Structure and dynamics of the knowledge of the ISO 9001 standard
- Publication type: Journal article
- Journal: Entreprise & Société
2020 – 1, n° 7. varia - Author: Serhan (Hiam)
- Pages: 133 to 163
- Journal: Business & Society
Structure et dynamique
des connaissances de la norme ISO 9001
Hiam Serhan
AgroParisTech
Université Paris Saclay, Paris, France
Introduction
Les pratiques et responsabilités des entreprises se transforment par un processus de tétranormalisation et d’audits pour accompagner l’évolution de la société et de ses besoins (Brunsson et Jacobson, 2005 ; Power, 1997 ; Savall et Zardet, 2005). Ces tétranormes concernent notamment quatre domaines principaux : la finance et règles de comptabilité, la qualité et l’environnement, le commerce international et le domaine des relations de travail et de la responsabilité sociétale des entreprises (Savall et Zardet, 2013). Face à des parties prenantes à intérêts divergents ces normes s’avèrent ineffectives (n’aboutissent pas aux effets prévus), perverses (contreproductives, opposées à leur ‘raison d’être’) et incohérentes entre elles (Bessire et al., 2010). Mais certains auteurs soulignent que derrière ces apparences rigides les normes sont considérées comme la preuve d’une société organisée qui a toujours cherché à réguler l’ordre global, tout comme la hiérarchie et le marché, pour faciliter la coordination et la coopération à grande échelle (Brunsson, 2005), et définir un cadre d’exploration de nouvelles connaissances pour innover (Xie et al., 2016 ; Blind, 2018 ; Mignon et al., 2018). Le défi de leur mise en œuvre consiste alors à construire une réalité en révélant les infrastructures techniques, 134organisationnelles, sociales et morales qui se cachent dans ces recettes de la réalité (Busch, 2013).
Parmi ces normes nous nous intéresserons dans cette recherche à la norme ISO 9001 du système de management de la qualité. Cette norme a pour objectif l’amélioration continue des processus stratégiques qui contribuent à la satisfaction des besoins et attentes des parties prenantes internes et externes, à l’amélioration des critères qualité produit/service élaboré, et de la qualité systémique du management de l’entreprise. L’impact de son implémentation dans les organisations a été abordé dans la littérature par différentes questions : Quelles sont les motivations qui poussent une entreprise à acquérir une certification ? (Gotzamani et Tsiotras, 2002) ; Quel est l’impact de la normalisation sur la performance de l’organisation interne ? (Jones et al., 1997) et sur la performance financière ? (Corbett et al., 2005 ; Santos et al., 2014) ; Quels sont les effets de contingence de la norme (Duymedjian, 1996) ; Quel est son rôle dans la création des connaissances opérationnelles et conceptuelles dans une entreprise ? (Lambert et Loos-Baroin, 2004).
Malgré son succès depuis son lancement en 1987 (plus d’un million de certifications dans le monde en 2016)1, les avis sur les bénéfices de son appropriation dans les entreprises restent mitigés. Certaines études montrent qu’elle est un outil de contrôle excessif qui piège l’innovation dans des trappes d’exploitation (Boiral, 2003) ; tandis que d’autres soulignent que l’engagement d’une entreprise dans un effort de normalisation permet à la fois l’exploitation et l’innovation, si les pratiques de management qualité qui instrumentalisent sa mise en œuvre sont conçues d’une manière ambidextre (Asif et de Vries, 2015) et si la norme est adoptée et déployée comme une innovation managériale (Birkinshaw et al., 2008 ; Birkinshaw et Ansari, 2015 ; Serhan, 2017), c’est-à-dire comme un objet perçu comme nouveau par les individus ou les organisations (Rogers, 1995). Birkinshaw et al., (2008) définissent l’innovation managériale comme « l’invention et l’implémentation d’une (idée managériale) pratique, d’un processus, d’une structure ou d’une technique de management qui est nouvelle au regard de l’état de la connaissance et qui contribue à l’atteinte et l’élargissement des objectifs de l’organisation ». Si cette définition concerne l’amélioration des objectifs d’une entreprise, la définition de Hamel (2006) des innovations managériales se focalise 135davantage sur la transformation de ce que font les managers et pourquoi ils le font pour transformer les fonctions de l’organisation et ses objectifs. Selon Hamel (2006), ce que font les managers peut être résumé dans les missions suivantes : définir des objectifs et élaborer des plans d’action pour les atteindre ; motiver et aligner les efforts entre unités opérationnelles ; acquérir, accumuler et appliquer de nouvelles connaissances ; construire et maintenir des relations ; identifier des talents et développer des compétences ; et comprendre et équilibrer la demande externe avec les potentiels internes. C’est dans l’acceptation de ces deux définitions interdépendantes que la norme comme une innovation managériale sera définie ici. Elle est autant l’adoption par l’organisation d’un nouveau programme managérial inventé en externe que la création des innovations managériales internes. Ces innovations managériales visent la réinvention des routines opérationnelles, les savoirs et les processus de conception et d’innovation de l’entreprise (Hamel, 2006 ; Birkinshaw et al., 2008 ; Manders et al., 2016 ; Rusjan et Alic, 2010 ; Debeche, 2009 ; Ratnasingam et al., 2013).
