérir quelques perfections sont vertueuses, et que tout notre contentement ne consiste qu’au témoignage intérieur que nous avons d’avoir cette perfection », qui peut aussi bien venir d’une lettre de Descartes à la Princesse Palatine que du Traité de l’esprit de l’Homme de Louis de La Forge. Dans ce cas, la variante « esprit » pour « âme » dans Mazarine 1194 incite à considérer que la source est le Traité de La Forge qui présente la même variante, mais le choix n’est pas toujours aussi simple. En effet, la première pièce de Mazarine 1194, Dissertation et preuves de l’éternité du monde, parle d’une « grande ville qui a été abîmée » dans un lac dont l’eau « est fort claire », qui est mentionnée dans le Voyage du Sieur Paul Lucas au Levant dont les Nouvelles de la République des Lettres donnent un extrait. « La décision dans ce cas se révèle extrêmement difficile » parce que le Voyage dit « a été abîmée » comme le manuscrit alors que le journal dit « fut abîmée », et que le Voyage dit l’eau « extrêmement claire » alors que le journal dit « fort claire » comme le manuscrit. Ou bien encore, « dans le fragment De la conduite qu’un honnête homme doit garder pendant sa vie, la source d’un passage concernant la censure des livres par l’Inquisition de Rome est également impossible à préciser ». Il s’agit du remaniement d’un 289« extrait paru dans les Nouvelles de la République des Lettres du livre de Daniel Francke sur l’Index des livres prohibés de l’Inquisition de Rome, imprimé à Leipzig en 1684 ». Mais comme Bayle a cité intégralement cet extrait dans la seconde édition de son Dictionnaire, il est impossible d’affirmer si le compilateur a puisé dans les Nouvelles de la République des Lettres ou dans le Dictionnaire de Bayle.
Cette complexité des sources révèle la « grande hétérogénéité » de la compilation. Si « l’intense exploitation des périodiques […] peut surprendre de prime abord » parce que « les extraits n’étaient pas bien vus des gens de lettres, qui les jugeaient inutiles, sinon nuisibles pour l’avancement du savoir », elle peut s’expliquer. Le compilateur « juge sans doute qu’une pluralité de chemins s’ouvre devant ceux qui combattent l’ignorance et les préjugés, et que ces chemins ne suivent pas de tracés parallèles mais s’entrecroisent plutôt et se confondent occasionnellement » (p. 1005). Cette interprétation ouvre la voie à une subtile analyse des procédés d’« exploitation des ouvrages » en fonction du « territoire hétéroclite de l’incrédulité » : mécréants des temps passés, libertins érudits, sceptiques, déistes, mystiques, manuscrits clandestins. Auxquels s’ajoutent, en raison de ce que l’auteur qualifie d’« ambiguïtés du savoir », les philosophes, les savants, les théologiens, les historiens, les auteurs de récits de voyage (p. 1004-1060). Dans une éclairante définition de celui qu’il appelle « le jardinier infidèle », Miguel Benítez résume l’activité du compilateur : il « intervient doublement dans le texte qu’il construit : il agit simultanément en qualité d’architecte de l’édifice qu’il dessine et de tailleur des matériaux qu’il emploie dans sa construction. En tant que manœuvre, il manipule les passages qu’il emprunte ; en tant qu’architecte, il intervient exceptionnellement dans le discours en vue de l’orienter » (p. 1064). Considérant que « le caractère fragmentaire du traité [qu’il édite] ne peut que nuire à une exacte évaluation et de sa structure et de son message », l’éditeur porte un jugement critique élaboré sur cet « édifice difforme » (p. 1083-1103) avant de développer la ligne directrice qui fait l’unité intellectuelle de cette « compilation faite par un incrédule, non pas par un athée » : un antichristianisme fondé sur l’examen des religions, à la recherche de « la vérité de la religion ».
