Prolégomènes à un manifeste des études digitales
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Études digitales
2017 – 1, n° 3. Variations digitales et transformation du milieu - Auteur : Moore (Gerald)
- Pages : 21 à 37
- Revue : Études digitales
Prolégomènes à un manifeste
des études digitales1
Que veut dire études digitales ?
L’organologie générale constitue un paradigme des humanités à l’époque des digital humanities posant, théorisant et expérimentant transdisciplinairement la question des savoirs thérapeutiques capables de spécifier aussi bien la toxicité que la curativité des pharmaka.
Bernard Stiegler2
Ce petit essai-ci, ainsi que la revue dans laquelle il apparaît et le livre qui sera son destin ultime, constitue autant de nœuds dans le réseau émergent et disséminé des recherches dans le domaine naissant des études digitales. Il se construit en parallèle avec des travaux réalisés dans divers laboratoires, à Paris, Dublin, Durham, Leuphana et Berkeley, dans une bibliothèque à Tokyo, une université à Guayaquil, en Équateur, pour n’en citer que quelques-uns. Tout cela sans compter un nombre proliférant de projets et de séminaires disséminés un peu partout dans le monde mais accessibles en ligne. Pris à part ou dans leur ensemble, ces multiples nœuds participent à une économie contributive qui rassemble des travaux sur la technique. Le réseau des études digitales est ainsi une sorte de précurseur du web sémantique à venir, le Web 3.0 qui désigne un mouvement collectif collaboratif à la recherche d’une lingua franca qui vise à faire s’entendre et communiquer les nombreux langages de 22programmation qui constituent l’Internet. Le terme d’« études digitales », en tant qu’étude des technologies, de leur histoire et de leurs mises en œuvre, correspond à une discipline académique naissante. Elle est essentiellement une tentative pour entamer un dialogue rassembleur entre toute une panoplie de discours scientifiques : la philosophie (« analytique » aussi bien que « continentale »), les Lettres classiques et la critique littéraire3, la théorie critique des sciences sociales, la psychologie sociale, la sociologie des médias, l’anthropologie culturelle, mais également l’écologie et une sociobiologie comprenant parmi d’autres la coévolution et les neurosciences « post-darwiniennes ». Certains de ces discours sont déjà établis, tandis que d’autres ne se sont installés que plus récemment dans les interstices des disciplines universitaires. C’est ainsi qu’émergent les études digitales comme exemple longuement attendu de ce que le monde anglophone appelle « la troisième culture » : une synthèse des sciences et des humanités.
En plus d’une nouvelle cartographie disciplinaire ou interdisciplinaire, les études digitales sont peut-être avant tout un paradigme pour la réinvention des humanités qui correspond à ce que Michel Foucault aurait appelé la nouvelle « épistèmé » du numérique. Pour emprunter encore un mot à Foucault, celle-ci est le « pli dans notre savoir » qui succède à l’âge du livre dans lequel sont enracinées nos institutions sociales parmi lesquelles il faut compter en première place l’université, et d’où découle globalement notre conception de l’homme.
Le paradigme est aussi celui que Bernard Stiegler désigne sous le terme « d’organologie générale », c’est-à-dire l’étude des rapports entre notre construction anatomique et les organes artificiels, ou prothèses, qui la supplémentent4. Comme l’indique l’épigraphe ci-dessus, une prothèse peut être à la fois bénéfique et nuisible à notre fonctionnement, c’est-à-dire simultanément toxique et curative selon sa manière de forclore ou d’ouvrir les possibilités de l’expérience. Une lame sacrificielle nous permet d’échanger avec les dieux, mais sa force enivrante peut déclencher des violences meurtrières5. Comme l’ont montré Roger Bacon, Kepler, Vermeer ou Henri Cartier Bresson, les lentilles nous donnent la 23vision, mais leur intensité peut littéralement nous aveugler. Au cours de l’histoire, on les soupçonne d’avoir provoqué la « sélection artificielle » des moins forts et d’avoir déclenché la myopie génétique. Un smartphone élimine le temps et l’espace, mais il nous rend vulnérables, déshabitués au silence et oublieux des numéros de téléphone, des rendez-vous et des représentations spatiales, avec pour effet une dangereuse dépendance à ce nouvel objet d’addiction. Le risque d’intoxication motive la création de normes culturelles afin de réguler et organiser l’usage des objets techniques selon des rythmes et des rituels qui rendent possible les conditions de leur adoption. Les études digitales contribuent à l’élaboration d’une critique culturelle : elles autorisent l’analyse de la « production » des êtres humains et de leurs institutions sociales à travers la technique, ainsi que celle des différentes manières d’être des hommes, générées par les différentes techniques.
