From disruption to contribution The pharmacology of digital capitalism in the Anthropocene era
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2019 – 2, n° 8. Les plateformes - Author: Alombert (Anne)
- Pages: 175 to 194
- Journal: Digital Studies
De la disruption à la contribution
Pharmacologie du capitalisme numérique
à l’ère de l’Anthropocène
Si les civilisations naissent et meurent, si de puissants empires et de grandes cultures déclinent et sombrent sans catastrophes extérieures – et bien souvent ces « causes » extérieures sont précédées d’un pourrissement interne moins visible qui appelle le désastre – c’est en raison de cette particularité du domaine public qui, reposant finalement sur l’action et la parole, ne perd jamais complètement son caractère potentiel. Ce qui sape et finit par tuer les communautés politiques, c’est la perte de puissance et l’impuissance finale ; […] Le pouvoir qui n’est pas actualisé disparaît et l’Histoire prouve par une foule d’exemples que les plus grandes richesses matérielles ne sauraient compenser cette perte.
Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, 1958.
Introduction
Dans un article intitulé « En finir avec l’épopée. Récit, géopouvoir et sujets de l’Anthropocène » Christophe Bonneuil et Pierre de Jouvancourt remettent en question le récit hégémonique et prétendument apolitique qui domine l’histoire de l’Anthropocène. Le récit dominant est celui d’une espèce humaine indifférenciée prenant le contrôle de la planète, inconsciente de ses actes et soumise à une dynamique globale de croissance (démographique, économique et technologique) qui fait 176ici office de moteur de l’histoire. Selon les auteurs, ce « récit épopée » s’appuie essentiellement sur des données statistiques mesurant des grandeurs environnementales globales, qui, si elles peuvent être utiles pour comprendre les dérèglements écologiques mondiaux, contribuent surtout à masquer les désaccords politiques, les divergences d’intérêts et les enjeux de pouvoir par une « mise en nombres de la Terre et des impacts humains1 ». Dans une telle « histoire par le chiffre », qui participe de la mise en quantité du monde par l’économie, « il y a des processus à l’œuvre mais pas d’humains ou de collectifs agissants2 ». Les auteurs se voient donc contraints de rappeler que « des techniques et des dispositifs ont été activés, décidés, instaurés3 », que des choix ont été faits qui auraient pu être faits autrement, que des controverses et des conflits ont eu lieu. Bref, dans cette histoire humaine, qui est aussi celle du système Terre, « les choses ne vont pas d’elles-mêmes » : si ce sont des actes éminemment politiques qui ont produit la situation que nous appelons Anthropocène, « l’analyse historique devrait se concentrer sur ce qui est agissant au sein des groupes sociaux4 ». Les auteurs s’appuient alors sur Hannah Arendt pour soutenir qu’« un devenir historique ne peut se saisir qu’avec un regard sur les actions humaines, car ce sont elles qui sont politiquement fondatrices5 ».
Selon Hannah Arendt, en effet, c’est le caractère initiateur et novateur de l’action humaine qui permet de faire histoire. L’action désigne pour elle la faculté de débuter « quelque chose de neuf, auquel on ne peut pas s’attendre d’après ce qui s’est passé auparavant » : « le fait que l’homme soit capable d’action signifie que de sa part on peut s’attendre à l’inattendu, qu’il est en mesure d’accomplir ce qui est infiniment improbable6 ». Contre « les chances écrasantes des lois statistiques et de leur probabilité7 », l’action humaine « entreprend toujours du nouveau8 ». 177Mais pour autant, « cela ne signifie pas qu’elle puisse partir de rien, créer à partir du néant » : au contraire, « on ne peut faire place à une action nouvelle qu’à partir du déplacement ou de la destruction de ce qui préexistait et de la modification de l’état de choses existant9 ». « Ces transformations, ajoute Arendt, ne sont possibles que du fait que nous possédons la faculté de nous écarter par la pensée de notre environnement et d’imaginer que les choses pourraient être différentes de ce qu’elles sont en réalité10 ». Bref, la possibilité de l’histoire et de la politique dites « humaines » semble donc supposer la capacité de « nier délibérément la réalité » au moyen de l’imagination, afin de pouvoir la transformer au moyen de l’action11.
Or, ce sont précisément ces capacités à se projeter hors d’un état de fait et à produire des actes imprévisibles qui semblent aujourd’hui menacées par le fonctionnement du système technique numérique sous le régime de la « gouvernementalité algorithmique12 » décrit par Antoinette Rouvroy et Thomas Berns et du « capitalisme 24h/24 7j/713 » analysé par Jonathan Crary. Cette neutralisation des capacités de rêver et d’agir (qui, si l’on en croit Arendt, constituent « la substance même » de la politique et de l’histoire14) par des technologies fonctionnant en temps réel au service de l’économie des données, semble particulièrement problématique à une époque où « le fonctionnement de la Terre tout entière devient une affaire de choix politiques humains15 ». Si l’Anthropocène « signe la rencontre entre la temporalité longue de la 178Terre et la temporalité de l’histoire humaine16 », poser la question écologique de l’avenir de la planète n’implique-t-il pas du même coup de s’interroger sur la possibilité, pour ceux qui se disent « humains », de « choisir politiquement » ou d’« agir collectivement », dans des sociétés devenues presque intégralement numériques et automatisées ?