L’ensemble du nouvel ouvrage de Miguel Benítez, éminent découvreur et commentateur de manuscrits philosophiques clandestins, défend une thèse, celle d’un texte disparu dont les membra disjecta ont 290nourri plusieurs recueils manuscrits. Il met en lumière la double inspiration d’une critique du christianisme nourrie de la pensée judaïque et de celle des libertins, et de l’érudition des uns et des autres. Dans ce dernier domaine, le travail de Miguel Benítez brille par la fécondité de l’enquête qu’il a menée à la recherche des sources intellectuelles et textuelles de chaque passage des extraits dont il a rassemblé ici les éditions critiques. Il a « identifié la presque totalité de ces sources, manuscrites et imprimées » (p. 973). Il faudrait un livre entier pour rendre compte dans le détail de tous les riches apports de cet ouvrage monumental à l’étude du corpus clandestin. On mesure les progrès réalisés pas à pas par la communauté scientifique depuis la première édition de L’Âme matérielle en 196931 , progrès dont La Lettre clandestine témoigne depuis 1992, date de sa création, en rendant compte des découvertes, des hypothèses, des controverses, parfois un peu vives, qui ont jalonné le progrès considérable de notre connaissance du phénomène clandestin. De cette histoire, dont il est un pionnier, le livre de Miguel Benítez constitue une étape importante.
Geneviève Artigas-Menant
Université Paris-Est Créteil
CELLF UMR 8599 CNRS Sorbonne Université
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Ruggiero Sciuto, Determinism and Enlightenment. The collaboration of Diderot and d’Holbach, Liverpool, Liverpool University Press, coll. « Oxford University Studies in the Enlightenment », 2023, 336 p.
Le livre de Ruggero Sciuto, Determinism and Enlightenment. The collaboration of Diderot and d’Holbach, a pour but avoué de redonner une place centrale à ces deux auteurs dans le canon de l’histoire de la philosophie, en prenant l’angle de la question du déterminisme. Il s’inscrit dans la suite d’une série de travaux qui, depuis une vingtaine d’années, prennent au sérieux le contenu philosophique32 des corpus matérialistes. Si Diderot est, la plupart du temps, la figure sur laquelle se concentre l’attention des commentateurs, l’auteur propose ici une interprétation croisée des philosophies de la nature diderotienne et holbachienne. L’ouvrage, en langue anglaise, s’adresse non seulement aux spécialistes des Lumières françaises et du matérialisme, mais aussi, de manière beaucoup plus générale, à un public de philosophes susceptibles de trouver chez ces auteurs une conception originale du déterminisme, à la charnière entre une philosophie de la nature fondée sur le principe de causalité et un déterminisme contemporain fondé sur l’idée de lois. De ce point de vue, R. Sciuto poursuit, sur le plan de la diffusion des idées, le projet qu’il mène en parallèle, de la mise à disposition numérique des textes du baron d’Holbach sur la plateforme Digital d’Holbach.
Selon l’auteur, le prisme du déterminisme permet non seulement de construire une version cohérente des métaphysiques matérialistes de Diderot et de d’Holbach, donc de préciser notre compréhension conceptuelle de leurs philosophies, mais encore de problématiser nos catégories historiographiques. L’athéisme des Lumières françaises, par exemple, est présenté en claire continuité avec la philosophie chrétienne ; de même, sur cette base, la catégorie de « Lumières radicales », dont on sait la fortune ces trente dernières années, est jugée artificielle, trop simpliste et même « anti-historique » (anti-historical) (p. 269), au sens où elle sépare des auteurs et des autrices, et des groupes de savants qui, en réalité, partagent des principes fondamentaux d’explication de la nature. 292Les supposés radicaux empruntent, réinterprètent et rendent féconds les principes de leurs adversaires plutôt qu’ils ne rompent absolument avec eux.
Formellement parlant, l’ouvrage est composé d’une introduction, de six chapitres, et d’une conclusion générale. Le propos y est clair, l’argumentation facile à suivre et les résultats clairement exposés. La méthode consiste à construire, dans chaque chapitre, un problème conceptuel afférant au déterminisme, en s’aidant souvent de textes contemporains, pour ensuite situer précisément le positionnement de Diderot et de d’Holbach. Il en ressort, à chaque fois, une interprétation forte et univoque de leurs solutions quant au problème reconstruit, les situant parmi la gamme des options philosophiques possibles.
