Résumés des contributions
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : L’Amour et l’Amitié au Grand Siècle
- Pages : 305 à 309
- Collection : Rencontres, n° 550
- Série : Le Siècle classique, n° 17
Résumés des contributions
Delphine Calle et Astrid Van Assche, « Introduction »
Cette introduction dresse le panorama des multiples conceptions du sentiment amoureux et amical qui se développent au cours du xviie siècle en France. Elle analyse comment, après l’essor de l’idéalisme moralisant et de l’amitité tendre dans la première moitié du siècle, l’amour et l’amitié sont progressivement traités avec une méfiance d’inspiration augustinienne qui met en garde contre les dangers omniprésents de l’amour-propre.
Christophe Gillain, « L’affection violente. Écrire le moi dans les mémoires du Sieur de Pontis et de Henri de Campion »
Cet article cherche à réévaluer l’auto-présentation dans les mémoires aristocratiques du xviie siècle. Examinant les mémoires de Henri de Campion et de Louis de Pontis, l’article argumente que l’affection dans un contexte de violence était au cœur des auto-représentations de ces mémorialistes. Le processus d’auto-façonnage de Pontis et de Campion permet d’entrevoir les complexités et les tensions autour de l’amitié, la violence, l’honneur et le christianisme à cette époque.
Nicolas Garroté, « “L’essence de deux sentiments confondus” ? Amour et amitié chez Mme de Sévigné »
Amitié, grande amitié, amour, tendresse, inclination… Si Mme de Sévigné emploie tant de mots pour évoquer le lien qui l’unit à sa fille, c’est sans doute parce qu’elle tâche de décrire un sentiment à part : non pas (seulement) de l’amour ni (seulement) de l’amitié mais « l’essence de ces deux sentiments confondus ». Cherchant à dépasser l’horizon de l’affection maternelle, elle tendrait ainsi à créer une forme de relation supérieure où la chance d’être mère se conjugue avec la joie d’être amie.
306Frédéric Briot, « L’Amitié femmes/hommes dans la Carte de Tendre »
La Carte de Tendre de Madeleine de Scudéry n’a pas pour objet l’amour, mais l’amitié. L’amitié qu’elle vient promouvoir est neuve puisqu’il s’agit d’une amitié entre femmes et hommes, qui redessinerait les règles de fonctionnement de l’espace public, qui affronterait ses structures de domination, qui ferait de la femme et de l’homme des êtres égaux, et conduirait à réinventer, plus tard, et secrètement, l’amour, dans ces terres inconnues où il faudra bien un jour aller.
Aurélie Bonnefoy-Lucheri, « La Terra incognita de Louis XIV et Mme de Maintenon. Aux confins de l’amour et de l’amitié »
La topographie constitue l’une des principales représentations de la conduite et de la pratique amoureuses au xviie siècle. Lire la relation de Mme de Maintenon avec le Roi Soleil à l’aune de la Carte de Tendre, c’est mettre en lumière l’ambiguïté propre à cette liaison galante, aux frontières de l’amour et de l’amitié, des sphères publique et privée. Cette lecture topographique souligne, en, particulier, combien le mystère subsiste autour d’une relation qui demeure une terra incognita.
Véronique Joucla, « Entre certitude et doute. Les interrogations sur l’amour des Conférences du Bureau d’Adresse »
Les Conférences du Bureau d’Adresse de Théophraste Renaudot interrogent les ambiguïtés du pouvoir dans le couple, et montrent l’inquiétude des hommes face à l’amour féminin difficile à canaliser. Natures masculine et féminine régissent la façon d’aimer et conduisent à l’affirmation de la supériorité d’un sexe en amour. Cependant la prééminence masculine est soumise à conditions, et l’« imperfection » féminine vient bouleverser la certitude d’excellence établie par le discours des hommes.
Stéphane Bailly, « Le Socrate de Mme de Villedieu. Entre amours platoniques et amours platoniciennes »
Mme de Villedieu se livre, dans la nouvelle consacrée à Socrate dans ses Amours des grands hommes, à une mise en cause de la sphère politique, en utilisant la tradition relative au philosophe. L’opposition des protagonistes 307révèle l’opposition du « corps grotesque » au « corps classique », mais également celle entre trésor et circulation dans les sphères amoureuse et marchande, et participe ainsi au changement de paradigme lié à l’affirmation de l’économie capitaliste.
Damien Crelier, « Le rasoir d’Ockham de Saint-Simon. De l’évincement de la matière amoureuse dans les Mémoires »
La passion amoureuse n’occupe pas une place de choix dans les Mémoires de Saint-Simon. Cette étude interroge les raisons de cette remarquable discrétion, qui est aussi un malaise. Pour ce faire, elle analyse de façon solidaire, d’une part, une méfiance éthique à l’endroit des choses de l’amour, et, d’autre part, une défiance historiographique ou générique à l’égard d’une matière qui pourrait faire encourir aux Mémoires le risque d’une contamination par une logique romanesque.
Patricia Touboul, « Trois interprètes de l’amitié. Senault, Malebranche, Fénelon »
Pour les augustiniens, le péché ayant corrompu la créature humaine dans ses facultés et ses actions, l’amitié n’est plus qu’intéressée. Cependant, sans être une vertu, est-elle nécessairement un vice qu’il faudrait fuir ? Si Senault se montre pessimiste à son égard, Malebranche et Fénelon proposent des solutions permettant de la sauver, en faisant de l’amour-propre, à la faveur d’un retournement paradoxal, le moyen même de la penser et de la pratiquer et, plus encore, de se disposer à l’exercice du pur amour.
