Éditorial Présentation de la base Philosophie cl@ndestine
- Type de publication : Article de revue
- Revue : La Lettre clandestine
2018, n° 26. Spinoza et la littérature philosophique clandestine - Auteurs : Moreau (Pierre-François), Seguin (Maria Susana)
- Pages : 13 à 16
- Revue : La Lettre clandestine
Éditorial
Présentation de la base Philosophie cl@ndestine
Les progrès réalisés dans la recherche sur la littérature philosophique clandestine en un peu plus de cent ans sont sans aucun doute exemplaires. Après l’identification du corpus par Gustave Lanson en 20121, les premières recherches systématiques menées par Ira O. Wade2, est venu le temps des synthèses, des premières identifications, du recensement systématique des manuscrits, réalisé par Miguel Benítez3, et d’importantes éditions de textes qui ont confirmé l’importance de la littérature clandestine pour la compréhension de l’histoire intellectuelle de l’Âge classique et des Lumières. On voit alors se dessiner de mieux en mieux ce paysage intellectuel complexe, qui complète la philosophie officielle, pendant longtemps la seule étudiée, et qui dialogue avec elle en permanence, lui fournissant des questions et lui lançant des défis, recevant d’elle des arguments et des incitations, se transformant au fur et à mesure que de nouveaux systèmes ou de nouvelles façons de pensée suggèrent de nouvelles manières de franchir les limites. Ainsi c’est toute l’histoire de la pensée occidentale sur trois siècles qui se renouvelle : à la fois par ce que l’on découvre, et par ce que les découvertes permettent de comprendre sur ce que l’on pensait bien connaître déjà.
Notre revue fait partie de cette aventure, depuis déjà plus de 25 années : en plus d’un bulletin d’information sur l’actualité internationale de la recherche, elle propose dans chaque numéro un dossier thématique destiné à explorer en profondeur la place de la littérature philosophique 14clandestine dans la pensée et dans les œuvres des grands auteurs, dans des problématiques esthétiques, historiques, philosophiques ; elle signale aussi la découverte de nouvelles copies des textes déjà recensés ou l’existence de nouveaux titres susceptibles d’intégrer le corpus clandestin.
Le xxie siècle marque un tournant dans la recherche pour l’ensemble des sciences humaines, grâce au développement des outils numériques, auquel nous ne pouvions pas rester indifférents. Preuve en est la publication, annoncée dès l’année dernière, de l’Inventaire des Manuscrits Philosophiques Clandestins (http://www.bibliotheque-mazarine.fr/fr/impc)4, fruit du travail de nombreux collaborateurs internationaux, et qui a finalement été publié grâce au travail de Geneviève Artigas-Menant, des équipes techniques du CELLF UMR 8599 Université Paris-Sorbonne, et du soutien de la Bibliothèque Mazarine à travers son directeur, Yann Sordet, et son Conservateur en chef, Patrick Latour.
Nous franchissons maintenant une nouvelle étape, à travers la mise en ligne de la plateforme numérique « Philosophie Cl@ndestine »5 (philosophie-cladestine.huma-num.fr), réalisée grâce au soutien de l’ENS de Lyon, du Labex COMOD et de l’Institut Universitaire de France, sous la responsabilité d’Antony McKenna et Maria Susana Seguin, dans le cadre des activités de l’IHRIM (UMR 5317 du CNRS).
Conçue comme un véritable outil numérique de recherche exploitant les dernières fonctionnalités du web sémantique, la base « Philosophie cl@ndestine » donne désormais accès à la liste complète des manuscrits philosophiques clandestins6 mise à jour régulièrement, et ajoute une série de fonctionnalités afin de rendre dynamique l’exploitation des données : outre une bibliographie critique, la plateforme donne accès aux éditions anciennes et modernes, à des informations biographiques sur les auteurs identifiés ou supposés (par le biais des fiches d’autorité communes aux bibliothèques françaises et européennes)7 et permettra bientôt de pointer vers les éditions déjà disponibles en ligne, dans les 15principales bibliothèques numériques. La fonction de géolocalisation permet de visualiser les lieux de conservation des manuscrits et d’accéder aux informations utiles à leur consultation. Lorsque des transcriptions sont disponibles, elles sont accessibles à la lecture et au téléchargement dans la notice correspondante. Enfin, il est possible de faire des recherches simples ou d’accéder à des listes préétablies et d’obtenir des extractions PDF de l’ensemble de ces informations.
Reste maintenant à imaginer les évolutions futures de cet outil à destination des chercheurs : la politique de numérisation des fonds patrimoniaux entreprise dans la plupart des bibliothèques permet de travailler désormais à l’affichage simultané des images des manuscrits et des transcriptions, ce qui peut être un moyen de faciliter l’étude des variantes des textes, des familles des manuscrits, et peut contribuer à l’identification des auteurs et à l’édition de ces inédits, que ce soit dans une version traditionnelle, ou dans une édition TEI, qui reste également à développer. On pourra alors envisager l’exploitation textométrique du corpus, et faire définitivement entrer la recherche sur la littérature philosophique clandestine dans l’ère des Humanités numériques.
Pierre-François Moreau
et Maria Susana Seguin
in memoriam
Jean Salem (1952-2018) est décédé le 14 janvier. Ancien directeur-adjoint de La Lettre clandestine, il avait consacré la plus grande part de son œuvre à l’une des sources de la littérature libertine et clandestine : l’épicurisme. Il avait également travaillé sur l’histoire du matérialisme et sur la réception du spinozisme. Son séminaire à Paris I (Panthéon-Sorbonne) a été durant des années un lieu de réflexion sur ces traditions. Ses principaux ouvrages : Lucrèce et l’éthique (1990) ; Tel un dieu parmi les hommes : L’éthique d’Épicure (1994) ; Démocrite. Grains de poussière dans un rayon de soleil (1996) ; Cinq variations sur la sagesse, le plaisir et la mort (1999) ; Spinoza au xixe siècle (dir., 2008).
1 G. Lanson, « Questions diverses sur l’histoire de l’esprit philosophique en France avant 1750 », Revue d’histoire littéraire de la France, 19, 1912, p. 1-29, 293-317.
2 I.O. Wade, The clandestine Organization and diffusion of philosophic ideas in France from 1700 to 1750, Princeton, 1938 ; rééd. New York, 1967.
3 Miguel Benítez, La Face cachée des Lumières, Paris : Universitas, Oxford : The Voltaire Foundation, 1996. La liste des manuscrits philosophiques clandestins sera enrichie dans la version espagnole du même ouvrage, La Cara oculta de la Luces, Valencia, Biblioteca valenciana, colección Ideas, 2003.
4 Voir sur ce point Geneviève Artigas-Menant, « L’Inventaire des manuscrits philosophiques clandestins enfin en ligne », La Lettre clandestine 25/2017, p. 147-172.
5 Cette base est entièrement en open source. Elle est dotée d’un endpoint pour des requêtes SPARQL.
6 La base de données donne accès à la très riche liste de M. Benítez d’après la dernière version publiée dans son ouvrage espagnol, La Cara oculta de las Luces (Biblioteca Valenciana, 2003»), enrichie de tous les manuscrits signalés par La Lettre clandestine depuis cette date.
7 À travers les projets data.bnf.fr et viaf.org.
- Thème CLIL : 3129 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie moderne
- ISBN : 978-2-406-08066-4
- EAN : 9782406080664
- ISSN : 2271-720X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08066-4.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 15/05/2018
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français