L’Extase et ses paradoxes Essai sur la structure narrative du Tiers Livre

Le Tiers Livre de Rabelais déroute autant qu'il amuse. Raconte-t-il l'histoire de Panurge, qui désire se marier mais a peur d'être cocu, veut connaître son avenir et résoudre sa perplexité? Pourtant, nus voyons d'abord Pantagruel établir la justice en Dipsodie. Puis Panurge justifie ses excès dans l'Eloge des Dettes, et annonce qu'il souhaite et craint le mariage. Pantagruel lui propose d'interroger sur le sujet devins, savants et fous. A la fin de cette quête, Panurge décide d'aller consulter l'oracle de la Dive Bouteille. Pantagruel, qui a assisté seul au procès d'un juge qui décidait de ses sentences par les dés, accepte de l'accompagner dans son odyssée. Le texte s'achève sur l'éloge d'une plante mystérieuse. On passe ainsi abruptement d'un thème à l'autre. Le Tiers Livre est-il un patchwork de récits, sans structure d'ensemble? Le titre du texte nous en donne la clé. le Tiers Livre est celui des faits et dits héroïques du bon Pantagruel, qui, du début à la fin, le domine et lui donne son architecture. La quête même de Panurge est d'abord la sienne. Le géant dirige la recherche de son ami, où le véritable enjeu est, non son mariage, mais son éducation, et dont le but est de le conduire à la poursuivre. Dans les paradoxes du monde et du langage, Panurge accepte enfin de la mener, vers l'extase du savoir. Face au chaos du texte, le lecteur s'efforce comme les personnages d'interpréter les signes et de suivre le cheminement du sens, entrant dans un jeu littéraire et philosophique prodigieux.