Si cette riche littérature étudiant la mise en œuvre de la norme a montré les performances intangibles et tangibles que les organisations touchent par l’application de ses exigences, aucune d’entre elles s’est intéressée à étudier la norme ISO 9001 comme un outil de gestion générique (Hatchuel et Weil, 1992) qui permet l’identificationdes besoins de l’entreprise en connaissances et relations, réinventer ses savoirs (Asif et de Vries, 2015) et créer pour l’entreprise un nouveau modèle de management (Birkinshaw et Ansari, 2015) capable de générer des innovations managériales (Birkinshaw et al., 2008 ; Hamel, 2006).
Cette recherche tente de combler cette lacune dans la littérature en étudiant la norme ISO 9001 comme une innovation managériale structurée comme un outil de gestion autour de trois éléments interdépendants et dynamisé par les trois fonctions que porte tout outil de gestion (Moisdon, 1997) : Le substrat technique ou l’artefact qui permet à la norme de fonctionner ; la philosophie managériale qui la traduit en langage managérial et l’instrumentalise avec des pratiques de management qualité ; et la vision simplifiée des connaissances et des relations de l’organisation qui contextualisent son sens (Hatchuel et Weil, 2005). Comme tout outil de gestion, la norme est porteuse de trois fonctions qui vont au-delà de son premier rôle de conformation de certaines variables organisationnelles 136à ses règles (Asif et de Vries, 2016 ; Moisdon, 1997 ; Murmura et al., 2018) : 1) la recherche des modalités de fonctionnement de l’entreprise, 2) l’accompagnement du changement, et 3) l’exploration du nouveau.
Si ces fonctions présentent la norme comme un cadre d’apprentissage de nouvelles connaissances scientifiques et techniques (Brunsson et al., 2012 ; Asif et de Vries, 2015), elles apparaissent aussi génératrices de tensions ou de perturbations dans la pratique (Lambert et Loos-Broin, 2004). Ces dernières sont dues à la collision entre le système de management établi avec le nouveau système de management qualité (SMQ) que la norme est censée construire. Ces tensions peuvent freiner la procédure de certification – voire la faire échouer (Lambert et Loos-Baroin, 2004) – ou bien, elles sont utilisées comme des opportunités de transformation de pratiques et d’évolution des objectifs (Asif et de Vries, 2015 ; Blind et al., 2018 ; Ruano-Borbalan, 2017 ; Xie et al., 2016). Nous faisons l’hypothèse que le style managérial du responsable de la politique qualité peut gérer ces tensions et orienter le projet de normalisation des processus, soit vers la conformation des pratiques aux règles pour obtenir une certification, soit vers l’exploration des opportunités qui font valoir le cœur-compétence de l’entreprise « Au nom de la qualité ».
