[Introduction de la deuxième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Fin du sens de l’histoire. Eric Voegelin, Karl Löwith et la temporalité du politique
- Pages : 205 à 206
- Collection : PolitiqueS, n° 21
Les principaux éléments du cadre dans lequel intervient la réponse à la politique du temps sont désormais en place. La première partie a mis en lumière la question du temps politique comme un problème d’ordre systématique auquel l’ordre politique est confronté, ainsi que le processus de politisation du temps visant à y répondre. Ce processus mène, à l’époque moderne, à la création de constructions idéologiques, en particulier l’idée d’un sens de l’histoire, dont la fonction est de légitimer l’ordre politique et, potentiellement, de l’« éterniser ». Des résurgences contemporaines du problèmes du temps politique, telles les théories de la crise, de l’accélération et du principe responsabilité, représentent un processus complémentaire à la politisation du temps : la temporalisation du politique. Cette subordination du politique à des impératifs temporels conduit à une conception du politique déterminée uniquement par la nécessité de répondre à une situtation donnée. L’ordre politique serait ainsi déterminé par un ordre du temps, en particulier par la menace d’une catastrophe à venir. La réponse à la politique du temps doit prendre en compte ces deux aspects.
Dans ce qui suit, nous nous concentrerons sur les réponses apportées à ce problème par Voegelin et Löwith, dans la mesure où elles sont représentatives des deux principales solutions pouvant être adoptées. Tous deux refusent, comme pourraient le faire des partisans de la « postmodernité », d’abandonner tout idée de continuité, de fondation stable, de principe atemporel. C’est pourquoi leurs réponses naviguent nécessairement entre deux extrêmes tout aussi dangereux, entre le décisionnisme temporel qu’elles cherchent à dépasser et les ersatz d’éternité qu’elles critiquent. Tout le défi auquel elles sont confrontées consiste en effet à trouver une solution à la temporalisation sans pour autant rechuter dans la politisation, c’est-à-dire à éviter que le politique ne soit déterminé par la situation sans toutefois le stabiliser en posant une nécessité historique ou un principe éternel. Nous mettrons premièrement l’accent sur les précurseurs dans lesquels Voegelin et Löwith se reconnaissent et qui, par leur réussite, leur échec ou leurs limites, posent le cadre dans lequel s’inscrivent leurs propres tentatives. Dans un second temps, nous étudierons la réponse apportée par Voegelin 206sous la forme d’une philosophie historiciste de l’existence, construite autour de l’expérience de la transcendance, qui se présente comme une tentative de replacer l’homme dans sa temporalité propre, entre temps et éternité. Ce projet comporte néanmoins certaines difficultés, que la perspective de Löwith, fondamentalement différente, permet d’éviter. C’est pourquoi, dans un troisième temps, nous analyserons sa recherche d’un fondement immanent mais non historique, le monde naturel, qui doit permettre de relativiser le politique tout en assurant une sociabilité immédiate, indépendante de tout processus temporel. Voegelin mise sur la transcendance et l’histoire, Löwith sur l’immanence ahistorique. Ce faisant, il est clair que l’opposition entre Voegelin et Löwith ne doit pas être réduite au seul désaccord entre ces deux auteurs, ce désaccord est au contraire représentatif d’une alternative qui dépasse leurs seules œuvres. À travers elles se joue une opposition sur le fond entre deux positions fondamentales vis-à-vis de la question du temps politique.
- Thème CLIL : 3289 -- SCIENCES POLITIQUES -- Histoire des idées politiques -- Philosophie politique controverses contemporaines
- ISBN : 978-2-406-12022-3
- EAN : 9782406120223
- ISSN : 2260-9903
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12022-3.p.0205
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/09/2021
- Langue : Français