Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Inextinguible Rabelais
- Pages : 797 à 808
- Collection : Les Mondes de Rabelais, n° 6
Résumés
Mireille Huchon, « Prélude et coups d’essai »
Du 12 au 15 novembre 2014, Rabelais l’inextinguible a été célébré en Sorbonne, au château d’Écouen et dans la chapelle du lycée Henri IV, par des spécialistes de littérature, des historiens de l’art, des artistes et des écrivains.
Richard Cooper, « Rabelais et la Sorbonne »
La satire contre la Sorbonne reprend les thèmes de farces et de sermons joyeux. Mais l’évolution du texte reflète également la conjoncture politique. Pantagruel paraît dans le contexte de la dispute entre Béda et les Du Bellay. Suite à la réunion de la Sorbonne en mai 1533, au décret royal et aux Placards, les railleries deviennent plus actuelles et plus mordantes. À partir de 1537, Rabelais s’autocensure, visant l’Université en général et braquant son arme sur de nouvelles cibles.
Hope Glidden †, « Naître à La Devinière. Aux sources des folastreries joyeuses de Rabelais »
L’article, qui place l’œuvre rabelaisienne sous le signe de La Devinière et de ses sonorités évocatrices (vin/devin/deviner/divin/dive/divination), s’interroge sur la fonction d’un de ces récits « accidens » qui bouleversent la trame des livres rabelaisiens. L’épisode en question est situé au début du tour de France des universités (P, v) : il s’agit du pèlerinage de Pantagruel à Maillezais pour visiter le tombeau de son ancêtre Geoffroy de Lusignan.
Olivier Pédeflous, « Rabelais à l’école d’Hermès. Diplomatie et stratagèmes en milieu Du Bellay »
Cet article propose une relecture des passages de l’œuvre de Rabelais touchant aux domaines de la diplomatie et des stratagèmes dans l’entourage des frères Du Bellay, ses protecteurs. Le traitement de ce thème passe par une réflexion sur l’histoire et sur la sémiologie à la Renaissance entre France 798et Italie. On s’appuie sur quelques micro-lectures de Gargantua et des coups de projecteur sur les bibliothèques humanistes à la disposition de Rabelais.
Loris Petris, « Le ludisme littéraire entre Rabelais et Jean Du Bellay »
À partir de la correspondance du cardinal Jean Du Bellay, dont la publication (1905-2017) vient de s’achever, cet article scrute le ludisme littéraire qui s’établit entre le protecteur influent et son client et médecin, qu’il nomme plaisamment « Pantagruel » dans sa correspondance. Un dialogue libre et apparemment inutile mais pour le moins significatif se construit à travers des « flux de mots » qui voyagent dans les deux sens, de la fiction romanesque à la correspondance diplomatique, et vice-versa.
Michèle Clément, « Rabelais et ses privilèges. Un autre accès à la pratique auctoriale ? »
Rabelais obtient deux privilèges royaux pour publier ses œuvres, l’un de François Ier en 1545, l’autre de Henri II, en 1550. Étudier les privilèges d’auteur est une nouvelle manière d’approcher l’intentionnalité auctoriale, surtout quand les privilèges sont bavards. Quel contrôle Rabelais veut-il exercer sur son œuvre parue et à paraître ? Devient-il un « auteur » en 1546 ? Le privilège, monopole commercial et grâce royale, protège-t-il le livre ou l’auteur ?
Guy Demerson et Myriam Marrache-Gouraud, « La Bibliographie François Rabelais comme une autre Thélème »
Comment a été réalisée la Bibliographie inépuisable d’un auteur inextinguible ? Nous présentons ici l’histoire de cet ouvrage de plus de 800 pages. On y lira les conditions dans lesquelles nous avons collégialement mené à bien ce projet qualifié de thélémique tant il comporte sa part d’utopie. On y trouvera les bonheurs et déboires d’une telle entreprise, les réflexions qu’elle nous a inspirées, les quelques regrets que nous avons pu éprouver, mais aussi les découvertes faites chemin faisant.