La Révolution organologique
Dans un premier temps, le « digital » des études digitales est celui de la révolution numérique qui déferle depuis l’aube de la société de l’information. À la suite des révolutions agricole et industrielle du Néolithique et des Lumières, on peut considérer la révolution numérique comme le « troisième » des grands changements culturels de l’histoire humaine6. On pourrait même dire : la troisième étape selon une conception élargie de l’Anthropocène que certains scientifiques font commencer avec l’extinction de l’Holocène, au moment où la sélection artificielle pratiquée par les hommes avec la chasse – en l’occurrence, celle de la grande faune sauvage du Pléistocène – induit pour la première fois un effondrement environnemental7.
Mais le « digital » vient aussi du mot « digitus », le doigt, l’organe qui permet l’utilisation des outils. Ainsi les études digitales concernent-elles 24l’étude des objets techniques en général et leur relation de constitution mutuelle avec les humains qui les déploient. Elles portent sur les outils et les environnements techniques dont nous héritons avec la culture et dont l’adoption nous ouvre tout un horizon de possibilités et de pensées avec lequel nous sommes en mesure de créer l’avenir. Ainsi faut-il comprendre les grandes révolutions culturelles comme des révolutions organologiques, c’est-à-dire comme la transformation de la civilisation humaine par l’évolution technique de nos organes artificiels ainsi que celle de l’organisation culturelle qu’elle suscite. En réorganisant le corps et le cortex sensoriel, les artefacts produits par la culture provoquent de profonds changements de nature traumatique pour la vie de l’esprit. À l’âge de pierre, les techniques d’agriculture, de construction et de stockage de nourriture frayèrent le chemin pour la domestication de la nature et le développement du commerce qui en découla. On a cependant décrit la révolution agricole comme « la plus grande fraude de l’histoire », puisqu’elle permit une meilleure espérance de vie mais au prix d’un travail plus éreintant et d’une alimentation de moindre qualité que celle qu’avaient connue les chasseurs-cueilleurs8. Quel que soit le soulagement qu’elle ait pu susciter devant l’angoisse devant la mort, cette libération partielle de la mortalité impliquait une plus grande interdépendance des hommes entre eux. Elle nécessitait une nouvelle division du travail elle-même anxiogène pour les colons néolithiques, lesquels en développant des aptitudes pour une pensée « économique » devenaient plus perméables à la poursuite de leur propre intérêt, ce qu’ils ont cherché ensuite à maîtriser avec des rituels d’échange de dons réciproques9. Au xixe siècle, le capitalisme a établi des techniques d’impression à grande échelle qui ont permis la diffusion et l’achat d’ouvrages et de publications à bas prix par le prolétariat ouvrant en cela la possibilité d’une expérience esthétique privatisée impossible à surveiller. Le résultat, comme en témoignent les lecteurs du Rouge et le noir et ceux de Madame Bovary, fut un éveil de l’imagination. Cette situation avait également pour effet une réelle inquiétude sur les conséquences de la lecture des romans par les prolétaires en tant qu’ils pouvaient susciter des rêves démocratiques avec les envies de soulèvement qui pouvaient en découler.
25Une fois l’euphorie passée autour de l’Internet et de la globalisation, avec leur promesse d’accès illimitée à l’information, de raccourcissement de distances, nous souffrons de plus en plus des traumatismes provoqués par l’atteinte à la vie privée, l’effondrement de la presse écrite, sans compter la crainte des effets de la pornographie facilement accessible sur les comportements de violence sexuelle engendrés par Internet. Si la Toile augmente la capacité participative, notre accès aux données contribue néanmoins à diminuer la confiance que nous portons aux institutions. La vitesse de l’actualité surexpose les médias et les marchés, avec pour conséquence des effets de panique, tandis que les moteurs de recherche nous donnent les moyens de remettre en question la compétence des médecins et scientifiques. Cela produit l’hyperégalisation de ce que Bruno Latour appelle « le parler droit… du démon Double Clic ». Nous accédons à toute une gamme d’avis d’experts autoproclamés. Cliquant sur des liens qui ne font pas la différence entre la vérité et les conjectures les plus hasardeuses, nous nous trouvons dans une situation où tous les savoirs se trouvent placés sur le même plan10.
