Introduction à la deuxième partie
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Langue arabe dans l'Europe humaniste. 1500-1550
- Pages : 205 à 206
- Collection : Perspectives comparatistes, n° 127
Introduction
à la deuxième partie
Dès la première moitié du xvie siècle, dans un contexte où les érudits s’intéressent de façon renouvellée aux systèmes linguistiques et en proposent des « grammaires », un Espagnol puis un Français font imprimer deux ouvrages qui tentent de grammaticaliser la langue arabe dans une langue romane : L’Arte para ligeramente saber la lengua arábiga de Pedro de Alcalá, dès 1505, et la Grammatica arabica de Guillaume Postel vers 1540. La simple lecture des deux documents, organisés de façon tout à fait différente, montre que si l’humaniste français a peut-être consulté l’ouvrage de l’Espagnol, il ne s’en sert pas. La référence à al-Zanjanī, dans une forme très présente en Orient prouve qu’il puise ses sources dans l’Islam oriental et non au Maghreb ou en Espagne. S’il avait pu rencontrer Nicolas Clénard, il aurait sans doute orienté ses recherches vers l’Espagne ou le Maroc. Dans les faits, le destin de l’humaniste flamand, mort avant de publier sa propre grammaire, la perte de la grammaire de Léon l’Africain, l’intervention politique de François 1er comme le travail idéologique de l’Espagne vieille chrétienne qui rejette toute origine sémitique hors des frontières de la Péninsule se rencontrent pour orientaliser définitivement la langue arabe dans les représentations de l’Europe occidentale. La source légitime est l’Empire ottoman et par conséquent, les informations sur la langue viennent de la tradition grammaticale orientale, riche et parfaitement établie. Elle offre aux arabisants qui suivent Postel des modèles d’institutionnalisation de l’enseignement de la langue, forts d’outils de grammaticalisation que les Européens vont reprendre à la suite de l’humaniste français1.
206La comparaison des deux ouvrages permet de mettre en évidence les éléments constitutifs de la représentation de la langue arabe dans l’Europe occidentale et leur évolution dans ces années décisives. Cela montre aussi de quelle manière l’enseignement de la langue s’envisage dans les premières années du xvie siècle et quels sont les rapports des deux auteurs avec cet apprentissage. Enfin, l’étude conjointe de ces deux objets exceptionnels révèle des traitements politiques et idéologiques liés aux contextes dans lesquels ils ont été rédigés et publiés.
1 Voir l’article d’Aurélien Girard, « Les manuels de langue arabe en usage en France à la fin de l’Ancien Régime », Manuels d’arabe d’hier et d’aujourd’hui : France et Maghreb, xixe-xxie siècle, Paris, Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2013.