Marie-Luce Demonet, « Le “maguazin d’abus”. Rabelais Turlupin »
L’hérésie joue un rôle moteur chez Rabelais. Elle fleurit la langue des personnages par des invectives liées aux sectes médiévales (bagards, turlupins, savatiers), aux religions non-chrétiennes (marranes, marrabais, retaillats), aux précurseurs supposés de la Réforme (vaudois, lollards, patarins), aux 799doctrines dualistes (bogomiles, cathares, albanais) ou aux inclassables cagots. Si l’énigmatique Turlupin semble d’abord hostile et ridicule, ce nom devient un masque du narrateur dans le Quart livre.
Olivier Millet, « Le mythe de la Renaissance et le topos des trois générations dans l’œuvre de Rabelais »
La représentation de ce que nous appelons « la Renaissance » s’opère, à l’époque concernée, au moyen de topiques diverses. Chez Rabelais, une de celles-ci est l’articulation du temps sur trois générations (grand-père, fils, petit-fils), schéma qui structure la mémoire humaine sur le plan anthropologique et permet de percevoir et de représenter le changement d’un tournant culturel majeur. Cette contribution en explore certains aspects, les distorsions et les limites, dans les deux premiers romans rabelaisiens.
Gilles Polizzi, « Le “feu inextinguible” au temple de la Dive. Le Ve livre entre realia et intertextes »
Cette contribution s’attache à faire paraître la logique de la réécriture de L’Hypnerotomachia Poliphili dans les chapitres xxxvi-xl du Cinquiesme livre. Le montage complexe du texte rabelaisien est ensuite raccordé à un modèle réel ou supposé tel : celui du « feu sacré » ou du « miracle de la lampe » décrit par Grégoire de Tours et par le franciscain Félix Fabri (1483). À mi-chemin entre intertexte et realia se dessine ainsi la cohérence singulière de l’ekphrasis rabelaisienne.
Romain Menini, « Le génie de la lampe »
Motif obsédant de la fiction rabelaisienne, la lampe – qu’elle soit « lanterne » ou « fallot » – y resplendit d’une polysémie singulière, notamment dans le Cinquiesme livre. L’article met au jour les soubassements textuels de la lumineuse fantaisie d’Alcofribas, premier des « Lychnobiens ». Aucune érudition ne saurait se passer de l’huile du travail nocturne ; Rabelais a beau jouer le vin contre l’huile, il n’en rêve pas moins d’une lanterne inextinguible.
Raphaël Cappellen, « Sur quelques vers en quête d’auteur(s). Les emprunts poétiques dans l’œuvre de Rabelais »
Cet article aborde le corpus de poèmes empruntés par Rabelais et tissés dans les narrations de Gargantua, ainsi que des Tiers et Quart livres. Le goût 800rabelaisien pour les effets de sens produits par les collages de morceaux poétiques antérieurs ou contemporains nous amènera à nous demander si le fameux dizain liminaire de Gargantua ne serait pas la réécriture d’un autre dizain se terminant également par « Pource que rire est le propre de l’homme ».
Jean-Eudes Girot, « Clément Janequin, François Rabelais et la chanson de bataille »
L’article étudie les rapports entre l’œuvre de Clément Janequin et celle de François Rabelais. Plutôt que de parler de l’influence de l’un sur l’autre, il paraît préférable d’évoquer une communauté d’inspiration.
Nicolas Le Cadet, « Les mystères dans Pantagruel »
La présence du genre des mystères chez Rabelais a très peu retenu l’attention des rabelaisants. L’article tente de combler ce surprenant vide critique en se concentrant sur le cas de Pantagruel (c. 1532). Loin de n’être qu’une source textuelle ou orale que Rabelais aurait intégrée de manière anecdotique dans sa fiction, les mystères y jouent un rôle tout à la fois comique, théologique et esthétique.
Richard Scholar, « Rabelais et l’archipel des utopies »
Ubique dans la pratique de son art textuaire, Rabelais se révèle en même temps inextinguiblement utopique. Cet article vise à replacer l’auteur au plein cœur de la tradition utopique comme l’un des tout premiers lecteurs de l’Utopie (1516) de Thomas More, à s’engager dans un dialogue intime avec son texte et ainsi à ouvrir tout un ensemble de possibilités de lecture à l’intérieur de la fiction rabelaisienne, possibilités qu’il conviendra ici d’identifier et de mettre à l’épreuve.
Edwin M. Duval, « Exégèses de Virgile, interprétations de Rabelais. Servius et le Tiers livre »
La quête de Panurge commence par un acte d’interprétation qui dévoile à l’avance l’intention ludique qui présidera à tous ceux qui suivent, l’interprétation de Pantagruel étant fondée sur une glose de Servius dont l’absurdité était notoire. Le Tierslivre se termine par un épisode tout analogue où le narrateur cite la même glose incriminée en invitant le lecteur à chercher dans l’éloge du Pantagruelion un plus haut sens allégorique. Le lecteur tombera-t-il dans le même piège que Panurge ?
801Diane Desrosiers, « Le Tiers livre de Rabelais et la tradition des progymnasmata »
Le Tierslivre de Rabelais est principalement consacré à la résolution du dilemme matrimonial de Panurge : le compagnon de Pantagruel doit-il ou non se marier ? Le traitement rhétorique de cette question constitue un exemple récurrent dans les traités de progymnasmata, c’est-à-dire les manuels didactiques utilisés à la Renaissance pour l’apprentissage de l’art oratoire. Nous interrogeons la nature des liens unissant ces exercices rhétoriques préparatoires et les finalités de l’ouvrage rabelaisien.
Claude La Charité, « Rabelais scénariste des mondes imaginaires de Pline l’Ancien. Le Quartlivre et l’exemplaire BSB de l’édition érasmienne de l’Histoire naturelle – Bâle, Froben, 1525 »
L’Histoire naturelle constitue une référence incontournable de l’œuvre de Rabelais, si bien que tout rabelaisant rêverait de pouvoir lire Pline l’Ancien par-dessus l’épaule du médecin humaniste. Or, un exemplaire conservé à la Bayerische Staatsbibliothek de l’édition érasmienne de l’Histoire naturelle comporte des annotations manuscrites, difficiles à attribuer en l’absence d’ex-libris, qui entrent cependant singulièrement en résonance avec ce que le Quart livre retient de Pline l’Ancien.
Jean Céard, « Rabelais et les nombres »
On sait combien Rabelais aime à jouer avec les nombres. Parmi ceux-ci, il faut distinguer ceux que Michel Butor appelle joliment les « nombres optiques », et ceux qui semblent bien relever de considérations arithmologiques d’inspiration pythagorico-platonicienne. Les premiers connaissent de comiques variantes ; non les autres auxquels cette étude est consacrée, deux épisodes en faisant un usage très organisé : le chapitre xxxv du Cinquiesme livre et les chapitres relatifs à l’abbaye de Thélème.
Jean-Marie Guérin, « Lire Rabelais en couleurs »
C’est au bord de l’Atlantique, entre Olonne et La Rochelle, lieux de commerce de sel et de vin, pendant la courte période où l’évêque de Maillezais le protège, que Rabelais puise ses souvenirs de cabotage. Le regard se focalise sur les armoiries, blasonnées puis altérées avec humour. Des couleurs de Gargantua aux moqueries acerbes contre la famille Sainte Marthe puis au crime de lèse-majesté contre la maitresse du roi, Rabelais tourne en dérision la passion du moment : l’héraldique.
