En ce début de xxie siècle, les menstruations sont un sujet qui prend enfin place dans la réflexion collective et le débat public. Mis en valeur par de nouvelles générations féministes, thématisé dans des happenings et des œuvres d’art, le phénomène menstruel est désormais considéré comme un symbole de la condition féminine, corporelle et sociale, à revendiquer avec fierté. Cette publicité du fait est d’autant plus remarquable qu’elle semble rompre avec un silence millénaire, et un tabou universel.
Mais est-ce si sûr ? En réalité, les textes antiques accordent une place immense aux règles qu’ils considèrent comme un fait central de la santé et de la biologie des femmes. Il est crucial de les relire pour comprendre sur quelle représentation des règles s’est érigée celle d’aujourd’hui, et quelles autres conceptions recelaient ces textes, qui nous permettraient d’envisager différemment ce que notre époque considère trop facilement comme « le propre des femmes ». Car celui-ci n’est devenu un facteur de définition des femmes qu’au xixe siècle, après deux millénaires où la fluidité et cyclicité n’engageaient pas la même définition des genres. En rouvrant l’histoire des règles, je propose de tracer une autre voie du féminisme, qui cherche à comprendre la construction des corps, et leur mesure genrée, pour nous en libérer.