Malgré l’expression célèbre de « troisième révolution industrielle » proposée par Jeremy Rifkin, nous avons connu d’autres déphasages organologiques qui ne furent pas moins importants que la naissance des sociétés agraires et industrialisées. Comme ceux-ci, ils étaient accompagnés de périodes comparables d’instabilité et de désajustement, d’explosion de la créativité et de malaise spirituel. Par exemple, l’adoption de l’écriture alphabétique au cours du siècle de Périclès à Athènes contribua directement à l’avènement de la philosophie moderne (platonicienne) ainsi qu’au déclin de la démocratie. Tout ceci se déroula dans un contexte de conflit intergénérationnel qui pourrait être comparé avec celui de la révolution médiatique des cinquante dernières années. Les événements de mai 68, le mouvement Occupy et les révélations par WikiLeaks protestant contre le contrôle autoritaire des informations, font écho aux rébellions de la jeunesse menées par Alcibiade et Critias. Les étudiants de Socrate en eurent assez des contraintes de la culture orale, ainsi que des lois vagues et non écrites de la démocratie directe, lesquelles avaient pour effet : des litiges, l’obstructionisme du démos, des changements d’avis constants et au bout du compte l’apathie croissante 26des citoyens11. Eric Havelock nous démontre que si Socrate « corrompait la jeunesse », c’est parce qu’il inventait de nouvelles méthodes pédagogiques conformes à la culture alphabétisée. Au lieu des coutumes rigides, apprises par cœur avec la poésie orale, il enseignait la conversation dialectique. C’était pour lui « un instrument prosaïque pour rompre l’enchantement de la tradition poétique, et à la place de celle-là il substituait un vocabulaire et une syntaxe conceptuels ». Il défiait ainsi les structures hiérarchiques et familiales au fondement des conventions sociales de l’oralité12. Même si son procès a pu représenter la revanche des Athéniens envers le traumatisme engendré par l’écriture, le peuple d’Athènes a fini par codifier ses lois en les gravant, littéralement, dans le marbre. Cela impliquait une réorganisation de la société athénienne autour de cette même technique qui menaçait la cité de destruction. Inscrite sur des pierres consultables par le public, la lettre de la loi devenait contraignante, puisqu’« objective, impersonnelle, infiniment réitérable et non arbitraire13 ». L’avènement de cette nouvelle écriture, que Platon décrit dans le Phèdre comme un pharmakon, à la fois poison et remède14, devait produire des changements profonds au sein de la culture occidentale. Havelock va jusqu’à suggérer que « le concept du soi » doit son invention à la permanence et à l’abstraction de la grammaire formalisée par écrit, laquelle permet à l’énonciateur de se détacher de son énoncé. Les idées universelles et absolues de Platon en constituent une extension15.
De la même façon qu’Athènes dut se réorganiser autour d’une évolution de son système technique, il nous faut recréer les institutions éducationnelles et politiques appropriées aux transformations technologiques de notre époque contemporaine. L’avènement de la technologie numérique exacerbe la perte de foi dans une politique qui se trouve réduite à un populisme démagogique obsédé par les images, les slogans et la séduction superficielle du réseautage social. De plus, les institutions par lesquelles nous pourrions contrer cette atteinte se trouvent également 27sapées : les écoles et les universités, déjà sous la coupe de politiques d’austérité, ont du mal à suivre le rythme, face aux conséquences pour l’enseignement des questions soulevées par les débats récents sur la saturation cognitive, l’addiction aux écrans et l’influence qu’exercent les systèmes en temps réel sur la formation de l’attention. Tous ces éléments nous rappellent à quel point les hommes se constituent – et se sont toujours constitués – par les objets techniques16. La facilité avec laquelle nous avons cédé nos informations les plus intimes aux plateformes propriétaires telles que Facebook et Google pose de grandes questions sur les enjeux de l’ipséité numérique. Ailleurs, la pleine mutation de la propriété privée, naguère considérée comme sacro-sainte, est mise en évidence non seulement par le streaming et le scraping, mais aussi par les grands journaux en ligne qui profitent des bloggeurs non rémunérés pour appuyer leurs piège-à-clics, et aussi par la diffusion de matériau didactique qui permettrait aux universités d’éliminer les professeurs titulaires17. De telles pratiques, symptomatiques de la précarisation de l’emploi, caractérisent la presse numérique et les MOOC. Leur émergence ébranle les fondations de leurs incarnations précédentes. Bref, nous vivons la réinvention des catégories fondamentales de l’organisation sociale à la lumière de la révolution digitale, y compris celles des sphères politique et médiatique, de l’enseignement et du marché du travail, du commerce, des droits et des libertés. Il n’est pas jusqu’au désir, au sexe et la famille (du consumérisme à l’application Grindr jusqu’aux biotechnologies de la reproduction…) qui ne se trouvent redéfinis par de telles mutations. C’est sur cette Toile de fond que se transforme le concept de l’être humain, qui, malgré ses contradictions internes, se module de façon isomorphe pour s’accommoder des mutations de cette conjecture, précisément parce que l’être humain est toujours produit par les techniques de son époque.