802Bruno Pinchard, « Comment l’“ère de Noé” peut-elle être close ? Rabelais et la fin du noachisme »
L’article essaie de prendre au sérieux la formule de la bouteille du Cinquiesmelivre : « En joye soit l’Aire de Noach close », en la confrontant aux traditions du noachisme dans le judaïsme, c’est-à-dire à cette forme de juridiction qui permet aux non-juifs de participer à la loi de Moïse. Il montre la place de Rabelais parmi les justes du Noachisme et s’interroge sur la portée évangélique de cette joie revendiquée qui présiderait à l’achèvement de la forme d’universalité propre au judaïsme.
Michel Jeanneret †, « Body Language »
Par des mines, des gestes, toute espèce de signes, les corps parlent, dans Rabelais, et jouent un rôle majeur dans l’interaction des personnages. Les contacts multi-sensoriels et l’intelligence kinésique interviennent aussi dans notre lecture des récits qui, autant qu’à l’intellect, en appellent à des simulations perceptives. Cette communication in præsentia explique l’importance, entre les amis comme entre l’auteur et son public, des relations de proximité et des regroupements communautaires.
Tom Conley, « Verte folium. Du dessein animé »
La critique s’attache depuis longtemps à envisager le dessein – ou design – de Rabelais. Après avoir rappelé la fortune et la portée de ce concept, l’article propose de le cerner à même le dessin typographique qu’anime par exemple la relation entre le texte et l’image dans la première édition de la Pantagrueline prognostication, avec sa gravure issue de la Nef des fous. Emblématique du jeu de Rabelais, la page de titre porte l’inscription Verte folium, qui désigne la folie d’un tel feuillet.
François Rigolot, « “Il gigante”, Pantagruel et l’Hercule de Michel-Ange »
Dans le Pantagruel, le gigantisme du personnage éponyme autorise une comparaison réitérée avec Hercule, héros gréco-romain prodigieux dont la Renaissance donne de nombreuses versions. L’article propose de réexaminer ici l’emploi de ce mythe dans le contexte précis de l’acquisition de la célèbre statue d’Hercule qui arriva à Fontainebleau en 1529 au moment où Rabelais composait son premier chef d’œuvre pour François Ier.
803Carmelo Occhipinti, « Puissance des images chez Rabelais »
Peu avant le début des guerres de religion, la dévotion populaire prêtait aux images sacrées une puissance prodigieuse, comme si elles étaient vivantes et animées et qu’elles avaient la capacité physique d’interagir avec les hommes et de les influencer. À partir des textes rabelaisiens, cet article propose donc quelques réflexions sur les images tridimensionnelles, c’est-à-dire les statues en bronze ou en marbre, objets de vives discussions religieuses vers le milieu du xvie siècle.
Frédérique Lemerle, « Philandrier et Rabelais, une amitié romaine »
Philandrier et Rabelais qui se connaissent déjà, tissent une véritable amitié lors de leur séjour romain (1547-1549) aux côtés de leurs patrons respectifs, les cardinaux d’Armagnac et Du Bellay. Des liens privilégiés qui unirent le spécialiste de Vitruve au médecin passionné d’épigraphie nous avons gardé quelques témoignages qui permettent de les imaginer quasi quotidiennement partir ensemble avec leurs amis à la découverte des ruines de la Ville éternelle et des innombrables inscriptions qu’elle conservait.
Yves Pauwels, « François Rabelais, Philibert De l’Orme et l’architecture »
La présence simultanée à Rome de Rabelais et de De l’Orme a permis d’imaginer entre les deux hommes une amitié qui a débouché sur la conception de Thélème. Rien ne permet d’établir la réalité de ce lien. Néanmoins, l’architecture de la fontaine des Quatre Tias à Fontenay-le-Comte, ville de Geoffroy d’Estissac, présente des rapports avec le palais Farnèse à Rome. Ces détails ont pu être transmis par l’intermédiaire de Rabelais, dans un réseau d’informations où le jeune De l’Orme aurait eu sa place.
Muriel Barbier, « Ce que Rabelais nous révèle des arts de la table au xvie siècle »
Rabelais a imaginé les banquets et les repas des géants de Gargantua, de Pantagruel et du Quart livre autour de la trame normée des arts de la table de son temps. La confrontation des textes et des œuvres conservés avec les indications – certes déformées – sur les arts de la table de la Renaissance s’avèrent précieuses pour comprendre la fonction des objets, d’une part, et pour saisir les mises en scènes imaginées par Rabelais, d’autre part.
804Dominique Cordellier, « Précisions sur quelques “drôleries” rabelaisiennes de Baptiste Pellerin »
Le Louvre a acquis en 2011 sept dessins de Baptiste Pellerin, actif à Paris entre 1542 et 1575, illustrant l’Isle sonante parue en 1562. Il en a reçu en don le frontispice la même année. À la suite des études d’A. de Boisdeffre et de F. Lestringant, cet article en précise l’histoire et en propose une lecture iconographique fondée sur une observation plus rapprochée des images et sur un relevé de leurs points communs avec le texte.
Henri Zerner, « Rabelais en images »
L’illustration de Rabelais n’a pas été beaucoup étudiée, sauf Doré et un peu Robida. On a essayé d’en donner une vue d’ensemble du xviie siècle à nos jours. Notre conclusion est que malgré la qualité artistique de certaines contributions (Derain, Deveria, Bracquemond, etc.), l’illustration n’a pas apporté grand-chose à la lecture du texte. En revanche les adaptations en images ont sans doute servi à familiariser les plus jeunes avec le monde de Rabelais.
Isabelle deConihout, « Rabelais relié, Rabelais rhabillé. Les reliures des éditions du xvie siècle de Rabelais »
L’examen des éditions parues du vivant de Rabelais, c. 220 exemplaires recensés par la NRB, montre que bien peu nous sont parvenus dans une reliure du xvie siècle. Un peu plus en reliure xviie ou xviiie. Mais c’est au xixe que les relieurs au service des grands bibliophiles habillent la majorité des exemplaires conservés. Ils ont ainsi presque tous perdu leurs habits d’origine et ont été lavés, ce qui a effacé les inscriptions anciennes manuscrites.
Jonathan Patterson, « Rabelais et son art textuaire. Une lecture du Prologue du Quart livre (1552) »
Rabelais a-t-il un esprit foncièrement humaniste, érasmien, hostile aux gloses, que l’on pourrait qualifier de textuaire ? Oui, mais il y aura toujours une marge d’incertitude, comme le montre bien le Prologue du Quart livre (1552). On voit là qu’un Rabelais qui privilégie le texte hétérogène aux dépens de la glose est néanmoins capable d’opérer à rebours pour pratiquer minimalement la glose quand bon lui semble. Sa Briefve Declaration d’aulcunes dictions plus obscures en est la preuve ironique.
805Anne-Pascale Pouey-Mounou, « Du boniment au paradoxe. De quelques jeux de requalification rabelaisiens »
Publicitaires, souvent auto-ironiques, les qualifications de la geste pantagruéline sont porteuses d’infléchissements décisifs. Copieuses et paradoxalement pertinentes dans l’amplificatio, elles génèrent des métaphores structurantes, comme dans les épisodes des chevaux factices et du torche-cul où se définit un idéal princier ; axiologiques et spécifiantes, elles servent la satire des particularismes ; dynamiques et exploratoires, elles sont riches d’enjeux narratologiques.
Jennifer Oliver, « “Tous engins et subtilitez”. Arts techniques et arts poétiques chez Rabelais »
Parmi l’ambiguïté irréductible de l’épisode de Gaster, deux termes plastiques liés à l’invention et à l’ingénierie révèlent les liens analogiques qui existaient au xvie siècle entre la faculté intellectuelle de l’ingéniosité et sa matérialisation. L’ambiguïté lexicale reflète aussi une certaine ambivalence morale. Quelles sont les relations entre « engin(s) » et « subtilité(z) » et que peuvent apporter de telles questions à nos lectures de cet autre « grand maître de toutes ars » inextinguible ?