En quoi le fonctionnement actuel des technologies numériques au service de l’économie des données constitue une menace pour la socialité, le vivre ensemble, l’action et l’intelligence collective, au point de conduire à ce que Wolfgang Streck décrit comme un état d’« entropie sociale17 » ? La gouvernementalité algorithmique et l’économie disruptive correspondraient à l’émergence de sociétés « post-sociales » et « sous-institutionnalisée », constituées d’« individus individualisés et incapacités », condamnés à adapter leurs existences aux forces du marché (I). Serait-il alors possible de renverser les effets toxiques des technologies numériques, afin d’en faire les supports et le milieu d’une nouvelle vie politique, susceptible de produire ce que Bernard Stiegler décrit comme de la « néguanthropie18 », désignant ainsi la production d’organisation, de diversité et de bifurcations au niveau psychosocial ? Les projets de « web herméneutique » et d’« économie contributive » semblent avoir pour fonction de reconstituer les processus de capacitation, de transindividuation qui rendent possible l’action et la projection collective (II).
Si les espoirs révolutionnaires semblent aujourd’hui épuisés19, il s’agit peut-être moins de remplacer le capitalisme numérique par un nouveau système que de reconstituer les conditions économiques et technologiques d’une dynamique sociale et d’une puissance politique, afin de faire du choc technologique la chance d’une nouvelle époque. Bref, il s’agit peut-être moins d’entrer dans une ère post-capitaliste que de faire bifurquer l’Anthropocène entropique vers un « Néguanthropocène20 » néguanthropique.
179des sociétés entropiques ?
« Gouvernementalité algorithmique »
et « capitalisme 24/7 ».
La gouvernementalité algorithmique : le « nouveau
pouvoir statistique » et l’élimination des singularités
Par le terme de « gouvernementalité algorithmique », Rouvroy et Berns désignent le nouveau mode de contrôle des comportements fondé sur la récolte massive et le traitement automatique des données numériques21. En utilisant leurs objets connectés ou en interagissant en ligne, les individus laissent des traces qui sont automatiquement conservées sous une forme électronique dans des « entrepôts de données », puis recueillies par les gouvernements (à des fins de surveillance ou de sécurité) ou vendues par les plateformes à des entreprises privées (à des fins de marketing ou de publicité, en vue d’accroître leur efficacité commerciale et leurs profits). La collecte de données numériques en quantité massive et leur analyse en temps réel au moyen des calculs algorithmiques permettent d’établir entre ces données des corrélations et de constituer des « profils » qui modélisent les comportements des individus et permettent de prédire, mais aussi de produire, leurs conduites à venir sur la base des traces qu’ils ont laissées.
Un « nouveau pouvoir statistique22 » s’exerce ainsi de manière subreptice : les individus se voient contraints de conformer leurs conduites aux injonctions de leurs interfaces numériques, qui détectent leurs prétendues demandes avant même que celles-ci n’aient pu être formulées. Ils alignent ainsi leurs actions futures sur le modèle de leurs conduites passées et adaptent leurs comportements aux exigences du marketing et aux injonctions de la publicité23. Le contrôle des comportements s’exerce sur le mode de l’alerte et du réflexe, afin de produire des passages à l’acte immédiats, à travers la stimulation de 180pulsions préconscientes qui n’ont pas encore eu le temps de se socialiser et de se sublimer, c’est-à-dire, de se transformer en projets collectifs ou en désirs singuliers.
Il s’agit donc de supprimer « toute forme de détour ou de suspension réflexive entre les stimuli et leurs réponses24 » : le pouvoir statistique ne s’adresse donc pas à des sujets réflexifs, obligés par des normes communes et dotés de capacités d’entendement ou de volonté. Rouvroy et Berns expliquent que contrairement à la normativité juridique qui suppose la publication d’une loi, à laquelle des sujets sont sommés d’obéir mais qu’ils peuvent aussi critiquer, discuter, ou au moins réfléchir, dans le cas de la normativité statistique, le pouvoir s’exerce par régulation anticipative et non par réglementation effective, par préemption et non par interdiction ou obligation. Il ne s’agit plus de sanctionner certains actes jugés illégaux ou dangereux, mais de rendre impossible toute forme de conduite non programmée par les calculs et les profils25. L’autorité, distribuée dans les interfaces et les objets connectés, se voit donc dépourvue de toute visibilité : son appréhension, sa mise en question, sa délibération et sa contestation deviennent de ce fait impossibles26. Avec la possibilité de la désobéissance et de la résistance disparaît aussi celle de la mise en débat des règles existantes, de la mise à l’épreuve du système dominant, et finalement, du devenir autre et du changement27. La gouvernementalité algorithmique constitue ainsi « une stratégie immunitaire du capitalisme et du néolibéralisme qu’elle “purifie” ou “expurge” de tout ce qui pourrait les mettre en “crise”, c’est-à-dire les interrompre ou les faire bifurquer28 », à travers une « clôture du réel statistique sur lui-même » et une réduction de la puissance à la probabilité29. La gouvernementalité algorithmique tend ainsi à neutraliser les potentielles interruptions ou bifurcations dont est porteur l’avenir.
