Tenter de reconstituer les pratiques et les usages de l’eau thermale, qu’elle fût chaude ou froide, prise en bain ou en boisson, dans l’espace linguistique et culturel français du milieu du xvie siècle au milieu du xviie siècle, tient du puzzle. De plus, l’abondance des pièces concernant certaines populations d’usagers appartenant aux élites, qui ont rapporté leurs expériences dans des écrits intimes ou des lettres, ne compense pas la rareté et la partialité des témoignages sur les usages populaires, pourtant vivaces. Encore une fois, il faudra faire feu de tout bois pour appréhender ces derniers, souvent de manière indirecte et par le recours à la « dialectique de la jonction1 ». Si les règlements des sites thermaux, d’ailleurs peu nombreux à avoir été conservés, n’apportent qu’un faible éclairage sur les comportements qu’ils voulaient surtout encadrer, les écrits intimes mais aussi certains textes médicaux laissent échapper des « tranches de réalité », des realia, qu’il s’agira de colliger et d’exploiter. En particulier, les nombreux « cas » de maladies et de traitements – plus d’un millier – qui devaient témoigner du succès ou des dangers de la prise des eaux pour les auteurs médicaux constituent aujourd’hui une source d’information particulièrement riche pour l’étude des pratiques thermales et de leurs résultats.
1 C’est-à-dire par l’analyse du discours des élites lettrées sur l’« autre » culture : la ou les cultures populaires. Sur la dialectique de la jonction, voir Gourevitch, 1992, et, pour un exemple de mise en œuvre, Coste,2002.