Notes pour la représentation de Saül
- Publication type: Book chapter
- Book: Théâtre complet. Tome I
- Pages: 423 to 424
- Collection: The Gide Collection, n° 28
Notes pour la représentation
de Saül1
Les deux écueils :
le genre déclamatoire
le réalisme inutile.
Il n’y a rien de déclamatoire dans cette pièce, de redondant, de grandiloquent – que les paroles du grand prêtre[sic]. Mais le pompeux fait partie de son caractère. Et c’est ce qui le rend ridicule.
Le réalisme de SAÜL est d’ordre psychologique.
Il importe de ne pas en faire un gâteux. Ce n’est nullement un impuissant : c’est un chaste. Au début de la pièce il paraît même plein d’austérité.
Il est chaste mais sensuel. C’est-à-dire [sic] qu’il ignore encore son penchant. DAVID le lui révèle. Il n’y cède qu’avec horreur ; avec épouvante.
Toutes les phrases où se trahit son désir pour DAVID doivent être dites âprement, gravement, presque douloureusement. Ici, le moindre sourire est dangereux, et tout ce qui peut le faire paraître égrillard et libidineux. Ce n’est qu’avec les démons qu’il se laisse aller. Les démons sont là pour manifester la partie de lui qu’il ignore lui-même. Et de là son abandon – tant qu’il ne s’y reconnaît pas, et ne comprend pas que ces démons ne sont pas extérieurs à lui.
Toutes les paroles de SAÜL sont, et doivent être révélatrices. Mais à divers degrés.
Il y a dans son personnage, comme des strates de sincérité – différentes.
Depuis le fabriqué jusqu’au subconscient. Ce qu’il dit, parce qu’il veut le dire ne doit pas être dit du même ton que ce qu’il dit malgré lui.
Il faut arriver à jouer ce personnage avec naturel.
424La décohésion de ce caractère ne paraîtra tragique que si elle est progressive. Tout est fichu si elle existe dès le début.
C’est quelqu’un qui s’éprend de ce qui lui nuit. Sa faiblesse ne vient que de là.
Ce n’est pas un être naturellement faible, il le devient.
1 BnF, Fonds Copeau : FOL-COL-1(602), 1 feuille dactylographiée. Il y a une annotation de Marie-Hélène Dasté : « Je pense que ces notes doivent être de Gide mais je n’en ai pas de preuve. »