Le texte sans auteur de Wikipédia Un acte social en mouvement
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2017 – 1, n° 3. Variations digitales et transformation du milieu - Author: Valentine (David)
- Pages: 95 to 115
- Journal: Digital Studies
Le texte sans auteur de Wikipédia
Un acte social en mouvement
Introduction
Avec l’avènement de l’accessibilité élargie à l’Internet il y a maintenant plus d’une quinzaine d’années, les systèmes de travaux collaboratifs issus du modèle des logiciels libres ont pris beaucoup d’expansion, mettant en question plusieurs aspects du système de propriété intellectuelle. Wikipédia se présente comme l’encyclopédie libre. Elle permet à tout un chacun d’en modifier librement son contenu et propose à tous de greffer leurs connaissances au produit des contributions qui s’y trouvent numériquement inscrites. De ce fait, « [l]e modèle open source du libre touche la phrase, la matière même du texte1 ». Le libre donne à ce texte sans auteur une certaine place dans le monde ; c’est le libre qui fait essentiellement de lui quelque chose qui s’approche moins de la matière première que de l’acte. La phrase se libère de sa syntaxe singulière et définitive. Elle devient flexible, et le texte insoumis, malléable : sa phrase ne se fixe pas, elle bouge, elle évolue, elle apparaît volatile dans l’univers virtuel du numérique.
Dès lors, le texte sans auteur de Wikipédia peut-il tirer parti du régime d’attribution de valeur, qui semble encore dominant, inhérent à la culture de l’imprimé ? De prime abord, il se trouve généralement peu valorisé puisqu’il n’entre pas d’emblée dans les termes de l’économie du livre. Le rapport entre l’organisation de sa textualité, étrangère à l’imprimé, et l’économie du livre, régie par des institutions telles que l’auteur et la stricte réglementation de ses droits afférents, force une mise en question 96de la valeur qualitative attribuable au texte wikipédien dans ces différents modes de rapport au texte. Si Wikipédia fait entrer le texte dans un mode d’organisation qui fait fi de l’économie du livre, peut-être le fait-elle également entrer en résonance avec une substance textuelle antérieure à l’avènement de sa marchandisation. Et si ces types de textualité se valent en certains points, on se demande alors s’il faut l’imaginer comme un modèle d’un texte à venir en même temps qu’un texte à revenir.
Afin d’explorer plus avant ces questions, on se basera sur une approche qui s’inscrit dans la lignée des thèses de l’école américaine de l’hypertexte. En partant de Landow2, pour qui l’hypertexte fait écho aux théories du courant post-stucturaliste concernant la question de l’auteur, on rapprochera le texte wikipédien des théories de Foucault et de Barthes afin de questionner le rapport entre l’auteur et ce texte. Ensuite, Bolter3, qui avance l’idée que se côtoient l’ancien et le nouveau dans l’écriture numérique, fournit un cadre théorique qui permettra d’aller du texte numérique vers des formes de textualités prémodernes, et de les comparer avec le régime d’attribution de la valeur qui s’immisce entre les deux.
L’auteur vs le contributeur :
quels effets sur le texte ?
Lorsque l’on parle du texte, qu’il se destine à l’impression ou au numérique, on fonde généralement sa valeur qualitative sur l’auteur. Si l’on parle du texte de Wikipédia, on ne lui reconnaît bien entendu pas d’auteur au sens d’un individu qui écrit un texte. Il n’a pas d’auteur, même si on le pense souvent dans un rapport à la fonction de l’auteur. Il s’agit en quelque sorte d’un réceptacle de la valeur qui se trouve à faire défaut. Il va sans dire que le type de rapport à l’imprimé que l’on entretient par des habitudes de nature culturelle tend encore à exercer une pression sur le texte même médiatisé autrement.
97Suivant cette piste, ce que Foucault décrivait comme la fonction-auteur intervient donc toujours dans l’espace numérique, d’autant plus que Wikipédia s’insère dans une dimension discursive qui sous-tend un rapport disjonctif entre son texte et la figure de l’auteur. En fait, cette fonction élève l’auteur à plus qu’un simple individu, nom propre, ou même figure. Force est de constater qu’elle occupe toujours une importante place dans l’économie du texte4 :
Le nom d’auteur ne va pas comme le nom propre de l’intérieur d’un discours à l’individu réel et extérieur qui l’a produit, mais qu’il court, en quelque sorte, à la limite des textes, qu’il les découpe, qu’il en suit les arêtes, qu’il en manifeste le mode d’être ou, du moins, qu’il le caractérise. Il manifeste l’événement d’un certain ensemble de discours, et il se réfère au statut de ce discours à l’intérieur d’une société et à l’intérieur d’une culture. Le nom d’auteur n’est pas situé dans l’état civil des hommes, il n’est pas non plus situé dans la fiction de l’œuvre, il est situé dans la rupture qui instaure un certain groupe de discours et son mode d’être singulier5.
C’est l’institution, entre l’auteur et le texte, d’une série de rapports discursifs qui définissent notamment le statut et la qualité du texte, le lieu où celui-ci trouve sa pertinence et l’auteur sa crédibilité. Par conséquent, la fonction-auteur s’immisce incidemment dans la façon dont on attribue de la valeur à la substance textuelle et c’est là que font surface les premières tensions entre le texte wikipédien et un système d’attribution de valeur qui s’appuie largement sur l’auteur en tant qu’institution, sans égards aux qualités intrinsèques du texte. Dans cette perspective, l’essence qualitative du texte pourrait n’en tenir principalement qu’à la crédibilité de l’auteur. La question de l’attribution, la possibilité de critiquer, les questions de droit et d’argent, etc. sont toutes des notions qui s’appuient fortement sur la fonction-auteur, en ce qu’elle médiatise le rapport entre ces notions et le texte. Telle que décrite par Foucault, celle-ci induit « l’unité première, solide et fondamentale, qui est celle de l’auteur et de l’œuvre6 », cette unité 98discursive donc, une conception inexorablement mise en question dans l’univers numérique.
