[Introduction à la première partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : L’Affaire clémentine. Une fraude pieuse à l’ère des Lumières
- Pages : 31 à 31
- Collection : L'Europe des Lumières, n° 32
Analyser la lettre fictive dans sa finalité romanesque, c’est donc retracer l’itinéraire de la transposition qui mène de la réalité à la fiction.
M.-C. Grassi, L’Art de la lettre au temps de La Nouvelle Héloïse1.
L’extraordinaire affaire clémentine s’ouvre en fait avec deux livres germains2. Bien que le texte-phare soit le recueil même des lettres supposées, il ne peut être envisagé sans que soit dans le même temps interrogée LaVie du pape Clément XIV, biographie qui chronologiquement le précède et qui joue, dès le titre, le même sésame de la renommée.
Comment et pourquoi ces livres germains sont-ils nés ? Quels événements, mais aussi quel état de la vie politique, culturelle et littéraire présidèrent à leur conception ? Lequel, de LaVie et des Lettres, est génétiquement le puîné ? Comment le passage de l’un à l’autre s’opère-t-il ? Et surtout quelles sont les techniques, éventuellement articulées, sur lesquelles s’appuie cette supposition d’auteur appelée à déclencher en son temps une véritable affaire ? L’investigation ambitionne une genèse totale croisant « biographie3 » et poétique de la supercherie.
1 Marie-Claire Grassi, L’Art de la lettre au temps de La Nouvelle Héloïse et du romantisme, Genève, Slatkine, 1994, p. 211.
2 Nous empruntons ce qualificatif au rédacteur du Tartuffe épistolaire démasqué ([J.-J. Bonnaud], Le Tartuffe épistolaire démasqué, op. cit., p. 205).
3 Il s’agit, à l’instar de Robert Darnton, de retracer l’aventure d’un livre, d’en écrire en somme la « biographie », comme le rappellent le titre de l’introduction : « the biography of a book », ainsi que la première phrase de l’ouvrage où figure le syntagme « the life story » (Robert Darnton, The Business of enlightenment. A publishing history of the Encyclopédie 1775-1780,Cambridge, Mass., Londres, Belknap press, 1979, p. 1).