Humanistica
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2017 – 1, n° 3. Variations digitales et transformation du milieu - Author: Grandjean (Martin)
- Pages: 223 to 226
- Journal: Digital Studies
Humanistica
L’association Humanistica rassemble la communauté des acteurs francophones de la recherche et de l’enseignement supérieur (chercheurs, ingénieurs, étudiants, enseignants, métiers de l’information scientifique et technique, etc.) qui font usage des outils numériques dans leurs travaux en sciences humaines et sociales ou ont pour objet d’étude le numérique dans leurs champs respectifs1. Alors que le terme d’« humanités numériques » (on emploie volontiers également et sans distinction « humanités digitales », « digital humanities » ou tout simplement « DH », selon les contextes et les sensibilités) voit son usage se répandre progressivement dans les institutions patrimoniales et de recherche, sa définition reste aujourd’hui largement à l’image de la communauté qui l’emploie : diverse et évolutive. Et s’il n’est pas ici le lieu de proposer un énième exercice définitoire, on s’accorde généralement pour considérer que le terme désigne davantage la communauté de pratique des personnes rassemblées par les problématiques liées à la transformation numérique de nos champs de recherche, qu’une nouvelle discipline. En effet, alors que les outils numériques offrent des perspectives d’analyse chaque jour renouvelées, ceux-ci ont aussi un impact sur les canaux de diffusion et d’échange, quand ils ne deviennent pas à leur tour de nouveaux objets d’étude. Par nature transversale, puisque l’usage de ces outils s’affranchit largement des frontières entre champs disciplinaires, cette transformation pousse depuis quelques années des individus et des institutions à partager leurs expériences de terrain et, petit à petit, à mettre en place des collaborations. Et c’est suite aux premiers pas de cette communauté qu’on a songé à structurer les échanges autour d’une association dont la mission ne serait pas de fixer dans le marbre un catalogue contraignant de critères de labellisation mais plutôt de soutenir ce mouvement en lui fournissant un lieu de réflexion et d’encouragement.
224La courte histoire d’Humanistica est intimement liée à celle des THATCamps2 francophones. Si l’association doit sa création à un atelier du THATCamp de Saint-Malo en 2013, lors duquel une quinzaine de personnes avaient été formellement mandatées pour rédiger des statuts, c’est déjà lors du THATCamp de Paris, en 2012, que plusieurs personnes avaient appelé une telle association de leurs vœux. Il s’agissait en particulier de faire perdurer l’esprit du Manifeste des Digital Humanities3 rédigé en 2010 lors du THATCamp de Paris, un texte dont l’influence est toujours très perceptible dans la communauté francophone et qui a largement contribué à rendre visible l’enjeu du numérique dans les sciences humaines et sociales. Le 8 juillet 2014, à Lausanne, la première assemblée ordinaire avait permis d’adopter les statuts de l’association et d’élire son premier comité de coordination dans lequel étaient représentés pas moins de cinq pays francophones. Humanistica était née. Deux ans après sa création, l’association comptait déjà plus de deux cents membres individuels dans une quinzaine de pays, auxquels s’ajoutait une vingtaine d’institutions partenaires.
Aujourd’hui, l’association structure son activité autour de quatre notions : rassembler, représenter, animer et réaliser, qui sont autant de missions pour son comité de coordination et ses groupes de travail.
I. Rassembler. Il existe une demande très forte en matière de lieux d’échange, et le succès des conférences « DH », des THATCamps et autres Hackathons en témoigne. Si cette demande s’explique en partie par l’engouement suscité par cette nouveauté et la nécessité de se former rapidement à de nouvelles méthodes pour ne pas rater un train en marche, celle-ci est également le fruit d’une dynamique de décloisonnement à plus long terme. En rassemblant des individus et des institutions, et en créant les conditions de leur rencontre lors de divers événements, Humanistica cherche à rendre plus concrète et personnelle cette communauté.
II. Représenter. Une association, c’est aussi une identité visible et une parole commune. Et la mission de représentation d’Humanistica vise deux publics : d’une part les institutions académiques francophones, pour lesquelles les enjeux et pratiques des humanités numériques ne 225sont pas toujours évidents, et d’autre part les autres organisations internationales œuvrant dans le domaine des digital humanities, auprès desquelles la spécificité francophone doit être valorisée. Sur le premier axe, l’existence même de l’association crédibilise les acteurs de la recherche et de l’enseignement lorsqu’ils adressent des projets numériques à leurs institutions. Sur le second, l’entrée d’Humanistica comme organisation constitutive dans l’Alliance of Digital Humanities Organization (ADHO) en 2016 permet de mieux faire entendre la voix de la francophonie dans un milieu encore très anglophone.
III. Animer. S’associant à des partenaires ou à des événements ponctuels, Humanistica suscite des débats et des échanges sur des questions propres à ce champ en pleine institutionnalisation. Lorsque l’occasion s’y prête, l’association apporte également son soutien à des événements déjà existant ou facilite leur accès à des étudiants. À l’automne 2015, elle a par exemple été invitée à organiser une session de conférences lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois, mettant en valeur une série de projets mêlant sciences historiques et outils numériques auprès d’un public très diversifié. À Troyes, au printemps 2016, elle a mis sur pied une table ronde sur les enjeux de la numérisation du patrimoine dans le cadre du rassemblement de l’Association des archivistes français.
IV. Réaliser. Ne se limitant pas à donner un cadre au débat et à l’animer, Humanistica cherche à être porteuse de projets concrets au service de la communauté des humanités numériques francophones et héberge à cette fin plusieurs groupes de travail. Alors qu’une revue est en préparation, un groupe travaille sur un moyen de répertorier les outils et documenter les processus de recherche. D’autres s’intéressent à la relation entre arts, design et humanités numérique, aux enjeux de la formation au numérique en SHS, ou encore à la représentation de l’ensemble de la francophonie dans cette dynamique.
Finalement, l’avenir nous dira si les transformations que nous vivons aujourd’hui sont une évolution naturelle de nos pratiques ou une révolution fondamentale pour l’écosystème académique. Bien qu’il soit trop tôt pour savoir si les humanités numériques se concrétiseront sous la forme d’une nouvelle entité académique s’ajoutant aux disciplines traditionnelles ou si elles ne sont que le symptôme d’une transformation de tous ces champs, Humanistica se pose en accompagnatrice de cette 226réflexion, incluant les nouveaux venus comme ceux qui « faisaient déjà des humanités numériques sans le savoir ».
Martin Grandjean
Porte-parole
pour le comité d’Humanistica
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-08531-7
- EAN: 9782406085317
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08531-7.p.0223
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 11-05-2018
- Periodicity: Biannual
- Language: French