Enjeux stratégiques des alliances maritimes Une analyse des réseaux relationnels
- Type de publication : Article de revue
- Revue : European Review of Service Economics and Management Revue européenne d’économie et management des services
2019 – 2, n° 8. varia - Auteurs : Aloulou (Foued), Mahjoub (Afef Gaida)
- Pages : 121 à 165
- Revue : Revue Européenne d’Économie et Management des Services
Enjeux stratégiques
des alliances maritimes
Une analyse des réseaux relationnels
Foued Aloulou1
Afef Gaida Mahjoub
Institut Supérieur du Transport et de la Logistique de Sousse, Université de Sousse (Tunisie)
Introduction
La coopétition en tant que stratégie qui combine simultanément des actions concurrentielles et des actions coopératives a été, ces dernières années, de plus en plus adoptée par des entreprises appartenant à divers secteurs économiques, particulièrement ceux en réseau et ouverts à la concurrence internationale (Yami, et al., 2010 ; Bengtsson et Kock, 2014 ; Czakon et al., 2014). Elle constitue un champ de recherche porteur très prolifique dans le domaine du management stratégique et de l’économie industrielle (Yami, et al., 2010).
Depuis les travaux de Brandenburg et Nalebuff (1996), ce concept n’a pas cessé d’être en discussion sous l’angle de ses raisons d’être, ses modalités d’application, ses risques et ses impacts sur la performance des firmes et des marchés (Yami, et al., 2010 ; Czakon, et al., 2014 ; Ritala, 2012 ; Le Roy et Sanou, 2014, etc.). Plusieurs travaux ont montré les impacts positifs de cette stratégie sur la performance des firmes impliquées et ses avantages comparatifs par rapport aux stratégies extrêmes 122de la coopération ou de la concurrence (Bigliardi et al., 2011 ; Gnyawali et Madhavan, 2006 ; Peng et al., 2011 ; Ritala, 2012 ; etc.).
Nous allons essayer dans ce travail d’analyser ce concept de coopétition, en prenant comme champ de recherche les alliances maritimes. Ces alliances maritimes illustrent dans la pratique la forme la plus représentative et compliquée de la stratégie de coopétition réseau. Elles sont fondées sur la combinaison d’un comportement coopératif avec un comportement concurrentiel, menés par des armateurs de lignes régulières conteneurisées, dans le but de bénéficier des avantages et d’échapper aux inconvénients de chaque stratégie extrême. Ce comportement coopétitif est constaté aussi bien au niveau des firmes membres d’une alliance, qu’au niveau des alliances elles-mêmes. Au niveau de la coopétition intra-alliance, l’unité de référence sera l’entreprise maritime qui cherche à se positionner au sein de son alliance et à nouer des liens solides et stables avec ses partenaires concurrents. Au niveau de la coopétition inter-alliances, l’unité de référence sera l’alliance qui se trouve en relation de concurrence directe avec les autres alliances, mais aussi en relation de complémentarité indirecte via des liens entre des firmes appartenant à des alliances concurrentes.
La formation de ces alliances maritimes a commencé depuis les années 1995 particulièrement pour le transport maritime des conteneurs sur les lignes régulières. Elle a été suscitée par les diverses mutations techniques, économiques, institutionnelles et logistiques qui ont marqué l’évolution récente de l’industrie maritime. Ces alliances ont porté sur un ensemble de projets menés collectivement par les compagnies membres pour atteindre un objectif commun.
Cependant, ces d’alliances maritimes évoluent constamment dans le temps que ce soit au niveau de leur nombre ou de leur composition. Plusieurs d’entre-elles ont disparu ou se sont restructurées en enregistrant des sorties et des entrées de nouveaux membres. Certaines expériences ont abouti à l’échec ou plutôt à l’absorption d’une firme par l’un de ses partenaires. Ceci pose la question de l’instabilité de ces alliances.
L’instabilité des alliances stratégiques a attiré l’attention de plusieurs chercheurs (Das et Teng 2000 ; Meschi 2006 ; Cheriet et al., 2008 ; Kim et Lee, 2018 ; etc.) désireux de comprendre ses causes, ses conséquences et les mécanismes managériaux susceptibles de les réduire et de garantir la longévité des accords. Elle a été assimilée à l’échec et la disparition de 123l’alliance, alors que la stabilité d’une relation réseau est conçue comme une condition nécessaire à sa performance (Das et Teng, 2000 ; Kim et Parkhe, 2009). Cette performance a été évaluée dans plusieurs études, par la durée de vie de l’alliance.
Plusieurs raisons ont été évoquées pour expliquer les causes de cette instabilité des alliances. Elles se référent particulièrement aux diverses tensions induites par le comportement de coopétition (Das Teng, 2000). Ces tensions créent nécessairement des conflits d’intérêts entre les partenaires et de la méfiance. Par conséquent, il est important d’analyser les conditions favorables à la stabilité de ces relations ainsi qu’à l’incitation de l’entreprise à s’engager dans ce jeu de coopétition pour en tirer avantage.
La théorie des réseaux sociaux a développé un ensemble d’outils pour mieux expliquer cette instabilité et fournir des conditions de réussite et de longévité d’une alliance. Dans cette optique, l’alliance stratégique est conçue comme un réseau inter-organisationnel associant un ensemble de firmes partenaires-concurrentes qui se mettent d’accord sur un projet et un objectif commun à atteindre.
En se basant sur la théorie des réseaux sociaux et celle des graphes, nous allons essayer dans ce travail d’expliquer les conditions structurales de la stabilité de cette stratégie d’alliance en analysant le comportement et la structure des trois grandes alliances maritimes les plus stables constatées au cours de la période 2000-2010.
Notre objectif est donc d’analyser le comportement de coopétition des firmes maritimes dans un contexte de réseau relationnel illustré par les alliances stratégiques. Nous examinerons deux principales questions à savoir quel est l’impact de la structure interne du réseau relationnel des firmes maritimes alliées, sur la solidité et la stabilité de l’alliance ? Quelle est la relation entre la structure du réseau et le comportement de coopétition ? La réponse à ces deux questions aura des implications significatives aussi bien sur le management des conflits posés par la relation de coopétition intra-alliance que sur la stabilité des accords d’alliance.
Les résultats de notre analyse montrent que la solidité et la stabilité de l’alliance en tant que stratégie de coopétition sont tributaires à la fois du nombre des firmes composant le réseau, de la structure des liens tissés entre ces firmes et du positionnement qu’occupe chaque firme au sein 124de son réseau d’appartenance. Donc, la structure interne de l’alliance a un impact considérable aussi bien sur le comportement de coopétition de la firme, que sur la stabilité de l’alliance, et sur la relation entre les alliances concurrentes.
Ce travail s’articule en trois parties. Dans la première partie nous présenterons les fondements de la coopétition en réseau dans le secteur de transport maritime des conteneurs en combinant la littérature sur la coopétition avec celle sur les alliances maritimes. Dans la deuxième partie, nous exposerons la structure relationnelle d’une alliance stratégique en nous basant sur la théorie des réseaux sociaux et les divers concepts et indicateurs de la théorie des graphes qui vont nous permettre d’analyser la structure et la morphologie des réseaux relationnels. Dans la troisième partie, nous aborderons notre étude empirique tout en essayant d’appliquer les concepts et les indicateurs développés dans les deux premières parties, sur les alliances maritimes. Finalement, les résultats dégagés seront présentés et discutés pour apprécier la structure et la performance de chaque alliance étudiée et configurer son réseau relationnel. Ces résultats seront aussi mis en valeur par rapport aux autres travaux menés sur ce sujet. Nous conclurons notre travail par ses principaux apports ainsi que ses limites et ses perspectives de recherches futures.
1. La coopétition dans le secteur de transport maritime des conteneurs
1.1 Le concept de coopétition
Le concept de coopétition peut être défini dans son sens le plus large comme une combinaison d’un comportement concurrentiel et d’un comportement coopératif, adoptés simultanément par une firme vis-à-vis ses concurrents (Brandenberger et Nalebuff, 1996 ; Bengtsson et Kock, 2000). Il s’illustre comme une stratégie concrétisée par un ensemble d’actions de coopération et d’actions de concurrence exercées par une firme sur ses rivaux. Il dépasse ainsi le champ d’action des stratégies extrêmes qui visent soit la concurrence pure soit la coopération totale.
125Selon les approches classiques de l’organisation industrielle, une firme aura le choix seulement entre une stratégie de concurrence ou une stratégie de coopération, pour atteindre ses objectifs. Cette dichotomie comportementale a dominé les structures et les organisations industrielles jusqu’à une date récente. Chacune de ces stratégies extrêmes a ses propres avantages et inconvénients. Ce n’est qu’à partir de 1990 que les auteurs ont mis l’accent sur un comportement combinatoire entre la concurrence et la coopération où une firme peut se positionner à la fois comme partenaire et concurrente par rapport aux autres firmes qui interviennent dans le même domaine d’activité stratégique (Brandenburg et Nalebuff, 1996). La dimension coopérative est fondée sur des liens directs formels et informels tissés entre les firmes partenaires. Elle se concrétise par le lancement d’un ou de plusieurs projets communs portant sur un ou plusieurs aspects de l’exploitation et/ou de la production de l’entreprise. La dimension concurrentielle est fondée sur la rupture des liens inter-firmes et la confrontation entre elles. Chaque firme cherche à emporter ses avantages sur ses rivaux et même à évincer ses concurrents pour accaparer le marché (Doz et Hamel, 1998).
La pratique de la coopétition est devenue aujourd’hui la stratégie dominante dans les comportements des firmes appartenant particulièrement aux secteurs stratégiques. Elle trouve sa justification dans les insuffisances des stratégies extrêmes (concurrence et coopération pures) et leur incapacité à répondre aux mutations de l’environnement de l’entreprise. En fait, l’ouverture à la concurrence internationale, la recherche des économies d’échelle, la possibilité de décomposition du processus de production de la firme, la diversification des services, la ramification et l’extension des marchés, l’innovation, etc. ont mis en cause l’efficacité des stratégies de concurrence pure et de la coopération totale entre les firmes. Cette inefficacité des stratégies extrêmes a amené les firmes à adopter des stratégies combinatoires en cherchant à bénéficier des avantages et à échapper aux inconvénients de chaque stratégie extrême. Les firmes peuvent se mettre d’accord sur l’exploitation technique ou la production d’un bien ou service donné, mais elles restent divergentes et concurrentes sur les autres aspects de l’exploitation ou de la production d’autres biens ou services.
