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Extrait / La Floride. Cœur révélateur des États-Unis

PROLOGUE

« Lors de l’élection présidentielle de 2000, le candidat qui obtint le plus grand nombre de voix, Al Gore, ne devint pas président. Celui qui arriva second, George W. Bush, s’installa à la Maison-Blanche. On considéra ce résultat comme une « erreur », une « aberration ». On l’attribua à la drôle de politique floridienne. La Cour suprême qui retira la présidence au peuple pour la donner à Bush décrivit ce déni de la volonté populaire comme un événement exceptionnel. Ce n’était pas le cas. Seize années plus tard, la démocratie fit de nouveau une fausse couche en élisant Donald J. Trump président des États-Unis, alors que son adversaire, Hillary Clinton, avait obtenu des millions de voix de plus que lui. Que nous apprit le drame électoral de 2000 ? Il nous révéla qu’il y avait quelque chose de fondamentalement vicié dans la démocratie américaine, même si, encore aujourd’hui, les Américains qui se souviennent de la crise constitutionnelle de 2000 vous diront sans doute que ce mélodrame illustrait bien à quel point l’État de Floride était dingue. Ils ne veulent pas encore regarder en face la vérité que la Floride avait dévoilée cette année-là, à savoir que le système électoral américain est en ruines. Comme l’élection de 2016 l’a démontré une seconde fois, la Floride n’était pas une aberration, mais un révélateur. Ce qu’elle révélait, c’était que, dans « la plus grande démocratie du monde », le système politique est profondément antidémocratique quand il s’agit de désigner la personne la plus puissante de la plus puissante nation de la planète –, mais la plupart des Américains ne s’en préoccupent pas beaucoup.

On décrivit aussi le meurtre en Floride, en 2012, de Trayvon Martin, un adolescent noir qui ne portait pas d’arme et qui était inoffensif, comme une « erreur », une « aberration ». Ce n’était pas non plus le cas. En Amérique, il a toujours été bien accepté que l’on tue sans raison un Noir qui n’est pas armé et, comme des événements, plus récents encore, l’ont montré, c’est toujours le cas. Une fois encore la Floride, loin d’avoir été une aberration, était un modèle. Dans ce cas, elle mit en évidence la nature raciste du système judiciaire américain, de même que la folie d’une culture des armes qui permet à toute contrariété, peur ou ennui de se terminer en homicide. Dans tous les États-Unis, à la suite du meurtre de cet adolescent en Floride, des Noirs qui n’étaient pas armés, y compris même de jeunes enfants, furent tués sans raison. Dans tous les États-Unis, et pas seulement en Floride, leurs assassins blancs furent acquittés. En cela, et pour bien d’autres choses, la Floride est le paradigme de l’Amérique. »

Extrait de l'ouvrage « La Floride. Cœur révélateur des États-Unis » de T.D. Alllman, traduit par Frédéric Monneyron.