Si l’unité ainsi formée n’apparaît plus de la manière immuable dont l’économie du livre invite généralement à la penser, aussi ne faut-il pas conclure immédiatement à l’absence de l’auteur et du rôle qu’il exerce dans le discours. Bien que Wikipédia ne soit assimilable à un individu, il est encore un nom propre7 qui peut véhiculer la fonction de l’auteur. Or, avec la modernité, le nom de l’auteur est devenu le signe reconnaissable d’un quelconque standard de qualité, voire une marque ou encore un logotype8. Ce nom permet de positionner l’encyclopédie libre par rapport à d’autres œuvres, d’en caractériser son texte, de se prononcer sur ses qualités, de le classer, etc. de la même façon que la fonction-auteur. Il subsiste donc quelque chose que l’on ne saurait nommer auteur, mais que les pratiques discursives tendent tout de même à vouloir toucher, et à vouloir laminer avec son fardeau. C’est à travers cette insuffisance que la valeur du texte tend d’abord et avant tout à se manifester en discrédit et d’où émerge un phénomène encore récurrent : Wikipédia se trouve dans les références de première ligne, instantanément accessible, mais qu’il faut bien se garder de citer, voire de nommer dans certains contextes.
La fonction-auteur se trouve en quelque sorte diluée, scindée et déplacée, quoiqu’elle ne soit pas complètement inopérante. Dans la même mouvance, l’utilisateur de Wikipédia, que ce soit à titre de lecteur, de rédacteur, ou encore les deux à la fois, est lui aussi appelé à occuper de nouvelles positions dans l’économie du texte : il est appelé à agir directement sur le texte. En ce sens, « […] l’utopie de Wikipédia serait de faire disparaître la distinction entre lecteur et auteur9 », utopie que réalisent d’une certaine manière les contributeurs. Les vecteurs traditionnels (auteur, éditeur, lecteur) ne sont plus simplement les maillons de la chaîne de la production textuelle : ils forment un tout qui n’a pas de place bien définie selon la conception moderne du texte :
There is a persisting dialogue between the users as they assume the various roles of reader, writer, and editor, which forces the actual wiki writing process into the loose category of “discursive practice”, as put forth by Foucault. The collaborative and iterative aspect 99of wikis serves, then, to magnify this idea and gives the process its inherent strength, as well as its inherent weakness in regard to traditional definitions of authority10.
« Il y a un dialogue persistant entre les utilisateurs lorsqu’ils assument les différents rôles de lecteur, d’écrivain et d’éditeur, ce qui introduit en réalité le processus d’écriture wiki actuel dans la catégorie libre de “pratique discursive”, comme le propose Foucault. L’aspect collaboratif et itératif des wikis sert ainsi à souligner cette idée et donne au processus sa force inhérente, ainsi que sa faiblesse inhérente en ce qui concerne les définitions traditionnelles de l’autorité. »
L’utilisateur incarne la totalité de la production textuelle, la chaîne auteur-éditeur-lecteur à lui seul11. Par conséquent, ces vecteurs, que les pratiques discursives cherchent encore vainement à restituer, ne peuvent plus constituer les réceptacles traditionnels se combinant normalement dans l’attribution de la valeur, d’où la faiblesse attribuée, dans cet espace discursif, à ce processus de production textuelle. Ray et Graeff avancent que c’est là où le génie de l’auteur se subordonne à une puissance que canalise la communauté de ces très puissants utilisateurs12. Il devient par conséquent difficile d’accorder une crédibilité à un auteur puisque sa position tend à s’effacer au profit d’une économie textuelle non reconnue dans l’économie du livre, voire même la dépassant carrément. On peut en effet dire que la convergence de ces rôles redonne au contributeur un pouvoir qui est, depuis l’avènement du système d’attribution focalisé sur l’individu, disproportionnellement disloqué et largement centralisé vers l’éditeur. D’une part, cet utilisateur ne porte plus le fardeau individuel de la filiation ; il ne peut ni être coupable d’un texte, ni en être le génie. D’autre part, la convergence des rôles auteur-éditeur-lecteur lui confère l’opportunité de modeler le texte, mais aussi de le surveiller : la possibilité de le modifier, le corriger, l’améliorer, de juger, etc. en fonction de critères 100donnés représente une critique très concrète qui demeure depuis longtemps et dans une large mesure inaccessible.
Dans ces conditions, il s’avère impertinent de considérer l’auteur tel qu’on le connaît avec l’économie du livre. Il disparaît au profit d’un corps social doté de nouveaux pouvoirs, de sorte que le texte wikipédien n’accepte plus les valeurs qu’impose traditionnellement l’économie du livre, tout en se dirigeant vers une destination que ne connaissent pas les diverses occurrences cette économie.
De la marchandise à l’acte social
Le modèle de collaboration mis de l’avant par Wikipédia défie bien sûr l’auteur. Il met à contribution tout un ensemble de pratiques qui le disqualifie, substitué par le contributeur, et qui par là même exerce une influence directe sur le texte et sur le type de valeur qu’il pourrait se voir attribuer. Si celui-ci se retrouve le premier concerné, en tant que matériau subissant les torsions tangibles de ces pratiques, d’autres interventions sont à noter en ce qui concerne les effets de celles-ci sur ce que l’on considérera maintenant comme le statut du texte.
