Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Genèses et filiations dans l’œuvre de Christine de Pizan
- Pages : 431 à 437
- Collection : Rencontres, n° 516
- Série : Civilisation médiévale, n° 43
Résumés
Dominique Demartini et Claire LeNinan, « De ligne en ligne »
Sous la plume de Christine de Pizan se dessinent des filiations réelles ou imaginaires, des arborescences complexes qui mettent en lumière une pensée de la genèse et de la filiation, sur un plan personnel et intellectuel comme sur un plan général et historique, ou social et politique. Cette pensée pose les questions de la légitimité et des ruptures à lire entre les lignes. « Naître et hériter », « engendrer et transmettre », « parentés et communautés » : trois fils permettront de la saisir.
Anne Paupert, « Fille de son père et fille de sa mère. Christine de Pizan à la croisée des genres »
Cette étude souligne l’importance de la réflexion de Christine de Pizan sur sa généalogie, entre 1400 et 1405, et l’évolution de l’image de ses parents, liée à la construction de son identité. Si elle apparaît d’abord fille de son père, elle met en scène, dans la Mutacion de Fortune, le bouleversement qui la fait se situer « à la croisée des genres », avant de trouver sa place comme femme et comme auteure dans la Cité et l’Advision, reconfigurant les relations de filiation d’une façon originale.
Fabienne Pomel, « Au nom du père, du fils et de la fille. Transmissions du nom et autorité dans La Cité des Dames »
La transmission onomastique spéculaire entre père et fille est déclinée entre émulation et rivalité à travers des figures comme Christine, Ortence, Nouvelle, Carmentis, Sapho, Dido ou Manthoa. Au-delà de la caution du nom du père, biologique ou spirituel, des fondatrices en sciences ou arts libéraux se font leur propre (re)nom et autorité par leur œuvre – architecturale, artisanale, politique ou littéraire. Christine se démarque significativement de Boccace dans ses stratégies onomastiques.
432Christopher Lucken, « Christine de Pizan et sa mère. L’appel du réel »
Revenant sur les deux interventions de la mère de Christine, au début de la Cité des Dames et au terme du Chemin de longue étude, cette étude souligne la fonction déterminante d’une mère qui, plutôt que de détourner sa fille d’une activité philosophique placée sous le signe paternel, l’amène à ne pas s’enfermer dans un espace clérical, mais à s’ouvrir à l’expérience et à la réalité « naturelle » de la vie. À cette ouverture, Christine répondra par la composante autobiographie de son œuvre.
Yasmina Foehr-Janssens, « Génération et reproduction. Des dynamiques productives pour Christine de Pizan ? »
Le début de l’Advision propose une représentation du monde comme corps fécond. Elle promeut une activité productive nourricière peu sollicitée par Christine de Pizan lorsqu’il s’agit d’offrir un support métaphorique à son activité d’écrivaine. En fait de métaphores nourricières, Christine se représente davantage en consommatrice qu’en nourrice. Pourtant, au gré d’une habile manipulation des lieux communs, elle tend à faire du savoir un besoin vital, plutôt qu’un simple régal intellectuel.
Philippe Maupeu, « “Antifrase”, intention d’auteur et filiation textuelle »
Dans la Cité des Dames, l’hypothèse, par Raison, d’une lecture par antiphrase du traité misogyne des Lamentations de Mathéolus place l’intention d’auteur au cœur d’une redéfinition de l’auctoritas. Christine de Pizan procède ainsi à un déplacement éthique et judiciaire de l’intentio auctoris des accessus ad auctores. Elle fonde une nouvelle conception, non cléricale, de la filiation, fondée sur l’appartenance à une communauté d’intention contre les illusions mauvaises de l’opinion.
Didier Lechat, « Christine de Pizan et la lecture féminine »
Cette étude s’interroge sur la prise en compte différenciée des lecteurs et des lectrices par Christine de Pizan dans le débat sur le Roman de la Rose, le Livre des trois vertus et le Livre du duc des vrais amants. Christine étend le cercle de ses destinataires par diverses stratégies et s’insurge contre les pratiques de lecture cléricales qu’elle juge tronquées ou truquées. Son discours se distingue des traités contemporains par la place qu’elle accorde au sens critique des femmes.
433Ellen M. Thorington, « Giving Birth to the Word in Harley 4431. Motherhood and textual genesis in Christine de Pizan’s Proverbes moraulx and Enseignemens »
La maternité et la genèse textuelle sont associées par Christine dans ses Enseignemens et dans ses Proverbes moraulx. Elle dédie le premier à son fils, et le lie au second dans le manuscrit Harley 4431. Inscrivant ses préceptes dans une tradition de conseils parentaux venant du roi Salomon et de Saint Louis, elle engendre une sagesse divine qui lui est propre. Ces œuvres deviennent un legs de conseils, offert à Isabelle de Bavière, pour l’éducation du dauphin et des générations à venir.