L’objectif de cette recherche est double. Le premier consiste à identifier les pratiques que les gestionnaires qualité mettent en place pour utiliser la norme comme un outil de conformation des processus aux nouvelles règles et/ou comme un outil d’exploration des opportunités d’innovation. Le second vise à identifier les tensions/perturbations, apprentissages et innovations qui émergent pendant la mise en place de nouvelles règles normatives. Pour répondre à ces objectifs nous avons mobilisé le modèle théorique du système d’activité (SA) et d’apprentissage expansif de d’Yrjö Engeström (2001, 2015). À partir d’une recherche qualitative exploratoire conduite auprès de douze gestionnaires qualité de quatre multinationales et de six PME du secteur agroalimentaire, nous présenterons les pratiques qui permettent à la norme d’exister dans l’entreprise comme un outil à la fois de conformation et d’exploration. Nous présenterons les formes d’apprentissage, les tensions et les innovations organisationnelles et produits que le système de management peut créer avec la norme. Nous montrerons aussi comment l’interdépendance entre les deux fonctions conformative et exploratrice de la norme permet l’évolution de la valeur appropriative de la qualité, d’une valeur 137de contrôle et d’assurance qualité à une valeur sociétale, élaborée par des pratiques d’éco-conception et d’éco-innovation afin que le produit/service reste en phase avec les réclamations des clients et consommateurs. L’éco-conception consiste à évaluer les impacts socio-économiques et environnementaux des processus opérationnels afin de modifier les procédés, ressources, relations et valeur que le produit/service implique et impacte (éco-innovation) (Ademe, 2019).
Nos arguments seront présentés dans trois parties. Dans la première partie, nous développerons le cadre théorique de la recherche. Nous étudierons les éléments et fonctions qui structurent et dynamisent la norme ISO 9001. Dans la deuxième partie nous exposerons la démarche méthodologique et présenterons le modèle théorique que nous avons mobilisé comme grille de lecture et d’interprétation de l’étude empirique. Dans la troisième partie nous présenterons et discuterons les pratiques de 12 gestionnaires qualité appartenant à deux niveaux hiérarchiques (top management et managers intermédiaires). Cette partie sera suivie d’une conclusion.
1. Cadre conceptuel et théorique
L’interrogation sur l’impact de la mise en œuvre de exigences de la norme ISO 9001 sur les pratiques managériales, l’apprentissage, la standardisation et l’innovation conduit à s’inscrire dans le cadre conceptuel des théories des outils de gestion (Hatchuel et Weil, 1992 ; Moisdon, 1997), ainsi que les théories de l’évolution (co-évolution) de l’entreprise avec les défis de la société (Nelson et Winter, 1982 ; Norgaard, 2005 ; Van den Bergh, 2007) et de l’apprentissage organisationnel (Mukherjee et Van Wassenhove, 1997 ; Argyris et Schön, 1996 ; Kim, 1993).
Ce cadre nous permet de comprendre le rôle de la norme dans l’évolution des responsabilités de l’entreprise agroalimentaire dans son secteur et de l’importance des compétences et savoirs accumulés dans la transformation de l’activité de l’entreprise selon l’évolution des besoins organisationnels, environnementaux et nutritionnels de la société dans laquelle elle évolue.
1381.1. Structure et dynamique de la norme ISO 9001
La norme ISO 9001 du SMQ (version 2015) est structurée autour de onze exigences (Encadré 1) : (1) Orientation client, (2) Leadership, (3) Implication du personnel, (4) Approche Processus, (5) Approche Systémique, (6) Amélioration Continue (7) Approche factuelle de prise de décision (8) Relations mutuellement bénéfiques avec les fournisseurs, (9) Gestion des risques, (10) Prise en compte du contexte organisationnel interne et externe, et (11) Gestion des connaissances organisationnelles. Ces exigences (certifiables) sont articulées par le principe d’amélioration continue (Voir Encadré 1). Elles se déploient comme des processus de gestion de connaissances internes et externes (Serhan, 2017) dont les dispositifs et déroulement dépendent des objectifs à atteindre (Mignon et al., 2012) : améliorer le travail opérationnel (objectif interne) ou comprendre et saisir les connaissances circulant dans son environnement pour accélérer les processus d’innovation (objectif externe).
