[Introduction de la première partie]
- Publication type: Book chapter
- Book: L’Étoffe des hérauts. L'office d'armes dans l'Europe des Habsbourg à la Renaissance
- Pages: 41 to 42
- Collection: Library of Renaissance History, n° 16
Les études de Gert Melville et de Torsten Hiltmann, continuées dans le présent volume, nous ont fait connaître la grande tentative des hérauts du xve siècle de s’inventer un passé, de former un savoir héraldique et une langue particulière, d’y installer des grades, de monter en prestige et en ancienneté, bref de fermer le métier et de former une institution reconnue et durable1.
W. Paravicini dressait, en 2005, ce premier bilan des recherches sur l’office d’armes, invitant les universitaires à approfondir la connaissance du métier de héraut. Car, pour le suivre, l’office d’armes constituait d’abord une communauté d’hommes exerçant un même métier. C’était une profession à la fois commune et particulière, que l’on peut analyser à travers les schémas classiques de l’histoire sociale. Elle requiert aussi une approche plus spécifique, liée aux prétentions des officiers d’armes. De façon générale, il s’agira ici de comprendre la situation de la hérauderie au xvie siècle, de saisir ses évolutions depuis la fin du Moyen Âge et d’essayer d’approcher ce qui en faisait un groupe unique en son temps.
Par certains aspects, il ressemblait à tous les métiers. Il se définissait par un certain nombre de cadres institutionnels. Il avait réussi à faire reconnaître par la société, sinon par le prince, ce qui pouvait ressembler à des privilèges et semblait se constituer en corps professionnel. Ce métier exerçait dans des communautés prestigieuses, comme les cours ou les villes, et comme tous les autres, il avait un but essentiel : faire du profit.
Comme tous les métiers, il était aussi une communauté d’hommes. Son organisation faisait un peu penser aux corporations, avec leurs trois grades : à l’apprenti, correspondait le poursuivant d’armes, au compagnon, correspondait le héraut, et au maître, correspondait le roi d’armes. Au sein de ces rangs, les officiers d’armes menaient une sorte de carrière qui peut se révéler dans l’étude des profils individuels. À travers ces vies de hérauts, on découvre aussi la réalité de ce métier et les difficultés croissantes qui étaient les siennes au xvie siècle.
Mais comme le souligne W. Paravicini et comme y insistait G. Melville2, le métier de héraut n’était pas une profession tout à fait 42ordinaire. Il affirmait en effet reposer sur un savoir, qui lui donnait une position particulière. Ce savoir constituait l’office en un corps d’experts qui ne disait pas son nom. Il y avait un fond de réalité à cela. Les premiers hérauts s’étaient élevés grâce à leur fonction primitive dans les tournois : reconnaître les chevaliers aux armoiries qui ornaient leur équipement pour aider les arbitres à récompenser les plus valeureux. Ces origines réelles avaient été mythifiées pour faire des hérauts les experts de l’honneur chevaleresque et nobiliaire depuis la plus haute antiquité. Au xvie siècle, certains hérauts étaient de véritables érudits et ne manquaient pas de se montrer comme tels dans leurs écrits. Mais s’ils étaient reconnus comme des experts par une partie de la noblesse et des artistes, il y avait aussi des trouble-fête pour moquer ce prétendu savoir.