Les pratiques wikipédiennes de production textuelle n’engendrent évidemment pas seulement qu’une mise en question de l’auteur. L’œuvre a elle aussi tendance à s’effacer dans la mesure du paradigme moderne selon lequel « [l]’auteur est réputé le père et le propriétaire de son œuvre13 ». Sans cette paternité, il n’y a donc pas d’œuvre – ou au moins, la relation auteur/œuvre disparaît – si l’on reconnaît l’unité qu’ils forment dans l’économie du livre, ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il n’y ait plus de matériau. Au contraire, ce qui reste, le texte, « lui, se lit sans l’inscription du Père14 » dès lors que cesse le joug de l’œuvre moderne. En ce sens, le texte wikipédien se distingue à bien des égards de ce que l’on a pu connaître depuis l’avènement de la production massive de l’écrit. Beaucoup des caractéristiques du texte 101qu’engendre l’économie du livre disparaissent pour laisser place à un artefact qui trouve à première vue une nouvelle destination, mais qui du même coup a préalablement emprunté un passage similaire dans l’histoire du texte. En outre, comme pour la question de la disparition de l’auteur, sa valeur se transforme avec l’évolution de son statut, ou si l’on veut, de son ethos textuel propre.
À cet effet, on se demande d’abord que fait exactement l’utilisateur de Wikipédia lorsqu’il publie dans cette encyclopédie. Qu’incarne au juste le produit de cet acte, ce texte sans auteur ? Une considération importante se situe justement au niveau de la destination de ce texte. Tout comme plusieurs autres textualités numériques, il n’est évidemment pas composé pour être imprimé dans un livre. Il y a là quelque chose de trivial, certes, mais en l’occurrence très important en regard du fait que ce texte, dès qu’il se doit d’être publié, cesse d’être la matière première dans la confection d’un bien et ne se destine donc plus d’emblée à la marchandisation, contrairement à ce qu’il lui a progressivement été imposé depuis l’avènement de l’imprimé. Avant cela, c’est-à-dire en amont de la diffusion conséquemment accélérée du texte, celui-ci ne valait que pour ce qu’il pouvait faire :
[I]n the early modern period it was usual to think of a text as an action, not as a thing. […] Thinking of texts as actions, valuing them for what they could do, was commensurate with the regulatory system in which censorship and the privileges of bookseller were conflated, just as, later, treating texts as aesthetic objects was commensurate with a system of cultural production and regulation based on property15.
« Au début de la période moderne, il était d’usage de considérer un texte comme une action et non comme une chose. (…) Penser les textes comme des actions, les valoriser pour ce qu’ils pouvaient faire, correspondait au système réglementaire dans lequel la censure et les privilèges du libraire étaient confondus, tout comme, plus tard, traiter les textes comme des objets esthétiques correspondait à un système de production culturelle et de réglementation fondée sur la propriété. »
Il s’agit d’un point de vue qui rejoint celui de Foucault pour qui « [l]e discours, dans notre culture (et dans bien d’autres sans doute), n’était pas, à l’origine, un produit, une chose, un bien ; c’était essentiellement un acte […]. Il a été historiquement un geste chargé de risque avant 102d’être pris dans un circuit de propriétés16 ». Certes, toutes les questions du risque et de la censure liés au contenu textuel ne sont plus un enjeu du même ordre. Mais ce qu’il faut souligner, c’est le « geste », l’acte qui accepte une charge qui s’inscrivait d’abord et avant tout dans le champ socio-politique, avant que l’économie ne se sépare définitivement de la sphère sociale, ce qui mena à la domination de celle-ci par les marchés, comme le soutient Polanyi17, et à ce monde où tout devient marchandise d’une manière ou d’une autre.
Quant au texte wikipédien, puisqu’il s’organise maintenant à l’extérieur d’un système de production de biens basé sur la propriété et dont les produits se destinent au marché, il s’extrait à son tour de l’économie du livre18. Il est engagé dans une économie autonome du texte où Wikipédia est « une sorte de marché permanent du savoir dans lequel offre et demande (entrées et sorties) s’autorégulent19 », et dont la valeur n’est à aucun stade de la production quantitativement (en termes d’argent) exprimable. D’un autre côté, si Wikipedia ne peut directement s’insérer dans des formes d’économies plus traditionnelles, la manière dont elle s’insère dans le monde numérique dépend certainement du niveau d’attention qu’elle peut s’accaparer20. À ce titre, toute la question de l’économie de l’attention fonde le lieu d’un autre déterminant complexe de la valeur, qui s’exprime donc en termes de l’attention qui est portée au texte wikipédien. Cette économie vient encore marquer d’importants changements quant au régime d’attribution de valeur21. 103Au moins, en ce qui concerne l’économie textuelle propre de Wikipédia, le texte retrouve un statut prédominant d’acte de nature sociale, auquel se subordonne une production pour le moins autarcique, comme ce pour quoi le texte a apparemment valu, du moins, jusqu’à Gutenberg, avant de s’atténuer progressivement avec l’avènement de la modernité.
On est donc en face d’un texte qui apparaît ainsi construit en fonction de ce qu’il peut faire, duquel on peut dégager quelques traits. Entre autres caractéristiques, le contributeur met à disposition de tous des connaissances que le texte permet librement de transmettre et de partager sans avoir à se soumettre au long processus de publication et à ce statut de marchandise. Il est aussi un acte qui exige une implication sociale : le partage et la coopération entre les membres d’une communauté qui s’adresse au monde dans des dizaines de langues. Il s’agit de l’ouverture propre à la culture du libre, « […] un choix humain, qui est à la fois idéologique, éthique, politique et personnel22 ». C’est donc une charge que porte le texte wikipédien et qui en altère indéniablement sa valeur. Le texte prend ici le chemin inverse de ce que l’on a pu constater lors du passage progressif à l’époque dite moderne : du statut de matière première qu’il est devenu, impératif de l’investissement en capital nécessaire à la production du livre, il passe au statut d’acte social, s’extrayant de ces impératifs capitalistes23.
