Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Femme et Folie sous l’Ancien Régime
- Pages : 353 à 358
- Collection : Masculin/féminin dans l’Europe moderne, n° 36
- Série : xviiie siècle, n° 16
Résumés
Marianne Closson et Ghislain Tranié, « Avant-propos. Pour une histoire genrée de la folie à l’époque moderne »
Absente de l’Histoire de la folie à l’âge classique de M. Foucault, la folie des femmes constitue pourtant un enjeu majeur dans le processus de construction « scientifique » de la domination masculine à l’époque moderne. Le passage d’une définition principalement morale et religieuse à une conception pathologique de la folie s’accompagne de la volonté d’exclure les femmes de l’ordre rationnel, processus que l’on peut voir à l’œuvre dans l’histoire, la médecine mais aussi la littérature.
Eléna Guillemard, « Le cloître déstabilisé. Les religieuses et la folie au moment de la Réforme »
Au sein des écrits traitant des cloîtres au moment de la Réforme, les religieuses forment un sujet à part de controverse. La folie de ces femmes, celles qui choisissent le couvent ou celles qui, séduites par les propositions réformées, en sortent, est dénoncée. À ces discours confessionnalisés sur la folie monastique s’ajoutent chez les moniales des comportements concrets, hors normes, qui montrent que les bouleversements confessionnels ont aussi des conséquences psychiques.
Astrée Ruciak, « De “povres vieilles folles”. Les procédés de disculpation et leurs limites dans la caractérisation des sorcières chez Grévin traducteur de J. Wier »
Cette étude montre l’image ambiguë de la femme que construit le plaidoyer de Wier, traduit par Grévin. Si l’argument de la folie disculpe les « femmelette[s] » accusées de sorcellerie, les choix stylistiques du traducteur se lisent néanmoins comme une mise en avant d’une irresponsabilité qui profite à Satan. À travers une analyse de phénomènes linguistiques centrés autour 354des adjectifs et des participes, on étudiera comment les Cinq livres rappellent que le féminin serait corrompu.
Bénédicte de Maumigny-Garban, « Mystique féminine et folie au xviie siècle. Jeanne Guyon et Louise du Néant, entre condamnation et relégation »
Après avoir été au cœur d’un profond renouvellement chrétien, les mystiques deviennent suspectes dès la deuxième moitié du xviie siècle, leur liberté étant désormais synonyme de danger pour l’Église et l’État. Madame Guyon (1648-1707) est condamnée comme hérétique et Louise de Bellère du Tronchay, dite Louise du Néant (1639-1694), est soupçonnée d’aliénation mentale : il convient de réduire au silence celles qui offrent des voies inédites d’exploration religieuse et d’affirmation féminine.
Ghislain Tranié, « Du trouble à l’exaltation. Formes admises et usages intempestifs de la folie dans les couvents féminins, xviie-xviiie siècles »
Aux xviie et xviiie siècles, les religieuses se retrouvent souvent associées à la folie. Celle-ci est liée à leur désir de quitter le monde, aux troubles psychiques induits par leurs dévotions et par les pressions de la communauté, à la difficulté enfin à anéantir toute ipséité. Surtout, l’examen de la relation de la religieuse à la folie, produite à l’intérieur du couvent, conduit à poser les jalons d’une histoire psychique des communautés régulières féminines.
Eva Yampolsky, « Les femmes en convulsion au xviiie siècle, entre miracle et folie ou la polémique médico-religieuse autour des Convulsionnaires de Saint-Médard »
Hystériques, obscènes et érotiques, sujettes aux convulsions et au délire, les convulsionnaires de Saint-Médard ont fait l’objet de polémiques. Le corps de la femme a été instrumentalisé autant par les défenseurs que par les détracteurs de ce mouvement janséniste. Surnaturelles pour certains, ces convulsions ont été interprétées par d’autres, notamment le médecin Philippe Hecquet, comme des signes d’hystérie et de folie, ce qui lui permet de discréditer la dimension mystique de ce mouvement.