Les deux premiers chapitres, par exemple, s’intéressent au principe de causalité, selon lequel, pour tout X existant, il doit y avoir une cause par laquelle X existe (p. 37) ; et au principe de nécessité causale, qui stipule que les causes produisent nécessairement leurs effets. Non seulement Diderot et d’Holbach adoptent le principe de causalité, soit comme présupposé nécessaire à la connaissance de la nature, chez le premier, soit comme un principe constitutif de la nature elle-même, chez le second, mais ils acceptent aussi deux principes proches : celui selon lequel « rien ne se fait de rien », et le principe leibnizien de la raison suffisante. De même, ils acceptent une interprétation modale forte de la connexion causale, en vertu de laquelle les effets suivent nécessairement des causes (p. 90). Or, R. Sciuto remarque que tous ces principes ont fait l’objet d’usages théologiques dans la tradition : les principes de causalité et de raison suffisante sont par exemple au cœur des diverses preuves cosmologiques de l’existence de Dieu, d’Aristote à Leibniz, tandis qu’« il existe un lien fort entre l’adoption de la nécessité causale et la théologie, et que beaucoup de philosophes chrétiens ont vu en Dieu la cause nécessaire par excellence » (p. 106, je traduis), les « philosophes chrétiens » mentionnés ici étant Malebranche et Spinoza. Par-là, l’auteur veut insister sur la reprise de philosophèmes et d’arguments construisant une interprétation déterministe de la nature et la continuité des idées plutôt que sur la constitution de camps et d’oppositions. Reste que l’usage de ces mêmes éléments produit des conséquences inverses dans les doctrines chrétiennes et chez les matérialistes, ce sur quoi l’auteur insiste moins.
En distinguant entre une conception transcendante (dite aussi « top-down ») et une conception immanente (« bottom-up ») des lois de la nature, 293le troisième chapitre se donne les moyens de distinguer finement entre le déterminisme de Diderot et celui de d’Holbach. La philosophie de la nature du baron se trouve en effet notablement complexifiée : l’auteur montre que, si le Système de la nature affirme que les lois de la nature ne sont rien d’autre que l’expression générale du comportement des êtres, résultant de leurs propriétés matérielles, ou « essence », il adopte en parallèle une rhétorique fondée sur la personnification de la nature qui fait des lois les moyens de son action. D’Holbach concilie ainsi une approche top-down et une approche bottom-up des lois de la nature. Il s’agit, selon l’auteur, d’une tension inhérente à la pensée holbachique, symptôme du fait que son athéisme est « une sorte de religion séculière dans laquelle la nature remplace Dieu », d’Holbach étant « manifestement imprégné de culture philosophique chrétienne » (p. 131). Si R. Sciuto propose d’y voir l’influence de Spinoza sur le baron, on se permettra de préciser qu’il s’agit plus probablement ici des effets de la lecture et de la traduction que celui-ci fit de Toland. Ensuite, le cas de Diderot est lui aussi réévalué. Contre l’idée d’un rejet du concept de lois chez le philosophe de Langres, au profit d’une mise au centre de la complexité du monde, R. Sciuto montre que la complexité est parfaitement intégrée dans les textes diderotiens avec une interprétation immanente des lois de la nature. On comprend alors que, malgré leur divergence, l’intérêt philosophique des déterminismes de Diderot et de d’Holbach repose en grande partie sur une articulation originale entre lois de la nature et approche immanente de l’action des êtres, en vertu de leurs propriétés matérielles.
Les quatrième et cinquième chapitres ouvrent la discussion aux domaines moraux et politiques. Il en ressort, premièrement, que les matérialistes ne laissent aucune place à la liberté morale, ni au sens où les agents pourraient être la source de leurs actions, ni au sens où, pour toute action entreprise, des possibilités alternatives sont aussi données. Sur ce point, Diderot et d’Holbach s’avèrent des incompatibilistes, qui ne cherchent pas à concilier une approche déterministe de la nature et la liberté morale de l’être humain (p. 183). Cependant, le refus de la liberté morale ne s’accompagne pas d’un refus de la responsabilité, et notamment de la nécessité de punir les criminels. Reste alors à traiter, deuxièmement, le paradoxe qui fait du matérialisme une pensée de la détermination complète de la vie humaine, en même temps que de la réforme politique. Car, si la liberté morale est niée, l’affirmation des libertés naturelles (le 294droit de disposer de sa personne et de ses biens), civiles et politiques sont au cœur du matérialisme. En s’appuyant sur un passage du Bon sens, R. Sciuto montre que l’ambition réformiste ne contrevient absolument pas au déterminisme, mais au contraire s’y intègre, de la même manière qu’une maladie appelle un remède : elle est un effet tout aussi nécessaire et intégré dans une chaîne causale que n’importe quel autre. Les libertés civiles et politiques ne contreviennent pas au déterminisme.