Le choix des activités ou des aspects de la coopération et celles de la confrontation dépend de l’objectif de la firme, des caractéristiques 126technico-économiques du domaine d’activité stratégique, de la position qu’occupe la firme sur le marché et des mutations de l’environnement externe de cette activité. Ni la concurrence, ni la coopération ne sont des fins en elles-mêmes, mais elles sont des moyens stratégiques qui vont permettre à la firme d’aboutir à son objectif. Dans un environnement en pleine mutation, dynamique, instable et ouvert à une concurrence mondiale, chaque firme cherche à être à la fois compétitive et soutenable en adoptant les stratégies les plus adéquates. Elle peut ainsi combiner, dans une certaine proportion variable, des actions stratégiques concurrentielles et d’autres coopératives sur un même domaine d’activité face aux mêmes firmes concurrentes (Ferrier et al., 2002). Cette combinaison varie d’une activité à une autre, d’une période à une autre et d’un partenaire concurrent à un autre. Il s’agit ainsi d’un comportement dynamique qui change couramment avec les mutations de l’environnement externe du domaine d’activité stratégique, de la nouvelle position de la firme sur son marché ainsi qu’avec les résultats enregistrés dans les expériences passées de coopétition.
Ce concept de coopétition a fait l’objet depuis son apparition d’une abondante littérature. Il constitue un champ de recherche très porteur aussi bien en management stratégique qu’en économie industrielle compte tenu de ses diverses modalités d’application, de son dynamisme et de sa généralisation dans presque toutes les industries. La plupart des travaux ont essayé de mettre l’accent sur les raisons d’être de ce comportement stratégique, ses avantages, ses impacts sur la performance de la firme et du marché ainsi que sur ses risques et leurs mécanismes de management (Yami et al., 2010 ; Czakon et al., 2014 ; Ritala, 2012 ; Le Roy et Sanou, 2014, etc.).
Il existe un consensus dans ces travaux sur la performance supérieure de cette stratégie par rapport aux autres stratégies de concurrence ou de coopération pures (Bigliardi et al., 2011 ; Gnyawali et Madhavan, 2006 ; Peng et al., 2011 ; Ritala, 2012 ; etc.). Elle combine à la fois les avantages de la concurrence (réduction des coûts, acquisition des avantages compétitifs, augmentation de la productivité, etc.), et ceux de la coopération (partage et échange de l’expérience, des compétences, des ressources, des coûts et risques des investissements lourds, etc.). Elle vise à apporter des avantages mutuels pour les coopétiteurs, à renforcer leur compétitivité et à s’adapter aux diverses mutations marquant leur 127environnement externe en saisissant ensemble ses opportunités et limitant ses menaces (Gnyawali et al., 2006). Dans ce sens, plusieurs travaux (Hamel et al, 1989 ; Brandenburger et Nalebuff 1996 ; Gnyawali et al 2006 ; Bigliardi et al, 2011 ; Le Roy et Sanou, 2014, etc.) confirment la réussite de cette stratégie et sa plus grande compatibilité avec le nouvel environnement économique et technologique marquant les secteurs économiques.
Au début, la plupart des travaux ont analysé ce concept au niveau des relations bilatérales entre deux firmes partenaires-concurrentes. Mais, cette coopétition est bien incarnée dans des relations multilatérales établies dans un cadre formel ou informel. Dans ce cas, nous pouvons parler d’un comportement de coopétitivité réseau, mené individuellement entre des firmes membres du réseau et collectivement entre des réseaux concurrents (Colin et al, 2003).
La coopétition-réseau se distingue de celle entre paire de firmes aussi bien au niveau de son management, qu’au niveau de la ramification de ses liens et des interactions entre les parties engagées. La coopétitivité au niveau de la firme est structurée par des liens bilatéraux entre les firmes alors qu’au niveau du réseau, ces liens seront multilatéraux, entretenus simultanément entre un groupe de firmes. Ils concernent non seulement des paires de firmes appartenant à un même réseau, mais aussi des paires de firmes appartenant à des réseaux différents et des groupes de firmes constituant chacun un réseau (Gnyawali et Madhavan, 2001 ; Gnyawali et al., 2006 ; Andrevski et al., 2014).
Cette coopétition réseau impose ainsi plusieurs réflexions théoriques et questions pratiques aussi bien au niveau des interactions intra et inter-réseau entre les firmes, qu’au niveau de la combinaison entre les actions concurrentielles et les actions coopératives adoptées par ces firmes et au niveau des conditions de succès de cette stratégie. Ces questions restent encore peu abordées dans la littérature en management stratégique. Certaines études récentes ont évoqué cette nouvelle configuration de coopétition en essayant d’évaluer le rôle d’une firme centrale au sein d’un réseau de coopétition dans la performance de cette stratégie (Gnyawali et al., 2006 ; Le Roy et Sanou, 2014) sans avoir testé les conditions de cette performance, ni ciblé une forme particulière de cette coopétition.
Plusieurs études ont montré que ce comportement coopétitif est dynamique (Luo, 2007), instable et source de conflits et tensions entre 128les firmes partenaires concurrentes (Fernandez et Chiambaretto, 2016). Ces tensions sont induites des paradoxes qui caractérisent les deux dimensions qui fondent la coopétition telles que la concurrence et la coopération (Fernandez et Chiambaretto, 2016). Ces deux dimensions sont basées sur des principes contradictoires. La coopération est un comportement d’entente basé sur le principe de confiance et de respect des engagements pris par chaque partenaire. La concurrence quant à elle est basée sur la rivalité et l’égoïsme, chaque firme cherchant ses propres intérêts au détriment de ses concurrents. Cette concurrence stimule le comportement opportuniste (Das et Teng, 2000 ; Fernandez et al., 2014) dans la mesure où chaque firme membre du réseau cherche à exploiter les ressources partagées pour son propre avantage et à minimiser ses engagements pour augmenter ses profits (Gnyawali et al., 2006). Ce comportement opportuniste réduit la confiance entre les firmes partenaires, augmente les risques d’asymétrie d’information et d’instabilité du réseau et mène à l’échec de la coopétition (Ritala, 2012).
Ce comportement et ces objectifs individuels peuvent être en contradiction avec ceux des firmes partenaires et ils posent plusieurs problèmes, sources de conflits concernant particulièrement le partage des avantages de la coopération, le pouvoir décisionnel, la détermination des objectifs communs compatibles avec les objectifs individuels, le champ d’action de coopération, le choix des partenaires, etc.
Plusieurs autres sources de tensions ont été évoquées dans la littérature, en particulier les jeux de pouvoir entre les membres (Nemeh et Yami, 2016 ; Wilhelm et Sydow, 2018), l’incompatibilité entre les firmes alliées en termes d’objectifs, de missions stratégiques, de ressources, de compétences, de culture, etc. (Dacin et al., 1997), l’éloignement géographique des firmes et la diversité culturelle (Rijamampianina et Carmichael, 2005), la vigilance, le manque de confiance (Kim et Lee, 2018), l’incomplétude des contrats, l’asymétrie d’information, etc. Ces différentes tensions créent des conflits d’intérêts entre les partenaires qui peuvent engendrer l’instabilité ou l’échec d’une situation de coopétition.
Pour garantir cette stabilité et pérenniser les accords de coopération, il faut bien comprendre la dynamique de ce comportement de coopétition et analyser ses principales sources de tensions. Ces sources varient d’un secteur à un autre, d’une structure réseau à une autre et d’un environnement externe à un autre. Elles conditionnent le choix des 129mécanismes de management de la coopétition les plus adéquats pour gérer ces conflits et renforcer la confiance entre les firmes partenaires tout en évitant un comportement opportuniste (Tidströmet al.,2018). Le management de la coopétition est donc nécessaire pour assurer le succès de cette stratégie et pour que les partenaires atteignent leurs objectifs (Le Roy et Czakon, 2016).
1.2 Alliances maritimes et comportement de coopétition
Le secteur de transport maritime des conteneurs est un champ illustratif du comportement de coopétition en réseau adopté par les armateurs dans un cadre relationnel intra et/ou inter alliances (Linet al., 2017). Depuis l’année 1995, la stratégie d’alliance a structuré la relation entre les plus grandes firmes maritimes conteneurisées. Ces alliances dominent aujourd’hui le marché mondial de transport maritime particulièrement des conteneurs. En 2017, les alliances maritimes sont au nombre de trois2 et regroupent 10 des principaux armateurs au monde qui contrôlent près de 80 % des services offerts sur les grandes routes maritimes (Asie-Europe, Transpacifique et Transatlantique). Elles mettent en exploitation un parc de plus que 700 navires ayant une capacité totale de plus que 10 millions d’EVP3.
Les alliances stratégiques se définissent comme étant des associations entre des entreprises concurrentes ou potentiellement concurrentes, qui mènent ensemble un projet ou une activité spécifique en combinant leurs compétences et leurs ressources, pour atteindre un objectif commun (Harrigan, 1988). Elles consistent à établir des accords de coopération technique, commerciale et/ou logistique entre des firmes alliées tout en sauvegardant leur identité, leur indépendance et leur autonomie de décision.
Les alliances entre compagnies maritimes peuvent concerner plusieurs projets d’ententes et arrangements selon les objectifs spécifiques de chaque alliance, les compétences et ressources des alliées, l’opportunité et les risques de l’environnement maritime international, le progrès 130technologique dans ce secteur, etc. Ces arrangements peuvent porter sur l’achat et/ou l’affrètement commun des navires, l’exploitation commune des navires, des terminaux et des conteneurs, le partage de l’espace de navire, la répartition des parts de trafic, le nombre et la capacité des navires à déployer dans l’alliance, l’espace géographique couvert, etc. Les firmes alliées s’engagent ainsi mutuellement à combiner leurs avantages en matière de ressources, de compétences et de savoir, à partager les coûts et les risques des activités gérées en commun, à échanger les informations, etc. Ces échanges et usages communs des ressources vont permettre aux firmes alliées de bien exploiter les externalités de réseau et d’acquérir un avantage compétitif vis-à-vis les firmes hors alliance, à travers la construction d’un capital social fondé sur un réseau relationnel coopératif et harmonieux (Degenne et Forsé, 1994).
Cependant, ces accords de coopération n’empêchent pas que ces firmes seront aussi en situation de concurrence sur d’autres marchés ou d’autres services. Cette concurrence se concrétise même au niveau des activités faisant l’objet de la coopération (Luo, 2007).
La concurrence s’illustre au niveau de la collecte de fret, de la tarification, de la fréquence, des heures, dates et ports de départs, des itinéraires à poursuivre, de la stratégie de marketing, de la position ou du rayonnement au sein de l’alliance, etc. Chaque firme cherche à augmenter son attractivité et à améliorer son image de marque même au détriment des autres firmes alliées. Cette concurrence incite les firmes à se distinguer de leurs concurrents, à acquérir des avantages compétitifs et à constituer leur propre image de marque (Colin et al., 2003).
Cette concurrence s’exerce aussi au niveau des alliances par groupe de firmes constituant l’alliance pour faire face aux autres alliances concurrentes. Cette concurrence inter-alliance est une concurrence collective qui constitue l’un des objectifs fondamentaux de l’intégration d’une firme dans une alliance.