355Élisabeth Lacombe, « Rose ou la fabrique de la folie dans La Soltane de Gabriel Bounin (1561). Entre fureur, mélancolie et sorcellerie »
Cet article étudie la folie de Rose, héroïne de la tragédie humaniste La Sultane de Gabriel Bounin (1561). L’héroïne est au cœur des multiples ambiguïtés de la pièce, qui permettent au spectateur d’interpréter sa folie protéiforme à la fois comme une forme de furie et de mélancolie, une sorcellerie réelle ou rêvée, une performance autant qu’une folie réelle. Sa puissance fait aussi d’elle une source de contagion physique, rhétorique et magique pour les autres personnages.
Aurélie Bonnefoy-Lucheri, « De la folie des passions aux raisons de la folie dans les Historiettes »
S’il apparaît que les Historiettes de Tallemant des Réaux regorgent de femmes « visionnaires » ou « bizarres » qui correspondent au regard traditionnel porté sur l’hystérie féminine, il n’en reste pas moins que la folie, pour Tallemant, revêt un aspect profondément divertissant et que tout comme l’esprit, la folie n’a point de sexe. Collectionner les extravagants semble éminemment lié au projet d’écriture de cette mosaïque du Grand Siècle où l’anormalité s’érige en norme anthropologique.
Claudine Nédelec, « Les “folles” d’amour et de lettres »
Au xviie siècle, la comédie comme le roman en tombent d’accord : une femme savante, c’est une folle. Non tant parce qu’elle a tendance à abandonner, par amour des bibliothèques, les devoirs et les habitus dévolus aux femmes, mais parce que l’amour des livres tend à produire chez la femme et la jeune fille des formes de déviance par rapport à la norme sociale et sexuelle, qu’il s’agisse d’érotisation de la relation intellectuelle ou de refus de la vie conjugale, voire de nymphomanie.
Nathalie Grande, « Madeleine de Scudéry au péril de la folie. Comment un argument poétique devient une critique misogyne (Molière, Boileau, Subligny) »
La traditionnelle accusation de « folie romanesque » prend aux alentours des années 1660 un caractère précisément satirique en se focalisant sur une 356autrice en vue et bien vivante, Madeleine de Scudéry. Les Précieuses ridicules de Molière en 1659, le Dialogue des héros de roman de Nicolas Boileau, composé vers 1664-1665, enfin La Fausse Clélie de Subligny parue en 1671, tous ces textes, de nature différente, accusent de folie la romancière, manière de la discréditer sans autre forme de procès.
Theresa Varney Kennedy, « La folie sur scène. L’“angoisse de l’auctorialité” chez les femmes dramaturges »
Dans une tentative pour affirmer leur liberté créatrice, les premières femmes dramaturges ont projeté leurs impulsions rebelles non pas dans leurs héroïnes, mais dans des « folles » dont les actions remettaient en cause l’autorité littéraire patriarcale. Ce phénomène est examiné dans trois œuvres : Genséric (1680), tragédie d’Antoinette Deshoulières, Les Amazones (1749), tragédie d’Anne-Marie du Boccage, et La Rivale Confidente (1752), comédie de Françoise Thérèse Aumerle de Saint-Phalier.
Judith le Blanc, « Folles d’opéra et folles amoureuses dans le théâtre musical de l’Ancien Régime »
Les liens de prédilection qui unissent les femmes et la folie sur la scène de l’Ancien Régime se déclinent à travers les rôles de folles d’opéra et les scènes de « folies amoureuses ». Dès la fondation de l’Académie royale de musique (1672), la comédie mêlée de musique exploite la mode de l’opéra et met en scène un nouveau type comique : la fanatique d’opéra. L’article propose de voir comment la folie musicale ou amoureuse renouvelle l’esthétique du théâtre musical des xviie et xviiie siècles.
