Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Global Montaigne. Mélanges en l’honneur de Philippe Desan
- Pages : 775 à 787
- Collection : Rencontres, n° 485
- Série : Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance européenne, n° 112
RÉSUMÉS
George Hoffmann, “A Judge That Never Was. Montaigne on the First Extraordinary Chamber”
De nouveaux documents éclairent la mission de Montaigne, envoyé par le Parlement à la chambre de Saintes en 1565, plutôt qu’à la chambre de Périgueux ; ils confirment les raisons de ce choix, liées à ses sympathies catholiques déclarées. Cet épisode conduit à nous interroger sur le sens de son engagement postérieur en faveur de la tolérance religieuse.
Warren Boutcher, “Writing diversity. Literary objects in Montaigne’s Journal de voyage”
Cette étude examine certains « objets littéraires » que Montaigne a rencontrés lors de son voyage en Europe (1580-1581) et qu’il enregistre dans son Journal, de certains textes de droit coutumier français au testament en italien de Boccace et aux textes plurilingues de Plutarque et de la Bible. Il les considère comme des formes remarquables de la diversité dont il fait l’expérience.
Frédéric Tinguely, « De la circoncision. Montaigne et la communauté juive de Rome »
Le Journal de voyage propose dans ses pages romaines une description à la fois minutieuse et bienveillante de la circoncision juive. Plutôt que de spéculer sur d’éventuelles affinités identitaires (la probable ascendance juive de Montaigne), cet article analyse les différentes stratégies discursives qui, à l’encontre des préjugés anti-judaïques et dans une perspective déjà anthropologique, opèrent la parfaite intégration des rites juifs au sein du catalogue raisonné des comportements humains.
776Thierry Gontier, « La “retraite” de Montaigne. Une position politique ? »
Comme l’a montré Philippe Desan, la « retraite » de Montaigne n’est pas un simple désengagement de la vie publique. Comment Montaigne justifie-t-il publiquement ce retrait ? Il dénonce l’hypocrisie des injonctions chrétiennes et républicaines de dévouement au public, comme la paresse ou l’irrésolution : ces prétendus vices se révèlent en réalité des vertus tant privées que publiques. Montaigne rapporte la société à un nouveau fondement a-social et à une conception libérale de la politique.
Olfa Abrougui, « Réflexions autour des guerres civiles dans les Essais de Montaigne »
Montaigne est sceptique quant à l’utilité de la guerre. La pire des guerres, reste, selon lui, la guerre civile, véritable ruine de l’État, car elle autorise tous les dérèglements : le non-respect des lois, le mauvais usage de la justice, de la religion et du politique. Les guerres civiles des dernières décennies du xvie siècle font émerger la part sombre de l’homme, dont elles dévoilent la prédisposition à la régression. Aussi Montaigne doute-t-il de la prétendue supériorité de l’homme…
Paul J. Smith, « Montaigne, Amyot et les traductions de Plutarque par La Boétie »
En 1571, Montaigne publie deux traductions de Plutarque faites par La Boétie. À cette publication Montaigne ajoute deux textes de sa propre main : le Discours sur la mort de La Boétie et la Lettre de consolation, adressée à sa femme. Nous nous proposons d’étudier les deux traductions de Plutarque par La Boétie, le travail de Montaigne en tant qu’éditeur de ces traductions, et les rapports de concurrence qui existent entre ces traductions et celles de Jacques Amyot, publiées en 1572.
Mireille Huchon, « Monstrances montaignistes pour reliques boétiennes »
Les six épîtres dédicatoires de Montaigne en accompagnement de ses éditions des pièces de La Boétie en 1571 et au livre I des Essais (Vingt neuf sonnetz) offrent de remarquables constantes. Dans ces monstrances des « reliques » de son ami, il n’hésite pas à laisser du sien, à afficher ses prédilections, ses 777préoccupations rhétoriques ou ses jugements contradictoires sur la poétique de La Boétie. En un dernier geste, sur l’Exemplaire de Bordeaux, il conserve la monstrance, mais sans la relique.
Peter Mack, “Montaigne, Erasmus and the Moriae Encomium”
Bien que Montaigne ne mentionne pas l’Éloge de la folie d’Erasme, plusieurs parallèles inattendus peuvent être tracés avec les Essais. Cette étude analyse 37 thèmes généraux pour lesquels les deux œuvres développent des conceptions identiques, et montre, pour les chapitres II, 12, III, 5 et III, 9, les différentes réactions de Montaigne à sa lecture d’Erasme.