Pierre Lyraud, « Sous le regard de l’ami. L’amitié selon Pascal »
L’inimitié, plus que l’amitié, semble occuper les Pensées de Blaise Pascal : ces dernières se plaisent à subvertir les doctrines philosophiques de l’amitié, en accusant l’impossibilité pour l’homme d’aimer son semblable naturellement ou de façon désintéressée. Pourtant, l’amitié chez Pascal offre des visages multiples : certains fragments dénoncent les manipulations ontologiques qui la sous-tendent, tandis que d’autres fragments l’entendent comme une tendresse soucieuse avant tout du salut du lecteur.
308Églantine Morvant, « L’absence significative de l’amour du prochain dans les Pensées de Pascal »
Cet article s’intéresse à l’amour du prochain, ou plutôt à son absence, dans les Pensées de Blaise Pascal. Revenant à la visée initiale du texte pascalien, celle d’une « apologie de la religion chrétienne », cet article cerne les enjeux rhétoriques qui permettent à Pascal d’affirmer, contre « les ennemis de la religion » (la théorie cartésienne égocentrée, les jésuites et les Réformés) « le vrai christianisme ». Dans cette optique, Dieu est « le seul être véritablement aimable ».
Elizaveta Al-Faradzh, « “Le lien d’une charité indissoluble”. L’amitié dans les lettres d’Antoine Arnauld à Madame de Fontpertuis »
Cet article reconstruit une amitié épistolaire qui existait entre Antoine Arnauld, un théologien janséniste, et une aristocrate dévote, Madame de Fontpertuis. Après la présentation des codes épistolaires, il procède à l’analyse des thèmes de cette correspondance et met en évidence le rôle des services au sein de celle-ci. Même si une relation avait été entamée pour des raisons pratiques, cet article démontre qu’Arnauld plaidait en faveur de la possibilité d’une amitié chrétienne désintéressée.
Justine Le Floc’h, « Qui aime bien châtie bien. Le devoir de correction et ses exigeantes conditions d’application au xviie siècle »
Cet article examine le devoir de correction fraternelle (commentaire du 4e commandement par le catéchisme du Concile de Trente) à partir de discours religieux (Benedicti, 1584 ; La Chétardie, 1676 et 1706 ; Nicole, 1671). La correction ne peut presque jamais être accomplie vertueusement. Or, ce discours religieux se ramifie dans les traités pour circonscrire d’autres modalités conversationnelles, telles que la contradiction des idées chez Nicole, mais aussi la raillerie et la satire (Villiers, 1695).
David Franco, « Agir pour se faire aimer et aimer pour empêcher d’agir. Effets et fonctions de l’amour dans la logique héroïque cornélienne »
Malgré ce que Corneille suggère dans ses écrits théoriques, la relation amoureuse joue un rôle fondamental dans l’affirmation de ses héros. Tout en admettant que la tragédie cornélienne ne mette pas la galanterie au premier 309plan, cet article montre, à partir d’une étude rhétorique et dramaturgique de Suréna et de Sertorius, que l’amour fonctionne comme un outil dramaturgique indispensable pour motiver l’action et ainsi conduire les personnages héroïques à leur réalisation.
Joseph Harris, « Les affections misanthropes. Les manifestations d’amitié dans Le Misanthrope »
Cet article examine l’amitié telle qu’elle apparaît dans les discours et les actions d’Alceste, le misanthrope éponyme de Molière. Malgré sa fameuse haine des hommes, Alceste s’avère très attaché à l’amitié, du moins en théorie ; l’amitié apparaît dans ses discours comme un idéal théorique qui est systématiquement trahi, rompu, dégradé, ou falsifié dans la société, et dont les corruptions servent de base à sa critique de l’interaction et de la politesse humaines.
Lise Forment, « Titus aime-t-il Bérénice ? Antiochus aime-t-il Titus ? Petite histoire d’un différend »
L’article revient sur un différend interprétatif célèbre (« Titus aime-t-il Bérénice ? »), mais emprunte le détour d’un autre « différend sensible » : l’amitié qui unit Antiochus, le vaincu, à son bourreau Titus. En analysant les récits du siège de Jérusalem, l’article soutient l’hypothèse d’un soubassement traumatique commun aux liens amicaux et amoureux chez Racine. S’en trouveraient expliqués la « motivation des personnages » (Jacques Scherer), comme certains effets du théâtre racinien.
Jennifer Tamas, « Le silence ou la mort. La déclaration d’amour chez Racine »
Chez Racine « taire, c’est faire ». L’action est nouée autour de silences qui cèdent à l’éclatement de la parole amoureuse. Loin « d’agrémenter » la fable, l’amour la complexifie et produit des effets dévastateurs. Qu’il soit réciproque ou non partagé, plein de violence ou empreint de civilité, il obéit à une partition tragique soigneusement orchestrée. Une fois que le personnage amoureux se déclare, les dés en sont jetés et la formule « c’en est fait » scelle le malheur.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-13334-6
- EAN : 9782406133346
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13334-6.p.0305
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 26/10/2022
- Langue : Français