1. Les principes de l ’ ISO 9001 : 2015 et les exigences associées
La contextualisation de la norme dans les pratiques de l’entreprise se fait par plusieurs étapes. La première consiste à traduire les exigences abstraites en règles compatibles avec les besoins d’amélioration interne ou le contexte organisationnel. L’entreprise doit ensuite demander aux acteurs impliqués dans le périmètre de 139normalisation, de rédiger leurs procédures routinières, c’est-à-dire comment font-ils pour exécuter une opération, et d’identifier et codifier les meilleures pratiques pour diffusion et application. L’entreprise doit aussi identifier ses parties prenantes pertinentes, définir et comprendre leurs exigences. Elle doit aussi identifier ses processus stratégiques et leur enchaînement. Elle doit déterminer les risques et opportunités associés à son activité, déterminer et tenir à jour les connaissances détenues par l’organisme, y compris par son personnel. La direction doit expliciter l’objectif et moyens de son engagement dans la démarche de normalisation, définir le plan d’action. L’entreprise doit également avoir une information documentée renfermant des enregistrements (documents renseignés par les employés sur leurs opérations). Ces informations serviront pour l’audit interne et la revue de direction (RDD) qui se déroule au moins une fois par an. Ce dernier permet l’évaluation de la conformité des résultats par rapport aux objectifs qualité et selon les standards opérationnels imposés ainsi que le changement des besoins et attentes de son environnement. Enfin, l’entreprise doit entretenir le système de management par des communications et des revues de direction pour l’évaluer et l’améliorer. Cette évaluation cyclique permet une mise à jour des connaissances et les relations pertinentes de l’entreprise et facilite l’évolution de ses pratiques et objectifs.
Selon Brunsson et al. (2012) c’est ce cycle d’amélioration continue qui rend la norme dynamique et pertinente. Dynamique, car l’objectif de standardisation des pratiques et de pilotage des processus stratégiques est d’améliorer continuellement un système par de nouvelles connaissances (objectifs, indicateurs, actions correctives). Pertinente, car l’amélioration signifie une évolution des routines opérationnelles ou statiques (dead routines) assurant une amélioration incrémentale (technical fitness), en routines dynamiques stratégiques (live routines) capables de lire et répondre aux évolutions des besoins de la société (evolutionary fitness) (Helfat et al., 2007 ; Teece, 2007 ; Feldman et Pentland, 2003 ; Nelson et Winter, 1982 ; Norgaard, 2005 ; Van der Berg, 2007). Ces routines sont des capacités d’exploration (outils, méthodes, relations) qui permettent à l’entreprise d’être apprenante, évolutive, selon les besoins son environnement.
1.2. La norme ISO 9001 : un outil de gestion
La structure et dynamique des exigences de la norme la présentent comme un outil de gestion articulé autour de trois composantes interdépendantes (Hatchuel et Weil, 1992).
1401) Le Substrat technique ou artefact renferme les nouvelles règles à suivre. Ces règles sont des concentrés de connaissances expertes scientifiques et techniques encodées sous forme de bonnes pratiques (BP) ou « exigences » à appliquer (Brunsson et Jacobsson, 2005).
2) La mise en application de ces exigences est influencée par le style managérial ou la philosophie gestionnaire qui prévaut dans l’organisation et qui va traduire et instrumentaliser ces exigences avec des pratiques de management de la qualité (outils, méthodes, discours) pour faciliter leur compréhension et appropriation.
Dans les organisations, le style managérial peut être coercitif ou habilitant à l’apprentissage et l’appropriation des nouvelles règles (Adler et Borys, 1996). Pour reprendre les figures décrites par Likert, il peut être directif, délégatif ou concertatif (Likert, 1967). Avec un management directif, c’est le manager qui rédige les procédures des employés sans les consulter. Par un style managérial délégatif, cette fonction est déléguée à un responsable qualité (RQ) interne, ou un consultant externe, qui rédige ce que les employés font sans les consulter (Lambert et Loos-Baroin, 2004). Ces auteurs soulignent que l’apprentissage coercitif de la norme est lié au mécanisme d’isomorphisme coercitif (Di Maggio et Powell, 1983) résultant d’une pression exercée par le client principal de l’entreprise pour la faire certifier. Quand le style de management est participatif, les employés – et souvent sous l’orientation d’un responsable qualité – rédigent ces procédures selon les problèmes qu’ils rencontrent et les exigences des principaux clients (Maurand-Valet, 2008).