Paul J. Smith, « Rabelais et l’“occulte sympathie de nature” »
Cet article étudie la présence de la sympathie et de l’antipathie naturelles dans l’œuvre de Rabelais. Ces deux notions complémentaires sont omniprésentes : elles n’ont pas seulement trait aux rapports interhumains (amitié ou haine entre les personnages, connivence entre narrateur et lecteur…), mais aussi à ceux qui lient entre eux les animaux et les plantes ainsi que les objets inanimés. Dans ce contexte thématique, on note l’importance du colloque Amicitia d’Érasme.
Bernd Renner, « “Par craincte de (re)tomber en ceste vulgaire et satyrique mocquerie”. Structures satiriques des Tiers, Quart et Cinquiesmelivre »
La problématique de « l’archéologie du Ve livre » se voit interrogée de deux manières dans ces pages. Nous voudrions d’abord en élucider son orientation satirique complexe. Cette analyse nous semble impossible sans en établir le rapport avec la satire des TL et QL, l’édifice satirique le plus subtil de la geste rabelaisienne. Nous en déduirons une conception nouvelle de la dichotomie conventionnelle des visées satiriques historiques et allégoriques fort éclairante pour l’herméneutique du CL.
806Frank Lestringant, « De la barbe au voyage de Panurge (Tiers livre, xxviii, et Quart livre, xlviii-liv). Le savoir cosmographique dans l’œuvre de Rabelais »
Frère Jean lorsqu’il décrit le monde dans la barbe de Panurge (TL, xxviii) et l’auteur-narrateur lorsqu’il loue le Pantagruélion pour sa capacité à abolir les distances entre les peuples du monde entier (TL, li), privilégient l’échelle générale et lointaine de la cosmographie ou géographie. Mais dans le voyage d’îles en îles du Quart livre et du Cinquiesme livre, le point de vue supérieur et surplombant est rapidement abandonné au profit de l’échelle inférieure de la chorographie ou topographie.
Phillip John Usher, « Abordages dans le Quart livre »
Cet article s’intéresse dans le contexte du Quart livre à la question de la mise en écrit des abordages de la Thalamège afin de jeter un nouvel éclairage sur la manière dont le célèbre vaisseau arrive au bord et prend terre. Une telle question, certes naïve, est fondamentalement liée aux pratiques spatiales que Rabelais met en œuvre dans ce texte.
Paola Cifarelli, « Rire à la manière de Rabelais. À propos d’une nouvelle inédite, Les menus propos fabuleux, 1542 »
Les menus propos fabuleux de Laurens Valle (…). Ensemble les ditz moraulx joyeulx et facecieux de maistre François Petrarque parurent à Paris chez Alain Lotrian en 1542 ; ce recueil contient, entre autres, deux nouvelles, dont une inédite. L’édition du texte est accompagnée d’une étude des sources ainsi que d’une analyse du style inspiré de la facétie et du comique, qui n’est pas sans rappeler celui de Rabelais.
Stéphan Geonget, « Rabelais lu et relu par Louis Le Caron »
Le juriste humaniste Louis Le Caron fait partie des lecteurs attentifs de Rabelais. Cela a été remarqué, « Rabelais » est même l’un des personnages de ses Dialogues. La présence du génial auteur est insistante dans l’œuvre du juriste mais elle vaut sans doute moins pour les références littéraires qu’elle permet que pour elle-même. Rabelais, c’est l’humanisme triomphant, l’« encyclopédie » du savoir et les combats d’une époque en faveur de ces idéaux. Ce temps hélas est désormais révolu.
807Wes Williams, « “Foutys vous descoss”. Rabelais, Urquhart, et les enjeux de la traduction »
Traduttore traditore ? Pas toujours : la version écosso-anglaise de Rabelais que nous offre en 1652-1653 ce fabuleux amateur de pérégrinité comme de logofascination que fut Sir Thomas Urquhart s’avère tout aussi fidèle qu’obscène et irrévérencieuse. En concevant la traduction comme une pratique de close reading, nous esquissons ici une relecture de la fameuse rencontre avec Panurge polyglotte et plus précisément du moment où Carpalim lui suppose une origine écossaise.
Elsa Kammerer, « Rabelais en sous-main. Le Voyage des fils de Megaprazon de Goethe (1792) »
La mise au jour de l’intertexte rabelaisien du Voyage de Goethe (1792), jusqu’ici sous-estimé, et d’éléments pris à la Geschichtklitterung de Fischart et au De Nymphis de Paracelse, enrichit l’interprétation politico-historique de ce texte (conçu comme une allégorie de la Révolution française) d’une dimension discrètement parodique et grinçante. La présence en sous-main de Rabelais interroge finalement la pertinence même d’une utopie littéraire, sous la forme de ce qui aurait pu devenir un conte à rire.
Jean-Charles Monferran, « Rabelais créole. Sur Texaco de Patrick Chamoiseau »
Patrick Chamoiseau a revendiqué à plusieurs reprises l’héritage de Rabelais pour son œuvre et pour les littératures créoles d’aujourd’hui. À partir d’une enquête sur le rôle que sont amenés à jouer Rabelais et ses romans dans la trame fictionnelle de Texaco (1992), l’article s’interroge plus largement sur le sens chez Chamoiseau et en terre créole de la référence à Rabelais, sur ses présupposés politiques et linguistiques.
Aya Iwashita, « Réception et intégration de Rabelais au Japon »
Au Japon, la réception des œuvres de Rabelais a été abordée par la médiation de la traduction de Kazuo Watanabe. Ce dernier, à la fois traducteur et universitaire, consacra sa vie à l’étude et à la diffusion des œuvres de Rabelais et de la Renaissance. La traduction du Gargantua, publiée à l’époque de la Guerre du Pacifique, explicite bien sa manière d’intégrer la pensée humaniste dans la traduction, tout en veillant à éviter la censure et la dénonciation.
808Anna Ogino, « Rabelais et le rakugo »
L’article étudie l’anecdote de la fumée du rôti (le chapitre xxxvii du Tiers livre) où les sources folkloriques se trouvent enclavées dans un cadre juridique. Complexe est cette réalité textuelle, à laquelle nous confrontons une autre qui relève du rakugo,comique populaire traditionnel du Japon. Ce dernier, par sa folle sagesse, permet de situer l’anecdote dans l’ensemble du Tiers livre.
Delphine de Swardt, « Le nez de Nasier »
Nasier : le pseudonyme cache un penchant pour l’odorat, le médecin Rabelais n’ignorait pas non plus les vertus des bons parfums utilisés à l’époque pour combattre les puantes maladies. À Thélème, L’Eau d’Ange donne son empreinte récréative et courtoise aux galanteries locales, tandis que les eaux de rose et de fleur d’oranger coulent dans les fontaines. Notre exploration retrace les ancrages et les usages du parfum du Bas Moyen Âge, pour en reconstituer l’ambiance olfactive.
Philippe Bordas, Pierre Jourde et Jean-Marie Laclavetine, « Table ronde. Les paroles dégelées – résurgences de Rabelais dans la littérature d’aujourd’hui »
Trois figures contemporaines – Jean-Marie Laclavetine, Philippe Bordas et Pierre Jouve – livrent leur point de vue d’écrivains sur Rabelais et la littérature d’aujourd’hui.
Michel Butor†, « Palissade »
Palissade est un livre d’artiste que Michel Butor a réalisé en deux exemplaires avec Joël Leick en 1994 et qui donne à la bouteille rabelaisienne un magnifique et émouvant écrin.
François Rigolot, « Et vogue la Thalamège »
En empruntant des voies aussi diverses que la matérialité du texte, l’intermédialité, la référentialité, l’intertextualité, l’hybridité, la théâtralité et l’histoire de la réception, la Thalamège entreprend d’explorer tous les recoins de la Rabelaisie.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10338-7
- EAN : 9782406103387
- ISSN : 2264-427X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10338-7.p.0797
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/04/2021
- Langue : Français