Linda Burke, « The Personal as Political. John Gower’s Cinkante balades as English response to the Cent Balades of Christine de Pizan »
Cet essai examine une filiation entre les Cent balades de Christine de Pizan et les Cinkante balades de John Gower. Ces deux œuvres se divisent en trois parties, dont la deuxième, encadrée par une introduction et une conclusion, décrit la condition troublée de l’amour terrestre. Cet encadrement élabore un parallèle entre la situation personnelle des poètes et celle de leur pays respectif, décrite dans la troisième partie. Les œuvres s’achèvent sur l’amour divin qui dépasse le malheur terrestre.
Ana Luisa Sonsino, « Le Livre des trois Vertus in Portugal. Translation, Tradition… Treason ? »
Entre 1430 et 1518, le Livre des trois vertus a été traduit et imprimé au Portugal sur ordre de personnalités liées à la couronne. Les divergences entre les leçons des témoins connus (un manuscrit et un imprimé) suggèrent qu’il s’agit de deux traductions différentes, ce qui donne de la pertinence à l’imprimé, invite à étudier l’intention avec laquelle les modifications ont été apportées et conduit à chercher des réponses dans les contextes de production et de réception de ces textes.
Ana Loba, « Des lectrices possibles de Christine de Pizan »
Dans l’Advision, Christine de Pizan révèle que son père aurait reçu l’invitation du roi de Hongrie Louis Ier le Grand. Prenant comme point de départ cette 434légende invérifiable, cette étude se penche sur les femmes exceptionnelles de l’entourage du roi Louis pour en faire des lectrices potentielles de l’autrice. La confrontation de l’atmosphère culturelle de cette cour avec l’ambiance du Paris christinien permet de retrouver des filiations, des similitudes et des transferts culturels inattendus.
Christine Reno et Karen Robertson, « La Cité des dames et la construction de l’image de Marie Tudor »
On a supposé que la succession anticipée de Marie Tudor à la couronne anglaise a pu motiver en 1521 la traduction par Brian Anslay de la Cité des Dames, qui présentait à un peuple n’ayant jamais été gouverné par une femme de nombreux exemples de reines et d’autres femmes puissantes. Cette étude porte sur les thèmes et l’iconographie du règne de Marie Tudor (1553-1558) qui ont pu s’inspirer de l’ouvrage de Christine de Pizan, notamment la mise en exergue de la Vierge Marie et des Amazones.
Lori J. Walters, « Birth Imagery in Manuscripts Produced by Christine de Pizan for the Queen of France »
Cet essai porte sur l’emploi que fait Christine des images verbales et visuelles d’engendrement dans les deux recueils assemblés pour la Reine, Chantilly 492-493 (1399-1405) et London, BL, Harley MS 4431 (1411-1414), ainsi que sur la façon dont l’Advision Cristine de 1405 sert de transition entre les deux collections. Tout en se basant sur l’Album Christine de Pizan, cette étude bénéficie également de nouveaux aperçus sur l’utilisation par l’autrice du langage figuré et des images visuelles.
Dominique Demartini, « L’Épître à la Reine de Christine de Pizan. Un nouveau sacre pour Isabelle de Bavière »
Dans l’Épître adressée à Isabelle de Bavière (1405), Christine de Pizan dessine les modalités d’une transmission du pouvoir réginal par les femmes, non par le sang, mais par la connaissance et la promotion des vertus féminines, telles qu’ont pu les incarner les reines de l’histoire biblique, antique et médiévale. À travers cette mise en scène du pouvoir réginal, l’Épître peut être lue comme un sacre épistolaire, sur le modèle d’un ordoroyal, exhortant la reine Isabelle à l’action politique.
435Claire Le Ninan, « Marie-Anne Robert (1705-1771), une héritière de Christine de Pizan ? À la recherche d’une autorité au féminin »
La préface du roman de Marie-Anne Robert, Le Voyage de Milord Céton dans les sept planètes ou Le Nouveau Mentor (1756-1766), suit un scénario proche de celui des premiers chapitres de la Cité des Dames de Christine de Pizan. Qu’elle connaisse ou non ce texte médiéval, Marie-Anne Robert emploie des éléments similaires à ceux employés par Christine pour trouver une autorité en tant qu’auteure : une apparition surnaturelle consacre la narratrice comme écrivaine et rend légitime l’écriture du texte.
