Montaigne est la pierre de touche des esprits, au XVIIIe siècle surtout et singulièrement pour le jeune philosophe qui entreprend d'introduire à la connaissance de l'esprit humain. La traversée des Essais fait épreuve et preuve: c'est le moment capital de ce nécessaire dialogue que restitue le manuscrit de Vauvenargues ici reproduit et commenté; dialogue tantôt annoncé, tantôt implicite, où Montaigne apparaît comme modèle, alternativement attractif et répulsif, d'un art complet du penser et de l'écrire. Le moraliste se mesure à cet interlocuteur privilégié comme au représentant parfait de ce qu'il récuse: par opposition à une œuvre fondée sur le défaut de certitude et la conscience cultivée des contradictions internes, il se définit par son besoin de certitude et par une éthique univoque de l'action; en face d'une écriture du dédoublement, du désordre et de l'ironie, il pose l'exigence d'une rhétorique de l'efficacité. L'antagonisme a commencé par la fascination: génie de l'analyse, incomparable expérience du soi. Contre pareil adversaire Vauvenargues doit mobiliser ses principes, se munir d'antidotes: Sénèque, Spinoza, surtout Shaftesbury. Mais il ne cesse, cherchant ailleurs confirmation de ses principes, de répliquer à Montaigne: confrontation exemplaire, qui oblige le moraliste à répondre à l'introspection par l'activité, au style de la méditation par l'éloquence conquérante, par un optimisme vitaliste à l'inquiétante interrogation des Essais.
Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques