[Inextinguible Rabelais ! …]
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Inextinguible Rabelais
- Pages : 11 à 11
- Collection : Les Mondes de Rabelais, n° 6
Inextin-
g u i b l e
Rabelais !
Sa « soif
de pater-
nité » fut
telle que,
dans un divin
fou-rire, l’Homère bouffon
se paya le luxe d’« embesoigner à soy
la posterité », comme le dirait Montaigne. C’était
pousser le bouchon un peu loin, peut-être – certes en vin,
non en vain. Soif ardente, rire qu’on n’étouffe point, verve
qu’on ne fera pas taire, flamme qui ne s’éteindra jamais : les
« bienyvres » n’avaient-ils pas promis l’éternité de beuverie ?
Le « Pantagruelion Asbeste », inaltérable, ne valait-il pas la royale
salamandre, alors sous les feux de la rampe ? Avis aux Lychnobiens,
« vivans de lanternes » – qu’ils soient heureux soiffards ou pompiers
pyromanes – : qui donc oserait se targuer aujourd’hui, avant de s’épuiser
lui-même, de pouvoir étancher la veine perpétuelle des livres de Maistre
François ? L’espoir, bien sûr, se trouve au fond du fût : voilà ce que vont
entonnant Tantale et puis les Danaïdes… Que nul ne meure de soif auprès
du tonneau inexpuisible ! Quant au grand Nasier lui-même, il était loin de
flairer qu’on mettrait un jour l’amiante (cette « pierre ἄσβεστος ») à la
lanterne. À moins qu’il n’ait prévu de loin, depuis le pont brûlant de
sa Thalamege, que cet « ardent lychnion faict part de lin asbestin »
(c’est clair comme du pur lanternois), lumignon illuminant son
Temple de le Bouteille, nous aveuglerait tous ? Rabelais,
Phare indestructible dans la mer vineuse des lettres
françaises. Mais – lampadophore nonobstant –
ce que le visionnaire ne pouvait point deviner,
malgré le secours du vin de la Devinière,
c’est qu’une foule dipsodique de
« Sorbillans, Sorbonagres,
Sorbonigenes, Sorbonicoles,
Sorboniformes, Sorbonisecques,
Niborcisans, Borsonisans, Saniborsans »
du monde entier se réunirait en Sorbonne et au Château
d’Écouen pour voir et boire son texte à nouveau(x) frais…
Trinch !