Eric MacPhail, “‘On Giving the Lie’.Montaigne, Calvin, and the Death of Michel Servet”
Le chapitre « Du démenti » (II, 18) se comprend dans le contexte de la polémique liée à la Réforme, en relation au procès pour hérésie de Michel Servet relaté par Calvin. L’accusation de mensonge opposée à Servet nous aide à comprendre le propos de Montaigne, et en retour, la notion de démentir éclaire le débat entre Calvin et Servet.
Jordi Bayod, « Montaigne, Juste Lipse et la justification des écrits “sans meslange de Theologie” »
Nous analysons un passage important des Essais sur la relation entre philosophie et théologie (I, 56, 322-323) à partir de trois éléments : le rejet général, par Montaigne, des excuses et des justifications dans ce qu’il juge lui-même correct ; le rejet, en particulier, de la réaction de Juste Lipse aux critiques suscitées par son De Constantia ; et le recours à une citation tirée du De Transitu de Guillaume Budé. Nous considérons enfin le statut du « parler divin » chez Montaigne.
Dorothea Heitsch, « Montaigne archiviste. I, 8 : “De l’oisiveté” »
Montaigne décrit l’écriture comme mise en rolle des chimères et monstres de son esprit. Au-delà de la liste, du registre, du contre-rolle, l’article propose la création potentielle d’un rouleau de Tora pour tracer une dynamique entre écriture, culture, mémoire et identité. Car Montaigne côtoie les réseaux de 778nouveaux chrétiens dans le Sud-Ouest de la France, depuis longtemps carrefour de cultures multiples dont les traces se trouvent dans les archives de l’ombre que représente les Essais.
Joan Lluís Llinàs Begon, « La formation du conseiller du prince dans “De l’institution des enfans” »
À partir de la position de Philippe Desan concernant l’importance du contexte sociopolitique des Essais et de la dimension sociale que possède cette œuvre, cet article analyse « De l’institution des enfans » à partir des références qui transforment celui qui est éduqué en conseiller du prince. Ce chapitre va bien au-delà du contexte dans lequel il a été produit, mais pour que ces références soient bien comprises, nous devons prendre en compte leur contexte immédiat.
Michael Randall, “On the Appearance of Guy de Brimeu, seigneur d’Humbercourt, in ‘De la diversion’ (III, 4)”
Dans « De la diversion », Montaigne évoque l’exemple des négociations tenues par le seigneur d’Humbercourt, au nom du duc de Bourgogne, avec les habitants de Liège. Il tire cet exemple diplomatique des Mémoires de Commynes pour l’adapter et le rendre compréhensible en relation à la notion de « bonne foi », centrale dans les Essais.
Frank Lestringant, « “Plaisants causeurs [!]”. Essais, III, 11 »
Un ajout manuscrit de l’exemplaire de Bordeaux, « Plaisants causeurs », au début du chapitre « Des boyteux » (Essais III, 11), laisse percevoir la subtile ironie sceptique de Montaigne, lequel, après s’être attardé sur la « reformation » du calendrier, s’attaque aux procès de sorcellerie. Ce chapitre claudiquant est mis en rapport avec « Des coches » (III, 6), qui commence pareillement par le doute sur l’incertitude des causes, lesquelles fondent les plus beaux discours.
Maria Litsardaki, « Eutopies, dystopies, hétérotopies chez Montaigne »
Cet article exploite les notions d’« eutopie » et de « dystopie » dans les Essais de Montaigne, pour ensuite étudier l’espace hétérotopique, au sens 779foucaldien, que semble représenter sa bibliothèque : lieu d’action et de vie, où le temps et le monde réel sont suspendus. À un deuxième niveau, il examine la possibilité d’envisager l’espace du livre comme une hétérotopie particulière, un lieu autre, créé par l’écriture, juxtaposé à l’espace vital et où l’être se développe et se déploie.
Santiago Francisco Peña, “‘Nous sommes part du monde’. Montaigne, Greece and Italy”
Cette étude revient sur les liens de Montaigne avec la Grèce et l’Italie. Nous suggérons que le peu d’intérêt que Montaigne portait aux Grecs de son temps a pu avoir une certaine influence sur sa propre réflexion concernant le philhellénisme français anti-italien. Montaigne semble en effet accepter sans discussion possible la primauté romaine et italienne, à une époque où de nombreux autres humanistes français essayaient quant à eux de louer la lignée et l’influence grecques de leur culture.