Franck Latty, « Genèse du droit international, filiation doctrinale. Une approche juridico-internationaliste du Livre des faits d’armes et de chevalerie de Christine de Pizan »
Le Livre des faits d ’ armes et de chevalerie et son auteure Christine de Pizan sont tombés dans les oubliettes du droit international. C’est à tort : le droit de la guerre qui y est exposé se situe aux racines du droit international contemporain dans lequel il trouve encore des correspondances. Dès lors, il y a lieu d’inclure Christine de Pizan parmi les penseurs originels de la discipline, d’autant que, sans être la « mère du droit international », elle est la première femme connue à avoir écrit sur le sujet.
Nikolai Wandruzska, « Famille et parenté de Christine de Pizan »
Le but de cette étude est de reconstruire les familles des parents de Christine de Pizan : son père appartient à la basse noblesse de la banlieue bolognaise et s’intègre dans le patriciat de Bologne, tandis que sa mère est d’origine bourgeoise ; les deux familles ayant accédé aux études universitaires (le père de Christine et son grand-père maternel). Origine et études, éducation plus complète et bilinguisme sont des conditions qui ont façonné la jeunesse de Christine.
Bernard Ribémont, « Christine, la famille nucléaire, le lignage »
L’objet de cette étude est de considérer Christine, essentiellement dans la partie autobiographique de son œuvre, par rapport à la famille. On se penchera donc sur le père, la mère et les enfants du point de vue d’une famille dont 436Christine écrivaine est devenue le pilote, devant assumer des rôles qui sont généralement dévolus au père. Dans ce contexte « faillé », l’écriture exprime, représente et sublime un profond traumatisme.
Roberta Krueger, « La “Cité des familles”. Representing the family in Christine de Pizan’s Cité des Dames »
Les familles présentées par Christine dansla Cité des dames ne correspondent que rarement à la famille « parfaite » néo-aristotélicienne dépeinte par Gilles de Rome, qui se compose d’un mari, son épouse, ses enfants, et leurs serviteurs. Bien que la famille « traditionnelle » soit souvent fragmentée ou en crise, les femmes jouent un rôle important comme protectrices d’une famille recomposée, depuis les Amazones au début du livre jusqu’aux saintes dans le troisième volume.
Andrea Tarnowski, « Filiations in the Epistre de la prison de vie humaine »
La mise en page de l’exemplaire unique de l’Epistre de la prison de vie humaine de Christine de Pizan témoigne de la dynamique histoire-intemporalité qui anime son œuvre. L’usage que fait Christine d’auteurs sources, ainsi que son insistance sur les vertus de la raison, la reconnaissance et la patience qui rapprochent la vie terrestre de l’éternité céleste, thématisent le temps. Le sujet individuel peut aspirer à la souveraineté à condition de mêler à l’action sur terre une vision transcendante.
Kevin Brownlee, « The Evolution of the Narrative in Christine de Pizan’s Last Three Works. From Defeat to Triumph »
Cette étude met en lumière les développements significatifs représentés par les trois derniers ouvrages de Christine de Pizan, considérés comme un groupe. D’une part, Christine fonctionne dans chacun comme une narratrice qui s’adresse explicitement à un public féminin et qui traite un sujet ayant une importance particulière pour les femmes. D’autre part, chacun de ces ouvrages est le produit d’un contexte historique différent. Leur comparaison révèle une progression importante, une filiation.
437Deborah McGrady, « Filiation et responsabilité mécénales de Louis d’Orléans selon Christine de Pizan »
Cette étude examine les tentatives de Christine de Pizan pour s’assurer le mécénat du duc d’Orléans. Les dédicaces du Débat des deux amants et de l’Epistre Othea révèlent l’adresse avec laquelle, tout en répondant à l’ambition du duc d’apparaître le véritable héritier du savoir paternel, elle donne voix à son propre désir de trouver un commanditaire. Le défaut d’adhésion du duc à sa vision du mécénat a pu la conduire à modifier ses dédicaces pour offrir ses œuvres à des mécènes potentiels.
Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « Hériter et transmettre. Christine de Pizan et les filiations complexes »
Christine de Pizan pense la généalogie sur le mode de la complexité que celle-ci soit de sang, de langue ou d’esprit. On synthétise ici trois types de filiations : les filiations dédoublées où le héros, comme Christine, se voit donner deux pères et deux mères ; les filiations troublées où l’héritier est une fille ou un possible bâtard, ou il n’y a pas d’héritier direct ; les généalogies inversées où la fille devient mère de sa mère, où le fils, couard, est appelé à revenir dans l’utérus maternel.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11892-3
- EAN : 9782406118923
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11892-3.p.0431
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 20/10/2021
- Langue : Français