Laurence Sieuzac, « La sarabande des folles. Variations autour de La Folle de Paris (1788) de Jean-Baptiste Nougaret »
En 1786, le topos des « folles par amour » est à la mode. Dans La Folle de Paris ou les extravagances de l’amour et de la crédulité (1787), Jean-Baptiste Nougaret imagine le personnage de la lunatique Clélie, partagée entre sa marotte, son idée fixe pour Saint-Albin et ses chimères. Le roman rhapsodique apparaît comme une caisse de résonance des engouements de l’époque et témoigne de la courbure illuministe du siècle. Enfin, Clélie entraîne à son tour une farandole de « folles » dans une sarabande sérielle.
357Stéphanie Genand, « Les Folles de Germaine de Staël (1786). Repenser la folie féminine »
Germaine de Staël commence sa carrière en écrivant trois nouvelles consacrées à des folles. Rédigés en 1786, ces textes éclairent sous un nouveau jour la relation entre féminité et folie : la déraison n’y naît pas du corps, mais de passions morales et des obstacles qui pèsent sur l’écriture féminine. Comment créer sans transgresser des tabous familiaux et sociaux ? La déraison devient alors l’autre nom d’un génie empêché et dont l’auctorialité problématique est l’un des symptômes.
Bernd Renner, « “Des conditions courroux et grandes maulvaistiez des femmes”. La satire du féminin dans le corpus de La Nef des fous »
Dans le corpus de La Nef des fous de S. Brant, et de ses adaptateurs/traducteurs, J. Locher et l’anonyme auteur de La Grant Nef des folz du monde (1530), on peut repérer une variation et une évolution dans la représentation de la folie des femmes. Chez Brant, sa folie est « naturelle », et donc impossible à corriger. Ses adaptateurs rééquilibrent subtilement les torts, en évoquant la possibilité d’une correction des vices féminins, et en faisant par-là de la femme une véritable cible de la satire.
Sacha Grangean, « Folies utérines. La matrice des ménades »
Parmi les figures antiques de femmes folles, les ménades font figure d’exception. Elles sont extrêmement représentées dans le théâtre de la Renaissance mais disparaissent au tournant des années 1610. Deux hypothèses se conjuguent pour expliquer cette disparition. D’une part, la très grande ressemblance avec les figures de sorcières, devenues trop problématiques pour être représentées. D’autre part, la pathologisation des comportements liés au ménadisme, désormais consignés dans des traités médicaux.
Marianne Closson,« Le désir féminin comme pathologie. La Nymphomanie du Dr Bienville »
Dans La Nymphomanie ou traité de la fureur utérine (1771), inspiré de l’immense succès de L’Onanisme de Tissot (1760), le Dr Bienville ne se contente pas de reprendre les écrits de ses prédécesseurs sur la « fureur utérine », mais invente 358une nouvelle maladie, la « nymphomanie » ; la naissance du désir chez la jeune fille y devient le premier signe d’un basculement dans une folie érotique aussi inéluctable qu’abjecte, que seul le médecin saura empêcher ou guérir.
Sarah Dumortier, « Victimes ou folles ? Les violences sexuelles au prisme du regard de la folie (France, xviie-xviiie siècle) »
Accuser la victime de folie pour se dédouaner d’un crime est un usage que l’on rencontre dans les sources judiciaires à l’époque moderne et, majoritairement, à l’encontre des femmes. Devant faire face à l’agresseur, à la justice et au voisinage, les victimes de violences sexuelles se retrouvent alors dans une position où tous s’octroient le droit de les juger, notamment en tant que « folles » selon des argumentaires très éloignés du sens médical.
Marjorie Charbonneau, « Marie-Antoinette en fureur, la dernière folle de l’Ancien Régime »
À la fin de l’Ancien Régime, Marie-Antoinette se retrouve victime d’une campagne de discrimination particulièrement violente lors de la libération de la presse en 1789. Les pamphlets et les estampes pornographiques qui y sont insérées visent majoritairement les goûts intimes de la reine, mais surtout les prétendues relations sexuelles qu’elle entretiendrait avec divers favoris et favorites. Le désir sexuel de la souveraine est ainsi accolé aux théories des fureurs utérines qui circulent au xviiie siècle.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14172-3
- EAN : 9782406141723
- ISSN : 2261-5741
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14172-3.p.0353
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/12/2022
- Langue : Français