Véronique Ferrer, « La gaieté de Montaigne »
Dans les Essais, Montaigne fait de la gaieté la marque constitutive de son être, gaieté qu’il articule à la santé du corps et à la liberté de l’esprit. En jouant sur les ressorts sémantiques du mot et en s’appuyant sur le contexte politique du royaume, il élabore une éthique et une esthétique de la gaieté, qui vient enrichir la vision d’un Montaigne apathique ou mélancolique. C’est cette gaieté idiosyncrasique, définie à la fois comme une humeur, une sagesse et un style, que cet article se propose d’examiner.
Nicola Panichi, « La prophétie est morte, vive la prophétie. Le cas Montaigne »
La prophétie est généralement délivrée dans le registre du sacré et du profane, mais elle n’a jamais renoncé au privilège de la métamorphose. Un cas exemplaire de cette transmutation est représenté par les Essais de Montaigne qui, si d’un côté, ils décrètent la fin de la prophétie, de l’autre, ils permettent la survivance de la fonction éthique et anthropologique de la vis imaginandi.
780Sylvia Giocanti, « Montaigne, philosophe du social »
En quoi Montaigne est-il penseur du social ? Est-ce uniquement parce qu’à travers les Essais la société de son temps apparaît de manière significative aux yeux du lecteur ? Ne peut-on pas envisager que l’auteur, à titre de philosophe sceptique, pense l’homme comme produit de phénomènes sociaux ? Telle est l’hypothèse mise à l’épreuve dans cet article, dans un rapport de confrontation avec l’étude de Philippe Desan, Montaigne : penser le social.
Telma de Souza Birchal, “When women are the issue, is Montaigne still thinking the social?”
Cet article s’inspire de l’approche de Philippe Desan qui fait de Montaigne un penseur fortement lié à la société et à la culture de son temps. Nous partons des deux perspectives sur l’individu – anthropologique et sociologique – développées dans Montaigne : penser le social (2019) avant d’introduire une question essentielle : Montaigne pense-t-il aussi la condition de la femme de façon anthropologique et sociologique ? Il semble que la sociologie de Montaigne soit davantage sexiste que son anthropologie.
Gianni Paganini, “Pyrrhonism vs Internalism. Montaigne and Sanches”
La réflexion de Montaigne se caractérise moins comme une affirmation positive que comme un manque. On n’y trouvera pas une théorie du sujet capable d’opposer la supériorité du doute, à la manière du cogito cartésien, mais une aide à la formulation, théorique et non pas expérimentale, du rôle du sujet, selon un « internalisme », dans la tradition néo-académique, illustrée par Sanches.
Celso M. Azar Filho, « Sur les rapports entre l’ignorance, la science, la philosophie et le scepticisme chez Montaigne »
Au-delà des héritages du scepticisme ancien et du mysticisme chrétien, l’éloge montaignien de la docte ignorance reflète la réévaluation des pratiques technico-artistiques alors en cours, une réévaluation liée à son essor renaissant. C’est à partir de ce constat que l’on essaie de comprendre ici comment ignorance et savoir sont entrelacés dans la philosophie de type essayistique.
781Ullrich Langer, “Montaigne, Skepticism and Finitude. Montaigne, Horkheimer: Unhelpful Skepticism in a Limited World”
La question posée par Max Horkeimer est de savoir si le scepticisme modéré de Montaigne, pour admirable qu’il a pu être à l’époque des guerres de religion, avait encore une pertinence dans le contexte des totalitarismes et de la lutte des classes, si sa position, tenable dans un monde en expansion, l’est encore dans un monde concrètement limité.
Jan Miernowski, “Montaigne, Skepticism and Finitude. Montaigne, Meillassoux: Helpful Skepticism and the Multiplicity of Worlds”
Le scepticisme de Montaigne est ici examiné du point de vue de Quentin Meillassoux, dans la recherche d’une issue à la relation sujet-objet inhérente à toute question portant sur le monde. Selon lui, Montaigne pose en principe que le monde réel échappe à notre compréhension. Or cette position interdit toute approche rationnelle et ouvre la voie au fanatisme. Montaigne toutefois fait confiance au dialogue contradictoire comme principe d’ouverture et comme garde-fou au fanatisme.
Amy Graves, “Montaigne and Things”
Montaigne pense les choses, et ce faisant, situe les objets dans une série de relations éthiques qui transcendent leur nature. Son attitude à leur égard éclaire la nature affective des Essais, son éthique de l’usage, la notion de res, un « système » qui donne aux objets leur morphologie et leur syntaxe en relation à une grammaire du moi.
Violaine Giacomotto-Charra, « “C’est moy, c’est mon essence”. Un portrait de Montaigne in lumine aristotelis »
Plusieurs articles ont déjà été consacrées à la notion de forme chez Montaigne. Pourquoi alors remettre l’ouvrage sur le métier ? Nous proposons d’analyser ici l’usage du mot forme dans les Essais à la lumière de l’aristotélisme, non que Montaigne soit « aristotélicien », mais parce que la formation ès arts fournissait alors un outillage mental, un ensemble de concepts usuels et largement partagés, que Montaigne utilise avec précision et qui permettent d’éclairer un peu différemment le texte.
782Wolfgang Adam, « “Tout le magasin des mots et des figures”. Images et métaphores dans le Journal de voyage de Montaigne »
Alors que la diversité des métaphores a été étudiée dans les Essais de Montaigne, il manque un examen du choix des images dans son Journal de voyage. La présente étude comble cette lacune. Montaigne qui rejette en général les règles pédantes de la rhétorique dans l’utilisation des métaphores emploie de façon très efficace les images dans son Journal de voyage. La variété des emplois va de la comparaison simple aux métaphores saisissantes qui éclairent des réalités extrêmement complexes.
Bernard Sève, « L’instrumentarium de Montaigne »
Montaigne évoque différents instruments de musique, dans le Voyage en Italie davantage que dans les Essais. L’épinette, le luth, les bâtons de rythme « cannibales », l’orgue hydraulique de la Villa d’Este, les fiffari du bal de 1581 offrent un intérêt particulier. Montaigne s’intéresse moins à la musique qu’aux effets de la musique, du point de vue militaire, religieux et poétique. Les instruments de musique sont d’abord pour lui des objets anthropologiques, vecteurs d’émotions et de croyances.
Rui Bertrand Romão, « Le regard et le geste. Considérations sur Montaigne et les peintres »
À partir des études antérieures sur la peinture et Montaigne, et plus particulièrement sur l’emploi fréquent dans les Essais de métaphores picturales pour exprimer des dimensions essentielles de son singulier projet, nous nous penchons sur les références explicites aux peintres surpris dans leur activité et cherchons dans ces passages les traces d’une réflexion plus générale de l’auteur sur la représentation.
Alain Legros, « “Épékhô, c’est-à-dire je soutiens, je ne bouge”. Jeu de paume, histoire et philosophie »
On traduit d’ordinaire le « refrain » pyrrhonien épékhô par « je suspens (mon jugement) ». Ce mot grec qu’il avait fait peindre au plafond de sa bibliothèque et gravé sur des jetons, Montaigne le traduit d’abord par « je soutiens, je ne bouge ». Loin de se limiter à des considérations abstraites, ces deux 783essais de traduction engagent la vie du corps (lexique du jeu de paume) et le cours de l’histoire (déclaration de fidélité au parti catholique royal), comme toujours dans les Essais.
Kirsti Sellevold, « “Je vis en mon enfance”. Communication non verbale dans les Essais (I, 24 : “Divers evenemens de mesme conseil”) »
Peut-on calmer une foule séditieuse ? Cet article examine le rôle que joue la « contenance », site primordial du langage non verbal, dans de telles situations. À partir de deux épisodes racontés dans le chapitre I, 24 des Essais, Montaigne montre que la capacité à contrôler l’effet de sa « contenance » peut être une question de vie ou de mort. Cela présuppose une compétence permettant de manipuler les processus cognitifs de ses adversaires, soit pour leur faire partager son point de vue, soit pour induire leur confiance.
Isabelle de Conihout, « Notes préalables à un recensement des exemplaires remarquables des œuvres de Montaigne. Les Essais de 1580 »
Un recensement des exemplaires remarquables des œuvres de Montaigne reste à faire. Nous examinons ici la traduction de la Théologie naturelle (1569) et les Essais imprimés en 1580. Montaigne en fit relier quelques exemplaires de présent, dont on ne connaît que celui portant le chiffre d’Elizabeth I d’Angleterre. Les rares autres exemplaires dans leur condition d’époque sont simplement reliés en parchemin, à l’exception de l’exemplaire De Thou.