Enfin, le dernier chapitre s’applique à montrer comment Diderot et d’Holbach concilient des idées en apparence contradictoires, comme le sont le déterminisme et la complexité, le déterminisme et le désordre, ou le déterminisme et l’imprévisibilité. Si le système de d’Holbach se trouve une nouvelle fois complexifié, la pensée diderotienne est, inversement, quelque peu dogmatisée : une distinction à propos entre ontologie et épistémologie permet de résoudre les difficultés et d’affirmer que Diderot soutient partout un déterminisme (ontologique) sans faille, quoique le monde soit trop complexe pour que l’esprit humain puisse saisir la chaîne des causes et des effets. Cette lecture univoque de la nature selon Diderot s’applique même à Jacques le fataliste, que l’auteur propose de lire, dans une stimulante dernière section – en opposition à G. Stenger – comme un ouvrage d’exposition et d’apprentissage du déterminisme.
En somme, ce livre a le grand mérite de prendre au sérieux le contenu philosophique des écrits de Diderot et de d’Holbach et d’en proposer une interprétation cohérente autour de la catégorie de déterminisme. Il s’agit, en cela, d’un outil précieux pour qui veut s’informer des idées constitutives du matérialisme français, susceptible de participer effectivement à la réévaluation philosophique de ces auteurs.
L’ouvrage de R. Scutio a les défauts de ses qualités. Car, en cherchant à reconstruire les idées de Diderot et de d’Holbach, ou leurs positions théoriques quant au problème du déterminisme, et en cherchant à savoir, de ce point de vue, quelle est leur philosophie, on en oublie parfois la question de savoir ce qu’ils font à la philosophie. Je prendrai sur ce point trois exemples.
1/ R. Sciuto envisage le déterminisme avant tout comme un problème de métaphysique. L’un de ses objectifs avoués est d’ailleurs de réhabiliter les métaphysiques diderotiennes et holbachiennes (p. 31). Mais un geste typique de ces auteurs est précisément de renoncer à faire de la métaphysique un discours autonome capable de définir, par lui-même, les principes d’interprétation de la nature. C’est (aussi) au contact des 295pratiques scientifiques et des discours non-philosophiques qu’ils forment leurs idées. Comme l’a récemment montré F. Pépin33, avec le cas de la chimie, la question du déterminisme est notablement complexifiée dans cette perspective, où l’enjeu n’est plus de savoir quels sont les principes philosophiques généraux acceptés par ces auteurs, ou si la liberté est compatible avec le déterminisme, mais plutôt de faire droit à l’irréductibilité des pratiques d’enquête de la nature, qui, toutes, montrent partout des relations causales, mais dont la diversité contredit l’existence d’un systèmede la nature unifié etentièrement déterminé. La métaphysique, chez Diderot, n’est jamais une métaphysique générale, mais toujours la raison d’une pratique34. Quant à d’Holbach, il est pour sa part un fervent critique de la raison métaphysique, à laquelle il souhaite substituer une raison physique dès les premières pages du Système de la nature. On est donc en droit d’attendre plus de précisions sur le sens de la reconstruction d’une métaphysique déterministe chez ces auteurs.
2/ À plusieurs reprises, R. Sciuto use du Rêve de d’Alembert afin de déterminer les idées de Diderot, faisant peu de cas de la différence des personnages, de la forme dialoguée et, en définitive, du dispositif textuel : « Ultimement, c’est toujours Diderot qui parle » (p. 195). Comme si le Rêve usait d’un registre identique aux Pensées sur l’interprétation de la nature ou à Jacques le fataliste. Or, c’est réduire considérablement la richesse du texte et ses mécanismes que de le considérer comme une manière dont Diderot exprime ses idées. Le délire de d’Alembert, son commentaire par Bordeu et Julie de l’Espinasse, et même le retrait du personnage nommé Diderot à la fin du premier dialogue, sont déjà des dispositifs philosophiques qu’il s’agit de penser. Le Rêve n’est pas un traité, mais un dispositif permettant de réfléchir sur une hypothèse farfelue (celle de la sensibilité de la matière), d’en explorer les conséquences extrêmes, de s’amuser de ses implications, sans la revendiquer comme une thèse métaphysique bien établie. Chercher dans ce genre de texte une métaphysique diderotienne cohérente permet certes de traiter Diderot comme n’importe quel autre grand philosophe, mais conduit, précisément, à lisser sa différence dans l’histoire de la philosophie.