Ce comportement concurrentiel et coopératif adopté simultanément par une firme vis-à-vis des autres firmes ou de groupe de firmes constitue le fondement du concept de coopétition (Czakon et al., 2014 ; Fernandez et al., 2014). Cette relation de coopétition est ramifiée, complexe et elle combine une diversité d’actions stratégiques menées par une entreprise au niveau de son alliance et en dehors de celle-ci, actions qui changent couramment avec les mutations de l’environnement qui cerne le secteur.
131Généralement, ce comportement coopétitif d’une firme maritime émane aussi bien des caractéristiques technico-économiques du secteur maritime (actif spécifique, coût d’investissement élevé, progrès technologique continu, activité en réseau, mobilité du capital, demande aléatoire, etc.), que de mutations techniques (conteneurisation, accroissement de la taille des navires, etc.) économiques (mondialisation, libéralisation de la mer, augmentation des flux des échanges commerciaux, restructuration de ces échanges, etc.) et logistiques (intégration de la chaîne de transport dans la chaîne logistique de l’entreprise, stratégie de zéro stock et juste à temps, transport de porte à porte, configuration hub and spoke du réseau maritime, etc.) qui ont marqué l’évolution récente de ce secteur.
Toutes ces caractéristiques et mutations ont incité les firmes maritimes non seulement à la coopération mais aussi à la concurrence. Chaque firme cherche la coopération pour assurer une meilleure utilisation commerciale de ses navires, une bonne logistique de collecte, distribution et circulation des conteneurs (en particulier les conteneurs vides), un partage des frais d’investissement, une exploitation commune des ports et des services logistiques, une confrontation commune de la concurrence, la réalisation des économies d’échelle via l’accroissement de la taille de réseau et de la capacité productive des navires, la réalisation d’économes de densité via la massification de la cargaison pour rentabiliser l’usage des navires et la diversification des services pour répondre aux exigences accrues des chargeurs (Aloulou, 2007).
Cependant, l’évolution historique de ces alliances maritimes a montré qu’elles ne sont pas stables et que de nombreux cas ont abouti à l’échec ou plutôt à l’absorption d’une firme par l’un de ses partenaires. Certaines alliances disparaissent, d’autres naissent, leur structure et leur composition changent d’une période à une autre.
Depuis leur création en 1995, jusqu’à aujourd’hui, on compte 4 générations d’alliance (cf. Tableau 1) dont la plus stable et durable est celle de la seconde génération qui regroupe les alliances : New World Alliance, Grand alliance et CKYH alliance. Elles ont duré plus que de 10 ans. Mais ces alliances ont toutes disparu depuis 2015. La première génération d’alliance maritime ainsi que la troisième étaient instables : leur durée de vie n’a pas dépassé les deux ou trois ans.
132Tab. 1 – Les quatre générations d’alliances maritimes.
Génération |
Alliances |
Période |
Première |
Global Alliance, Grand Alliance, Maersk-Sealand |
1996-1998 |
Deuxième |
New World alliance, Grand Alliance et CKYH |
1998-2012 |
Troisième |
G6, CKYHE, 2M ; O3 |
2012-2017 |
Quatrième |
2M ; Ocean Alliance, THE Alliance |
2017- ? |
Source : OCDE (2018, p. 15)
En 2013, The New World Alliance et Grand Alliance se sont réunies dans l’alliance G6. En 2014, Maersk, MSC et CMA CGM ont annoncé la naissance d’une nouvelle alliance nommée P3. Cette alliance entre les trois leaders mondiaux a abouti à un échec et elle a été restructurée en 2015. L’armateur CMA-CGM a quitté l’alliance pour former une nouvelle alliance surnommée Ocean Three en partenariat avec l’armateur chinois CSCL et celui du Golf Arabe UASC. Les armateurs Maersk et MSC ont maintenu leur accord de coopération tout en modifiant la dénomination de l’alliance en passant de P3 à M2. En 2015, Evergreen s’est intégrée dans l’alliance CKYH pour la quitter en 2017 et choisir de former avec CGM-CMA, l’Ocean Alliance. En 2017, l’alliance CKYH a disparu et ses membres ont opté pour l’intégration dans les nouvelles alliances4.
Généralement ce n’est qu’à partir de 2014 que les compagnies maritimes de grande taille telles que Maersk, MSC, CMA CGM et Evergreen, ont changé leur stratégie pour opter pour la construction de ou l’intégration dans une alliance maritime. Jusqu’aux années 2011, les alliances ne comportent que des compagnies maritimes de taille moyenne. Les toutes premières compagnies mondiales étaient des opérateurs indépendants qui opéraient en dehors d’un accord d’alliance. Ceci peut être expliqué par le fait que les firmes de grande taille n’ont pas besoin de s’intégrer dans une alliance, car elles peuvent atteindre leurs propres objectifs, affronter les menaces et saisir les opportunités des mutations de l’environnement externe du secteur maritime par leurs propres moyens.
133Les raisons fondamentales qui ont poussé les firmes géantes à former des alliances étaient en particulier l’accroissement de la taille des navires porte-conteneurs qui a atteint une capacité de plus que 20000 EVP et qui nécessite une plus grande coopération entre les armateurs pour garantir des taux de remplissage et de rotation assurant leur rentabilité. Par ailleurs, la construction de l’alliance G6 en 2013, fusionnant les deux alliances Grand Alliance et Net World Alliance, a augmenté la taille critique du marché et formé un groupe d’armateurs, capable de dominer le marché et de menacer les grands armateurs.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce dynamisme et ce changement de génération d’alliances maritimes. Les plus fondamentales d’entre elles sont l’innovation technologique et l’intensification concurrentielle. Les innovations technologiques marquant l’évolution du secteur donnent naissance à de nouvelles combinaisons de ressources plus productives qui peuvent pousser certaines firmes à changer leur alliance ou à créer une nouvelle alliance, dans la mesure où ces nouvelles technologies s’avèrent incompatibles avec les compétences des anciens membres de l’alliance.
La mobilité des partenaires entre les alliances concurrentes peut être également expliquée par la contestabilité des alliances. En effet, les firmes auront la possibilité d’entrer et/ou de sortir de l’alliance sans barrières ni coûts fixes irrécupérables. En l’absence de ces coûts fixes irrécupérables et d’actifs spécifiques, toute firme partenaire peut facilement entrer dans une alliance pour combler ses insuffisances sans recours à des transactions internes, et elle peut se désengager et quitter l’alliance dès lors qu’elle n’a pas pu atteindre son objectif. Elle adopte ainsi un comportement de « Hit and Run » de sorte que tout nouvel arrivé dans une alliance cherche à en tirer profit et quitte l’alliance dès que son objectif est atteint. De même, la volonté d’une entreprise de se lancer dans de nouveaux projets (ouverture de nouvelles lignes, offre de nouveaux services, exploitation d’un terminal, etc.) dépassant les projets en commun, la pousse à changer l’alliance.
Par ailleurs, ces alliances ne sont pas dépourvues de risques et de conflits. Ceux-ci résident dans le partage des gains et des avantages de l’alliance, l’absence d’un objectif clair et commun, la divergence culturelle et organisationnelle entre les partenaires, l’asymétrie d’information, le comportement opportuniste de certains partenaires, l’instabilité de l’environnement des affaires, l’insuffisance ou l’absence 134des ressources et des compétences complémentaires, un mauvais choix des partenaires, etc.
Cette mobilité des firmes membres, augmente l’instabilité des alliances et favorise leur dynamisme. Elle conditionne leur évolution et détermine leur structure et leur performance (Gulati, 1999).
Cette instabilité des relations réseau est devenue une question centrale à la fois pour comprendre les comportements stratégiques des firmes, le mouvement d’entrée et de sortie dans le réseau, la naissance et la disparition des réseaux, mais aussi pour évaluer leur performance. Plusieurs auteurs ont cherché à analyser cette instabilité des alliances stratégiques et à déterminer les conditions de succès d’une relation de coopétition via l’approche du réseau social (Kim et Parkhe, 2009 ; Cheriet et al., 2008 ; Fusillo, 2013, etc.). Ils ont mis l’accent sur le rôle d’un certain nombre de variables sur la stabilité de l’alliance : la centralité du réseau, sa densité, la fréquence et la diversité des liens entres les alliées. Ils ont conclu que le succès d’une alliance est directement lié à la qualité et à la consolidation des relations entre les partenaires et à la structure du réseau (Wang et Chen, 2016 ; Naudé et al., 2014).
2. La structure relationnelle
d’une alliance stratégique
Plusieurs auteurs (Burt, 1992 ; Degenne et Forsé, 1994 ; Gulati, 1999 ; Saglietto et Lévy 2007, etc.) ont analysé les comportements stratégiques des firmes alliées dans un cadre d’analyse de réseau relationnel, dans le prolongement des travaux de Granovetter (1985)5. Cette approche schématise les relations entretenues par les firmes avec leurs partenaires membres du réseau, en vue d’analyser leurs interactions et leurs stratégies de coopétition. Elle aborde aussi la relation de chaque réseau avec les réseaux concurrents pour apprécier les interactions de la firme avec son environnement externe (Saglietto, 2006 ; Saglietto et Levy, 2007). Elle a 135fait preuve d’un grand pouvoir explicatif des comportements stratégiques des firmes alliées et/ou des alliances concurrentes (Gulati, 1999 ; Saglietto et Lévy, 2007) et elle a contribué à expliquer l’émergence des alliances stratégiques, leur dynamisme et les comportements stratégiques des firmes alliées en utilisant de nouveaux concepts tels que la connectivité, la cohésion, la centralité, le positionnement, le rayonnement, l’exclusivité, etc. (Lazega, 1994 ; Saglietto et Levy, 2007, etc.)
Un réseau est conçu comme étant un système fermé composé d’un certain nombre de pôles inter-reliés par des liens formels ou informels. Chaque pôle dispose de ses propres caractéristiques intrinsèques qui interagissent avec celles des autres pôles pour définir la structure et la morphologie du réseau.
Les firmes maritimes alliées constituent les pôles du réseau interne, les alliances constituent les pôles du réseau externe et les flux de transaction entre ces acteurs constituent les arcs de ces réseaux. Chaque firme alliée est interconnectée au sein d’un réseau relationnel via un ensemble de liens dont l’intensité et la fréquence sont tributaires de ses attributs, de sa position, de ses comportements et de ses objectifs (Lazega, 1994). Les flux sont les transactions et les échanges de ressources, de compétences, d’informations, etc. entre les firmes alliées. En fait, une alliance stratégique est fondée principalement sur la mise en commun, le partage et l’échange des ressources et des compétences entre les firmes alliées (Jolly, 2001)
Pour chaque alliance, nous pouvons ainsi schématiser et caractériser sa structure relationnelle interne et externe. Cette structure illustre le niveau de coopération et de concurrence entre les firmes alliées ainsi qu’entre les alliances. Elle oriente le comportement individuel et collectif de coopétition et détermine la performance, la durabilité et le rayonnement de l’alliance (Granovetter, 1985 ; Gnyawali et Madhavan, 2001 ; Burt, 1992, etc.).