28Les Rêves de l’humain
C’est en l’an 1689 que John Locke posa les fondements de la doctrine moderne de l’individu autonome n’appartenant qu’à lui-même, avec cette affirmation selon laquelle : « chacun pourtant a un droit particulier sur sa propre personne, sur laquelle nul autre ne peut avoir aucune prétention18 ». Cette prémisse sous-tend la justification lockienne de la propriété privée, ce qu’il estime légitime en tant qu’elle résulte du travail de la terre. Avec un peu de recul (et aussi en gardant un œil sur le phénomène de la traite des Noirs), on pourrait inversement se demander si la propriété privée n’est pas à l’origine de nos fantasmes sur la propriété de soi. Quoi qu’il en soit, l’emprise, des idées même les plus puissantes, finit par se relâcher dans le temps, sans pour autant qu’elles soient tout à fait abandonnées. La « fouille » des données de l’âge du numérique a fini par dépasser les efforts de Freud et de Deleuze pour faire que s’effond(r)e le propre du sujet. À sa place, de nombreuses nouvelles conceptions conflictuelles de l’humain exercent aujourd’hui une influence effective. Le discours du propre perdure dans une certaine mesure dans la biologie médicale populaire, selon laquelle nous sommes les victimes malheureuses d’un héritage génétique, ancrées dans des pulsions sexuelles faillibles. Pour d’autres, le besoin d’une vie privée révèle une nostalgie qui va à l’encontre de nos instincts évolués de partager et de créer des réseaux. Pour d’autres encore, si nous tolérons la violation de notre confidentialité, ou si nous résistons à la rapidité des changements sociaux et techniques, c’est que nous nous imaginons en surhommes artificiellement augmentés, munis de prothèses greffées sur un corps animal « adaptable », « plastique » et « liquide », infiniment programmable, qu’on peut verser dans n’importe quel moule, et pourtant suffisamment robuste pour absorber le choc de l’avenir19.
Stiegler attribue cette conception de l’homme à un métarécit idéologique de l’adaptation qui nous évalue selon notre capacité à supporter le 29changement20. Cette vision considère le monde du travail comme une épreuve de caractère et d’aptitude. Elle envisage une refonte de l’université avec comme objectif d’inculquer les compétences nécessaires à une agilité qui permet de se plier sans casser. Ceci a même été invoqué pour légitimer l’inertie devant le changement climatique : quoi qu’il arrive, on s’adaptera au futur, alors pourquoi tenter de le prévenir ? Comme si l’adaptation était automatique, comme si elle était une qualité entièrement héritée de l’histoire de l’évolution21…. Pour Stiegler, parmi d’autres critiques et un nombre croissant de membres d’Ars Industrialis, notre adaptabilité animale est précisément ce qui se trouve exploité par un programme économique qui rend encore plus rare les occasions de ce qu’il appelle notre « non-inhumanité » intermittente, en référence à la possibilité de nous individuer à travers la technique22. Preciado soutient de la même façon que le modus operandi du capitalisme numérique consiste à vendre un plaisir « narcotique », avec comme résultat de saper notre énergie libidinale et de nous réduire à n’être que les sujets impuissants de la « pharmacopornographie23 ».
Au cœur de la question de savoir qui et ce que nous sommes, se trouve celle de la catégorisation des rapports entre la culture technique et les conceptions de l’humain qu’elle met en circulation. Il y a un enjeu fort dans la lutte pour fixer l’interprétation de cette catégorie, de la même manière que pour interpréter toutes les institutions que met en place la culture. Il va de soi que les différents modèles de l’être humain peuvent valider ou démentir diverses pratiques éthiques et politiques, ce qui inclut par exemple nos conditions de travail, notre perméabilité aux influences comme celle de la publicité, mais également les formes de thérapies qui se trouvent prescrites pour nos maladies. La manière dont notre compréhension des concepts se trouve appropriée ou renforcée – surtout par Google, dont le système algorithmique PageRank assure la consolidation des modes de pensée prédominants24 – est une 30question clé pour les humanités conçues comme études digitales. En découlent les recherches en cours sur la catégorisation contributive à Paris, à l’Institut de Recherche et d’Innovation de Stiegler et Vincent Puig, le « projet AIME » de Bruno Latour25 (iri.centrepompidou.fr, modesofexistence.org). L’accent porté sur la contribution pointe comme nettement insuffisante la seule interprétation des nouvelles catégories de la culture numérique : il faut aussi savoir les créer. À cet égard, les études digitales ne sont pas un champ du savoir purement descriptif. Au risque de paraître mélodramatique, il s’agit d’une bataille pour qu’il y ait un avenir. L’enjeu pour les universitaires est de se fixer comme tâche de façonner de nouvelles armes, comme l’a dit Deleuze. Il faut partir d’un discours critique sur la technologie pour aller vers le développement de techniques afin de ranimer ce qu’on pourrait appeler, selon l’expression de Derrida, une intermittente « promesse » de l’humain. Celui-ci serait alors conçu non comme une entité préexistante, mais comme un horizon de désir et de possibilité, ou encore comme un rêve qui se projette dès qu’on emploie les outils pour construire une capacité d’agir. Celle-ci en effet n’est aucunement donnée par les technologies du consumérisme qui castrent et automatisent nos comportements.