2963/ L’idée centrale de R. Sciuto est de mettre en évidence la proximité de l’athéisme des « Lumières radicales » et de ladite « philosophie chrétienne », par ce fait que Diderot et d’Holbach partagent un certain nombre d’idées issues de la théologie ou des métaphysiques classiques. Son étude s’inscrit ainsi dans toute une liste de travaux qui ont déjà mis en exergue cette continuité : on sait désormais ce que les auteurs les plus sulfureux doivent à Malebranche35, ou ce que les matérialistes doivent à Leibniz36. Ce qu’ont montré ces études, entre autres, c’est que la question n’est pas tant celle de l’identité des idées, que de la différence de leurs usages. Comme l’a montré O. Bloch37, les matérialistes du xviiie siècle, dans la lignée des libertins, vont chercher leurs armes chez leurs adversaires, en les détournant et en les subvertissant. C’est à ce genre de procédure rhétorique qu’est aveugle une approche du matérialisme en termes de purs philosophèmes : car une même idée, suivant qu’elle se situe dans un contexte ou dans un autre, peut bien conduire à des pensées dont les conséquences sont radicalement distinctes. En définitive, le matérialisme de Diderot et de d’Holbach n’est pas vraiment soluble dans une histoire canonique de la philosophie, en ce qu’il consiste justement à philosopher d’une autre manière.
Ces préventions ne discréditent en rien l’argumentation et les résultats auxquels parvient R. Sciuto. Elles visent simplement à interroger le meilleur moyen de remettre au goût du jour des philosophies et des pratiques de la philosophie toujours actuelles. Determinism and Enlightenment. The collaboration of Diderot and d’Holbach fournit une pièce d’importance pour ce retour.
Guillaume Coissard
1 Miguel Benítez, Le Foyer clandestine des Lumières. Nouvelles recherches sur les manuscrits clandestins (Paris Honoré Champion, 2013, 2 vol.), ii, 806.
2 Margaret C. Jacob, The Radical Enlightenment : Pantheists, Freemasons and Republicans (2e éd., Greensboro, NC., 2003), p. 157.
3 McKenna and Mori, ‘Introduction,’ to Camille Falconet, Réflexions morales, p. 33.
4 Paul Vernière, Spinoza et la pensée française avant la Révolution (2n end., Paris, 1982), p. 388, 394, 396, 501, 613.
5 McKenna et Mori, « Introduction » à Falconet, Réflexions morales, p. 16.
6 Ibid., p. 73.
7 Ibid., p. 64.
8 Ibid., p. 104-107.
9 Sur ce point, voir Jonathan Israel, Spinoza, Life and Legacy, Oxford, 2023, p. 1131-1142.
10 L ’ Âme matérielle, Alain Niderst éd., Publications de l’Université de Rouen, 1969, p. 24.
11 Alain Niderst, « L’Examen critique des apologistes de la religion chrétienne, les frères Lévesque et leur groupe », Le Matérialisme du xviiie siècle et la littérature clandestine, Olivier Bloch (dir.), Paris, Vrin, 1982, p. 45-66 (voir p. 59-60).
12 Essais sur la recherche de la vérité, Sergio Landucci éd., dans Studi settecenteschi 6, 1984, p. 23-82.
13 De la conduite qu ’ un honnête homme doit garder pendant sa vie, Antony McKenna éd., Lias, XIV, 1987, p. 229-256.
14 Miguel Benítez, « Autour du Traité des trois imposteurs : l’affaire Guillaume », Studi francesi 31, 1987, p. 19-34, repris dans La Face cachée des Lumières, Paris, Universitas, Oxford, Voltaire Foundation, 1996, p. 155-174.
15 Examen critique des apologistes de la religion chrétienne, Alain Niderst éd., Paris, Honoré champion, 2001.
16 L ’ Âme matérielle, Alain Niderst éd., Paris, Honoré Champion, 2003, p. 25.
17 Catherine Hémon-Fabre et Alain Mothu, « Un lecteur des curés Guillaume et Meslier, le Chevalier de La Vieuville », La Lettre clandestine 12, 2003, p. 59-96. Cet article est le prélude à l’édition suivante : Coskaer, Charles-Louis-Marie de, comte de La Vieuville, Mémoires et Œuvres diverses, Catherine Hémon-Fabre et Pierre-Eugène Leroy éd., Paris, Honoré Champion, 2007.
