![Histoires tragiques extraictes des œuvres italiennes de Bandel - Advertissement au lecteur](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/JadMS07b.png)
Advertissement au lecteur
- Publication type: Book chapter
- Book: Histoires tragiques extraictes des œuvres italiennes de Bandel
- Pages: 151 to 153
- Collection: Renaissance Texts, n° 253
- Series: Devis, récits brefs et commentaires, n° 2
[ *iv ]
ADVERTISSEMENT
AU LECTEUR1
Bening2 Lecteur, à fin que je recognoisse par qui j’ay proffité, et que tu resentes de ta part, à qui tu es tenu du plaisir ou contentement3, lequel tu pourras recevoir de cest œuvre : je t’ay bien voulu advertir, que le seigneur de Belleforest, gentilhomme Commingeois, m’a tant soulagé en ceste traduction, qu’à peine fust elle sortie en lumiere, sans son secours, combien que je ne sois redevable à aucun de la diction, de laquelle je suis le seul autheur. Si est-ce que, pour tirer le sens des histoires Italiennes, il m’a tellement soulagé, que nous serions ingrats et toy et moy, si nous ne luy en sçavyons gré. Mais d’autant que j’espere, qu’il te fera voir le second Tome4 bien tost en lumiere, traduict de sa main : je me deporteray de faire plus long discours de ses louanges, lesquelles (pour ses merites) je desirerois5 estre aussi bien publiées par [*iv vo]tout, comme elles me sont cogneues, et à tous ceux qui le frequentent. Te priant au reste, ne trouver mauvais, si je ne me suis assubjecty au stile de Bandel : car sa phrase m’a semblé tant rude, ses termes impropres, 152ses propos tant mal liez, et ses sentences tant maigres6, que j’ay eu plus cher la refondre tout de neuf, et la remettre en nouvelle forme7, que me rendre si superstitieux imitateur8 : n’ayant seulement pris de luy que le subject de l’histoire, comme tu pourras aisément descouvrir, si tu es curieux de conferer mon stile avec le sien9. Au reste, j’ay intitulé 153ce livre de tiltre Tragique, encore que (peut estre) il se puisse trouver quelque histoire, laquelle ne respondra en tout à ce qui est requis en la tragedie : neantmoins, ainsi que j’ay esté libre en tout le subject, ainsi ay-je voulu donner l’inscription au livre telle, qu’il m’a pleu. Te priant faire telle interpretation de mon labeur, que tu voudrois10 recevoir de moy, tenant ma place.
1 Texte présent dans toutes les éditions, à l’exception de celle dédiée à Élisabeth Ire ; l’exemplaire de Cambridge montre une découpe très nette du fo iv laissant supposer que ce texte y avait été imprimé, puis en a été retiré.
2 À l’initiale une lettrine à fleurs, tête de lion et sirène.
3 Ce binôme et ses variantes (y compris son contraire « mescontentement ») ne reviendra pas moins qu’à dix-huit reprises dans le cours des récits (fo 17 vo, 19 vo, 28, 28 vo, 44 vo, 46, 49, 54, 57, 59, 63, 86, 102, 103, 105 vo, 109 vo, 157 et 169 vo).
4 Est ici désignée la Continuation des Histoires tragiques de François de Belleforest, achevée d’imprimer le 28 août de cette même année et pour laquelle Vincent Sertenas a obtenu privilège le même jour que pour les Histoires tragiques ; l’édition est partagée entre Vincent Sertenas, Gilles Robinot et Benoist Prevost. Le « vrai » second tome, au sens de la collection, n’apparaîtra qu’en 1565 et se nommera ainsi du fait que les Histoires tragiques et la Continuation, d’abord réunies sous le titre de XVIII Histoires tragiques adoptent à partir de 1566 le sous-titre « Tome premier ». Voir l’histoire éditoriale, p. 130.
5 [D], [F], G, H, J : desireroy.