Autrement dit, la valeur du texte, dont la possibilité d’une expression quantitative est considérablement compliquée, se retrouve canalisée dans l’acte. Mais entre l’auteur, l’œuvre et la marchandise, ce texte fait-il le poids dans le régime d’attribution de valeur encore largement inhérent à une économie du livre qui cherche toujours à maintenir – non pas 104sans quelques difficultés et contestations – sa dominance par tous les moyens ? Dans un tel système, eu égard à ce qui précède, il paraît pour le moins incohérent que cela puisse effectivement s’avérer, sans oublier que le modus operandi de Wikipédia autorise par ailleurs un texte instable et mouvant, ce qui viendra encore complexifier l’équation de l’attribution de la valeur du texte. Que vaut donc dans ce système un matériau qui jamais n’est définitivement fixé ? Sans auteur puis enraciné dans un agir qui fonde sa potentialité récurrente, sa créance n’exige « aucun respect vital » de ce que Barthes nomme le « Texte » avec un grand T. « Il [le Texte] peut être cassé », dit-il, tout comme ce que l’on faisait subir à des textes aussi fondamentaux que l’Écriture sainte et Aristote à l’époque médiévale24. Seulement, ce genre de cassure est évidemment amplifié de manière quasi exponentielle par le numérique qui permet notamment la possibilité de la composition différée en temps réel avec un minimum de ressources nécessaires, pour le contributeur, entre la rédaction et la publication du texte. En convergence avec le numérique, les conditions de la mouvance du texte wikipédien sont donc ici réunies.
Mouvement et instant
Le texte wikipédien se trouve ainsi déjà libre de plusieurs contraintes formelles ayant pu façonner les textes tels qu’on les conçoit généralement à travers l’imprimé. Ces textes, de par leur caractère marchandisable, et dans la mesure où on leur oppose l’acte25, appellent plus souvent qu’autrement un objet quelque peu fixe et stable qui, une fois composé, édité et donc terminé, sera massivement reproduit. Wikipédia, quant à elle, permet un matériau qui s’engendre lui-même de sa propre substance, mû par un mouvement potentiellement perpétuel. Voilà qui n’est pas sans rappeler la relation au texte que l’on eût pu entretenir avant l’imprimerie. Un tel matériau pointe vers les caractéristiques d’un texte 105qui, tout comme lui, était étranger à l’économie du livre moderne et au système d’attribution de valeur en découlant.
Cette idée s’illustre d’emblée chez certains commentateurs qui, en parlant de Wikipédia, établissent le pont vers d’anciens supports textuels : « reading Wikipedia is a media literacy exercise. You need to acquire new skill-sets to parse out the palimpsest. That’s what makes [it] genuinely novel26 ». Par l’image du palimpseste, ce que Doctorow souligne ici, c’est qu’il ne se donne plus qu’à lire un simple texte, mais plutôt que ce simple texte (celui qui se présente en un temps donné) recouvre tous les autres textes ayant été inscrits en cet endroit. Il faut donc voir, peut-être avant tout, ce qui fut inscrit dans cette matière virtuelle pour en comprendre le fondement. Elle se trouve marquée d’un important ensemble de mouvements, et l’article prétendument encyclopédique n’est bien sûr que la pointe flottant à la surface de ces mouvements. C’est un rapport pour ainsi dire indexical, qui pointe ou qui montre, que l’on entrevoit entre le mouvement et la surface qui ne constitue finalement que ce qui se donne à lire en un moment précis. Ceci suggère que le texte est alimenté par une dynamique sous-jacente qui en est partie intégrante, n’ayant de petit que la superficialité que constitue l’agencement de mots qui se présente sous la forme spécifique que propose Wikipédia. À cet effet, la métaphore avancée par Doctorow n’est évidemment pas dénuée de sens : une série de textes successifs ont été inscrits avant ce qui se donne à lire maintenant. Ainsi, non seulement voit-on poindre le caractère et le mode de fonctionnement de procédés anciens, mais c’est de surcroît – et surtout – l’accessibilité à son antériorité, à l’ancienneté de sa propre substance, qui réunit les conditions de la possibilité et de la nature du texte wikipédien. Finalement plus qu’un palimpseste, le texte est transparent ; nul besoin de recourir à quelconque expertise pour en faire apparaître les occurrences passées : il est immédiatement et très simplement accessible. Il suffit pour cela de l’index qui se pose sur le bouton gauche, motivé par une sensibilité minimale à l’ouverture du texte ; une opération élémentaire pratiquement impossible si l’on considère le texte comme un objet fermé, avec son auteur et sa structure immuable.
106Dans le même registre, il est encore possible de voir dans ce processus un retour vers une textualité prémoderne. Comme Zumthor l’explique, la chanson de geste, par exemple, fut constamment adaptée au goût du jour par des chansonniers qui s’influençaient les uns les autres. « L’incomplétude virtuelle », telle que décrite par Zumthor, est le caractère mouvant du texte médiéval, et plus particulièrement le fait de sa dépendance à celui qui en fait usage, de sorte que « [l’]“œuvre” flotte, s’entoure moins de frontières que d’un halo où se produisent d’incessantes mutations27 ». Il convient de considérer comment Wikipédia circonscrit son texte en vertu de plusieurs règles stylistiques appliquées plus ou moins rigoureusement, mais toujours est-il qu’il n’est jamais terminé, sa composition finale ne pouvant qu’être indéfiniment différée. Il reste toujours possible, pour qui que ce soit, de le modifier, d’ajouter ou d’enlever des passages et de publier en temps réel ces actes. Ce texte demeure alors constamment incomplet, sans oublier que le côté virtuel du terme, cette épithète connotant bien souvent le caractère dit immatériel du contenu numérique, ne pourrait lui être totalement étranger même si l’on parle bien d’une inscription physique. Ce que l’on dénote ici relève plutôt d’« un principe de mouvement conduisant à la production de quelque chose de nouveau », cette conception aristotélicienne du mot virtualis issu du Moyen Âge28, qui n’a de prime abord rien à voir avec l’immatérialité, et à laquelle se réfèrent le texte médiéval tout comme le texte wikipédien. Il ne faut pas oublier d’ajouter à cela les quelques observations précédentes selon lesquelles personne ne le possède ; il est en outre, comme on le sait, insoumis à l’auteur ; il n’est diffusé que pour ce qu’il peut faire et tous peuvent éventuellement s’en servir et agir sur lui, à l’instar du texte médiéval, allant progressivement jusqu’à l’accomplissement de la modernité.
L’incomplétude virtuelle n’est pas seulement qu’une manière de nommer le caractère mouvant d’un texte. Elle contribue grandement à l’idée qu’il ne se donne pas à lire qu’un simple texte et permet d’aller, encore une fois, au-delà de l’image du palimpseste qui au fond exige d’abord l’effacement préalable à l’établissement d’un nouveau texte. Qui plus est, la différence se situe en ce que l’antériorité immédiate de la partie visible du texte se retrouve matérialisée sur Wikipédia, ce qui, contrairement à l’objet fermé de la culture de l’imprimé, pourrait 107pourtant être partie du fondement d’une valeur pertinente en ce qui concerne le contrôle de la qualité intrinsèque du texte. C’est un élément permettant une vérification et une validation potentiellement sévères, constantes, sinon perpétuelles et décentralisées du texte en fonction des critères donnés par Wikipédia. Autrement dit, le texte est transparent ; on peut toujours voir ce qui se trouve sous cette surface transitoire, et rien ne demeure caché. L’agencement qui se présente au destinataire, donc, qu’il soit médiéval ou wikipédien, n’efface rien de son antériorité.
Alors que le texte imprimé est une réalité unique, achevée dès sa première impression, l’œuvre médiévale se compose […] de l’ensemble des manuscrits et inclut toutes les variantes et variations : elle est la somme de chaque énoncé écrit et se manifeste par la multiplicité des versions qui la fondent ; elle ne doit pas être une leçon élue parmi d’autres, mais la totalité des versions qu’elle contient en filigrane29.
De même, l’article wikipédien est la plupart du temps le résultat d’une série de modifications textuelles qui sont induites par une incomplétude, par la possibilité que l’article puisse potentiellement et constamment être modifié et amélioré. Le texte est en première analyse ce moment précis marqué de chacune de ces transformations et sa lisibilité immédiate au sein de l’article encyclopédique « n’est rien plus qu’un artefact temporaire, quasi-éphémère30 ». Les traces de ces changements sont donc là, sous les yeux du lecteur comme « en filigrane », confondues en une seule couche superficielle et empilées par strates qu’il est possible, dans cet espace du numérique, de restituer une à la fois à n’importe quel moment grâce à l’historique des versions de l’article. Et de même qu’il faut mettre en mouvement le filigrane dans le papier pour en saisir l’intégralité de ses nuances, c’est dans le mouvement qu’apparaît l’essence de l’édifice et du caractère de la textualité wikipédienne.
Ces conditions de mouvements ainsi décrites nous obligent à considérer cette surface visible comme n’étant pas le texte lui-même, mais plutôt une partie d’un tout. On y lit ainsi que sa périphérie ; non pas ce qu’il y a tout autour de l’entité textuelle, mais la manifestation des limites même du texte, c’est-à-dire ce qui se trouve autour du noyau sans en être une 108entité distincte. Entre cette couche textuelle périphérique – disons cette péritextualité31 ou encore couche péritextuelle – et le flot des versions d’un article, en tant qu’une série de ces moments précis qui prennent place les uns à la suite des autres dans la construction de l’historique, se dessine une relation singulière : il s’agit de la relation du texte avec lui-même, ainsi illustrée par le filigrane. Cette propriété ne peut faire de chaque occurrence qui le compose « l’entre-texte d’un autre texte32 », comme le dit Barthes, en référence à l’intertextuel dans son sens élargi, mais bien l’entre-texte de son propre texte, alors que la version téléchargée à l’écran d’un article homogénéise dans chacun de ces instants la substance hétérogène qui se découvre sous la surface. De la même façon, chacune de ces occurrences est également l’homogénéisation de l’hétérogène que forment les occurrences qu’elle recouvre. On infère de cette manière la dynamique du mouvement qui sous-tend cette péritextualité, elle-même témoignant du mouvement des itérations qui la fonde.