181Si « le fait que l’homme est capable d’action signifie que de sa part on peut s’attendre à l’inattendu, qu’il est en mesure d’accomplir ce qui est infiniment improbable », et si cette nouveauté de l’action doit toujours lutter contre « les chances écrasantes des lois statistiques et de leur probabilité30 », alors il semble bien que ce soit la possibilité de ce qu’Arendt considère comme l’action humaine qui se voit ainsi suspendue. Selon Arendt, l’action n’est pas réductible à une simple activité, à un moyen en vue d’une fin prédéterminée : elle constitue plutôt un processus au cours duquel les individus se révèlent les uns aux autres (et à eux-mêmes) dans leur différence et leur singularité31. À travers l’action, le sujet fait son apparition dans le monde en dévoilant « qui » il est, et non seulement « ce qu’ » il est32 : selon Arendt en effet, le « qui » singulier se distingue de l’ensemble des traits particuliers que l’individu partage nécessairement avec d’autres, qu’il peut éventuellement choisir d’étaler ou de dissimuler (et qui se voient aujourd’hui formalisés sous forme de données). Contrairement à l’ensemble des qualités objectives qui le caractérisent, le « qui » singulier demeure caché à l’agent lui-même : personne ne sait qui il révèle lorsqu’il se dévoile dans l’acte, l’agent lui-même ne peut pas prévoir le « qui » qui apparaîtra aux autres33. Selon Arendt, c’est à travers ce processus de révélation dans l’action34 que se constitue un être avec, un « réseau de relations humaines » et un « espace potentiel d’apparence », qui précèdent la constitution d’un « domaine public » et d’une « communauté politique35 » comme leur condition de possibilité.
Il n’est donc pas étonnant qu’en éliminant la possibilité des actions imprévisibles, inattendues, nouvelles et singulières, ce soit précisément cet espace public et ce réseau de relations sociales que la gouvernementalité algorithmique tende à menacer. Selon Rouvroy et Berns, en effet, « sous couvert de personnalisation des offres d’informations, de services et de produits », les nouveaux modes de 182filtrage de l’information et d’homogénéisation des comportements conduisent à une « colonisation de l’espace public par une sphère privée hypertrophiée36 », qui menace la possibilité même pour les individus de se relier et de se raconter, de constituer une expérience commune au sein d’un « lieu de com-parution dans lequel les êtres sont adressés et se relatent les uns aux autres dans toutes leurs dissymétries, leurs “disparations”37 ».
Le capitalisme 24/7 : disparition du monde commun
et absorption dans la consommation
En effet, comme le souligne Crary dans son livre sur le capitalisme 24/738, l’adaptation des environnements informationnels aux profils des utilisateurs conduit à une « parcellisation et une fragmentation des zones d’expériences », qui mettent en péril la possibilité de vivre un monde commun39. Les individus se voient cloisonnés dans des mondes d’informations, de messages et d’images, fermés sur eux-mêmes, si bien que « deux personnes physiquement très proches peuvent être plongées dans des univers incommensurables et non communicants » : des « micro-mondes d’affects et de symboles préfabriqués40 » tendent ainsi à remplacer les relations affectives et interindividuelles par une « insularité digitale fantasmatique41 ».
Selon Crary, cette disparition de l’expérience commune se voit renforcée à travers l’accélération de l’innovation technologique et le raccourcissement de la durée de vie des artefacts, qui menacent la transmission d’une mémoire collective. Les injonctions à la consommation provoquent des séquences rapides d’acquisition et d’abandon d’objets, qui impliquent une « incapacité grandissante à conserver les traces du passé et à se confronter à elles pour les dépasser en direction d’un avenir commun42 ». Le flux transitoire de produits toujours plus extraordinairement innovants et 183plus rapidement jetables empêche les individus de se familiariser suffisamment avec leur milieu technique quotidien et d’en faire un support de transmission intergénérationnelle. Une fois soumis aux impératifs de l’obsolescence programmée, les artifices humains semblent donc dépourvus de ce qu’Arendt décrit comme leur « durabilité43 » : ils ne permettent plus d’accueillir l’action et la parole humaines44, ni d’assurer aux hommes la stabilité d’un monde qui leur permet d’échapper momentanément au processus de corruption et de dégradation qui caractérise l’univers physique45. Les objets d’usage, qui sont censés constituer des supports de mémoire et de projection collective participant à l’édification d’un monde commun46, ne se distinguent dès lors plus des marchandises ou des produits, qui ont au contraire pour vocation d’être consommés et donc détruits.
Si des « marchés actifs 24/7 et des infrastructures globales permettant de travailler et de consommer en continu ne datent pas d’hier », Crary souligne néanmoins le fait que les technologies contemporaines permettent de faire coïncider les individus de manière beaucoup plus intensive avec ces impératifs de « productivité », de « profit » et de consommation47, notamment en brouillant les frontières entre temps de repos et temps de travail, temps de loisir et temps de consommation. Pour le capitalisme 24/7, il s’agit de fabriquer des « agents économiques à plein temps », dont chaque nécessité vitale (faim, soif, désir sexuel ou besoin d’amitié) peut être convertie sous forme marchande ou financiarisée, et dont chaque seconde d’existence peut être transformée en une activité quantifiable et monétisée48. Il s’agit d’éliminer progressivement tout moment, endroit ou situation dans lesquels les individus ne seraient pas contraints de fournir des informations exploitables par des publicitaires, de consommer des ressources en ligne ou de s’engager dans une quelconque forme de transaction électronique49. Sous couvert de libérer les individus de leurs habitudes quotidiennes, la pénétration des appareils numériques et des objets connectés dans toutes les 184sphères de l’existence (sphère professionnelle, habitat connecté, ville intelligente) et leur capacité à fonctionner de manière incessante (vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept) contribuent le plus souvent à absorber les individus dans les micro-tâches routinières que leurs appareils leur imposent (réactions en temps réel, échanges électroniques, choix d’options, mises à jour ou lancements de programme)50, à travers lesquelles ils fournissent aux entreprises les données dont elles extraient de la valeur, indépendamment du lieu où ils se trouvent et du moment de la journée.