Par ailleurs, la stratégie de l’entreprise est fonction des liens entretenus avec ses partenaires et de la position qu’occupe la firme au sein de son réseau. Elles reconfigurent et déterminent les relations de l’alliance avec les autres réseaux et garantissent la stabilité et la durabilité de l’alliance elle-même. Il existe donc une forte interaction autant entre la structure interne et externe de l’alliance qu’entre le comportement des acteurs membres d’une même alliance. La structure oriente les actions 136stratégiques des acteurs et les comportements déterminent la structure de l’alliance (Saglietto et Levy, 2007).
La modélisation de la relation structurelle entre les firmes membres d’une même alliance ou même entre les alliances est fondée sur des méthodes quantitatives d’analyse statistique. Dans ce contexte, la théorie des graphes trouve toute sa justification dans l’application et la représentation des composantes de ces réseaux relationnels. Elle offre des outils d’analyse statistique et des concepts permettant d’analyser le réseau et de traiter mathématiquement ses propriétés tout en dégageant des résultats représentatifs de la construction et de l’évolution de sa structure (Lazega, 1994 ; Saglietto et Levy, 2007 ; etc.).
Cette structure ou morphologie des alliances maritimes sera identifiée à travers l’application d’un ensemble de concepts et d’indicateurs tels que la connectivité, la cohésion, la centralité, le positionnement, le rayonnement, l’exclusivité, etc. (Lazega, 1994 ; Saglietto, 2006, etc.). Ces indicateurs décrivent les caractéristiques des firmes alliées, indiquent la position de chaque firme au sein de son alliance, la nature, la densité et la qualité des liens entretenus entre les firmes membres d’un même réseau (Meschi, 2006). Chaque alliance sera ainsi spécifiée aussi bien par une structure identifiée par le nombre et la taille de ses membres, leur engagement, leur position, que par des relations de pouvoir et d’influence entre ses membres (Jarillo, 1988).
Selon la théorie des réseaux sociaux, deux variables structurelles importantes peuvent expliquer la stabilité des relations réseaux. La structure interne du réseau évaluée par la densité, la fréquence des liens entre les membres du réseau et la centralité de l’organisation du réseau.
2.1 Positionnement de la firme au sein de son alliance
La position qu’occupe chaque firme alliée au sein de son alliance a une influence aussi bien sur son comportement de coopétition, que sur ses orientations stratégiques et sur le fonctionnement et la réussite de l’alliance (Lazega, 1994). Elle va déterminer la structure de l’alliance, son rayonnement et évaluer le niveau de la coopétition entre les firmes (Gnyawali et Madhavan, 2001).
Plusieurs travaux théoriques et empiriques ont essayé d’expliquer et d’analyser les facteurs qui affectent la position qu’occupe une firme au sein de son réseau d’appartenance (Saglietto et Levy, 2007 ; Tinlot 137et Mothe, 2005 ; Lee et al., 2003 ; Harrigan, 1988). Divers facteurs ont été évoqués, qui se rapportent aux avantages compétitifs de la firme (compétence, expérience, spécificité des ressources, origine, culture, etc.) à sa participation au capital, à la densité des liens entretenus avec ses partenaires et à sa capacité à gérer et manipuler les relations entre les membres de l’alliance. Ce positionnement peut être aussi le résultat d’un jeu de pouvoir entre les firmes partenaires dont chacune cherche à occuper une position centrale et dominante au sein de son alliance.
Une position centrale au sein d’un réseau relationnel implique que la firme entretien le nombre le plus important de liens directs ou d’accords de coopération avec ses concurrents partenaires membre du réseau. Elle reflète une forte connexion de cette firme centrale avec ses partenaires et sa capacité à être active dans son réseau (Faust, 1997).
Une entreprise qui occupe une position centrale dans son réseau d’appartenance est dotée d’un avantage concurrentiel et d’un pouvoir décisionnel, qui lui permettent de se comporter comme une firme leader dominante ayant un pouvoir d’accès aux diverses ressources, compétences et informations de ses partenaires sans passer par des intermédiaires. Elle sera reconnue par tous les membres du réseau et sera plus influente sur son environnement interne et externe. Elle assure la coordination autant entre les firmes partenaires qu’entre son alliance et les autres alliances concurrentes, elle prend l’initiative dans les décisions, met en œuvre et contrôle les projets communs et préserve la coopération entre les membres (Lazega, 1998).
Selon le positionnement des firmes alliées, on distingue deux formes d’alliances : asymétrique et symétrique. L’alliance asymétrique est définie par l’existence d’une seule firme appelée firme « pilote » occupant une position centrale (Lazega, 1994). Elle est ainsi organisée sous forme hiérarchique centralisée dans laquelle la firme pilote se trouve au sommet de la hiérarchie. Cette firme dispose de plus d’avantages compétitifs que ses alliées sous l’angle de la taille, de la participation au capital, des ressources spécifiques, des compétences, de l’expérience et même de la nationalité et du soutien politique. Elle exerce un pouvoir sur ses partenaires et augmente le degré de leur dépendance (Saglietto, 2006).
Les firmes dominées dans le secteur cherchent à travers l’insertion dans une telle alliance à augmenter leur compétence, leur compétitivité et leur performance. Elles acceptent de perdre leur indépendance pour 138profiter des avantages de la coopération avec une grande firme. Les firmes dominantes quant à elles acceptent de nouer des liens de partenariat avec les petites firmes pour contrôler leurs ressources spécifiques et conquérir une position stratégique au sein de leur alliance (Lee et al., 2003).
Les alliances symétriques sont composées des firmes à taille identique, dotées des ressources et compétences comparables là où chaque firme partage avec les autres un certain pouvoir de contrôle et de décision. La structure de ces réseaux est de type « multipolaire » (Lazega, 1994).
Plusieurs études ont essayé d’analyser l’effet de ces structures symétriques et asymétriques sur la performance et la stabilité de l’alliance. Certains auteurs ont mis en évidence l’effet positif des alliances asymétriques sur leur bonne gouvernance et leur stabilité (Harrigan, 1988 ; Killing, 1988 ; etc.), alors que d’autres considèrent que la symétrie de taille entre les firmes alliées est une source de performance de l’alliance (Gnyawali, 2006 ; Doz et Hamel 1998, etc.).
La première approche voit dans l’existence d’une seule firme pilote une source de stabilité et un agent d’intermédiation capable d’assurer la connexion entre toutes les parties impliquées dans l’alliance. Grâce à son expérience, ses connaissances en matière d’organisation et son réseau relationnel étendu, cette firme pilote sera apte à attirer plus de partenaires, à construire et/ou élargir le champ de l’alliance. Elle est capable de gérer la tension interne et dispose d’une attractivité et d’un pouvoir garantissant la résolution des relations conflictuelles. Par ailleurs, certaines études ont montré que cette configuration mono-polaire du réseau réduit l’intensité concurrentielle intra-réseau, atténue le comportement agressif des firmes partenaires et augmente l’intensité de la coopération dans la stratégie de coopétition. (Gnyawali et Madhawan, 2001 ; Harrigan, 1988). Selon Burt (1992) deux acteurs qui occupent une même position au sein d’un réseau relationnel se trouvent plus en situation de concurrence que de complémentarité. Cette intensité concurrentielle est source de tensions et de conflits qui risquent de mettre en cause la relation de partenariat.
Par contre, la seconde approche considère que cette position dominante de la firme peut engendrer un risque de dépendance des firmes dominées aux ressources et aux compétences de la firme leader. Cette dernière peut les absorber ultérieurement ou les priver de leur autonomie et de leurs avantages spécifiques (Doz et Hamel, 1998). Selon cette approche, l’existence d’une firme pilote est ainsi une source de tension et de conflits 139entre les firmes partenaires. Elle considère que la firme dominante aura davantage d’atouts par rapport aux autres membres en matière d’accès direct aux ressources, de pouvoir décisionnel et elle bénéficiera davantage de la coopération que ses partenaires (Gnyawali et al., 2006 ; Naudé et al., 2014). Ceci permet à la firme centrale d’atteindre une meilleure performance que ses partenaires occupant une position plus marginale. Cette volonté de capter les bénéfices de la coopération en occupant une position dominante va créer un comportement opportuniste incitant la firme dominante à exploiter sa position centrale pour son propre compte (Fulconis et Paché, 2008 ; Ferrary, 2003). Ce comportement menace la relation de coopération intra-réseau et intensifie la concurrence entre les firmes alliées via un jeu de pouvoir et de positionnement au sein du réseau de coopétition (Doz et Hamel, 1998).
Cependant, dans un cadre d’alliance symétrique et en l’absence d’une firme pilote dominante, toutes les firmes membres accèdent équitablement aux ressources matérielles et informationnelles et répartissent égalitairement les avantages de la coopération. Elles auront l’opportunité de mutualiser leurs ressources, leurs compétences et leurs expériences sur la base d’un équilibre de la force et du pouvoir de négociation.
Dans le cadre de notre travail, nous proposons la première hypothèse suivante :
Hypothèse 1. La symétrie du réseau a un effet positif sur la stabilité de l’alliance.
2.2 Les liens entre les firmes partenaires
Les liens entre les firmes membres d’une alliance peuvent être étudiés à travers la nature et le nombre des engagements établis entre-elles. En fait, toute alliance est caractérisée par des arrangements spécifiques illustrés par des liens entretenus entre les firmes alliées. Ces arrangements portent sur la mise en œuvre d’un ensemble d’actions communes décidées et arrêtées conjointement par les firmes alliées, qui mutualisent leurs ressources et leurs compétences (Lazega, 1994). Ils seront conclus dans un cadre contractuel qui précise les engagements mutuels des firmes adhérentes en termes de partage de responsabilité, de contrôle, de pouvoir, de mission, d’objectif, etc.
140L’intensité de ces engagements va déterminer la structure interne de l’alliance et mesurer le niveau de l’interdépendance entre les firmes alliées. Cette interdépendance peut être schématisée par la continuité et la fréquence des liens entre les firmes partenaires (Child et Faulkner, 1998). Plus ces engagements sont multiples et concernent toutes les firmes alliées, plus le réseau de l’alliance sera dense et tous les membres seront inter-reliés par des arêtes soit directement soit indirectement via l’intermédiaire d’une firme pilote.
