Dans la seconde moitié du xixe siècle, le récit de rêve littéraire offre une réelle liberté créatrice à l’écrivain tout en l’obligeant à l’écriture d’un texte dont rien n’est laissé au hasard de la plume. Quant à la forme prosaïque des Déserts de l’Amour, si elle n’est pas poème(s) en prose et s’inscrit dans une structure romanesque, la brièveté de l’ensemble permet néanmoins à Rimbaud de produire une écriture poétique au sens où l’entend désormais la modernité, soit un travail en profondeur de sa matière textuelle, le moindre mot étant soigneusement choisi par l’écrivain et ce quelle que soit la forme de l’œuvre. Notre présente lecture des Déserts de l’Amour s’échafaudera sur ces conclusions génériques.
Il pourrait paraître logique de commencer notre analyse par celle du titre LesDéserts de l’Amour. Mais, en général, un titre thématique a une dimension énigmatique que la lecture de l’œuvre qu’il chapeaute finit par éclairer. De sorte qu’ouvrir notre exégèse par son commentaire ne nous amènerait non seulement qu’à formuler des hypothèses interprétatives, mais encore, en multipliant celles-ci, à proposer autant de pistes de lecture se révélant probablement pour certaines d’entre elles non pertinentes à l’issue de notre analyse de l’ensemble de l’œuvre. C’est pourquoi nous procéderons tout d’abord au commentaire de chacun des trois textes formant les Déserts, selon l’ordre que nous avons déterminé lors de notre approche philologique (« Avertissement », première prose onirique, seconde prose onirique), puis achèverons par l’analyse du titre global, dont seule l’étude des proses nous permettra de cerner le ou les sens.