18 « Autour du curé Guillaume », La Lettre clandestine 12, 2003, p. 311-363.
19 Le catalogue de la Bibliothèque de l’Arsenal intitule cette copie fragmentaire sans titre : « Préface ou examen critique du livre de l’abbé Houtteville, aiant pour titre : La religion chrétienne prouvée par les faits, de Mr de… ». Miguel Benítez la recense comme [Traité sur la religion] (La Face cachée des Lumières, p. 53, no 187).
20 Pièces 4 et 5 du recueil Mazarine 1194 ; des copies de ces deux traités composent aussi la première pièce de Mazarine 1195.
21 Pièces 7 et 8 du recueil Mazarine 1194.
22 Éloge historique de M. Lévesque de Pouilly [ … ] par le chanoine Pierre de Saulx, Reims, 1751, p. 8-9 ; Éloge historiquede M. Lévesque de Burigny […]par Bon-Joseph Dacier, Reims, 1787, p. 7 ; abbé Jean-Vincent Genet, Une famille rémoise au xviiie siècle […] Travaux de l’Académie nationale de Reims, LXVI, Année 1878-1879, Reims, Imprimerie de l’Académie, 1881 (cités p. 63-65).
23 Dont il publie des extraits commentés, p. 209-260.
24 Dont il publie des extraits commentés, p. 261-275.
25 P. 119.
26 Collationné avec quatre autres copies manuscrites (Nancy, B.M. 484 ; BnF fr. 13351, 14928, 24884) et un imprimé, dans Israel vengé, Londres 1770, p. 187-243.
27 À la suite de la Préface du Traité sur la religion de M … dans Arsenal 2239, ff 166-199.
28 Mémoire de Burigny publié dans l’Histoire de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres […], Tome vingt-septième. À Paris, De L’Imprimerie Royale, M.DCCLXI, p. 88-101.
29 L’unique copie manuscrite des Preuves de la fausseté des miracles […], conservée à la bibliothèque universitaire de Lille, ayant disparu, M. Benítez édite « le texte imprimé vers 1775 » de l’Article XI « D’où est venue la croyance que les Chretiens ont des Démons » de La Fausseté des Miracles des deux Testamens, prouvée par leparallèle avec de semblables prodiges opérés dans diverses sectes : Ouvrage tiré du Manuscrit Latin intitulé Theophrastus redivivus, s.l.s.d., p. 157-172, qu’Alain Niderst avait publié à la suite du Traité de la liberté, Des miracles, Des oracles (Paris /Oxford, 1997).
30 Douzième des Lettres sur la religion […] : « De l’origine des Démons » (Mazarine 1183, p. 243-273).
31 Miguel Benítez souligne que « les progrès accomplis […] dans la numérisation d’ouvrages […] facilitent la collation des textes manuscrits que nous éditons avec leurs sources présumées » et que « cette nouvelle situation devrait mieux nous aider à apprécier à sa juste valeur le travail accompli par nos prédécesseurs dans l’édition de ces textes », notamment Alain Niderst et Antony McKenna (p. 987).
32 Voir par exemple, parmi d’autres, A. Cherni, Diderot. L’ordre et le devenir, Genève, Droz, 2002, C. Duflo, Diderot philosophe, Paris, Honoré Champion, 2003 ; S. Audidière, Passions de l’intérêt. Matérialisme et anthropologie chez Helvétius et Diderot, Paris, Honoré Champion, 2022.
33 F. Pépin, Diderot philosophedes sciences, Paris, Classiques Garnier, 2023, chapitre « Déterminisme, nécessité et contingence ».
34 D. Diderot, « Métaphysique », Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Neufchâtel, Vol. X, 1765, p. 440.
35 Voir par exemple A. Ferraro, La Réception de Malebranche en France au xviiie siècle. Métaphysique et épistémologie, Paris, Classiques Garnier, 2019.
36 Je me permets de citer ici mes propres travaux : G. Coissard, Lectures matérialistes de Leibniz au xviiie siècle, Paris, Classiques Garnier, 2023.
37 O. Bloch, « L’héritage libertin dans le matérialisme des Lumières », Dix-Huitième Siècle, n. 24, 1992. Le matérialisme des Lumières, p. 73-82.
- Thème CLIL : 3129 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie moderne
- ISBN : 978-2-406-17200-0
- EAN : 9782406172000
- ISSN : 2271-720X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-17200-0.p.0273
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 26/06/2024
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français