Selon Crary, les moments d’attente, de pause, qui sont aussi des temps de réflexion ou de contemplation tendent ainsi à être éliminés : les états de rêve éveillé, les plages de temps lent ou vide durant lesquelles la conscience part à la dérive et se défait des contraintes du présent immédiat se voient court-circuités par la vitesse de fonctionnement des appareils et de circulation des informations51. Si, comme le soutient Arendt, la capacité de transformer le monde suppose la faculté de (s’)écarter de l’environnement par la pensée et d’imaginer que les choses puissent être différentes de ce qu’elles sont en réalité, cette suppression de la faculté de « rêver éveillé » tendra nécessairement à faire disparaître toute perspective « d’une temporalité longue dans laquelle un changement puisse advenir, où quelque chose d’imprévu puisse se produire52 » ou « d’une longue durée qui puisse être collectivement partagée pour anticiper […] un futur autre que la réalité contemporaine53 ».
Entropie sociale et autodestruction du système capitaliste : disruption et adaptation
Cette incapacité à concevoir et à produire un avenir différent semble en effet caractéristique de l’époque actuelle : comme le souligne Streeck dans l’introduction de son essai sur la fin du capitalisme54, si les sociétés capitalistes semblent progressivement s’effondrer, aucune alternative révolutionnaire ne semble émerger, ni aucun nouvel ordre social ne 185semble se présenter pour leur succéder55. Autrement dit, le système capitaliste contemporain ne s’effondre pas sous l’influence de forces extérieures, émanant d’une opposition organisée luttant au nom d’un meilleur ordre social, mais se désintègre de l’intérieur, sous l’effet de ses propres contradictions (baisse de la croissance, déclin de la démocratie, accumulation des inégalités et des dettes, marchandisation du travail, de la terre et de l’argent, désordres systémiques, corruption, démoralisation généralisée, […]56). C’est ce qui conduit Streeck à soutenir que l’effondrement du système capitalisme n’aboutira pas à l’avènement d’un nouvel ordre social, mais à des sociétés « post-sociales », qui sont en fait « moins que des sociétés » : selon Streeck, une longue période de « désordre » ou d’« entropie » sociale se prépare dont la durée demeure indéterminée57.
L’« âge de l’entropie sociale » décrit par Streeck correspond à une période durant laquelle les structures sociales deviennent « instables » et « non fiables » : les individus ne peuvent plus s’appuyer sur elles pour trouver les normes de leurs existences58. Ils se voient alors soumis à toutes sortes de perturbations et d’accidents, condamnés à développer des stratégies de survie, luttant les uns contre les autres pour se conformer au programme comportemental du néolibéralisme (concurrence interindividuelle, développement personnel, culture de son capital humain commercialisable, dévouement à l’emploi, acceptation des risques, etc.)59. Selon Streeck, la vie dans ces sociétés post-sociales et sous-institutionnalisées est une vie menée dans l’ombre de l’incertitude et de l’insécurité, dont le maintien repose sur la chance et l’improvisation d’individus individualisés, incapacités et désemparés, qui n’ont d’autre choix que de construire par eux-mêmes des réseaux de solidarité privés, centrés autour de besoins personnels dans des circonstances déterminées60. Se développent ainsi des « structures sociales latérales, flexibles et périssables », dont les « médias sociaux » constituent de parfaits supports, substituant aux « communautés de citoyens » des « réseaux d’utilisateurs » ou des groupes de consommateurs, voués à la « reproduction précaire d’une vie 186sociale entropique » et individualiste61. Selon Streeck, l’adaptation et le réajustement constant des conduites individuelles aux effets disruptifs des innovations techniques et aux exigences du marché permettent au système de poursuivre sa désintégration, sans se voir réorienter par une quelconque volonté collective de transformation62 (plus les individus s’adaptent, moins ils agissent collectivement, et plus le système se renforce tout en s’autodétruisant).
Vers des sociétés néguanthropiques ?
« Économie contributive » et « web herméneutique ».
De l’Anthropocène entropique
au « Néguanthropocène » néguanthropique
Le phénomène de disruption entropique décrit par Streeck semble caractéristique de la première phase de ce que Bernard Stiegler pense sous le terme de « double redoublement épokhal » : ce concept a pour fonction de décrire la manière dont les évolutions technologiques, qui se produisent toujours à une vitesse plus rapide que les évolutions politiques ou sociales, prennent de court et suspendent les programmes sociaux et les organisations politiques traditionnelles (le premier redoublement correspond à une suspension, une interruption, une épokhè), avant que de nouveaux savoir-faire, savoir-vivre et savoir-théoriques ne soient collectivement reconstitués dans le nouveau milieu technique (le second redoublement correspond ainsi à la genèse d’une nouvelle époque)63. Selon Stiegler, le premier temps du choc technologique rend les savoirs et les institutions traditionnels obsolètes, et contraints donc les individus à s’adapter à leurs nouveaux environnements techniques en développant des « automatismes asociaux ». Ce n’est que dans un second temps que les individus peuvent se relier collectivement afin de partager, et surtout de transformer, leurs savoirs (faire, vivre, théoriques), mettant ainsi en 187œuvre des « capacités de désautomatisation » susceptibles de produire de nouvelles organisations sociales64.