Changer l’esprit pour (éviter de)
changer le climat
Beaucoup de chercheurs mésusent du concept de « l’urgence » de façon monstrueuse. Ils sont enclins à envisager indifféremment n’importe quoi comme « urgent », que ce soit le remplissage des lacunes dans la correspondance d’un dramaturge mort, la publication d’un nouveau livre sur rien que personne ne lira. Avec les précautions nécessaires, il est possible de penser que la conservation de la promesse de l’humanité est sans doute une chose urgente. La neuroscientifique britannique très controversée Susan Greenfield a écrit récemment que l’impact d’un « changement d’esprit » (mind change) serait aussi profond que celui du 31changement climatique. Elle fait référence aux effets « sans précédent » du « cybermonde du xxie siècle » sur la formation de nos cerveaux fort malléables26. Soutenant une thèse qui rappelle l’inquiétude concernant la crise de la diversité biologique, elle sonne l’alarme sur la perte de ce que nous appellerions « la noodiversité ». Elle en attribue les formes de plus en plus homogènes aux excitations que provoquent les technologies hyperstimulantes consuméristes sur le système cérébral de récompense. Selon Greenfield, si la conscience est une propriété qui émerge de nos réseaux neuraux complexes, la profondeur de la conscience augmente proportionnellement à la complexité, ou à la variété, du stimulus. Ainsi, devenons-nous de moins en moins conscients, à mesure que nous subissons une désensibilisation neurologique proportionnée à la décroissance de la diversité – ce qui peut être le cas devant l’exposition continuelle aux machines qui nous rivent à des habitudes intenses et durables27.
Au vu de la prédiction selon laquelle nous n’avons eu, que jusqu’en 2017 pour éviter le pire des scénarios de la hausse des températures planétaires de 2oC, nous ne pouvons-nous autoriser, ni cette situation désensibilisée de prostration ni celle de la perte de l’attention28. L’échéance dépassée renforce notre conviction que les efforts du combat contre le réchauffement climatique seront vains, à moins que nous ne luttions d’abord contre les causes sous-jacentes de notre démotivation, ceci grâce à une « écologie de l’esprit », c’est-à-dire des thérapies pour soigner notre insouci à nous-même, dans la mesure où le soi est inséparable de ses milieux environnementaux29. James Lovelock, le théoricien de l’hypothèse de Gaia, fait partie de ceux qui, parmi d’autres, considèrent qu’il est déjà trop tard pour éviter l’effondrement ; à son sens, il vaut mieux jouir du temps qui nous reste. Indépendamment de savoir s’il a ou non raison, sa réponse tend à symptômatiser la jouissance sans entraves qui, avec le consumérisme, nous a « foutus dans la merde ». En outre, il laisse ouverte la question : trop tard pour quoi, exactement ? Pour autant qu’il soit trop tard pour le climat tel qu’on le conçoit selon 32les paramètres actuels de l’existence, il est encore temps de récupérer les conditions structurelles de notre futur artificiel, en nous assurant de l’accès à la mémoire culturelle collective dont nous héritons dans le processus du devenir humain.
Sauf si nous réalisons l’exploit improbable de créer une nouvelle écologie de l’esprit, de parvenir à élever de nouveaux types d’animaux « non-inhumains » avec une volonté jusqu’ici inédite de salut, les estimations actuelles suggèrent que l’âge du numérique pourrait être la toute dernière des grandes révolutions organologiques avant que nous ne suivions les Néandertaliens vers la disparition. Il semble maintenant que ces derniers ont succombé à l’écroulement épiphylogénétique, pour inventer une expression stieglerienne : une rupture dans les processus de l’évolution culturelle par laquelle l’expérience acquise de nos ancêtres est transmise aux générations ultérieures, se trouve incarnée dans les outils hérités du passé et dont l’adoption constitue notre point de départ. La tournure des événements anticipe le futur que Lovelock prévoit pour nous : nous serions les derniers spécimens du genre Homo sapiens, hyperspécialisés et insuffisamment « généralistes », sans savoir-faire complet. On postule que nos plus proches ancêtres disparurent quand les populations, chassées jusqu’au bord de l’extinction par les premiers sapientes, se trouvant de plus en plus isolées et fragmentées, ne purent plus supporter la répartition spécialisée des tâches, c’est-à-dire l’utilisation des outils qui avait caractérisé les structures sociales néandertaliennes. Le philosophe de la biologie Kim Sterelny décrit une détérioration dramatique de « l’accumulation, de la conservation et de la transmission intergénérationnelle du capital cognitif », par laquelle l’absence des experts se combinait avec l’impératif de survie qui poussait les jeunes Néandertaliens à assumer des outils au maniement desquels ils n’avaient pas été formés de manière adéquate. Incapables de puiser les connaissances culturelles accumulées dans les objets techniques dont ils avaient hérité, ils étaient également incapables de les modifier face à de nouveaux défis environnementaux, et se sont éteints30.
Lorsque le déluge des eaux arrivera avec la fonte des glaces arctiques et que l’épuisement des ressources fossiles nous laissera sans électricité, il semblerait que nous soyons amenés à vivre un tel avenir. Pour citer 33Lovelock : « Imaginez les survivants d’une civilisation effondrée. Imaginez qu’ils se battent contre une épidémie de choléra en se servant d’un vieux bouquin usé sur la médecine alternative. […] La découverte que les bactéries et les virus provoquent des maladies infectieuses est relativement récente ; imaginez les conséquences si nous perdions cette sorte de savoir médical », parce qu’elle était enregistrée sur un appareil magnétique ou optique auquel nous ne pouvions plus accéder31. Imaginez les conséquences, pour le dire autrement, si nous étions exclus de l’utilisation des outils dont la civilisation dépend, empêchés d’hériter de techniques de survie et de construction de la culture, jusqu’à 200.000 ans en arrière.
