Résumés des contributions
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Langue des émotions. xvie-xviiie siècle
- Pages : 407 à 412
- Collection : Rencontres, n° 287
- Série : Le Siècle classique, n° 6
Résumés des contributions
Agnès Rees, « Langage des émotions et rhétorique de l’image à la Renaissance »
Cette étude s’intéresse à la place du langage des émotions dans les écrits sur l’art de la Renaissance. Elle s’appuie sur le De pictura d’Alberti (1435), sur la première édition des Vite de Vasari (1548) et sur les Images ou Tableaux de platte painture traduites de Philostrate par Vigenère (1578). Elle montre comment l’introduction d’un lexique des affects dans la théorie artistique contribue à ériger les arts visuels, et plus particulièrement la peinture, comme modèle de la représentation littéraire.
Adrienne Petit, « Un langage du cœur sans les artifices du style. Les Lettres à Madame la Marquise sur La Princesse de Clèves (1678) de J.-B. de Valincour »
L’article s’attache, à partir d’une analyse des Lettres à Madame Marquise sur La Princesse de Clèves (1678) de J.-B. de Valincour, à la question du discours des passions dans la « Querelle de la Princesse de Clèves ». Le rêve d’un pur langage du cœur affranchi des artifices du style y devient, selon nous, un horizon idéal pour le genre romanesque et engage une reconfiguration de la réflexion rhétorique et linguistique sur l’affectivité.
Philip Stewart, « La sincérité, degré zéro de la rhétorique ? »
À la notion que la rhétorique est une surenchère dont la vraie passion se passe, s’oppose une mise en doute progressive de cette dichotomie. Si le langage de la sincérité peut toujours être simulé, il faut tenir compte de la parfaite ambiguïté lexicale et syntaxique de ses expressions. En même temps, les émotions se révèlent elles-mêmes peu claires et inaptes à s’exprimer directement. Le sentiment le plus authentique n’est pas indépendant de la rhétorique.
408Élise Pavy-Guilbert, « Langue des émotions, langue de la nature, langue des origines »
La recherche d’une langue des émotions, reflet de la langue de la nature et des origines, à bien des égards considérée comme parfaite, traverse l’ensemble du xviiie siècle. Lorsqu’ils tentent de saisir l’apparition du langage et l’évolution des langues, tous les penseurs jugent décisive l’influence des émotions. La langue des émotions a tantôt partie liée à la langue primitive et à une mythologie des origines, tantôt à la langue du cœur et des affects, qui communique et suscite les émotions.
Véronique Ferrer, « “On parle à Dieu par zele”. La langue de la prière »
Cette étude examine le rôle majeur que jouèrent la traduction et les commentaires des Psaumes dans la rénovation de la prière à la Renaissance et à l’âge pré-classique aussi bien dans le cadre privé de la dévotion que dans l’espace social de la littérature. De la pratique spirituelle à son accomplissement poétique, c’est l’émotion qui garantit l’expression sincère de la foi tout en servant de base à l’élaboration d’une langue littéraire en voie de constitution.
Claire Fourquet-Gracieux, « Repenser l’éloquence. La passion de David au cœur des débats poétiques »
Au xviie siècle, les références aux Psaumes visent à repenser l’éloquence. Elles accompagnent l’idée d’une nouvelle poésie chrétienne (A. Godeau, Port-Royal), puis la volonté de détacher la poésie de la rhétorique. Argument d’autorité, les poèmes davidiques redonnent droit de cité au style coupé et à la répétition, secondent la naturalisation de la rhétorique (B. Lamy, Ch. Perrault) et nourrissent la théorisation du concept de sublime, autant de signes de l’avènement du langage des émotions.