Ceci nous amène vers la transtextualité de ce texte, vers « tout ce qui le met en relation, manifeste ou secrète, avec d’autres textes33 ». Il faut y inclure non seulement ce qui établit ces relations (chose à laquelle on ne s’intéresse pas directement ici), mais aussi ce qui le met en relation avec lui-même dans la mesure où chaque version d’un article peut bien sûr être comprise comme une unité textuelle dans la structure du modèle wiki. Il existe donc sur Wikipédia, comme on a voulu le suggérer précédemment, des relations transtextuelles au niveau intratextuel. Ce qu’il faut souligner, c’est que le mouvement que l’on observe ne se manifeste pas que dans la linéarité du texte ; il va aussi du bas vers le haut, des couches hétérogènes vers l’homogène. Ainsi, le préfixe trans, connotant à la fois l’idée de passer de l’un à l’autre et de passer à travers, sous-tend le caractère fusionnel de chaque strate du textuel wikipédien, qu’illustre encore l’idée du filigrane dont les fils doivent s’entrelacer afin de laisser transparaître les motifs, comme l’entrelacement des versions laisse transparaître le mouvement dans lequel se fonde le texte. Comme Barthes l’a si fréquemment souligné, les liaisons étymologiques du texte et du tissu (textus), dont le fil conducteur ou le fil de soie en composent 109respectivement l’essentiel, réactualisent une autre fois leur pertinence. Seulement, il ne se tisse non plus comme une simple étoffe, mais comme un textile multicouche dont les mailles forment un texte qui, tout bien considéré, s’étire plus longuement sur l’épaisseur qu’en longueur ou en largeur. Il est en effet fortement limité dans sa linéarité, de par la forme prétendument encyclopédique manifestement revendiquée, par rapport à un axe vertical qui tend vers l’infini.
On retient jusqu’ici que le mouvement s’effectue sur deux plans. À la surface il y a celui qui est linéaire, c’est-à-dire au niveau de la phrase : celui des mots et des syntagmes qui s’ajoutent et se retirent, des paragraphes qui s’allongent, apparaissent ou disparaissent au contact immédiat et constant du contributeur et du texte. Après lui, celui de la superposition, qui ne se laisse voir qu’à travers la fusion des combinaisons syntagmatiques, produit d’une telle superposition. Deux propriétés articulées d’un mouvement qui découle des travaux de type collaboratif ouvert, le tout définitivement favorisé et véhiculé par le numérique, dont le texte wikipédien en porte tous les traits distinctifs : « sa facilité de circulation, son ouverture, le fait qu’il soit facilement modifiable, réutilisable, qu’il permette des objets multimédias, etc.34 ». Tous des traits qui, avec le mouvement, apparaissent dans le texte wikipédien et qui contribuent à complexifier problème de l’attribution de la valeur dans un espace discursif tel que celui de l’économie du livre, au même titre que le statut fuyant de l’auteur et la démarchandisation du texte.
La dynamique de ce profond et constant mouvement, comme le soulignent Ray et Graeff, est également « ce qui rend problématique le fait de citer de Wikipédia35 ». Que pourrait donc être la valeur d’un texte que l’on ne pourrait citer ? Certainement pas scientifique ou académique, alors que d’obscurs sites Web se contentent régulièrement de le plagier. De son côté, Wikipédia tolère très mal les relations intertextuelles (au sens de Genette) que l’on pourrait dire secrètes ou implicites, comme en témoignent tous les bandeaux et avertissements qui l’ornent, réclamant la clarification de ces relations. En revanche, Nora Miller36 a souligné quant à elle que le wikipédiste comprend 110l’importance de la contribution de tous les penseurs, lecteurs et écrivains avant lui : « [i]t embraces the process nature of reading and writing, preferring the constantly-evolving-but-never-finishing to the static and rapidly obsolescing “product”37 ». Pour le contributeur, c’est pourtant bien le lieu d’une valeur essentielle du texte. On comprend de fait que des tensions resurgissent entre deux modes de rapport au texte qui se chevauchent, et que Wikipédia, avec son texte sans auteur et non marchandisable, en plus des effets de l’intense synergie qui sous-tend le mouvement de ce texte, n’intègre pas cette conception d’un texte stable et fini qui trouve sa valeur à la fois dans l’autorité de l’auteur et dans son statut de marchandise, deux pans de la modernité résolument incompatibles avec la constance du mouvement textuel wikipédien.
Une valeur relocalisée
Au risque de se répéter, revoici donc les caractéristiques de ce texte que l’on a mises en lumière jusqu’ici : d’une part, les pratiques de rédaction wikipédiennes engendrent un texte sans auteur, et d’autre part, elles donnent lieu à un texte se positionnant comme un acte qui s’affranchit de la marchandisation, dont l’action est déterminée par tous et destinée à tous. De là découle un texte en constante évolution et rend improbable la fixation nécessaire à son exploitation dans une perspective moderniste. En somme, c’est une production textuelle qui porte les marques d’un objet que ni l’économie du livre et ses institutions, ni les restants de la modernité ne peuvent assimiler, tout comme le texte antérieur à l’imprimé – et donc antérieur à l’économie du livre moderne – l’était nécessairement. Paradoxalement, ce que créait l’absence de la technologie est aujourd’hui possible grâce à elle38. C’est bien sûr cette position atypique qui soulève la question de la valeur de ce texte.
111Le textuel wikipédien ne peut donc plus être pensé par et à travers le paradigme du texte moderne, celui qui est au cœur de l’économie du livre. Il ne saurait être un syntagme qui s’insérerait dans quelconques histoires du monde occidental, par exemple. Le mouvement de ce texte ne peut supporter les significations apparemment définitives mais ultimement contingentes que devraient générer de tels syntagmes au sein des différentes structures de sens. La modernité nécessitait à peu de chose près des textes fixés qui pouvaient supporter le poids des constructions historiques, mais aussi la plate-forme économique qui s’alimente du texte en tant que matière première, comme marchandise. Dans ce paradigme, il s’agit d’un texte sans doute inutilisable, et à cet égard sans grande valeur. Le faire de l’acte ne se trouve plus que dans le bénéfice de ceux qui en font immédiatement usage sans que l’on puisse encore aujourd’hui affirmer la place de ce genre de texte, ni dans la distance historique, ni dans l’économie de marché. Dans ces termes, sans doute ne le pourra-t-on jamais de manière satisfaisante. Les effets sur le texte de l’avènement progressif de la modernité s’estompent : le passage du texte au service de l’économie du livre moderne vers le texte numérique tel qu’il se manifeste à travers L’encyclopédie libre opère des effets inverses : la marchandise ne redevient qu’acte, la fixité cède la place au mouvement et le syntagme n’obéit plus à la syntaxe des histoires modernes.