Ce destin constituerait une amplification de l’enfermement propriétaire qui nous réduit à être des consommateurs passifs et hyperspécialisés des technologies à notre disposition. Aussi serait-il atténué par des efforts concertés pour élargir les horizons ouverts par notre utilisation contemporaine des outils. Un tel élargissement devrait être la mission des études digitales, comprises à la fois comme paradigme des humanités, c’est-à-dire de l’étude de la culture et des rapports que les outils entretiennent avec notre rédemption, mais aussi comme un appel prescriptif à la réinvention d’une boîte à outils pour la recapacitation humaine.
Au-delà de l’exil des poètes
Encore un détail relie, à la manière d’une constellation, les révolutions organologiques de l’alphabet et celle de l’Internet, la Grèce antique et les derniers jours de l’« Anthrobscène32 ». Toutes les deux font des humanités un bouc émissaire, en les marginalisant et les considérant comme un obstacle au progrès. Le Socrate de Platon élabore un programme institutionnel d’éducation pour les trois classes professionnelles de la République. Selon Havelock, cette institutionnalisation « marque l’introduction du système universitaire en Occident33 ». Mais son fonda34teur recommande que les gardiens de La République n’apprennent pas la poésie34. Il vaut mieux expulser les poètes hors des murs de la cité idéale, de crainte que les corruptions séductrices de la fiction et de l’imitation n’ébranlent l’harmonie – la division du travail – qui sépare les gardiens des philosophes-rois35. Avant Havelock, pour qui l’exil des poètes signifie l’abandon de l’ancien régime pédagogique de la tradition orale, on avait tendance à ne pas croire Platon sur parole. Durant les périodes où la valeur de la culture était peut-être moins constamment mise en cause, lorsque l’ironie et la parodie figuraient parmi les techniques préférées de la critique, l’idée de bannir les poètes n’était que rarement prise au pied de la lettre36. Elle semble cependant plausible en ce moment présent d’austérité et de désajustement technologique, quand le ludique cède sa place au sombre sérieux, quand « la vieille querelle entre la philosophie et la poésie » se trouve remplacée par une méfiance grégaire envers les disciplines moins techniques et moins quantifiables, considérées comme mal adaptées à l’économie fondée sur la technoscience.
Aujourd’hui, comme au temps de Platon, il est trop facile de rejeter les arts comme étant dévolus à une vision démodée de l’humanité, il est trop facile d’imaginer que les anthropotechniques requises pour « l’élevage » des humains à venir seraient tout à fait distinctes des rituels poétiques de la tragédie classique et de l’humanisme de l’âge du livre et d’en déduire, de façon nostalgique, que les humanités ne gardent que l’intérêt d’archives, à la manière de vestiges37. L’interprétation des comportements humains est de plus en plus assumée par la psychologie évolutionniste. Si tant est que nous continuions à créer des futurs humains dans un contexte économique où l’automation tend à nous rendre « obsolètes38 », la biogénie et la technoscience messianique s’arrogent la tâche prométhéenne de créer les humains de l’avenir, en les traitant comme des toxiques, des problèmes à résoudre, plutôt que des promesses à cultiver. Mais il reste peut-être quelque chose du supplice éternel de Prométhée dans les crises récurrentes de ces humanités « diaboliques » qui nous 35empêchent de faire ce que nous faisons au mieux, à savoir nous avancer trop vite. Propulsée du passé vers l’avenir comme l’Angelus novus de Benjamin et Klee, la vertu de la critique culturelle est la prévoyance, ou plutôt la focalisation de l’imagination vers des horizons possibles, ouverts par l’héritage des outils. Nous anticipons et analysons les mondes imaginaires à venir, aussi bien que révolus, en reconstruisant les expériences rendues possibles par les structures empirico-transcendentales de la technique. Débarassés des restrictions méthodologiques qu’imposent les mesures en laboratoire, nous faisons appel à des histoires et à des récits pour envisager des hypothèses critiques intoxicantes souvent impopulaires. Cela suscite des procès en hystérie et de manque de rigueur dont la cause serait notre aversion pour la quantification. Cela ne pose aucun problème en soi : les sciences plus quantitatives peuvent nous réfuter sans invalider pour autant la valeur de la pensée spéculative. Les plus grands dommages se produisent quand la quantification devient le seul mode légitime de l’interprétation. Elle est alors partie prenante d’une offensive économique qui vise une monoculture intellectuelle, laquelle plonge plus avant la noodiversité dans la précarité. Les ailes coupées, forcé d’abandonner les outils de son métier au milieu du marché chaotique qui le brutalise, l’Angelus novus devient alors l’ange sans auréole, désenchanté, de Baudelaire.
