Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Crise de la transcendance au xxe siècle. Voix reçue, parole transmise
- Pages : 201 à 204
- Collection : Rencontres, n° 597
Résumés
Pierre Poligone et Éléonore Mermet, « Introduction générale. Une parole dans la nuit »
Le xxe siècle est un tournant dans la littérature française dans les nouveaux rapports que l’écriture entretient avec l’expression de la transcendance. Cette tension dans l’écriture entre immanence et ouverture au divin est plus évidente que jamais, en raison des grands conflits qui bouleversèrent les mentalités concernant le rapport à Dieu. Pourtant, l’écriture littérature, fragilisée par les crises du xxe siècle, parvient paradoxalement à faire entendre une voix qui renoue avec l’absolu.
Romain Debluë, « Paul Claudel, entre le vide et le Verbe »
Il peut paraître absurde d’aborder l’œuvre claudélienne par la notion de « vide ». Pourtant, vivre, ce n’est pas autre chose que faire succéder un vide à un plein, puis un plein à un vide. Cet article explore les divers plans où se joue l’articulation du vide et de l’esprit, en commençant par l’homme pris comme personne singulière, en élargissant ensuite le point de vue à l’humanité tout entière, enfin en considérant la réation et le Créateur dans un rapport d’inspiration et d’expiration.
Claire Daudin, « Madame Gervaise, la voix de Dieu dans les Mystères de Charles Péguy »
Péguy tenait à « faire parler Dieu », audace poétique et théologique revendiquée. Il lui a fallu trouver le moyen d’incarner ces paroles divines, de leur donner un timbre, une voix. Il y est parvenu par le truchement d’un personnage, madame Gervaise. Cette contribution propose donc de suivre les métamorphoses du personnage de madame Gervaise, voix de Dieu dans les Mystères de Charles Péguy.
202Isabelle Raviolo, « L’expérience du désert dans la poésie contemporaine. L’héritage de la mystique rhénane chez Jean-Paul de Dadelsen »
Poètes et philosophes ont usé du terme « désert » à travers trois axes de lecture : la voie négative, l’appel de l’abîme et la dialectique pascale. Cet article montrera qu’à travers elles, on retrouve l’exigence éthique du détachement des images, caractéristique de la mystique rhénane et du recueil Jonas de Jean-Paul de Dadelsen. Se trouve alors posé avec acuité le problème des rapports du langage avec la réalité. À l’instar du mystique, la mesure de sa parole est de parler de l’indicible.
Marie Calmettes, « Le poète au chevet de “l’Éternel malade”. La dimension oraculaire de la parole poétique chez Paul Valet »
À partir des années 1960, la tournure aphoristique que prend la poésie de Paul Valet, ainsi que le ton particulièrement solennel et les nombreuses références religieuses qui imprègnent son œuvre, lui confèrent une dimension oraculaire. Son étude dans trois recueils de cette période (Lacunes, 1960 ; Table rase, 1963 et La parole qui me porte, 1965) permet de préciser la conception singulière du divin et de la parole poétique qu’il y propose.
François de Saint-Cheron, « À voix basse, Si peu de Jean Grosjean »
Poète, traducteur et exégète, Jean Grosjean publie Si peu en 2001. C’est un livre dense et impondérable qui parle du silence, de la vie ordinaire et ce faisant témoigne d’une transcendance. On pense parfois à Philippe Jaccottet, mais il n’y a pas d’angoisse chez Jean Grosjean dont l’œuvre accueille le mystère comme naturellement. « Que votre cœur ne se trouble pas » (Jn, 14,1), dit Jésus. Cette phrase que le poète aimait passe en filigrane dans Si peu.
Fanny Arama, « Léon Bloy, chroniqueur de l’Abîme, 1915-1917 »
Léon Bloy (1846-1917) est un pamphlétaire catholique au verbe apocalyptique. Cet article s’efforce de montrer dans quelle mesure, face aux proportions inimaginables prises par la première guerre mondiale, sa voix subit une transformation manifeste. Pour la première fois, elle n’oppose plus mais concilie le langage de la finitude propre à la contingence et à la catastrophe avec celui de l’incommensurable. Sa prose s’en voit affectée et exprime un surcroît de dissolution du sens.