Jean Balsamo, « Quelques remarques pour l’appréciation bibliophilique de l’édition des Essais (Paris, L’Angelier, 1588) »
L’édition L’Angelier des Essais (1588) offre le dernier état du texte publié du vivant de l’auteur, à qui elle donnait son autorité littéraire. Connue à une centaine d’exemplaires, elle a été érigée en objet bibliophilique au xviiie siècle, dont la valorisation repose sur un état standard. Par rapport à celui-ci s’apprécient des exemplaires remarquables, qui offrent un intérêt philologique (corrections autographes de Montaigne), et dans lesquels peut se lire la réception de l’œuvre.
784Véronique Duché, “‘Certes, je lis cet autheur avec un peu plus de reverence et de respect’ (II, 10). The Essais and corpus linguistics”
Nous examinons l’utilisation par Montaigne de « certes » comme marqueur dans les Essais à partir d’une approche du corpus linguistique. Si selon les critiques la méthode du distinguo est au cœur des Essais, ce dispositif rhétorique et argumentatif est en réalité peu utilisé par Montaigne. Une comparaison avec des textes de ses contemporains (dont Léry, Aubigné, Pasquier) permet d’identifier de plus près les traits spécifiques de l’écriture de Montaigne.
Concetta Cavallini, « Montaigne entre parenthèses (Essais 1582, livre II) »
À la Renaissance, les parenthèses ne sont pas un signe de ponctuation souvent utilisé. L’incidence de ce signe dans les Essais de Montaigne est ici analysée par rapport au texte du livre II de l’édition de 1582, c’est-à-dire le texte enrichi après le retour d’Italie et qui précède l’allongeail de 1588. À l’encontre de nombreux écrivains de son temps, Montaigne utilise les parenthèses plutôt comme un moyen d’expansion de l’espace d’expression à sa disposition.
Andrea Frisch, “Pointing fingers. Indexical tables in the Essais(Simon Goulart, Abel L’Angelier, and Henry V Estienne)”
La comparaison des tables de trois éditions anciennes des Essais (Genève 1595, Paris, 1602, Paris 1652) illustre des pratiques éditoriales distinctes, déterminant des réceptions différentes et correspondant à des choix conscients d’influencer le lecteur. Celles-ci sont mises ici en évidence à propos du lemme Cortés.
Shinya Miyakawa, « Montaigne et Tchouang-tseu (Zhuangzi). Deux penseurs face à la mythologie »
Montaigne et Tchouang-tseu sont éloignés géographiquement et historiquement l’un de l’autre. Cependant, leurs lecteurs sont souvent étonnés des similitudes de leurs livres. Pourquoi présentent-ils beaucoup de ressemblances ? Nous nous proposons ici d’examiner les mythes contenus dansles Essais et Tchouang-tseu. Entre l’Occident et l’Orient, on peut rencontrer des mythes semblables. La mythologie n’est-elle pas un des éléments qui peuvent rapprocher les deux livres ?
785John O’Brien, “Self before the self. The evidence of early readers of the Essais”
Sur la base de nombreux exemplaires annotés des Essais, jusqu’ici non recensés, cette étude entend montrer que les pratiques des premiers lecteurs nous permettent de reconsidérer l’interprétation de certains thèmes principaux, en particulier la question du moi, qu’ils conçoivent dans une dimension existentielle, dans une relation dynamique au monde, et non pas en termes d’introspection.
William M. Hamlin, “On Florio’s ‘Repentance’”
Une analyse du chapitre « Du repentir » dans la version anglaise de John Florio (1603) montre que le traducteur déforme l’argumentation de Montaigne selon des choix lexicaux de nature idéologique et par l’effet de surprenants faux-sens. Le lecteur anglais est ainsi privé de la complexité de la réflexion montaignienne concernant la culpabilité et la responsabilité, et mis à distance de ces questions telles qu’elles sont traitées dans les textes dramatiques et poétiques anglais contemporains.
Giovanni Dotoli, « Montaigne-Pascal. Nouvelle lecture »
Quels sont les véritables liens entre Montaigne et Pascal ? Je démontre qu’il y a une continuité idéale entre eux, ce qui amène à une identité de vues, malgré l’apparence parfois contraire. La méthode suivie est claire et simple : suivre les textes, de part et d’autre, de façon pluridisciplinaire et comparatiste. Montaigne et Pascal affrontent la vie comme le plus beau des laboratoires : deux penseurs qui ne se laissent enfermer dans aucun système. Les analogies dépassent largement les différences.