Face au caractère déviant des poètes, le philosophe-roi de Platon réagit de la même manière excessive que les financiers-législateurs qui cherchent aujourd’hui à contenir la toxicité des humanités pharmacologiques sans tenir compte de leur dimension thérapeutique. Il va sans dire que la poésie toute seule ne suffit pas pour inventer les humains que nous voulons être et susciter les hommes dont nous avons besoin, plutôt que les automates anesthésiés, produits à la chaîne par l’organisation dominante du capitalisme actuel. Il va également sans dire que nous ne pouvons pas simplement ignorer les révolutions de la génétique, des métadonnées et de la quantification. Le problème réside moins dans l’opposition entre humanités heuristiques et sciences exactes, comprises comme entités discrètes et facilement isolables, que dans la division systématique du travail qui soutient la séparation des arts et des sciences en « deux cultures » qui se font concurrence dans une économie où le gagnant prend tout. Nous avons déjà remarqué que les craintes concernant cette division remontent jusqu’au Néolithique, bien avant 36qu’elle ne fût théorisée dans les ouvrages de Marx et Foucault, qui la décrivent respectivement en termes de prolétarisation d’un travail pourtant porteur de sens à l’origine et de stratégie de responsabilisation de l’individu par la surveillance mutuelle des ouvriers. La vision imaginaire de Platon des différentes fonctions sociales disposées selon une harmonie organique a métastasé pour devenir le contraire de la responsabilité : une machine à produire des hyperspécialistes, équipés seulement pour fabriquer et consommer les choses que nous ne voulons pas et dont nous n’avons pas besoin. Des publications académiques que personne ne lit jusqu’aux appareils de divertissement dont on jouit à l’excès, la surproduction des biens et des désirs pour en absorber l’excédent ne sert qu’à alimenter le désastre.
Ce qu’il nous faut est une conception des humanités plus englobante qui en finit avec la division du travail intellectuel en enseignant à la fois l’interprétation des outils et la réinvention du corps biologique qu’ils suscitent. En premier lieu, ces humanités consisteraient en l’étude, non seulement de la culture, des artefacts culturels et des types d’êtres humains qui en émergent, mais aussi en l’étude des décalages entre l’évolution technique et les conceptions de l’être humain qui varient pour s’accommoder et supporter des ruptures traumatisantes pour la société : les « désajustements » entre les systèmes techniques, sociaux et psychiques, au sens de Stiegler, d’après Bertrand Gille39. Le désajustement, à cet égard, correspond à ce moment d’optimisme décroissant après le frisson initial d’une révolution organologique, lorsque la toxicité des nouveaux pharmaka passe au premier plan, et avant que nous n’apprenions à les réinventer afin d’exercer un contrôle sur la manière dont ils nous inventent40. Ce désajustement est ainsi aggravé par le capitalisme qui détourne le système de récompense dopaminergique. La création d’attentes de satisfaction immédiate exploite notre plasticité biologique qui nous permet de construire notre capacité d’agir.
Dans cet esprit, la mission des humanités conçues comme études digitales serait de faciliter la participation à l’ordre symbolique technique, et d’empêcher ce que Stiegler appelle la régression à l’automatisme, ou la prolétarisation de la consommation sans production qui nous 37condamne à la passivité41. Pour y réussir, il faut réaffirmer que les hommes ont toujours été construits par de multiples formes d’écriture : non seulement par celle de l’alphabet génétique, mais par la réécriture des habitudes du corps et du cerveau sous l’effet des objets techniques. Le défi des études digitales doit donc être de montrer que nous ne nous contentons pas de nous adapter et d’acquiescer aux environnements qui ne sont pas de notre fait. Si nous parvenions à nous placer à la bonne hauteur, il se pourrait que nous continuions à construire un destin qui irait au-delà de l’écriture des désastres. Avec la montée du niveau de la mer, l’unique alternative à la dérive génétique et au retour de la seule survie des plus aptes serait de repenser la sélection artificielle pour nager à contre-courant.
Gerald Moore
Durham University
1 Une ébauche de cet article fut exposée au colloque « General Organology » à l’université de Kent, des 20-22 novembre, 2014, où elle a profondément profité des appréciations du public, ainsi que celles de Bernard Stiegler. Bien qu’une version paraisse dans mon Artificial Selection : The Digital Age and the Rusing of Nature (à venir), tout manifeste doit être un document vivant ainsi que collaboratif et le réseau Digital Studies (digital-studies.org) invite les contributions supplémentaires en vue de le mettre à jour. Nous remercions J.-A. Gilbert pour son superbe travail méticuleux de correction linguistique. (gerald.moore@durham.ac.uk)
2 B. Stiegler, États de choc : Bêtise et savoir au xxie siècle, Paris, Mille-et-une Nuits, p. 277.
3 M. Foucault, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 13-15.
4 B. Stiegler, De la misère symbolique, 2 : La Catastrophe du sensible. Paris, Galilée, 2005, p. 216-218.
5 M. Detienne & J. Svenbro, « Les Loups au festin, ou la Cité impossible », dans M. Detienne & J.-P. Vernant, eds. La Cuisine du sacrifice en pays grec. Paris, Gallimard, 1979, p. 215-237.