Sur la question de son statut, l’enjeu est tout à fait similaire. Sans auteur et non marchandisable, l’acte social qui subsiste, s’inscrivant dans l’espace numérique – une matière virtuelle – ne peut assimiler la crédibilité de l’auteur ni se voir attribuer de valeur monétaire. Il trouve sa valeur en ce qu’il peut encore faire, dans un rapport direct avec l’utilisateur, avant qu’en ce qu’il peut cette fois-ci être ou rapporter, d’autant plus que d’un jour à l’autre, il est assujetti à ces changements potentiellement considérables. La possibilité de qualifier sérieusement un tel acte social dans les discours contemporains semble toujours relayée à l’arrière-plan, comme s’il n’était en quelque sorte qu’un corrélat indésirable d’une production littéraire accaparée par l’auteur et l’articulation de l’ordre syntagmatique des histoires modernes avec la capitalisation du texte en tant que matière première. À cet effet, dans son ouvrage L’argent dans la culture moderne, Georg Simmel remarque que ce genre de perte « tient au recouvrement progressif des valeurs 112qualitatives par une valeur purement quantitative, par l’intérêt formulé strictement en termes de plus ou de moins – alors même que seules les premières satisfont nos besoins de façon définitive39 ». Il est indéniable que depuis l’époque moderne, la marchandisation du texte provoque ce genre de recouvrement progressif. Mais qu’arrive-t-il lorsque la quantité ne recouvre plus la qualité ? C’est une chose que l’on a tenté de toucher en explorant de quelle façon les acteurs de l’économie du livre, dont les rôles sont redéfinis dans une économie du texte, ne répondent plus à la marchandisation du texte. Le cas Wikipédia montre que ceci donne lieu à une textualité d’ascendance résolument multiple, s’extrayant du paradigme du texte moderne, rencontrant par là même des caractéristiques prémodernes du texte, et qu’en ce sens elle apparaît comme un type de texte à re-venir, de sorte que sa valeur se trouve complètement relocalisée.
Cette valeur, en terminant, réside essentiellement sur le terme ouvert. Les logiciels libres ont grandement contribué à la remise en question de la propriété intellectuelle et du droit individuel – individu incluant bien sûr la personne morale – tels qu’ils sont encore constamment revendiqués. Dans le même ordre d’idées, l’open source, ce mode de développement des logiciels préconisant la réutilisation du code source ouvert, semble avoir inspiré les méthodes de travaux collaboratifs de Wikipédia. Eric S. Raymond, dans The Cathedral and the Bazaar, décrit l’open source en comparant deux modes de développement : celui des logiciels à code source ouvert, qu’il compare à un bazar de par sa latitude et son ouverture, et celui des logiciels à code source fermé, qu’il compare à l’inflexibilité de l’organisation d’une cathédrale. Voilà qui n’est pas étranger au point de vue de Miller, citée plus haut40. Avec les Wikipédia de notre ère, le texte, par analogie au code source, est désormais à cheval entre deux mondes : soit il prend place dans un grand bazar, au sein d’une nouvelle économie du texte ; soit il demeure strictement circonscrit, telle la rigidité du fonctionnement d’une cathédrale, dans l’économie du livre qui tend à absorber l’encyclopédie comme les autres formes de la diffusion imprimée du savoir. Raymond écrivait ceci : « Good programmers know 113what to write. Great ones know what to rewrite (and reuse)41 ». Le code source est à l’open source ce que le texte est à L’encyclopédie libre. Voilà quelques mots qui pointent vers l’ampleur du phénomène.
David Valentine
Université de Montréal42
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1 J. A. Gilbert, « Wikipédia, une encyclopédie sans autorité ? », in Gosselin, Sophie et Cormerais, Franck, dir., Poétique(s) du numérique, Montpellier, Entretemps, 2008, p. 60.
2 George Landow, George P., Hypertext : the convergence of contemporary critical theory and technology, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1992.
3 J. David, Bolter, Writing space : computers, hypertext, and the remediation of print, Mahwah, N. J, Lawrence Erlbaum Associates, 2001.
4 Par économie du texte, on entend la façon dont se dynamisent entre eux les différents éléments permettant la diffusion du texte en tant que champ qui s’autonomise de l’économie du livre. On comprend tout ce qui exerce une influence sur ce texte, y compris d’autres textes, du moment de sa création à sa diffusion.
5 Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », in Dits et écrits : 1954-1988 Volume 1, Paris, Gallimard, 1994, p. 798.
6 Ibid., p. 792.
7 Cf. http://fr.wiktionary.org/wiki/Wikipédia
8 Mark Rose, Authors and owners : the invention of copyright, Cambridge, Harvard University Press, 1993, p. 1.
9 J. A. Gilbert, « Wikipédia, une encyclopédie sans autorité ? », p. 60.
10 Ray, Amit et Graeff, Erhardt, « Reviewing the Author-Function in the Age of Wikipedia », in Eisner, Caroline et Vicinus, Martha, dir., Originality, imitation, and plagiarism : teaching writing in the digital age, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2008, p. 44.
11 La production textuelle ainsi décrite est pensée dans son rapport à l’économie du livre. Toutefois, d’autres importantes variables interviennent directement sur le texte, notamment les modifications automatiques programmées via les quelques dizaines de bots (Wikipédia francophone). De telles contributions éloignent encore le texte et l’auteur. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/WP:BOT
12 Ray et Graeff, « Reviewing the Author-Function in the Age of Wikipedia », p. 45.
13 Roland Barthes, Le bruissement de la langue : essais critiques IV, Paris, Seuil, 1984, p. 74.
14 Ibid.
15 Mark Rose, Authors and owners, p. 13.
16 Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », p. 799.