Des relations répétées et continues illustrent bien la consolidation du réseau et permettent aux alliées de mieux se connaître et de se rapprocher (Gulati, 1999). Elles facilitent ainsi les transactions en termes de ressources et de compétences entre les firmes partenaires et renseignent chaque firme membre sur les comportements, les objectifs et les stratégies de ses partenaires. Elles réduisent ainsi les incertitudes, améliorent la confiance entre les partenaires et évitent le comportement opportuniste, l’asymétrie de l’information et les risques relationnels (Das et Teng, 2000).
La collaboration entre les firmes alliées ainsi que la performance de l’alliance seront d’autant plus consolidées que la confiance et le niveau d’engagement entre les partenaires seront élevés. Cette confiance entre les partenaires sera renforcée par la communication, les rencontres et les échanges des données, des informations et des idées entre les firmes partenaires. Elle peut être évaluée par la fréquence et l’intensité des liens entre les partenaires (Saglietto, 2006).
Notre deuxième hypothèse à tester dans la partie empirique de ce travail est la suivante :
Hypothèse 2. La densité de réseau a un effet positif sur la stabilité de l’alliance.
3. La structure du réseau des alliances maritimes
Nous allons étudier dans cette section, la structure des réseaux des alliances stratégiques entre armateurs de lignes régulières sur la base de quatre éléments : la centralité, la densité des liens, la connectivité et 141l’exclusivité. La centralité fait référence à la position qu’occupe une firme au sein de son réseau. La densité fait référence au degré d’interconnexion entre les membres d’une alliance. La connectivité évalue l’intensité et la consolidation des liens directs entre les firmes alliées. L’exclusivité indique le lien d’une firme membre d’une alliance avec les autres alliances concurrentes.
Après avoir calculé ces indicateurs, nous allons tracer un ensemble de graphes équivalent au nombre des alliances observées au cours de l’année 2010, illustrant leurs structures. Ce graphe représente un réseau composé des nœuds identifiés par les compagnies maritimes membres de l’alliance, interconnectés par des arcs indiquant les liens entre ces firmes. Il dessine le schéma de connexion entre les firmes alliées et illustre les propriétés structurelles d’un réseau relationnel.
Ces caractéristiques structurelles d’une alliance constituent ainsi ses spécificités qui la distinguent des autres alliances et qui influencent le comportement aussi bien de ses firmes membres que de l’alliance vis-à-vis de son environnement externe et sa relation avec ses concurrents.
3.1 Présentation des données
Afin d’illustrer la morphologie des alliances, nous avons pris comme exemple, les alliances maritimes observées en 2010. Au cours de cette année, il existait trois alliances qui régnaient sur le marché du transport maritime des conteneurs de lignes régulières. Ces alliances sont New world Alliance, Grand Alliance et CKYH Alliance. Elles se présentent comme celles les plus stables depuis la première date de création des alliances maritime jusqu’aujourd’hui avec une durée de vie qui dépasse les 10 ans. Bien que la composition de ces alliances ait changé légèrement d’une période à une autre, elles maintiennent leurs principaux acteurs.
Ces alliances regroupent 11 compagnies maritimes parmi les 20 premières mondiales, détiennent 24 % de la flotte mondiale des portes conteneurs et occupent plus de 27 % du marché du transport maritime des conteneurs6. Les compagnies maritimes membres de ces alliances ont d’une taille moyenne qui ne dépasse pas les 500 mille EVP, inférieure 142au seuil critique permettant aux compagnies maritimes de réaliser des économies d’échelle7. Comparativement aux compagnies maritimes géantes qui dominent le marché maritime mondial telles que Maersk ou MSC ou CMA CGM dont la taille dépasse le 1 million d’EVP, les compagnies membres de ces alliances s’avèrent incapables de concurrencer ces géants et risquent d’être dominées et/ou absorbées lorsqu’elles agissent seules.
À partir de cette analyse, nous constatons bien que ce sont les plus petits armateurs qui s’engagent le plus dans des alliances maritimes. Ces entreprises de petite taille sont plus menacées par la fluctuation de la demande de transport maritime et la surcapacité de l’offre qui caractérise ce secteur (Midoro et Pitto, 2000). Les firmes qui n’ont pas une capacité suffisante et une couverture géographique étendue sont ainsi plus motivées à nouer une relation de partenariat avec d’autres firmes ayant presque les mêmes caractéristiques et les mêmes objectifs.
L’intégration d’une entreprise de petite taille dans une alliance stratégique va ainsi lui permettre d’augmenter sa taille, de diversifier ses services, d’améliorer sa compétitivité sur les principales routes maritimes mondiales, d’échanger des compétences, des connaissances et du savoir, de réaliser des économies d’échelle et d’affronter la concurrence rude menée par les firmes maritimes géantes.
Ces alliances mettent en commun l’exploitation de 473 navires sur les trois grandes routes maritimes (Asie-Europe, Transpacifique et Transatlantique) d’une capacité de 1.9 millions EVP, soit l’équivalent de 12.6 % de la capacité mondiale des porte-conteneurs. Cette capacité commune de production représente en moyenne 45 % de la capacité cumulée de toutes les firmes membres des alliances. La taille moyenne des navires exploités est de 4000 EVP.
Ces alliances se distinguent autant au niveau de la part de marché, de la capacité offerte, du nombre de services offerts, du nombre d’accords établis, qu’en termes de couverture géographique.
Le tableau 2 fournit une description des caractéristiques de ces alliances.
143Tab. 2 – Les alliances maritimes en 2010.
Alliance |
Membres |
Capacité de la flotte en EVP |
Part de marché |
Nombre de navires déployés |
Nombre de services |
Nombre d ’ accords |
New World Alliance (1997) |
APL/NOL (USA/Singapour) |
1 149 245 |
7 % |
190 |
22 |
95 |
MOL (Japon) |
||||||
Hyundai (Corée de Sud) |
||||||
Grand Alliance (1995) |
Hapag-Lloyd (Allemagne) |
1 458 082 |
9 % |
167 |
22 |
78 |
NYK (Japon) |
||||||
MISC (Malaisie) |
||||||
OOCL (Hong Kong) |
||||||
CKYH Alliance (2001) |
Cosco (Chine) |
1 683 774 |
11 % |
169 |
27 |
157 |
K line (Japon) |
||||||
yang Ming (Taiwan) |
||||||
Han Jing (Corée de Sud) |
Source : élaboration personnelle en se basant sur les informations issues d’Alphaliner (2010)8, CNUCED (2010) et Drewry (2010).
Ces compagnies de transport maritime se distinguent par un ensemble d’attributs qui constituent leurs avantages concurrentiels en matière d’identité, de culture, de taille, de part de marché, de type et nombre d’accords dans l’alliance. Ces caractéristiques structurent la spécificité de chaque alliance. Cette structure peut être identifiée par les divers engagements commerciaux entretenus par les armateurs membres d’une même alliance.
En se référant aux sites web de Federal Maritime Commission9 qui répertorie l’ensemble des accords d’alliances conclus entre les compagnies maritimes de lignes régulières, nous avons identifié la totalité des 144contrats commerciaux conclus entre les compagnies maritimes. Nous avons classé ces accords par ordre d’importance selon l’occurrence de chaque type de contrat, afin de sélectionner les engagements les plus impliqués dans les alliances maritimes. Nous avons codifié ces contrats de C1 à C8 et constitué pour chaque alliance une matrice de relations (matrice d’adjacence) et une matrice de distance afin de configurer le réseau relationnel et de caractériser la structure de chaque alliance (voir annexe). Le tableau 3 illustre les résultats de ce classement.
Tab. 3 – Types des contrats des alliances maritimes.
Type de contrat |
Code |
nombre |
Part en % |
Vessel Sharing / sailing agreement |
C1 |
10 |
22.72 |
Rate discussion agreement |
C2 |
9 |
20.45 |
Vessel agreement |
C3 |
8 |
18.18 |
Non rate discussion agreement |
C4 |
5 |
11.37 |
Cooperative working agreement |
C5 |
5 |
11.37 |
Equipement interchange agreement |
C6 |
5 |
11.37 |
Conference agreement |
C7 |
1 |
2.27 |
Joint service agreement |
C8 |
1 |
2.27 |
Total |
44 |
100 |
Source : élaboration personnelle en se basant sur les informations issues de Federal Maritime Commission.
Dans ce tableau, nous remarquons que les trois premiers types d’accords (Vessel Sharing / sailing agreement, Rate discussion agreement et Vessel Agreement) sont les plus fréquents. Dans ce sens, les engagements les plus fréquents dans les accords d’alliances maritimes portent particulièrement sur trois aspects de l’exploitation commerciale du navire tels que les accords de partage de navires et de l’espace de navire (VSA, Vessel Sharing Agreements), qui permettent une exploitation commune des navires déployés dans l’alliance en partageant les coûts et la recette ainsi qu’un investissement commun dans l’achat des navires, les accords sur les fréquences, les escales, les dates de voyages (Vessel agreement) et les accords sur les tarifs (Rate discussion agreement). Nous allons nous limiter à ces trois types d’accords compte tenu de leur importance.
1453.2 Calcul des indicateurs structurels
et représentation graphique des réseaux
En se référant à la théorie des graphes, plusieurs indicateurs peuvent être utilisés pour décrire la structure interne d’un réseau. Ces indicateurs vont nous permettre de représenter graphiquement le réseau relationnel au sein d’une alliance. Ces graphes vont nous permettre de visualiser et d’interpréter facilement la position de chaque firme et ses interdépendances vis-à-vis de ses partenaires.
Selon la théorie des graphes, plusieurs concepts et indices ont été développés pour mesurer et déterminer la position de la firme au sein de son alliance ainsi que son pouvoir, tels que l’indice de centralité, l’indice de périphérie, le coefficient de clustering, etc. L’identification des liens entre les firmes alliées au sein d’un même réseau ainsi que leurs interactions, peuvent être analysés en référence aux indicateurs de densité, connexité, exclusivité, rayonnement, etc.
La centralité illustre le rôle qu’occupe la firme au sein de son alliance, son degré d’implication et d’influence dans la gérance du partenariat, ainsi que le type de lien entretenu entre les différents partenaires. Plusieurs indicateurs de centralité ont été développés. On parle d’indicateur de centralité degré, de centralité de proximité ou de centralité d’intermédiaire ou de centralité de Bavelas.
L’indice de centralité degré mesure le nombre de liaisons directes qui partent d’un sommet donné. L’indice de centralité de proximité mesure la distance moyenne entre le sommet et l’ensemble des autres sommets. Pour Bavelas (1951), l’indice de centralité d’un sommet est mesuré par le rapport entre la somme pondérée des distances du sommet considéré et la somme pondérée de toutes les distances du réseau. L’indice de centralité d’un graphe se définit par la somme des indices de centralité de tous les sommets qui composent le graphe. Une valeur élevée de l’indice de centralité nous indique que la firme en question occupe une position centrale au sein de l’alliance et exerce un certain pouvoir de domination sur ses partenaires.