Nicolas Lombart, « Émotions, hymnographie et liturgie à la Renaissance sur quelques versions françaises du Conditor alme siderum (1561-1592) »
Pour concurrencer la « leçon des émotions » offerte par le Psautier huguenot, les poètes catholiques du xvie siècle trouvent dans le corpus de l’hymnographie ecclésiastique latine un matériau fructueux en raison des riches nuances affectives liées aux Heures et Temps liturgiques. Pourtant, les traductions du 409Conditor alme siderum ne restituent qu’imparfaitement les émotions propres à l’Avent et aux vêpres. On voit comment, dans le passage au vernaculaire, l’émotion liturgique perd de sa force originelle.
Anne Régent-Susini, « Du sang au sentiment ? Sémantique lexicale et contextes d’apparition du mot émotion dans la prédication du xviie siècle »
Entre théorie des humeurs et théologie chrétienne de l’Incarnation, l’emploi des mots « émotion » et « émouvoir » chez plusieurs prédicateurs catholiques du xviie siècle témoigne d’un moment-charnière où l’« émotion », se défaisant progressivement du sème de /mouvement/, commence à se distinguer plus nettement du terme plus fréquent et plus péjoratif de « passion », pour acquérir en contexte chrétien une ambivalence axiologique nouvelle, entre finitude et impulsion d’origine divine.
Jean-François Perrin, « Une émotion sans émotion. L’oraison affective de François de Sales à Rousseau »
Si, d’une façon générale, la langue de la spiritualité classique « émane moins de vocables nouveaux que de transformations opérées à l’intérieur de vocables empruntés au langage normal » (Jean Baruzi), on formule ici l’hypothèse que ces dynamiques doivent pouvoir s’observer dans la lente conversion sémantique touchant, au cours des xviie-xviiie siècles, certains vocables de cette « science des saints » que le dictionnaire de Trévoux nomme l’« amour affectif » pour la distinguer de la théologie dogmatique.
Benedikte Andersson, « “La vois faillir je me sens”. Sur les adaptations françaises de l’“Ode à l’aimée” de Sapho à la Renaissance »
Une famille de poèmes renaissants exhibe sa dette envers l’« Ode à l’aimée » de Sapho. Baïf, Belleau ou encore Ronsard réservent divers traitements au motif de la « langue brisée » par lequel Sapho formule un grand paradoxe fondateur de la poésie amoureuse – à savoir l’aphasie à laquelle l’émotion condamne le poète. Dans ces traductions et imitations se jouent le renouvellement du pétrarquisme, la construction d’identités poétiques ou encore la quête d’une esthétique mimétique.
410Emmanuel Buron, « Poétique du désespoir. Pétrarquisme, discours lyrique et discours tragique dans “La complainte du desesperé” de Joachim du Bellay »
Cet article porte sur « La complainte du desesperé », de Du Bellay (1552). Il analyse la nature de l’émotion représentée et montre que Du Bellay construit la vision du monde de son personnage à partir de son expérience de la surdité, qui lui sert de modèle phénoménologique. En outre, Du Bellay inscrit dans son texte la problématique d’une écriture de l’émotion, en relation avec d’autres discours poétiques qui se développent alors (pétrarquisme, poésie lyrique ou tragique).
Bruno Méniel, « Le langage de la colère dans Aman d’Antoine de Montchrestien »
Dans la tragédie humaniste, l’ire de Dieu est mise en relation avec la rage des hommes : la colère constitue un des moteurs qui animent la mécanique tragique d’Aman de Montchrestien. Elle évolue au cours de la pièce et ses formes successives, de la piqûre d’amour propre au délire furieux, marquent les étapes de l’intrigue. Mais le dramaturge fait aussi de la colère un sentiment de spectateur, en s’efforçant de communiquer au public une indignation dont il ne le libère qu’in extremis.
Stéphane Macé, « “Touché d’un désespoir visible”. La langue des émotions dans Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé (1623) de Théophile de Viau »
Avec Pyrame et Thisbé, qui marque un véritable tournant sur la scène théâtrale des années 1620, Théophile de Viau inaugure un nouveau type de tragédie : par sa structure même, cette pièce expérimente un nouveau langage des émotions, à la fois ingénieux et sensible. L’audace stylistique se situe ici au point de rencontre de l’esprit humaniste encore vivace, de la singularité de l’expérience et d’une conception de l’écriture qui accorde le primat à la matérialité du verbe.
