Digital ou numérique ?
Il s’en est fallu d’un doigt
J’ai d’abord pensé qu’il fallait opter pour l’un des deux termes, puis en googlelisant je me suis aperçue que les deux camps avaient chacun des arguments recevables, hormis celui qui consiste à rejeter « digital » au nom d’un conformisme ou d’un chauvinisme linguistique de mauvais aloi. Rappelons en effet que « digitalisation » est une création française (vers 1970, selon le Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert), cependant que l’anglais « digitalization » signifie l’administration de digitaline.
Mais surtout, « digital » fait référence au toucher et inscrit le corps, quand « numérique » renvoie à des nombres désincarnés. Or c’est bien par l’intermédiaire des écrans tactiles, des souris, des claviers que nous avons accès aux données numérisées. Le numérique se pratique d’abord avec les doigts !
Et puis, « mettre le doigt sur », c’est découvrir.« Toucher du doigt » signifie comprendre intuitivement, et « faire toucher du doigt », c’est faire constater de manière irréfutable. Le doigt évoque l’habileté, sa valeur propre est dans la faculté d’indice, de désignation, d’exploration. Au xvie siècle, « savoir au doigt » équivaut à « connaître parfaitement ». « Connaître sur le bout du doigt » (ou « des doigts »), dit-on encore aujourd’hui. Après tout, c’est bien ce doigt déchiffreur qui nous a aidés à savoir parfaitement lire et qui symbolise l’accès à la connaissance.
Ainsi, « digital » sémantise l’esprit humain, quand « numérique » ne désigne qu’une forme de représentation de l’information. Mais le propre d’une langue est de jouer des nuances et les synonymes sont là pour nous y aider. Alors laissons-nous la liberté d’employer les deux termes, toutes nuances gardées.