Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Fabrique de la race dans la Caraïbe de l’époque moderne à nos jours
- Pages : 253 à 256
- Collection : Rencontres, n° 514
- Série : Histoire, n° 11
Résumés
Audrey Célestine, « Préface. La race dans la Caraïbe »
Cette préface présente trois enjeux fondamentaux de l’ouvrage : étudier la race comme une réalité matérialisée, analyser la manière dont les sociétés caribéennes se réapproprient l’assignation raciale, envisager le contournement de la race comme modalité de résistance.
Marine Cellier, Amina Damerdji et Sylvain Lloret, « Introduction. Entre racialisation et tabou : l’étau de l’assignation »
Dans les champs politique et académique, la race, entendue comme construction sociale productrice d’inégalités durables, reste un objet polémique, pris entre la nécessité de l’étudier, d’en révéler les logiques et donc de la dire, d’un côté et, de l’autre, la crainte d’en augmenter les effets et de lui donner un surplus d’existence par le langage. L’introduction revient sur le choix de l’espace caribéen, lieu d’apparition et de reconfigurations raciales multiples et présente les contributions.
Elsa Dorlin, « Naissance de la race. Médecine esclavagiste, clinique négrière et étiologie raciale (xviie-xixe siècles) »
Cet article propose une généalogie du concept moderne de race à travers son élaboration médicale. Émergeant comme une branche de la médecine navale, la médecine esclavagiste est un savoir peu considéré, exercé par un corps médical subalterne mais directement impliqué dans les rentes du commerce triangulaire. En revenant sur ces différentes affections, il s’agit de dégager une nosopolitique de l’agonie où la médecine des « nègres » n’a pour d’autre fonction que la défense de la santé des Blancs.
254Carlo Célius, « Race, art et esthétique. Haïti, xixe siècle »
Anthropologie, histoire de l’art et théories esthétiques se joignent dans la formulation d’un critère de beauté mobilisé dans le procès de hiérarchisation des groupes humains. Le nègre est alors placé au bas de l’échelle. Haïti, indépendante en 1804, en fait les frais. Ses hommes politiques, comme Toussaint Louverture et Faustin Soulouque, sont représentés comme des incarnations visuelles de l’infériorité du nègre. Les penseurs haïtiens du xixe siècle ont déconstruit cet imaginaire raciste.
Sébastien Nicolas, « Mise à l’agenda des réfugiés haïtiens et racialisation des répertoires d’action du pouvoir politique en Jamaïque »
Durant les années 2000, la présence haïtienne s’est imposée comme un objet de controverse récurrent dans l’espace politique jamaïcain. Les mouvements migratoires intermittents en provenance d’Haïti vers la Jamaïque sont alors sujets à un processus de « problématisation ». Ce texte s’attachera à démontrer en quoi les « répertoires d’action » déployés pour mettre en sens ce « problème haïtien » témoignent d’une racialisation des pratiques du pouvoir politique en Jamaïque.
Éric Roulet, « “Habitants”, “Nègres” et “Sauvages”. La naissance de la société coloniale des Petites Antilles françaises dans la première moitié du xviie siècle »
La société coloniale antillaise est composée au xviie siècle des Français, « les habitants », des Indiens « les Sauvages » et des esclaves africains « les Nègres ». Le rapport économique en domine son fonctionnement. Au milieu du siècle, la composition de la main d’œuvre évolue. Elle est principalement constituée d’esclaves noirs. Les perceptions de l’autre changent. Et avec elles les justifications d’un ordre social particulièrement inégalitaire.
Tina Harpin, « Repenser l’identité au-delà de la “race”. Des insolentes autobiographies de Maryse Condé à l’énigmatique J. M. Coetzee »
Le Cœur à rire et à pleurer, Victoire, les saveurs et les mots, La Vie sans fards, et Mets et merveilles déploient le cheminement qui a conduit Maryse Condé, fille de « Grands nègres » francophiles, à comprendre les méandres des classifications raciales et sociales guadeloupéennes. Nous rapprochons ce parcours et 255cette réflexion de l’œuvre a priori très éloignée de John Maxwell Coetzee, né en Afrique du Sud et naturalisé australien, suggérant ainsi la possibilité d’un comparatisme post-racial.
Justin Daniel, « Entre négation, prétérition et racialisation de l’ordre politique. La race comme catégorie politique à la Martinique »
Ce chapitre analyse les usages de la notion de race à la Martinique, notamment à travers les mobilisations politiques, sociales et socio-écologiques et dans les rapports qui se nouent sur le sol hexagonal entre les migrants antillais et les mouvements revendiquant une identité collective noire.
Amina Damerdji, « Le poète blanc et la Révolution décharnée. Invisibilisation de la race dans le champ littéraire cubain : les effets du matérialisme abstrait »
Ce chapitre analyse la question de la race dans la littérature cubaine, tant sur le plan de l’écriture que sur le plan institutionnel. Politiquement réprimées, les revendications d’égalité entre Noirs et Blancs ont souvent rejailli dans les œuvres, soit de manière explicite soit par la critique détournée d’une Révolution sans couleur et sans corps. Cette contribution vise à critiquer une forme de « matérialisme » qui gomme paradoxalement le corps des sujets politiques et devient, de ce fait, abstrait.
Arturo Morgado-García, « Les réflexions sur l’esclavage noir-africain en Espagne à la fin du xviiie siècle »
Au cours des dernières années du xviiie siècle, l’esclavage a commencé à être de plus en plus remis en question. Même en Espagne, où l’esclavage était maintenu dans des villes comme Madrid et Cadix, à travers l’analyse de la presse périodique et de la littérature, nous avons observé des voix critiquant l’existence de l’esclavage, en particulier le drame Zinda, écrit par María Rosa Gálvez de Cabrera.
Jean-Luc Bonniol, « Nature, identité, hiérarchie. Genèse et destin de la pensée coloniale de la race »
La pensée raciale, telle qu’elle est apparue dans les vieilles colonies, est fondée sur la prise en compte des caractères physiques associés à la couleur 256de la peau et à leur transmission à travers les générations. Est ainsi mis en évidence le lien particulier qu’elle établit entre marque biologique et trace mémorielle. Sa diffusion hors de son foyer colonial est ensuite examinée, avec les effets de minoration, mais aussi d’affirmation identitaire, qu’elle installe chez les sujets « racisés ».
Matthieu Renault, « Pour une généalogie des nouvelles sciences de la race et du racisme »
Partant de la substitution à la notion « objective » de race de la catégorie « subjective » de racisme au lendemain de la seconde guerre mondiale, cet essai, qui promeut une philosophie antiraciste des sciences, s’intéresse au « retour de la race » opéré depuis les années 1970 dans le champ de la sociobiologie puis dans la génétique de la population et ses applications pratiques (généalogie, anthropologie médico-légale, médecine) et enfin dans les « neurosciences de la race ».
- Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN : 978-2-406-11495-6
- EAN : 9782406114956
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11495-6.p.0253
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/08/2021
- Langue : Français