Soit G (V, E) un graphe composé d’un ensemble de nœuds noté V interconnectés par un ensemble d’arcs noté E. Dans le cas où ce graphe est non orienté dans le sens où la direction du lien n’a aucune incidence sur la capacité d’interprétation du réseau, (comme c’est le cas de notre 146cas d’application), l’indice de centralité d’un sommet vi est égal à : IC(vi) =
Avec S(vi) = ∑viϵV αijd(vi,vj) est la somme pondérée des distances d’un sommet vi.
et S(G) = ∑viϵV S(vi) est la somme des distance d’un graphe G.
L’indice de centralité d’un graphe G = IC(G) = ∑viϵV IC(vi)
Le tableau 4 indique les indices de centralité degré, de proximité et de Bavelas de chaque firme membre d’une alliance maritime ainsi que l’indice de centralité de chaque alliance.
Tab. 4 – Indice de centralité.
Alliance |
Membres |
Indice de centralité degré (proximité) |
Indice de |
Indice centralité alliance (Bavelas) |
New World Alliance |
APL/NOL |
6 (3) |
2/3 |
2 |
MOL |
6 (3) |
2/3 |
||
Hyundai |
6 (3) |
2/3 |
||
Grand Alliance |
Hapag-Lloyd |
7 (7/3) |
3/4 |
3 |
NYK |
7 (7/3) |
3/4 |
||
MISC |
3 (1) |
3/4 |
||
OOCL |
7 (7/3) |
3/4 |
||
CKYH Alliance |
Cosco |
4 (4/3) |
1/2 |
2.5 |
K line |
2 (2/3) |
1/2 |
||
yang Ming |
6 (2) |
3/4 |
||
Han Jing |
6 (2) |
3/4 |
Source : élaboration personnelle.
Les indices de centralité sont presque égaux pour toutes les firmes appartenant à une même alliance. Sauf pour l’alliance CKYH dont les compagnies HanJing et Yan Ming occupent une position plus centrale que leurs partenaires à cause de leurs engagements dans un plus grand nombre d’accords. Ces dernières mettent à la disposition de l’alliance, respectivement 60 et 48 navires contre seulement 33 pour COSCO et 28 pour K-line. Ces deux compagnies HanJing et Yan Ming ont le degré de centralité le plus élevé. Elles assurent un lien intermédiaire entre COSCO et K-Line, mais leur concurrence a été modérée par la complémentarité de ces deux armateurs avec les autres partenaires.
147La densité du réseau évalue la force des relations intra-alliance. Elle est mesurée par le rapport entre le nombre des liens entretenus et observés entre les firmes alliées et le maximum de liens possibles. Si le nombre d’acteurs dans un réseau est N, le nombre maximal des liens possibles est égal à .
DR= avec M est le nombre des liens observés dans le réseau.
La valeur de la densité du réseau varie entre 0 et 1. Lorsque la densité du réseau tend vers 1, c’est-à-dire que le nombre des liens entre les firmes alliées se rapproche du maximum de liens possibles, le réseau sera plus dense dans la mesure où il est composé de firmes relativement ou même parfaitement connectées et où les relations entre la majorité des firmes sont directes et ne passent pas par des intermédiaires. Si la valeur de la densité du réseau tend vers 0, le réseau est à faible densité, dans la mesure où la relation entre les partenaires est peu consolidée et où ces derniers se trouvent isolés les uns des autres. Leurs liens ne sont pas directs mais passent par des acteurs intermédiaires qui assurent leurs connexions avec le reste du réseau.
Dans le tableau 5 qui récapitule les différentes caractéristiques structurelles des trois alliances maritimes étudiées, nous constatons que la valeur de la densité de réseau est maximale (égale à 1) pour les deux alliances The new World Alliance et Grand Alliance et légèrement inférieure (égale à 0.8) pour l’alliance CKYH. Dans les deux premières alliances, toutes les compagnies sont en relation directe deux à deux, sauf pour l’alliance CKYH, l’armateur K-Line n’a pas une relation directe avec COSCO. Cette relation passe par l’intermédiaire de Yang Ming ou Hanjin particulièrement pour le partage de l’espace des navires.
Le concept de connectivité mesure les possibilités d’accès direct et indirect de chaque firme à tous les autres membres de l’alliance. Il illustre le degré de compatibilité des ressources détenues par l’alliance, leur mise en exploitation commune, ainsi que le niveau d’engagement de chaque firme et la nature de ses liens avec ses partenaires (Saglietto et Levy, 2007). Il permet de comprendre le rôle et l’influence de chaque membre ainsi que son niveau d’intégration au sein de l’alliance.
L’indice de connectivité alpha peut être mesuré par le rapport entre le nombre de cycles observés et le nombre maximum de cycles possibles :
148Avec µ est le nombre de cycles du graphe : µ= M- N +1
Cet indice de connectivité est compris entre 0 et 1 (0 ≤ ICα≤ 1). Plus l’indice de connectivité tend vers un, plus le nombre de liens possibles qui peuvent être entretenus directement et indirectement entre les acteurs du réseau est élevé. Par conséquent, les acteurs auront plusieurs alternatives de coopération et les liens sont fortement consolidés. Un réseau dans lequel il existe des liaisons directes et fortes entre tous ses membres, aura une connectivité maximale. C’est le cas pour The New World Alliance, qui est plus connective que les autres alliances en raison du grand nombre d’accords établis directement et deux à deux entre ses membres et des services offerts particulièrement sur les lignes Europe-Asie et Transpacifique.
Tab. 5 – Caractéristiques structurelles des alliances.
Variables Topologiques |
The new World Alliance |
Grand Alliance |
CKYH |
Importance du graphe Ordre : nombre des compagnies membres Taille : Nombres de liens de l’alliance Nombre de liens maximum possible |
3 3 3 |
4 6 6 |
4 5 6 |
Degré de centralité |
2 |
3 |
2.5 |
Indice de densité |
1 |
1 |
0.8 |
Indice de connectivité |
1 |
0.3 |
0.33 |
Taux d ’ exclusivité |
0 |
0 |
0 |
Source : élaboration personnelle
À partir de ces caractéristiques structurelles des firmes, il est possible de représenter les structures des alliances (cf. Figure 1).
149Fig. 1 – Graphe du réseau relationnel.
Source : élaboration personnelle.
Cette figure illustre la structure des liens entre les firmes membres d’une alliance et la position qu’occupe chacune au sein de son réseau d’appartenance. Les cercles représentent les nœuds du réseau et les chiffres indiquent le nombre des liens ou d’arrangements entretenus par la firme sommet avec ses partenaires. La fréquence de ces liens est illustrée par l’épaisseur de la ligne. Les lignes les plus épais impliquent un engagement complet entre deux firmes inter-reliées portant sur les trois types de contrats noués. Les lignes les moins épaisses impliquent deux engagements sur trois. Et les lignes fines indiquent un seul engagement sur trois.
À partir de ces représentations graphiques, l’alliance la plus dense et connectée est celle de New World Alliance. Pour la Grand alliance, la densité et connectivité des liens sont plus consolidées entre les firmes Hapag Lloyd, OOCL et NYK. À noter que la compagnie MISC qui est faiblement connectée au réseau, l’a quitté en 2011 en raison d’une taille insuffisante et faute de capacité à renforcer ses liens avec ses partenaires. Même remarque pour la compagnie K-Line dans l’alliance CKYH : elle s’avère la moins connectée dans son réseau par rapport aux autres membres de l’alliance.
Pour bien expliquer la fonction et l’évolution de l’organisation de l’alliance, il ne faut pas se limiter à l’étude de la structure interne (centralité, connectivité et densité) mais aussi étudier la relation de chaque alliance avec les autres alliances concurrentes. Ces concurrents influencent d’une manière directe ou indirecte le comportement de l’alliance, sa performance et son fonctionnement interne. Des concepts comme l’exclusivité et le rayonnement peuvent bien illustrer ces relations inter-alliances.
150L’exclusivité traduit le nombre d’alliances auxquelles une firme appartient à la fois. En fait, une firme peut appartenir à plusieurs alliances à la fois, mêmes concurrentes, mais ses aspects contractuels seront différents d’une alliance à une autre et sa position n’est pas identique. Ainsi, la participation de la firme n’est pas exclusive, réservée à une seule alliance, mais elle peut porter aussi sur d’autres activités exercées en dehors et/ou au sein des alliances concurrentes.
D’après le tableau 5, le taux d’exclusivité est nul dans le sens où les compagnies maritimes sont membres exclusifs d’une alliance. Elles n’appartiennent qu’à une seule alliance. Dans ce cas, toutes les trois alliances sont indépendantes sans avoir des membres communs. Elles n’entretiennent pas des relations de coopération entre elles mais, elles se livrent une concurrence de plus en plus rude.
3.3 Résultats et Discussion
Une alliance maritime forme une catégorie particulière de réseau composée d’un certain nombre de firmes interconnectées par des liens dont la densité et la connectivité sont tributaires des engagements établis entre ses membres. Elle dispose de sa propre structure interne décrite par ses propriétés relationnelles qui peuvent être systématisées aussi bien par une représentation graphique du réseau relationnel que par le calcul d’un certain nombre d’indices proposés par la théorie des graphes. Ces indices vont nous permettre de déterminer le positionnement de chaque firme membre au sein de son alliance, la densité des liens entretenus entre les firmes partenaires, leur connectivité et leur exclusivité. Ces caractéristiques relationnelles déterminent la structure et la morphologie de l’alliance et nous renseignent sur le comportement coopétitif des firmes alliées et la stabilité du réseau (Granovetter, 1985 ; Gnyawali et Madhavan, 2001).
Trois alliances maritimes ont été analysées à savoir New World Alliance, Grand Alliance et CKYH Alliance, qui forment depuis les années 2000 jusqu’à 2012, le réseau mondial des alliances maritimes. Après avoir identifié les différents contrats et accords de coopération entre les armateurs, nous avons calculé la centralité de chaque firme et chaque alliance, la densité et la connectivité des liens entre les firmes alliées et le niveau d’exclusivité de chaque firme. Les résultats dégagés montrent que ces alliances se présentent comme des réseaux symétriques, denses, connexes et exclusifs.