6 J. Rifkin, The Third Industrial Revolution, New York, Palgrave Macmillan, 2013.
7 C. E. Doughty, A. Wolf & C. B. Field, « Biophysical feedbacks between the Pleistocene megafauna extinction and climate : The first human-induced global warming ? » Geophysical Research Letters, 37(15), 2010, p. 1.
8 Y. N. Harari, Sapiens : A Brief History of Humankind, London, Harvill Secker, 2014, p. 79.
9 Voir, par exemple, M. Sahlins, Stone Age Economics, New York, Aldine de Gruyter, 1972, p. 201-204.
10 B. Latour, Enquête sur les modes d’existence : Une anthropologie des modernes, Paris, La Découverte, 2012, p. 15, p. 136-143.
11 R. Waterfield, How Socrates Died : Dispelling the Myths, London, Faber & Faber, 2009, p. 62, p. 140-141.
12 E. A. Havelock, The Muse Learns to Write : Reflections on Orality and Literacy from Antiquity to the Present, New Haven, Yale University Press, 1986, p. 5.
13 R. Waterfield, How Socrates Died, p. 136.
14 Platon, Phèdre, 275a.
15 E.A. Havelock, The Muse Learns to Write, p. 113-115.
16 B. Stiegler, La Technique et le temps, 1 : La Faute d’Épiméthée, Galilée, Paris, 1994, p. 163-164.
17 F. Donoghue, The Last Professors : The Corporate University and the Fate of the Humanities, New York, Fordham University Press, 2008, p. 109-110.
18 J. Locke, Traité du gouvernement civil, trad. David Mazel, Paris, Garnier-Flammarion, 1999, § 27.
19 L. Boltanski & E. Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999, p. 300-303, 345 ; C. Malabou, Que faire de notre cerveau ?, Paris, Bayard, 2011, p. 109-20 ; Z. Bauman, Liquid Life, Cambridge, Polity, 2005.
20 B. Stiegler, Constituer l’Europe, 2 : le Motif européen, Paris, Galilée, 2005, p. 60.
21 À titre d’exemple, voir Nigel Lawson, An Appeal to Reason : A Cool Look at Global Warming, New York, Overlook, 2008, p. 39-46.
22 B. Stiegler, La Société automatique, 1 : L’Avenir du travail, Paris, Fayard, 2015, p. 88-91.
23 P. B. Preciado, Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique, Paris, Grasset, 2008, p. 38.
24 F. Klein, « La Question de la langue à l’époque de Google », dans Bernard Stiegler, ed, Digital Studies : Organologie des savoirs et technologies de la connaissance, Paris, FYP, 2014, p. 151.
25 AIME comme An Inquiry Into Modes of Existence, la traduction anglaise de Latour, Enquête sur les modes d’existence.
26 S. Greenfield, Mind Change : How Digital Technologies Are Leaving Their Mark on Our Brains, London, Rider, 2014, p. 13.
27 S. Greenfield, Mind Change, p. 79, 108, 271.
28 N. Klein, This Changes Everything : Capitalism vs. the Climate. New York, Simon & Schuster, 2014, p. 23.
29 B. Stiegler, Mécréance et discrédit, 3 : L’Esprit perdu du capitalisme, Paris, Galilée, 2006, p. 116.
30 K. Sterelny, The Evolved Apprentice : How Evolution Made Humans Unique, Cambridge, MIT Press, 2012, p. 65-68.
31 J. Lovelock, The Revenge of Gaia : How the Earth is Fighting Back – and How We Can Still Save Humanity, Harmondsworth, Penguin, 2006, p. 202-203.
32 J. Parikka, The Anthrobscene, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2015, p. 6.
33 E. A. Havelock, Preface to Plato, Cambridge, Belknap, 1963, p. 15.
34 Platon, La République, 607b.
35 Platon, La République, 394c-395a, 412e.
36 E. A. Havelock, The Muse Learns to Write, p. 6.
37 Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain, suivi de La Domestication de l’être. Paris, Mille-et-une Nuits, 2010, p. 61-62.
38 J. Gray, The Soul of the Marionette : A Short Enquiry into Human Freedom, Harmondsworth, Penguin, 2015, p. 108-109.
39 B. Stiegler, États de choc, 284 ; B. Gille, « Prolégomènes », Histoire des techniques, Gallimard, 1978.
40 B. Stiegler, De la misère symbolique, 2, p. 54-55.
41 B. Stiegler, De la misère symbolique, 2, p. 38, 56-57.
- Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN : 978-2-406-08531-7
- EAN : 9782406085317
- ISSN : 2497-1650
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08531-7.p.0021
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/11/2018
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français