Avant-propos Pour une grammaire raisonnable
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Grammaire philosophique du verbe
- Pages : 11 à 12
- Collection : Domaines linguistiques, n° 18
- Série : Grammaires et représentations de la langue, n° 11
Avant-propos
Pour une grammaire raisonnable
Le choix du verbe est stratégique. D’un côté, le verbe est au cœur de l’architecture de la phrase, et cela en deux sens. Tout d’abord, dans un sens « distributionnel » : le verbe est le constituant immédiat du Groupe Verbal contrepartie du Groupe Nominal sujet. Ensuite, dans un sens « conceptuel » : le verbe a une vocation naturelle à offrir le pivot prédicatif du procès. Ces deux aspects ne sont pas symétriques : du point de vue de la structure de la phrase, « être un constituant immédiat du Groupe Verbal » est une propriété nécessaire du verbe, alors qu’« être le pivot prédicatif » est une propriété contingente du verbe. L’étude de la première propriété nous conduit à la morphologie. L’étude de la deuxième propriété, et de son interaction avec la première, nous conduit à la syntaxe et à la sémantique. De l’autre côté, le verbe est à la jonction entre la phrase et l’énoncé : la description de ses valeurs chronologiques, aspectuelles et modales s’ouvre en effet sur le texte et sur le discours.
Ainsi, d’un côté, le verbe trace un vecteur qui va de la phrase vers l’intérieur de la grammaire, et, de l’autre côté, il trace un vecteur qui part de la phrase et va vers l’extérieur de la grammaire, vers la communication et la pragmatique. L’étude du verbe trace donc une ligne droite qui traverse pratiquement tous les domaines de la linguistique. Cette ligne droite se définit par une continuité essentielle et une discontinuité fonctionnelle : « continuité essentielle » car l’objet d’étude reste toujours le même, le verbe ; « discontinuité fonctionnelle » car ce même objet est investi, progressivement, de fonctions différentes.
Cette position stratégique du verbe au sein de la linguistique est, bien entendu, parfaitement reconnue par la littérature spécialisée. Cela justifie, d’une part, le grand nombre d’excellents travaux monographiques consacrés au verbe, mais, de l’autre, cela justifie également la question : quelle contribution une énième grammaire du verbe pourrait-elle apporter ?
12Dans cet ouvrage, les lectrices et les lecteurs ne trouveront pas une description érudite ou exhaustive du domaine verbal : certains sujets, comme les modes non-finis ou l’accord du participé passé, par exemple, ne seront pas traités. Les lecteurs et les lectrices trouveront en revanche une tentative de description raisonnable du fonctionnement du verbe. Une « description raisonnable » est une description systématique, logiquement cohérente et épistémologiquement rigoureuse dans une mesure adéquate à son objet d’étude. L’objectif d’une telle description n’est pas de réduire la complexité du fonctionnement du verbe à un principe théorique abstrait et unificateur, mais de séparer des paramètres indépendants et d’analyser cette complexité à travers leur combinaison. Pour ce style de description, les observatoires privilégiés sont les conflits, c’est-à-dire les cas où les différents paramètres divergent en se révélant (Prandi 1992, 2017 et Fasciolo & Neveu 2019). Une grammaire « raisonnable », au sens précédent, est une grammaire philosophique.
Ce qui légitime, à nos yeux, l’entreprise d’une grammaire philosophique du verbe est que son style de recherche permet de poser des questions inédites sur un sujet classique. Parfois, ces questions amènent à des résultats nouveaux. D’autres fois, elles amènent à redécouvrir des choses bien connues. Ces dernières, cependant, en plus d’être confirmées, apparaissent sous une autre lumière : comme des réponses à de nouvelles questions.
Un grand merci à Michele Prandi, avec lequel nous avons entretenu un dialogue constant pendant la rédaction de ce livre. Un grand merci également à Georges Kleiber, qui a passé nos arguments à son crible en nous permettant de les améliorer. Finalement, merci beaucoup à Jeanne Fasciolo pour avoir relu notre français et rédigé l’index des notions.
- Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
- ISBN : 978-2-406-11365-2
- EAN : 9782406113652
- ISSN : 2275-2803
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11365-2.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 30/06/2021
- Langue : Français