151La forme de ces alliances est de type symétrique là où il n’existe pas une firme pilote qui guide et domine l’alliance. Toutes les firmes ont presque une même position centrale au sein de leur alliance et partagent égalitairement le pouvoir de négociation, de contrôle et de gestion de l’alliance. La structure de gouvernance de ces alliances semble ainsi équilibrée aussi bien dans la contribution de chaque partenaire en ressources, compétences, que dans la gestion et dans le pouvoir décisionnel. Aucune firme ne dispose d’un pouvoir sur ses partenaires car aucune n’est fortement dépendante des ressources propres des autres. La coordination et la gestion quotidienne du projet mis en commun sont gérées au sein d’une structure unique et commune constituée exclusivement pour la gestion du projet concerné. Par conséquent, le niveau d’incertitude entre ces firmes alliées sera faible.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette forme symétrique. Les plus importants d’entre eux sont, d’une part, la taille comparable entre les firmes alliées évaluée soit par leur capacité de production soit par la taille de leur réseau. En fait, ces compagnies appartiennent au groupe des 20 premiers armateurs mondiaux de trafic conteneurisé dont la capacité de chacune varie entre 300 000 et 500 000 EVP. Elles participent presque à part égalitaire (nombres de navires déployés) dans les alliances et exploitent la même catégorie et génération des navires. Elles affrontent les mêmes défis et ont les mêmes objectifs. Par ailleurs, elles détiennent des ressources (navires) qui ne sont ni rares ni spécifiques, ce qui réduit le degré de dépendance entre les compagnies d’une même alliance et atténue le pouvoir de contrôle, de négociation et de décision de chaque partenaire.
Par ailleurs, la compatibilité et la complémentarité des ressources réduisent l’intensité de pouvoirs au sein d’un réseau (Rau et Spinler, 2017). Cette compatibilité porte sur tous les aspects des engagements des membres en termes d’objectifs, de missions, de stratégies, de ressources, de compétences, de culture, etc. Elle assure ainsi la complémentarité des entreprises au niveau du projet à mener ensemble et garantit la meilleure sélection des entreprises partenaires. Une forte complémentarité et compatibilité élevée des ressources entre l’ensemble des acteurs membres d’une même alliance sont un facteur clés de succès des relations en réseau (Dacin et al., 1997).
L’appartenance des compagnies maritimes membres de ces alliances à une même région géographique à savoir l’Asie du Sud-Est (sauf 152Hapag-Lloyd qui est une firme allemande qui appartient à la Grand alliance) augmente la compatibilité entre les alliées. Elles ont ainsi une même culture qui peut renforcer la communication et la confiance entre les firmes partenaires. Dans ce sens et comme il a été démontré par plusieurs auteurs (Parkhe, 1991 ; Doz et Hamel, 1998 ; Sirmon et Lane, 2004, Rijamampianina et Carmichael, 2005 ; Stahl et Voigt, 2008, etc.), la probabilité d’échec des alliances maritimes diminue si l’homogénéité culturelle et territoriales entre les membres d’une même alliance augmente. La proximité géographique entre les acteurs favorise la confiance et encourage la mutualisation des ressources (Kim, 2017).
Ces firmes maritimes alliées ont aussi presque les mêmes objectifs. Elles cherchent, via l’insertion dans une alliance à réaliser des économies d’échelle à travers l’augmentation des capacités des navires moyennant l’investissement commun, à partager l’exploitation des navires de grande taille, à étendre leur réseau de trafic pour une meilleure couverture géographique via la desserte de hub and spokes, et à affronter conjointement une concurrence rude menée par des outsiders de grande taille (Maersk, CMA-CGM et MSC).
Ainsi, la stabilité de ces alliances durant toute leur durée de vie peut être expliquée par cette symétrie de position entre les firmes et par conséquent par l’absence de firme pivot. Ce résultat confirme l’apport de plusieurs études (Doz et Hamel, 1998 ; Garette 1989 ; Blodgett, 1992 ; Meschi, 2006, etc.) qui ont montré que les alliances symétriques sont plus favorables à la stabilité et longévité que les alliances asymétriques. Ces études considèrent que cette symétrie de position est une condition nécessaire pour assurer la stabilité et la performance d’une alliance stratégique. Elle se présente comme une source de bonne gouvernance qui permet de faciliter les transactions entre les firmes alliées, de limiter le contrôle, d’augmenter la souplesse dans la gestion de l’alliance, de réduire les incertitudes, le comportement opportuniste, la méfiance et le risque relationnel. Alors que les réseaux asymétriques sont sources de conflits de partage des rôles et de décision entre les partenaires.
Par ailleurs, le comportement de coopétition s’avère plus coopératif que concurrentiel dans les alliances symétriques. En fait, la position équivalente des firmes alliées au sein de leur réseau va discipliner leur comportement de rivalité et créer un certain équilibre entre la concurrence et la coopération. Cet équilibre est considéré comme une 153source de stabilité du réseau de coopération (Gnyawali et al., 2006 ; Andrevski et al., 2014).
Ainsi, notre première hypothèse qui considère que la probabilité de survie de l’alliance croît avec la symétrie de pouvoir entre les firmes alliées a été vérifiée.
Cependant, cette symétrie de l’alliance s’avère être une condition nécessaire mais non suffisante à sa stabilité et à son équilibre. L’équivalence de position et de taille des firmes alliées peut poser des conflits particulièrement lorsque les complémentarités entre les firmes et la compatibilité du réseau s’affaiblissent avec les mutations technologiques et logistiques qui marquent le secteur au cours du temps (Panayides et Wiedmer, 2011).
À partir des résultats illustrés dans le tableau 5, nous pouvons déduire aussi que les trois réseaux d’alliances maritimes témoignent d’une densité et d’une connectivité maximales qui s’expliquent par la forte dépendance des membres au sein de leur alliance stratégique et l’importance des engagements mutuels. Toutes les firmes membres sont inter-reliées deux à deux au sein d’une même alliance. Cette forte densité des liens peut être expliquée aussi bien par l’importance du nombre des engagements dans les projets d’acquisition et d’exploitation commune des navires, du grand nombre des navires déployés que par le nombre réduit des firmes alliées et la clarté des objectifs assignés. À titre d’exemple, The New world alliance exploite 190 navires déployés par ses membres dans des proportions équivalentes représentant en moyenne 65 % de leur capacité cumulée de production. Les partenaires ont noué plus que 95 accords et assurent en commun 22 services sur les trois principales routes maritimes. Cette alliance s’avère plus coopérative et compétitive que les autres parce qu’elle dispose d’un indice de densité, de connectivité et d’un nombre d’engagements par pairs de sommet, plus élevé que les autres (3 engagements contre 2.5 pour Grand alliance et 2.25 pour CKYH). Elle réalise la meilleure performance par rapport à ses concurrents, ce qui se traduit par une part de marché plus élevée et l’extension géographique de son réseau qui s’étale sur toutes les grandes lignes mondiales.
Nous constatons aussi que le nombre des firmes alliées est une condition structurelle de la réussite de l’alliance. En fait, plus ce nombre est faible, plus l’alliance est stable (Midoro et Pitto, 2000). La coordination entre un nombre limité de firmes sera plus aisée, moins coûteuse 154et plus efficace. La communication sera plus directe et continue et la gérance des conflits sera plus facile.
Ces réseaux sont aussi connexes dans le sens où toutes les firmes membres d’une même alliance stratégique peuvent accéder facilement et directement aux ressources, compétences, informations et services logistiques de leurs partenaires. Cette connectivité permet à ces firmes de renforcer et de consolider leurs relations, de bénéficier des avantages de la coopération et de faire face à la concurrence des autres alliances concurrentes (Jarillo, 1988).
Cette structure dense et connexe du réseau encourage l’échange efficace d’informations et de ressources et limite le comportement opportuniste. Elle développe la confiance et facilite la coordination entre les membres du réseau pour mieux se collaborer et développer des compétences communes (Jolly, 2001). Elle augmente le champ de partenariat et de coopération, réduit l’intensité concurrentielle au sein d’une alliance, allège les tensions de la coopétition et par conséquent assure une stabilité plus durable du réseau (Gnyawali et Park, 2011). Elle offre aux firmes partenaires de meilleures opportunités pour bénéficier des avantages de la coopération.
Une forte densité de lien est donc un indicateur de stabilité et de renforcement de l’alliance. Notre résultat confirme ainsi la seconde hypothèse selon laquelle la survie d’une alliance croît avec la densité et la connectivité du réseau.
Depuis leur implantation au cours des années 2000, ces trois alliances stratégiques enregistrent de grandes performances en termes de chiffre d’affaires ou de parts de marché ou même de capacité de production et d’extension de réseau par rapport à leurs concurrents qui fonctionnent en dehors de l’alliance. Ces performances enregistrées justifient leur stabilité et leur continuité depuis la date de leur création. La composition des membres de ces alliances n’a pas trop changé. Ces firmes alliées constituent les piliers de ces alliances depuis leur naissance.
La relation inter-alliances est tributaire de la relation intra-alliance. En présence d’un système d’alliances symétriques et en l’absence des membres communs entre les alliances (le taux d’exclusivité est nul), la concurrence inter-alliances est agressive (Wang et Chen, 2016 ; Akpina et Vincze ; 2016, Wilhelm et Sydow, 2018). En fait, la lutte contre cette concurrence entre les firmes maritimes est l’un des objectifs communs 155de la formation d’une alliance ou de l’intégration d’une firme au sein d’une alliance. Cet objectif réduit l’intensité concurrentielle intra-réseau mais l’augmente entre les réseaux. Il joue comme facteur de stabilité de l’alliance, stimulant de la performance et de la compétitivité aussi bien de l’alliance que des firmes membres.
Conclusion
Ce travail a été consacré à une analyse de la coopétition dans un cadre de réseaux. La coopétition réseau marque aujourd’hui le comportement stratégique des armateurs de lignes régulières. Ces derniers adoptent simultanément des actions stratégiques coopératives et concurrentielles autant à un niveau individuel que collectif. Au niveau individuel, ce comportement de coopétition s’illustre via la relation entre les firmes appartenant à une même alliance stratégique. Au niveau collectif, cette stratégie est exercée par l’alliance pour faire face aux autres alliances concurrentes.
Ce comportement paradoxal pose des problèmes de stabilité des accords de coopération au sein d’une même alliance. Ces instabilités résident particulièrement dans le comportement opportuniste et les conflits d’intérêt entre des firmes alliées concurrentes. Ces tensions et conflits risquent de menacer la durabilité et même l’existence de l’alliance et de substituer à la stratégie de coopétition une stratégie de concurrence ou d’absorption.
La performance et la durabilité de l’alliance seront ainsi fortement tributaires des modalités de prise en charge de ces conflits et des conditions structurelles de leur stabilité. Cette stabilité est recherchée par les armateurs afin d’augmenter la durée de vie du projet commun en essayant de bien gérer leurs conflits.
L’objectif de cet article a été d’analyser le comportement de coopétition des firmes maritimes dans un contexte de réseau relationnel illustré par les alliances stratégiques. À travers la théorie des graphes, nous avons essayé de structurer les liens de coopétition entre les armateurs membres d’une même alliance et d’expliquer les conditions de stabilité de cette stratégie.
