Un chevron accompagné de deux croix pattées en chef et d’un oiseau en pointe, inscrit dans une couronne portant la devise ΤΥΧΗΑΓΑΘΗΞΥΝΘΕΩ (« À la Bonne Fortune avec Dieu ») : ainsi pourrait-on blasonner la marque de Rabelais qui figure en couverture de L’Année rabelaisienne. Les Anciens, avec les expressions « À la Bonne Fortune » et « avec Dieu », formulaient le vœu d’une entreprise heureuse. Compte tenu de la fécondité des travaux de Rabelais placés sous les auspices de la Bonne Fortune, sa marque à la couronne se veut un signe propitiatoire pour une revue qui vise à prolonger son esprit. À partir de 1532, cette marque et sa variante – la devise abrégée ἀγαθῇτύχῃ – apparaissent dans une trentaine d’éditions d’auteurs gréco-latins (Hippocrate et Galien) ou humanistes (Manardo, Marliano et Politien), de poètes vernaculaires (Marot et Coquillart) et de ses propres œuvres originales revues et augmentées (Pantagruel, Pantagrueline Prognostication et Gargantua), où les interventions éditoriales de l’humaniste sont manifestes tant dans l’établissement du texte, les orthographica, les manchettes que l’index. Cette marque résume le souci philologique de Rabelais, tout autant que son audace et son esprit facétieux, lui qui érige en modèle le médecin Asclépiade de Pruse, célèbre pour avoir conclu un pacte avec la Fortune afin de vivre vieux et en pleine santé.