André Pessel† et Francine Markovits, « Montaigne et la culture de l’exemplarité au xviie siècle »
Peut-on réduire le scepticisme de Montaigne ? N’y a-t-il pas au contraire une consistance théorique, voire une politique de l’exemplarité ? Une position polémique contre l’universalisme logique ou moral ? Si, à l’époque, on a pu parler de « libertinage de la méthode », c’est qu’au-delà de Montaigne, ce livre fait de l’auteur un événement. Le présent article montre la fécondité des arguments sceptiques dans une philosophie de l’instable qui est une philosophie de l’immanence.
786Michel Magnien, « Les Essais dans le goût de ceux de Montagne, composés en 1736 de René-Louis d’Argenson »
En dépit d’une revendication du modèle montaignien, ces Essais n’ont guère intéressé la critique, car ils soulèvent la double difficulté de leur date de composition et de leur authenticité. Une fois établi qu’il s’agit bien de l’œuvre du père et non du fils, Paulmy, qui s’en est fait l’éditeur, et que la majeure partie en a été rédigée à une date précoce (ca. 1736), on demande pourquoi Argenson a invoqué ce modèle, et l’a revendiqué en un temps où la renommée de Montaigne n’était pas au plus haut.
Alessandra Preda, « Traduire Montaigne au xviiie siècle. Les Saggi de Giulio Perini »
Cette contribution présente l’activité de l’abbé Giulio Perini, un intellectuel toscan du xviiie siècle, traducteur des lettres allemandes et françaises, sensible aux premières suggestions des lumières. L’analyse vise à relier sa traduction d’une partie des Essais (39 chapitres du Ier livre) à la politique culturelle réformiste du grand-duc de Toscane, Léopold Ier, le « Salomon du midi » garant, à l’époque, de la félicité publique.
Biancamaria Fontana, “Michel de Montaigne, Germaine de Staël and the writer’s ambition. De l’influence des passions and the Essais”
Même si les Essais ne sont pas attestés comme une source principale de l’œuvre de Mme de Staël, leur influence est patente dans le traité De l’influence des passions (1796), dans lequel elle analyse le rôle de l’ambition dans les actions humaines. Dans un contexte de guerre et de violence, les deux auteurs cherchent à préserver leur intégrité morale en résistant à la tentation de la gloire et de la célébrité.
Denis Crouzet, « Auguste Alexis Floréal Baron ou le “bon sens” de Montaigne dans l’historicisation de l’histoire de la littérature française »
Dans le processus qui, durant les premières décennies du xixe siècle, voit l’histoire de la littérature française s’imposer comme un genre littéraire distinctif, Montaigne cristallise des antagonismes analytiques. Auguste Floréal Baron propose, en liaison avec un Montaigne pédagogue d’une « auto-psychographie » 787et d’une philosophie du « bon sens », la conception d’une production textuelle ouvrant à la définition d’une « civilisation littéraire » qui serait le réceptacle de l’universel.
Anders Toftgaard, “A Danish friend of Montaigne. Frederik Thorkelin (1904-1997) and his Bibliotheca Thorkeliniana”
L’exemple du fonds consacré à Montaigne par le grand collectionneur danois Frederik Thorkelin (1904-1997), aujourd’hui conservé à la Bibliothèque royale de Copenhague, et dont cet article retrace l’histoire, illustre le rôle culturel joué par les amateurs et le marché du livre ancien dans la connaissance et la valorisation des objets littéraires.
Ji Gao, « Quelques thèmes récurrents dans la représentation de Montaigne en Chine durant l’ère républicaine (1912-1949) »
À partir des principaux manuels chinois de littérature française publiés durant l’ère républicaine (1912-1949), cette étude vise à repérer, exposer et analyser quelques thèmes récurrents dans la représentation de Montaigne en Chine, en particulier l’écriture de soi, le scepticisme, et sa pensée sur l’éducation. Ces thèmes mis en valeur par Montaigne sont particulièrement manquants dans la tradition chinoise et paraissent donc les plus étranges et les plus novateurs aux yeux des lettrés chinois.
Jack I. Abecassis, « La peau e[s]t le masque. Lire Montaigne avec Clément Rosset »
Pour Clément Rosset toute identité qui n’est pas sociale n’est qu’un fantasme. Il fait sienne la proposition radicale de Montaigne : « Nostre faict, ce ne sont que pieces rapportées ». Dans le sillon de cette perspective lucrétienne, nous analysons la métaphore baroque du theatrum mundi chez Montaigne depuis ses analyses dans « De l’inconstance de nos actions » jusqu’à son retour à une conception classique de la dialectique visage/masque dans « De mesnager sa volonté ».
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10799-6
- EAN : 9782406107996
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10799-6.p.0775
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/02/2021
- Langue : Français