156Il existe peu d’analyses qui ont mis l’accent sur ce comportement de coopétition dans le cadre d’un réseau relationnel et de la théorie du réseau social. Un certain nombre d’auteurs ont abordé ce concept de coopétition selon ses diverses dimensions, mais notre apport réside autant dans l’explication de ce comportement dans un cadre de réseau relationnel, que dans l’application de la théorie des graphes pour structurer ces relations et dans l’analyse des performances des réseaux en termes de solidité et de soutenabilité des liens de coopétition.
Une analyse empirique a été menée en se basant sur la théorie des graphes, en exploitant ses indicateurs et ses outils d’analyse pour expliquer les impacts de la structure du réseau sur le comportement de coopétition au sein et en dehors d’une alliance.
Comme champ d’application, nous avons choisi le secteur du transport maritime des conteneurs sur les lignes régulières. Rares sont les études en management qui ont traité ce secteur, alors qu’il représente un champ d’investigation très promoteur. Il a connu récemment diverses mutations qui ont bouleversé ses mécanismes de gestion, les stratégies de ses acteurs et la structure de son marché. Il est caractérisé par son dynamisme, sa ramification, la diversité de ses services et la globalisation de ses marchés.
Après avoir collecté toutes les informations nécessaires sur le contenu, les formes des relations entre les armateurs partenaires d’une même alliance et même entre les alliances maritimes, nous avons essayé de caractériser la structure relationnelle de chacune de ces alliances et de configurer les interactions entre toutes les firmes maritimes à l’intérieur de leur réseau d’appartenance.
Nos résultats ont confirmé la relation entre la structure du réseau et le comportement coopétitif des firmes maritimes alliées. Les caractéristiques structurelles du réseau d’alliance déterminent le comportement de coopétition des firmes alliées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du réseau. Elles affectent la performance de l’alliance évaluée par sa stabilité. Le comportement de l’armateur est aussi fonction de sa position au sein du réseau, de la densité et de la connectivité des liens entretenus avec ses partenaires. Il reconfigure et détermine les relations de l’alliance avec les autres réseaux et garantit la stabilité et la durabilité de l’alliance elle-même.
Nous avons aussi identifié les principaux facteurs structurels garantissant la stabilité et le succès d’une alliance stratégique via le calcul de 157quelques indicateurs évaluant la solidité et la centralité des liens entre les armateurs alliés. Nos résultats montrent un lien positif entre la symétrie, la connectivité et l’exclusivité du réseau et la stabilité de l’alliance. Le réseau continue d’exister jusqu’au moment où sa densité s’approche de niveaux faibles et que ses membres se multiplient et divergent en termes de taille et de ressources déployées. Cette structure du réseau augmente la proportion de la coopération par rapport à celle de la concurrence au sein d’un réseau, mais elle accentue la concurrence inter-réseau.
Cependant, cet impact positif de la densité et de la centralité du réseau dépend de l’environnement externe de l’alliance. Cet environnement dynamique qui évolue d’une manière aléatoire rend toujours ces alliances instables et susceptibles de se reformuler pour créer de nouvelles alliances et/ou de restructurer le réseau selon des nouvelles règles de jeux.
De même, nous avons constaté que la concurrence dans le secteur du transport maritime est menée fréquemment entre les alliances plutôt qu’entre les firmes alliées. En raison de la structure symétrique des alliances, les firmes alliées tendent à adopter un comportement de coopétition plus coopératif que concurrentiel. La centralité équivalente entre leurs membres, la forte densité et connectivité de leurs liens internes, réduisent l’intensité concurrentielle au sein d’une même alliance et augmente la proportion de coopération.
Ces résultats ont des implications importantes sur le management stratégique et le choix des partenaires. Ils peuvent contribuer modestement à enrichir la littérature sur la coopétition appliquée dans un cadre d’alliances maritimes.
Cette tentative ouvre un champ de recherche plus approfondie sur les interactions entre les comportements coopératifs et concurrentiels au sein d’un réseau relationnel ainsi que sur leur impact sur la performance de la firme et du marché. Elle soulève plusieurs problèmes et interrogations sur l’impact de la concurrence intra et inter-réseaux et sur la performance des firmes alliées.
Cependant, ce travail souffre de plusieurs limites qui peuvent réduire la signification et la pertinence de ses résultats, mais qui offrent également des opportunités pour de futures recherches. La première limite est que notre étude reste statique et atemporelle. Elle n’a pas pris en compte l’évolution et les mutations dans la décomposition des alliances dans le temps. En 158fait, nous avons traité une situation structurelle d’alliance constatée à une période donnée sans chercher à connaître les changements dans sa composition. Selon des constats historiques de l’évolution de ces alliances maritimes, nous assistons à un déplacement de leurs membres d’une alliance à une autre, d’une période à une autre ainsi qu’à un changement des engagements et des contrats établis entre les membres d’une même alliance. Ces changements peuvent bouleverser aussi bien le comportement de coopétition entre les firmes que la structure de leurs réseaux.
Une analyse dynamique des relations de coopétition entre les firmes et les alliances serait plus pertinente car elle peut nous expliquer les raisons et les impacts des changements de structure de ces réseaux sur la performance des firmes et la stabilité des alliances.
Notons aussi que nos résultats sont relatifs au secteur du transport maritime de lignes régulières conteneurisées. Ce secteur a ses propres spécificités technico-économiques et son propre environnement externe qui influencent le comportement des firmes et leurs modalités de coopétition. Pour que ces résultats soient généralisables, il faut élargir le champ de la recherche à d’autres secteurs afin de pouvoir établir des comparaisons en fonction soit des caractéristiques de chaque secteur soit de son environnement externe (degré d’ouverture à la concurrence internationale, degré de réglementation, horizon du marché, évolution technologique, etc.)
La troisième limite est que les facteurs de succès d’une alliance stratégique ne sont pas seulement tributaires de sa structure et de la densité des liens entre ses membres. Il existe en effet plusieurs autres facteurs qui n’ont pas été pris en considération dans ce travail, notamment les mutations de l’environnement externe où interviennent les alliances.
Notons aussi que cette approche en termes de réseau relationnel reste encore insuffisante pour expliquer toute la complexité et la ramification des relations entre les firmes maritimes qui réagissent dans un cadre stratégique évolutif et dynamique en fonction des mutations de l’environnement maritime et des comportements des armateurs.
En s’appuyant sur ce travail, des recherches futures pourraient exploiter des outils plus complexes (tels ceux de la théorie des jeux, de la théorie des coûts de transaction, de la théorie des contrats et de l’asymétrie de l’information), pour dégager la relation entre la concurrence, la coopération et la coopétition, ainsi que leur impact sur la performance des firmes.
159Annexe
En se basant sur les types des accords figurés dans le tableau 2, nous définissons une relation entre un armateur i et j s’il existe au moins une relation de type C1, C2, C3. Nous avons référé à une méthode de pondération simple qui considère que la valeur de chaque type d’accord fait le poids des arêtes.
Tab. 1 – Matrice d’adjacence de New World Alliance.
Alliées |
APL/NOL |
MOL |
HYUNDAI |
APL/NOL |
0 |
C2 C1C3 |
C2 C1 C3 |
MOL |
C2 C1 C3 |
0 |
C2 C1 C3 |
HYUNDAI |
C2 C3 C1 |
C1 C2 C3 |
0 |
Tab. 2 – Matrice de distance de New World Alliance.
Alliées |
APL/NOL |
MOL |
HYUNDAI |
APL/NOL |
0 |
6.135 |
6.135 |
MOL |
6.135 |
0 |
6.135 |
HYUNDAI |
6.135 |
6.135 |
0 |
Tab. 3 – Matrice d’adjacence de Grand Alliance.
Alliées |
OOCL |
Hapag-Lloyd |
NYK |
MISC |
OOCL |
0 |
C1 C2 C3 |
C1 C2 C3 |
C2 |
Hapag-Lloyd |
C1 C2 C3 |
0 |
C1 C2 C3 |
C2 |
NYK |
C1 C2 C3 |
C1 C2 C3 |
0 |
C2 |
MISC |
C2 |
C2 |
C2 |
0 |
Tab. 4 – Matrice de distance de Grand Alliance.
Alliées |
OOCL |
Hapag-Lloyd |
NYK |
MISC |
OOCL |
0 |
6.135 |
6.135 |
2.045 |
Hapag-Lloyd |
6.135 |
0 |
6.135 |
2.045 |
NYK |
6.135 |
6.135 |
0 |
2.045 |
MISC |
2.045 |
2.045 |
2.045 |
0 |
Tab. 5 – Matrice d’adjacence de CKYH.
Les alliées |
Cosco |
K line |
Yang Ming |
Hanjin |
Cosco |
0 |
0 |
C2 C1 |
C2 C1 |
K line |
0 |
0 |
C3 |
C3 |
Yang Ming |
C2 C1 |
C3 |
0 |
C2 C3 C1 |
Hanjin |
C2 C1 |
C3 |
C2 C3 C1 |
0 |
Tab. 6 – Matrice de distance de CKYH.
Les alliées |
Cosco |
K line |
Yang Ming |
Hanjin |
Cosco |
0 |
0 |
4.317 |
4.317 |
K line |
0 |
0 |
1.818 |
1.818 |
Yang Ming |
4.317 |
1.818 |
0 |
6.135 |
Hanjin |
4.317 |
1.818 |
6.135 |
0 |
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1 Auteur correspondant.
2 Il s’agit de 2M (Maersk Line, MSC) ; Ocean Alliance (CMA CGM (France), Cosco Shipping (Chine), Evergreen (Chine) et OOCL (Hong Kong)) et de THE Alliance (Hapag-Lloyd, NYK, Mitsui OSK Line, “K” Line et Yang Ming) Source : https://atlas-transmanche.certic.unicaen.fr/fr/page-511.html
3 EVP : Equivalent Vingt pieds (Twenty feet Equivalent Units -TEU-) : un indicateur de capacité des navires porte-conteneurs.
4 Source des données : OCDE (2018)
5 Selon Granovetter (1985), toute transaction et relation économique ou sociale entre des personnes, des entreprises ou des organisations, peut être analysée en tant que réseau relationnel ayant ses propres structures et environnemens.
6 Les données utilisées sont issues du rapport de la CNUCED (2010) sur le transport maritime.
7 Selon une étude de Sys et al. (2008), la taille critique d’une compagnie maritime qui lui permet de minimiser son coût moyen et de réaliser des économies d’échelle est de 800 000 EVP.
8 Alphaliner Weekly News Letter, vol. 2010, no 01.
9 https://www2.fmc.gov/FMC.Agreements.Web/Public
- Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
- ISBN : 978-2-406-09862-1
- EAN : 9782406098621
- ISSN : 2555-0284
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09862-1.p.0121
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/12/2019
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Coopétition, réseau relationnel, alliance maritime, analyse structurale, théorie des graphes