6 Belleforest dira à son tour qu’il est « rude et grossier en son lombard » et parlera de l’« œuvre de l’Italien assez mal fluide et doux-coulant » (Continuation des Histoires tragiques, Paris, Vincent Sertenas, 1559, fo a iii et Second tome, Advertissement au Lecteur, [1565] Paris, Le Mangnier, 1566, fo 11), en prenant au mot deux déclarations du Lombard : « E se bene io non ho stile, ché il confesso… » (Prologue des Novelle « Ai candidi ed umani lettori », La prima parte de le novelle del Bandello, In Lucca per Il Busdrago, 1554, fo 5 vo) ; « Al magnifico e vertuoso Messer Emilio degli Emilii » : « Dicono… che non avendo io stile non mi deveva metter a far questa fatica. Io rispondo loro che dicono il vero che io non ho stile, e lo conosco pur troppo. E per questo non faccio profession di prosatore. Ché se solamente quelli devessero scrivere che hanno buon stile, io porto ferma openione che molto pochi scrittori averemmo. Ma al mio proposito dico che ogni istoria, ancor che scritta fosse ne la piú rozza e zotica lingua che si sia, sempre diletterá il suo lettore. » (La seconda parte…, id., novella xi, fo 70 vo : « Il y en a qui disent que, dépourvu de style, je n’aurais pas dû entreprendre cette tâche. Je leur réponds qu’ils ont bien raison : je n’ai pas de style, et je le sais, hélas. C’est pourquoi je ne me prétends pas prosateur. Si ne devaient écrire que ceux qui ont un beau style, je suis persuadé que nous aurions peu d’écrivains. Mais pour ce qui me concerne je dis que toutes mes histoires, même écrites dans la langue la plus grossière et la plus rustre, plairont au lecteur »). Sur cette question, voir l’Introduction, p. 91.
7 Cf. L’avertissement au lecteur des Histoires des amans fortunez : « Quant à mon regard, je te puis asseurer qu’il m’auroit esté moins penible de bastir l’œuvre tout de neuf, que de l’avoir tronqué en plusieurs endroits, changé, innové, adjousté, et supprimé en d’autres, ayant esté quasi contraint luy donner nouvelle forme. », Paris, Gilles Gilles, 1558, fo * iv.
8 C’est un signe important d’affirmation de la liberté de l’auteur contre la servilité imputée au fidus interpres. Il fait écho à Étienne Dolet : « Et par ainsi c’est superstition trop grande (dirai-je bêterie, ou ignorance ?) de commencer sa traduction au commencement de la clausule. » (3e règle de La manière de bien traduire d’une langue en aultre, Lyon, Étienne Dolet, 1540, p. 13) ; ou à Thomas Sébillet : « […] ne jure tant superstitieusement aus mos de ton auteur, que iceus delaissés pour retenir la sentence, tu ne serves de plus près à la phrase et propriété de ta langue, qu’à la diction de l’estrangère. » (Art poétique françoys, Paris, Arnoul L’Angelier, 1548, « De la Version », fo 73 vo, éd. Francis Goyet, Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, Paris, Le Livre de poche classique, 1990, p. 145). Mais dans le Theatre du monde, la même expression de « superstitieux imitateur de l’antiquité » s’applique à l’orthographe (Advertissement au lecteur, fo ẽ ii vo, éd. citée, p. 58). Sur cette question, voir l’Introduction, p. 77-82.
9 Cf. les propos de Belleforest sur la continuation « de quelques histoires Tragiques, extraites d’un auteur Italien, assez grossier, mais qui toutesfois, pour le merite de l’invention, et verité de l’histoire, et pour le fruict, que lon en peut tirer, ne doit estre privé de l’honneur, ny la jeunesse Françoise du profit, d’estre mis en nostre langue. Ce que j’ay faict, non pas que je me sois asservy à la maniere de parler dudict auteur : veu que je l’ay enrichy de sentences, d’adoption d’histoires, harangues, et epistres, selon que j’ay veu, que le cas le requeroit. », Continuation des Histoires tragiques, épître dédicatoire, éd. citée, fo ã ii vo-ã iii.
10 A, [D], [F], G, H, [I], J : voudras.
- CLIL theme: 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN: 978-2-406-16430-2
- EAN: 9782406164302
- ISSN: 2105-2360
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-16430-2.p.0151
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-15-2024
- Language: French