Jean-Paul Sermain, « Less is more. Marivaux et la langue comique des émotions »
Le xviiie siècle propose diverses conceptions de l’expression verbale et non verbale des émotions. On peut y voir des inventions originales auxquelles ne correspondent pas de description théorique. Dans son théâtre, Marivaux confie l’expression de l’émotion au dialogue, c’est-à-dire dans le rapport entre les 411répliques comme entre la parole et la situation. L’émotion réside alors dans ce qui n’est pas dit, et Marivaux étend ainsi l’analyse du sublime au registre de la comédie.
Sophie Marchand, « Langue des émotions et retour à l’origine. Le cri de la nature dans le théâtre du xviiie siècle »
Afin d’élaborer de nouveaux modèles esthétiques, fondés sur une anthropologie rénovée, les dramaturges du xviiie siècle revendiquent l’invention d’un langage neuf, fondamentalement expressif, substituant au modèle de l’hypotypose une approche pragmatique contaminée par le sublime. La recherche d’une diction pathétique n’est pas tant celle d’une langue plus apte à exprimer les passions qu’une entreprise archéologique visant mettre au jour une langue originelle des passions, foncièrement naturelle.
Catherine Ramond, « La mimesis dramatique dans quelques romans du xviiie siècle, ou la puissance rêvée de l’émotion directe »
Le roman du xviiie siècle à la recherche d’une nouvelle forme d’émotion a trouvé dans la mimesis dramatique une puissance expressive qui se manifeste, dans les textes, par la présence des manifestations corporelles, l’usage du style entrecoupé ainsi qu’une esthétique du tableau et de la pantomime, autant de formes d’un pathétique direct, représentant les personnages émus et susceptible de provoquer par empathie l’émotion du public.
Mathilde Bernard, « Le langage des émotions dans les déclarations de conversion sous le régime de l’édit de Nantes »
Les déclarations de conversion, opuscules prosélytes produits par les nouveaux convertis pour expliquer les raisons du changement de religion, fleurissent sous le régime de l’édit de Nantes. Professions de foi établissant officiellement une identité nouvelle, ces textes de facture très stéréotypée invitent à se demander quelle est la valeur accordée aux émotions et la place laissée à l’expression d’une démarche personnelle dans l’écriture publique de l’intimité.
412Gilles Magniont, « Les emportements grammaticaux vus depuis la Guerre civile des François, sur la langue »
Louis-Augustin Alemand s’amuse à dépeindre ses confrères grammairiens altérés par divers transports. Ses Nouvelles observations, ou Guerre civile des François, sur la langue (1688) permettent peut-être de réviser nos représentations des débats linguistiques au temps de Louis XIV : car dans ces pages où la position argumentée des uns et des autres se mue en exposé des affects, les prescriptions ne semblent plus affaire de raison mais de trouble, de cabales, d’excès.
Anne Coudreuse, « Émotion et détention. La langue des émotions dans quelques mémoires sur les prisons de la Révolution (Jourgniac Saint-Méard, Riouffe, Paris de l’Épinard, Mme de Duras) »
Il s’agit dans cet article de travailler sur les mémoires d’Honoré Riouffe, Joseph Paris de l’Épinard, François Jourgniac Saint-Méard et de la duchesse de Duras (née Noailles), quatre textes écrits dans les prisons de la Révolution, pour analyser leurs éventuelles références littéraires, réfléchir à la littérarité de documents qui sont aussi des monuments de douleur, et définir la notion d’historiographème à partir de quelques exemples.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06251-6
- EAN : 9782406062516
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06251-6.p.0407
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/03/2017
- Langue : Français