203Éléonore Mermet, « Proclamer la parole divine à l’heure de la Technique. La France contre les robots de Georges Bernanos »
La France contre les robots dénonce un monde qui s’avilit et se soumet au fonctionnement de la technique qui va exactement à rebours de l’Incarnation. Georges Bernanos semble ainsi rejoindre les accents du dernier prophète biblique, Jean le Baptiste. Il cherche à réannoncer un langage incarné en affirmant le lien entre parole humaine et Verbe divin. Il s’agit dans son écriture, de faire entendre par sa voix la présence d’une transcendance que ses contemporains semblent oublier.
Pierre Poligone, « “Homme du xxe siècle, tu n’as plus de voix”. Vincent La Soudière et le drame de la parole »
Écrivain méconnu, Vincent La Soudière (1939-1993) a placé la crise de la transcendance au cœur de son œuvre. Dans sa correspondance et dans Eschaton, il module sa voix pour interroger la fragilité et les contradictions d’une époque qu’il ne comprend plus. Le poète adopte une posture de prophète et une écriture de l’indignation pour embrasser un langage plus proche du cri que du chant harmonieux. Il crée ainsi une parole saxifrage pour faire entendre la crise de la modernité.
Denis Labouret, « “Une véritable imagination de la voix”. L’œuvre lazaréenne de Jean Cayrol »
À propos des écrits « lazaréens » de Jean Cayrol, nés de l’épreuve des Camps, Roland Barthes a parlé d’« une véritable imagination de la voix », formule qui pourrait s’appliquer à toute l’œuvre de cet auteur. Cette poétique de la voix serait-elle une réponse au « silence de Dieu » ? Le « romanesque lazaréen » de la trilogie Je vivrai l’amour des autres, notamment, témoigne en réalité d’une transcendance que l’on croyait perdue alors qu’elle se donne à entendre dans l’immanence de notre humanité.
Rodolphe Perez, « Le divin essaimé chez Georges Bataille »
Si la mort de Dieu ouvre une crise de la transcendance, elle autorise aussi le constat d’une inanité des autorités et la recherche d’une voix intérieure, pour communiquer son rapport au monde. Georges Bataille met au jour la 204permanence du sacré dans une expérience immanente qui, se déployant dans un retour à la bicéphalité du sacré entre sa dimension pure et sa dimension impure – dont l’érotisme est la pierre angulairere – place l’homme dans une présence plus authentique au monde.
Ludovic Fillols, « Aller parler là où bat le cœur du silence. La mort et la résurrection dans l’œuvre de Philippe Muray »
L’œuvre de Philippe Muray naît de la rencontre entre avant-garde et tradition littéraire catholique. Dans cet article, nous chercherons autour de quel réseau de métaphores cette rencontre se cristallise. Entre feu et eau, carbone 14 et Saint-Suaire, mort et résurrection, Philippe Muray fait se confronter subjectivité et collectivité pour faire émaner une voix à la fois primale et capable de récapituler l’histoire. Une parole de résurrection en naît qui porte l’humanité par-delà l’apocalypse.
Marie-Françoise Hamard, « Vox clamantis in deserto. Frère Christophe, Journal, Tibhirine 1993-1996 »
Dans le Journal qui précéda son enlèvement et son exécution, Christophe Lebreton, dit Frère Christophe en sa communauté trappiste de Tibhirine, consigna sa relation aux hommes et à Dieu, auquel il s’adresse comme à une présence souvent ressentie comme défaillante, dans le contexte de violence délétère créé par la guerre civile en Algérie. Ce texte testamentaire s’impose à nous comme un témoignage exemplaire de foi et de courage : prenant, contre tous les doutes cruels, le risque de la confiance.
- Thème CLIL : 3146 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage
- ISBN : 978-2-406-15117-3
- EAN : 9782406151173
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15117-3.p.0201
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/09/2023
- Langue : Français