Les sociétés contemporaines se voient néanmoins confrontées à un problème spécifique : le fonctionnement actuel du système capitaliste s’appuyant sur la puissance de calcul et l’ubiquité des technologies computationnelles encourage l’accélération de l’innovation radicale, confrontant les sociétés à un état de « transition permanente » : les systèmes sociaux perturbés (régulations économiques, lois, institutions scolaires ou politiques, etc.) n’ont pas le temps de se reconstituer avant qu’une nouvelle technologie ne vienne envahir les marchés et les sociétés. Alors que les individus psychiques n’ont pas le temps de produire collectivement les nouveaux savoirs, les nouvelles normes et les nouvelles pratiques permettant d’adopter les algorithmes et les automates, ce sont les injonctions du marketing qui fournissent les critères d’usage des nouveaux produits numériques envahissant progressivement les différentes sphères d’activités. La seconde phase du double redoublement épokhal ne peut donc pas s’effectuer, alors même que, comme le souligne Stiegler, le modèle techno-économique existant conduit à l’insoutenabilité et à l’insolvabilité65.
Les nouvelles organisations sociales qui devraient se reconstituer lors de la seconde phase du choc technique auraient pour rôle de prescrire des agencements thérapeutiques entre organes artificiels (milieu technique) et organismes psychosomatiques (individus), c’est-à-dire de transmettre les savoirs, de réguler les pratiques et de fournir les règles permettant aux individus psychiques non pas de s’adapter à leur milieu technique et d’en subir les effets toxiques, mais de l’adopter en développant de nouvelles manières de faire, de vivre et de penser dans leurs nouveaux environnements, qui sont autant de savoirs (faire, vivre et théoriques), qui permettront à leur tour de transformer et de renouveler le système technique. À l’inverse de la première, cette seconde phase correspondrait donc à un processus néguentropique, producteur d’organisation, de nouveauté, d’improbabilité et de diversité au niveau psychosocial. En effet, en partageant des savoirs, les individus se relient et se transforment eux-mêmes collectivement, à mesure qu’ils transforment les 188savoirs existants : les processus de transmission et de transformation des savoirs sont donc producteurs d’organisation sociale (à travers les communautés de pairs qui partagent et pratiquent les savoirs), de renouvellement, de bifurcation et de diversification (à travers les pratiques originales et singulières qui font bifurquer les savoirs dans de nouvelles directions)66.
La question qui se pose alors est donc moins celle de savoir quel système sera susceptible de succéder au capitalisme insolvable et insoutenable, que de savoir comment reconstituer les conditions économiques et technologiques d’une néguentropie psychosociale, susceptible de donner lieu à une nouvelle époque soutenable et solvable, dont les modèles scientifiques et politiques restent à inventer et à expérimenter. La constitution d’une telle époque permettrait d’inverser le devenir entropique caractéristique de l’Anthropocène – c’est pourquoi Stiegler la désigne sous le terme de « Néguanthropocène67 ».
Les transformations technologiques, industrielles et économiques proposées dans La société automatique visent donc moins la promotion d’un régime politique révolutionnaire ou l’instauration d’un modèle économique prédéterminé, que la mise en œuvre effective des « conditions d’installation d’une dynamique néguentropique » susceptible d’inverser la tendance à l’entropie sociale, en revalorisant les temps de transindividuation évacués par le capitalisme consumériste 24/7 et en permettant la production de bifurcations improbables, neutralisée par la gouvernementalité algorithmique. Telles sont les fonctions de ce qui se présente sous les noms d’économie contributive et de web herméneutique.
L’économie contributive : le temps de la capacitation
et la reconstitution des processus de transindividuation
Dans la mesure où les savoirs s’enrichissent et se renouvellent à mesure qu’ils sont transmis, partagés, pratiqués et transformés, leur valeur ne se réduit ni à la valeur d’échange ni à la valeur d’usage : la valeur d’un savoir n’augmente pas avec sa rareté, au contraire, plus un savoir est partagé et collectivement pratiqué et plus il a de chance de s’enrichir et de s’augmenter ; la valeur d’un savoir ne s’use pas avec le 189temps mais au contraire augmente à mesure qu’il se transmet et se transforme, et se renouvelle donc avec le temps. C’est la raison pour laquelle Stiegler soutient que les savoirs (à condition d’être pratiqués et incarnés) possèdent une valeur pratique, qui devrait devenir le cœur d’une organisation économique anti-entropique.
Afin de mettre en œuvre cette organisation économique anti-entropique valorisant la pratique de savoirs, Stiegler soutient la nécessité d’instituer un nouveau processus de redistribution dans le contexte de l’automatisation généralisée. De nombreux emplois sont aujourd’hui devenus automatisables, dans des secteurs aussi divers que les métiers manuels ou les professions libérales, à la fois au niveau des fonctions de production, de conception ou de décision. Outre que la mise en concurrence des robots et logiciels avec les employés engendrera une pression sur les salaires, les emplois traditionnels risquent de disparaître, au prix d’une grave augmentation du chômage, et au profit du human computing ou du digital labor (exécution de micro-tâches en ligne, répétitives et peu ou pas rémunérées) qui permet l’exploitation des individus par les plateformes hors de tout droit du travail et de toutes protections sociales. De telles évolutions semblent mettre en question la solvabilité du modèle consumériste actuel, puisque les individus qui ne seront plus employés verront leurs salaires et leurs niveaux de vie diminuer et ne pourront même plus consommer les biens produits par des robots dans des quantités et des conditions déjà insoutenables d’un point de vue écologique. Le modèle fordo-keynésien de redistribution des gains de productivité sous forme de salaire qui a conduit au consumérisme semble donc remis en cause par les évolutions technologiques68.