17 Karl Polanyi, La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 2007.
18 Le contenu de Wikipédia est protégé par la licence de documentation libre GNU (GFDL) et peut être réutilisé selon les termes de la licence Creative Commons Paternité – Partage des Conditions Initiales à l’Identique 3.0 non transposé (CC-BY-SA 3.0 Unported). Ces licences sont une composante essentielle du projet encyclopédique en ce qu’elles permettent de « librement » modifier, réutiliser et diffuser le contenu, ce qui en caractérise en partie le texte. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/WP:CR
19 J.A. Gilbert, « Wikipédia, une encyclopédie sans autorité ? », p. 64.
20 Dans le contexte de la surabondance des contenus. Sur la question de la mesure de ce niveau d’attention, cf. Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Paris, Éditions du Seuil, 2014.
21 En plus de la manière dont Wikipédia se trouve positionnée dans l’Internet, elle-même, par ses propres stratégies attentionnelles, dont les licences en constituent un élément essentiel, exprime un « déplacement de la valeur, des contenus vers l’information sur les contenus, de la consommation individuelle des contenus vers les pratiques sociales de contenus […]. [L]es publics, en fonction de leur contribution, apportent au service ou à la plate-forme un certain nombre d’éléments susceptibles d’être valorisés : la lecture, l’indexation, le commentaire, la prescription, mais surtout la mise à disposition de contenus, le développement de logiciels, etc. » Chantepie, Philippe, « Web 2.0 : les économies de l’attention et l’insaisissable internaute-hypertexte », Esprit, no. 3, 2009, p. 115.
22 Philippe Coutant, « Réseaux collaboratifs : transformation des pratiques militantes et processus de subjectivation », in Gosselin, Sophie et Cormerais, Franck, dir., Poétique(s) du numérique, Montpellier, Entretemps, 2008, p. 71.
23 Pour Wikipédia, il n’y a pas de possibilité de capitalisation financière découlant de la production textuelle. Toutefois, étant partie de l’espace numérique, elle nécessite des ressources humaines qui demandent du financement, en plus d’« une infrastructure très coûteuse et très matérielle – au sens qu’elle demande une grosse quantité de matériel, justement –, faite de serveurs, de câbles et même de pompes à eau pour refroidir les circuits » Vitali Rosati, Marcello, « Pour une définition du “numérique” », in Eberle-Sinatra, Michael et Vitali Rosati, Marcello, dir., Pratiques de l’édition numérique, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2014, p. 73.
24 Roland Barthes, Le bruissement de la langue : essais critiques IV, p. 74.
25 Si l’on refuse ici le statut de matière première ou de marchandise au texte wikipédien, que l’on entend comme un acte auquel on lui oppose, à des fins rhétoriques, ce caractère marchandisable, cela ne doit pas signifier qu’un texte potentiellement marchandisable ne puisse être acte. Ils ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs.
26 Cory Doctorow, « On “Digital Maoism : The Hazards of the New Online Collectivism” By Jaron Lanier », Edge.org, 2006, <http://edge.org/discourse/digital_maoism.html#doctorow>, consulté le 1 mars 2015.
27 Paul Zumthor, Essai de poetique médiévale, Paris, Éditions du Seuil, 2000, p. 71-72.
28 Marcello Vitali Rosati, « La virtualité d’Internet », Sens-Public, avril 2009, p. 6.
29 Alain-Michel Boyer, Le livre : la civilisation du livre de Rabelais à Borges, Paris, Larousse, 1980, p. 53-54.
30 Traduction libre. Axel Bruns, Blogs, Wikipedia, Second life, and Beyond : from production to produsage, New York, Peter Lang, 2008, p. 138.
31 Le péritextuel, sans autre référence que sa combinaison étymologique – péri (autour) et texte – et sans égard à quelconques autres conceptualisations qui préexistent à cette utilisation.
32 Roland Barthes, Le bruissement de la langue : essais critiques IV, p. 73.
33 Gérard Genette, Palimpsestes : la littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982, p. 7.
34 Marcello Vitali Rosati, « Pour une définition du “numérique” », p. 74-75.
35 Traduction libre. . Ray et Graeff, « Reviewing the Author-Function in the Age of Wikipedia », p. 44.
36 Cf. infra, p. 22.
37 Miller, Nora, « Wikipedia and the disappearing “author” », ETC : A Review of General Semantics, vol. 62, no. 1, 2005, p. 39.
38 On devrait plutôt lire : ce que créait l’inexistence d’une technologie est aujourd’hui rendu possible grâce à une autre. Les deux technologies sont ici confondues dans le but d’accentuer le contraste entre deux changements dits technologiques dont les effets sont antagoniques. Le mot est donc utilisé dans son sens large et flou et inclut les technologies.
39 Georg Simmel, L’argent dans la culture moderne et autres essais sur l’économie de la vie, Paris ; Sainte-Foy, Éd. de la Maison des sciences de l’homme ; les Presses de l’Université de Laval, 2006, p. 30.
40 a Cf. supra, p. 19.
41 Eric S. Raymond, Eric., The cathedral and the bazaar : musings on Linux and Open Source by an accidental revolutionary, Beijing ; Cambridge, Mass, O’Reilly, 2001, section 2.2.
42 Merci à Gabriel Vignola pour son attentive révision. Merci aux évaluateurs anonymes pour leurs judicieux commentaires.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-08531-7
- EAN: 9782406085317
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08531-7.p.0095
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 11-05-2018
- Periodicity: Biannual
- Language: French