L’économie contributive69 a pour fonction de répondre à ces enjeux, en proposant un nouveau modèle de redistribution des gains de productivité, non plus sous forme de salaire, mais sous forme de temps : le temps gagné par l’automatisation serait redistribué aux citoyens, afin de les libérer d’un certain nombre d’emplois prolétarisants, et rémunéré par un revenu contributif, à condition d’être consacré à des activités de travail (distinguées des emplois), durant lesquelles les individus développent 190leurs capacités en pratiquant et en transformant des savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, savoirs théoriques), dont ils font profiter la société à travers des activités contributives (en s’engageant dans des projets collectifs utiles à la vie économique, scientifique, sociale ou citoyenne des territoires). Si la production de tels savoirs doit devenir un objet d’investissement à l’époque de l’automatisation généralisée, c’est que leur transmission et leur renouvellement constituent des processus de transindividuation au sein desquels peuvent se produire des bifurcations incalculables, qui ne peuvent pas être programmées ni automatisées, mais qui permettront au contraire d’adopter les automates en les désautomatisant, ouvrant ainsi un avenir non programmable aux sociétés automatiques. Bref, c’est seulement à condition d’avoir le temps de s’investir dans des projets transindividuels, de partager puis de transformer des significations et des pratiques, que les hommes deviennent capables d’agir de manière inattendue, « d’accomplir ce qui est infiniment improbable », et d’inverser ainsi la tendance entropique des lois statistiques70.
Le web herméneutique : la production
de bifurcations improbables dans un espace public numérique.
De tels processus de transindividuation ne pourront néanmoins pas se reconstituer tant que les environnements connectés seront mis au service de la captation des attentions et de la sollicitation des pulsions, aboutissant au pilotage automatique et à la standardisation des comportements. En effet, les savoirs ne peuvent être transmis et partagés qu’à condition de pouvoir être extériorisés sur des supports, et les individus psychiques ne peuvent s’individuer collectivement qu’à condition de vivre dans un milieu technique leur permettant de se relier. La valorisation des temps de capacitation et des activités de contribution implique donc une transformation du fonctionnement des technologies numériques, qui fasse des interfaces et des algorithmes non plus des moyens servant à capter des données et à piloter les conduites, mais des supports de mémoire, permettant aux individus de se rencontrer, en confrontant leurs 191idées, pratiques ou propositions (qu’il s’agisse d’arguments politiques, de jugements esthétiques, de pratiques artistiques ou techniques, de théories scientifiques, etc.)71.
Selon Stiegler, pour que les technologies deviennent de tels supports de savoirs et de débats (et non plus des instruments de contrôle), le développement et la mise en œuvre de certains dispositifs semblent nécessaires afin d’introduire de nouvelles fonctions dans les formats du web actuel et les outils existants72. Le développement de langages d’annotation pourrait ainsi permettre aux utilisateurs d’interpréter des contenus de manière active et singulière, et de confronter leurs prises de notes, au lieu d’exposer inconsciemment leurs données (soi-disant personnelles, mais surtout calculables par les algorithmes et exploitables par le marketing). Les algorithmes qui servent à établir des corrélations prédictives entre les données pourraient être transformés, afin d’analyser qualitativement les annotations et commentaires des individus psychiques et de formuler sur cette base des recommandations pour la constitution de groupes d’interprétations, de communautés de pairs, qui pourraient ensuite entrer en relation ou en discussion à travers de nouveaux types de réseaux sociaux délibératifs73.
Une fois les automatismes mis au service des interprétations singulières et des controverses collectives, les objets connectés et les réseaux sociaux pourraient devenir les supports d’expression et de confrontation de points de vue et de débats publics (scientifiques, politiques, économiques, artistiques). Ils pourraient permettre de discuter collectivement des enjeux sociétaux locaux en mettant en relation les habitants d’un territoire, de confronter des interprétations et des pratiques de pairs dans différents domaines de savoirs constitués, ou encore d’organiser les échanges entre recherche fondamentale et société civile. Au lieu d’« insulariser » les individus, de les « clôturer » dans des « bulles informationnelles » programmées sur la base de leurs profils, les dispositifs numériques permettraient de constituer des « communautés capacitantes » au sein desquelles se confrontent des interprétations, se prennent des décisions et se produisent des bifurcations.
192Les individus et les groupes parviendraient alors à s’apparaître dans leurs différences et dans leurs singularités, de révéler « qui » ils sont en exprimant leurs points de vue et leurs interprétations, plutôt que d’exposer ce qu’ils sont en abandonnant leurs données calculables : bref, le web pourrait constituer le support de cet « espace potentiel d’apparence entre les hommes agissant et parlant » qu’Arendt voyait comme la condition de possibilité du domaine public et des communautés politiques74. Et si, comme le soutient Arendt, « la polis proprement dite n’est pas la cité en sa localisation physique », mais « l’organisation du peuple qui vient de ce que l’on agit et parle ensemble », si « son espace véritable s’étend entre les hommes qui vivent ensemble dans ce but, en quelque lieu qu’ils se trouvent », alors la réticulation et la publication rendues possibles par le web pourraient permettre de reconstituer un tel espace public. Selon Stiegler, en effet, l’apparition du web et d’internet constitue avant tout une « révolution de la publication », un bouleversement des dispositifs techniques qui appelle la constitution d’un nouvel espace et d’une nouvelle chose publics75, donc d’une réinvention de l’activité politique.
193Conclusion
Si Arendt souligne le caractère fragile et intermittent de cette puissance politique qui « jaillit parmi les hommes lorsqu’ils agissent ensemble et retombe dès qu’ils se dispersent76 », c’est peut-être que les hommes ne peuvent s’apparaître les uns aux autres et s’assembler collectivement, qu’à condition de disposer d’un espace de publication leur permettant de s’exprimer et de s’interpréter mutuellement. De même, si les hommes sont capables d’actions inattendues et improbables77, c’est à condition de disposer du temps de transmettre, de partager, de pratiquer collectivement des savoirs et de les transformer singulièrement, de les faire bifurquer dans de nouvelles directions, défiant ainsi la certitude écrasante des lois statistiques. Ce sont ces conditions spatiales et temporelles (donc technologiques et économiques) de l’action collective et de la vie politique qui semblent aujourd’hui menacées par les calculs prédictifs de la gouvernementalité algorithmique et les injonctions consuméristes du capitalisme 24/7, vouant les individus « individualisés » et « incapacités » à la « reproduction précaire de leur vie sociale entropique78 ».
Si aucun nouvel ordre social ne semble se dessiner à l’horizon de cette désintégration des sociétés capitalistes, c’est peut-être que l’inversion de cette tendance entropique suppose d’abord de reconstituer les conditions spatio-temporelles de possibilité d’une « dynamique néguentropique » : de créer les temps et les espaces permettant aux individus psychiques de se relier et de se projeter collectivement. Les propositions d’économie contributive et de web herméneutique avancées dans La société automatique semblent avoir de telles fonctions : la première a pour but de mettre le temps gagné par les automates au service de la capacitation et de la transindividuation, alors que la seconde a pour but de faire du milieu numérique un nouvel espace public et politique.
Il s’agirait alors de passer d’une économie disruptive et consumériste qui contraint les individus à consommer les produits automatiquement 194recommandés par les algorithmes, à une économie contributive, qui valorise les activités de travail contributif, dans lesquelles s’inventent les nouveaux savoir-faire, savoir-vivre et savoir penser, permettant d’adopter le nouveau milieu technique numérique. Il s’agirait de transformer les technologies de contrôle, qui mettent les algorithmes au service de la captation des données et du calcul prédictif, en technologies de l’esprit, mettant les automates au service de l’interprétation, de la délibération et de la décision collective.
Avant de s’interroger sur le nouveau régime politique susceptible de succéder aux sociétés capitalistes, il semble donc nécessaire de reconstituer la « potentialité » ou la « puissance » du « domaine public79 » afin d’engager « le processus par lequel une époque révolue fait place à une nouvelle époque80 », évitant ainsi que son « pourrissement interne » ne conduise au « désastre81 ».
Anne Alombert
Université Paris Nanterre
1 Christophe Bonneuil et Pierre de Jouvancourt. « En finir avec l’Épopée. Récit, géopouvoir et sujets de l’Anthropocène », in De l’univers clos au monde infini, Paris, Éditions Dehors, 2014, p. 61.
2 Ibid., p. 61.
3 Ibid., p. 61.
4 Ibid., p. 61.
5 Ibid., p. 61.
6 Hannah. Arendt. Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961 puis 1983, p. 234.
7 Ibid., p. 234.
8 Hannah Arendt. « Du mensonge en politique », in Du mensonge à la violence, Paris, Pocket, 1972, p. 9.
9 Ibid., p. 9.
10 Ibid., p. 9.
11 Ibid., p. 10.
12 Voir les nombreux articles d’Antoinette Rouvroy sur ce sujet, et en particulier : Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation. Le disparate comme condition d’individuation par la relation ? », Réseaux, vol. 177, no. 1, 2013, p. 163-19 (URL : http://www.cairn.info/revue-reseaux-2013-1-page-163.htm) ; Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Le nouveau pouvoir statistique. Ou quand le contrôle s’exerce sur un réel normé, docile et sans événement car constitué de corps ‘numériques’ », Multitudes, vol. 40, no 1, 2010, p. 88-103 (URL : http://www.cairn.info/revue-multitudes-2010-1-page-88.htm) ; Antoinette Rouvroy. « La vie n’est pas donnée » in Études Digitales no 2, Paris, Classiques Garnier, 2017. Nous revenons sur ces analyses dans la suite de l’article.
13 Voir Jonathan Crary. 24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil, Paris, La Découverte, 2014. Nous revenons sur ces analyses dans la suite de l’article.
14 Hannah Arendt. « Du mensonge en politique », in Du mensonge à la violence, op. cit., p. 10.
15 Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz. L’Évènement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2013.
16 Ibid.
17 W. Streeck. How will capitalism end ? Esssays on a failing system., Verso, 2017. Nous revenons sur ces analyses dans la suite de l’article.
18 Bernard Stiegler. La société automatique. t. 1 L’avenir du travail, op. cit.
19 Wofgang Streeck. How will capitalism end ? Esssays on a failing system., op. cit.
20 Bernard Stiegler. La société automatique. t. 1 L’avenir du travail, op. cit., notamment p. 23 et 420.
21 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation », op. cit.
22 Ibid.
23 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation », op. cit.
24 Ibid.
25 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Le nouveau pouvoir statistique », op. cit.
26 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Gouvernementalité algorithmique et perspective d’émancipation », op. cit.
27 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Le nouveau pouvoir statistique », op. cit.
28 Antoinette Rouvroy. « La gouvernementalité algorithmique : radicalisation et stratégie immunitaire du capitalisme et du néolibéralisme ? », in La Deleuziana, no 3/2016, « La vie et le nombre ».
29 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Gouvernementalité algorithmique et perspective d’émancipation », op. cit.
30 Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 234.
31 Ibid., op. cit., p. 237.
32 Ibid., op. cit., p. 236.
33 Ibid., op. cit., p. 236-237.
34 L’action ici décrite va toujours de pair avec la parole, et la révélation dont il est ici question s’effectue toujours à la fois à travers la parole et l’acte : voir Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 231-238.
35 Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 236-237, p. 258-259.
36 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Gouvernementalité algorithmique et persepective d’émancipation », op. cit.
37 Antoinette Rouvroy et Thomas Berns. « Gouvernementalité algorithmique et persepective d’émancipation », op. cit.
38 Jonathan Crary. 24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil, op. cit.
39 Jonathan Crary. 24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil, op. cit., p. 43.
40 Ibid., p. 65.
41 Ibid., p. 101.
42 Ibid., p. 46.
43 Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 188.
44 Ibid., p. 230.
45 Ibid., p. 185 et p. 188.
46 Ibid., p. 204.
47 Ibid., p. 13.
48 Ibid., p. 20 et 113.
49 Ibid., p. 42.
50 Ibid., p. 56, 59, 64, 87, 96.
51 Ibid., p. 52.
52 Hannah Arendt. « Du mensonge en politique », op. cit. p. 18.
53 Ibid., p. 52.
54 Wolfgang Streeck. How will capitalism end ? Esssays on a failing system., op. cit.
55 Ibid., p. 35.
56 Ibid., p. 35.
57 Ibid., p. 13.
58 Ibid., p. 36.
59 Ibid., p. 38.
60 Ibid. p. 41.
61 Ibid., p. 40-41.
62 Ibid., p. 40.
63 Bernard Stiegler. Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. De la pharmacologie., Paris, Flammarion, 2010.
64 Bernard Stiegler. La société automatique. t. 1 L’avenir du travail, Paris, Fayard, 2015, § 7.
65 Bernard Stiegler. La société automatique. t. 1 L’avenir du travail, op. cit., § 43 et § 75.
66 Bernard Stiegler. La société automatique. t. 1 L’avenir du travail, op. cit., § 70.
67 Bernard Stiegler. La société automatique. t. 1 L’avenir du travail, op. cit. § 4 et Bernard Stiegler, « Sortir de l’Anthropocène », Multitudes, no 60, 2015/3, p. 137-146.
68 Bernard Stiegler. La société automatique. t. 1 L’avenir du travail, op. cit., § 32.
69 Pour une explication détaillée des principes de l’économie contributive, voir Bernard Stiegler. L’emploi est mort, vive le travail. Entretien avec Ariel Kyrou, op. cit.
70 « Le nouveau a toujours contre lui les chances écrasantes des lois statistiques et de leur probabilité, qui, pratiquement dans les circonstances ordinaires, équivaut à une certitude ; le nouveau apparaît donc toujours comme un miracle. Le fait que l’homme soit capable d’action signifie que de sa part on peut s’attendre à l’inattendu, qu’il est en mesure d’accomplir ce qui est infiniment improbable », Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 234.
71 Bernard Stiegler. L’emploi est mort, vive le travail. Entretien avec Ariel Kyrou, op. cit., p. 71.
72 Bernard Stiegler. La société automatique, t. 1 L’avenir du travail, op. cit., § 70.
73 Bernard Stiegler. « Le blues du net », 2013, http://reseaux.blog.lemonde.fr/2013/09/29/blues-net-bernard-stiegler/
74 « L’espace de l’apparence commence à exister dès que des hommes s’assemblent dans le mode de la parole et de l’action ; il précède par conséquent toute constitution formelle du domaine public et des formes de gouvernement, c’est-à-dire des diverses formes sous lesquelles le domaine public peut s’organiser » ; « C’est la puissance qui assure l’existence du domaine public, de l’espace potentiel d’apparence entre les hommes agissant et parlant. […] la puissance jaillit entre les hommes lorsqu’ils agissent ensemble et retombent dès qu’ils se dispersent. », Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 259.
75 « Quant à nous, les hommes et les femmes du 21e siècle, nous vivons une révolution de la publication : l’espace numérique est avant tout un processus de publication. […] Et la constitution d’une chose publique suppose une technologie de publication qui est à l’époque grecque l’écriture. Marcel Détienne a montré que la cité athénienne est une sorte de vaste machine à écrire dans le marbre dont sont faits les murs de la ville ; après chaque décision de la Βουλή [boulè, ndlr], des éditeurs de la loi manient le marteau et le burin pour graver la décision dans le marbre. […] Aujourd’hui, et avec le numérique, un tout autre dispositif de publication s’est mis en place. », Bernard Stiegler. « Le blues du net » (http://reseaux.blog.lemonde.fr/2013/09/29/blues-net-bernard-stiegler/).
76 Ibid., p. 260.
77 Ibid., p. 234.
78 Wolfgang Streeck. How capitalism will end ? Essays on a failing system, op. cit., p. 42.
79 Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 259.
80 Bernard Stiegler. États de chocs. Bêtise et savoirs au xxie siècle, Paris, Mille et une nuits, 2012, p. 230.
81 « Si les civilisations naissent et meurent, si de puissants empires et de grandes cultures déclinent et sombrent sans catastrophes extérieures – et bien souvent ces “causes” extérieures sont précédées d’un pourrissement interne moins visible qui appelle le désastre – c’est en raison de cette particularité du domaine public qui, reposant finalement sur l’action et la parole, ne perd jamais complètement son caractère potentiel. », Hannah Arendt. Condition de l’homme moderne, op. cit., p. 259.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-10497-1
- EAN: 9782406104971
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10497-1.p.0175
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-15-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Digital capitalism, Anthropocene, individuation, disruptive model, algorithmic governmentality