3) La norme ISO 9001 véhicule également une vision simplifiée des connaissances et relations organisationnelles nécessaires à sa contextualisation. Lors de la démarche de normalisation, l’entreprise doit redonner un sens contextuel aux exigences génériques par l’identification des compétences internes à valoriser, les problèmes opérationnels à améliorer, et les parties prenantes clés à satisfaire (Brunsson, 2005). Ce caractère générique présente une ambiguïté pragmatique qui élargit la variabilité interprétative et garantit l’adaptabilité des exigences à une diversité de contextes et objectifs (Ansari et al., 2010 ; Giroux, 2006). La contextualisation, apprentissage et dynamique de ses éléments dans la pratique va dépendre de la valeur appropriative que l’entreprise accorde au projet de normalisation.
1411.3. Apprentissage et valeur appropriative
des exigences de la norme
1.3.1. Apprentissage ou adhésion
des acteurs au projet de la normalisation
Les travaux de recherche académique ayant étudié les problèmes de mise en œuvre de la norme ISO 9001 montrent deux types d’apprentissage liés au degré d’adhésion des acteurs au projet de changement (Lambert et Loos-Baroin, 2004 ; Boiral, 2002, 2012). Par l’apprentissage du code normatif « Code learning » l’entreprise, souvent soumise à une pression externe, s’adhère superficiellement aux règles. Dans une démarche d’isomorphisme mimétique et d’acquisition d’une légitimité institutionnelle (Di Maggio et Powell, 1983), l’entreprise se mettra du « côté jardin » avec pour seul objectif l’obtention de la certification (degree purchasing syndrom) (Boiral, 2002, 2012). Dans ce cas, la contextualisation de l’outil est conformative (Rouquet, 2009) et sa valeur appropriative est symbolique (valeur caution) (Grimand, 2006). Le contextualisation consiste ici à créer des routines de correction (repairing routines) pour corriger les écarts dans les résultats et maintenir une conformité aux standards opérationnels (Feldman, 2000). Dans l’apprentissage par le code « Learning by the code », l’entreprise s’adhère réellement au programme de changement. L’entreprise se met « du côté cour » pour transformer la structure organisationnelle en changeant la façon dont les managers déclinent les objectifs qualité, motivent et impliquent le personnel dans la démarche, assurent la coordination entre les processus et unités, allouent des ressources, construisent de nouvelles compétences, et entretiennent des relations mutuellement bénéfiques avec les parties prenantes. Dans ce dernier contexte, la structure de l’organisation va dépendre à la fois des facteurs de contingence interne (taille, motivation, compétences) et des caractéristiques de l’environnement (stable ou dynamique) dans lequel elle opère. Ces caractéristiques modulent les liens entre la norme, la certification et ses apports à l’apprentissage de l’entreprise (Duymedjian, 1996 ; Rolland, 2009). La contextualisation dans ce cas consiste à reconstruire la norme avec les besoins réels des employés créant ainsi une valeur à l’usage. La valeur appropriative co-construite ici est donc évolutive, car elle permet à l’entreprise de 142s’améliorer continuellement en fonction des besoins internes et des opportunités qui circulent dans son environnement.
L’objectif de l’entreprise est d’accélérer l’apprentissage organisationnel qui se crée par conversion-application de nouvelles connaissances (tacites/explicites, interne/externe) au sein de l’entreprise (Mukherjee et Van Wassenhove, 1997 ; Argyris et Schön, 1997 ; Kim, 1993 ; Levitt et March, 1988 ; Weick et Westley, 1996).
L’étendue des modèles de management qui se créent par le processus d’appropriation, va ainsi dépendre des capacités d’absorption de l’entreprise, c’est-à-dire ses capacités à évaluer les connaissances qui circulent dans son environnement à l’aune des compétences qu’elle détient et de ses besoins (Cohen et Levinthal, 1990 ; Jashapara, 2004 ; Mignon et al., 2018).
1.3.2. Appropriation et valeur appropriative des exigences normatives
Dans les entreprises l’appropriation des connaissances normatives s’opère en général selon deux approches : une technique « process approach » et une sociale « practice approach » (Leidner et al., 2006).
L’approche technique tente de codifier les connaissances organisationnelles en nouvelles BP ou standards opérationnels. Si cette approche facilite la réplication des BP entre différents sites et filiales, elle provoque toutefois une rigidité de comportements qui freine l’innovation (March et Levinthal, 1993 ; Szulanski, 1996), et creuse la distance cognitive qui sépare le créateur de la BP de son applicateur (Heimericks et al., 2012). Cette distance cognitive peut induire une mauvaise interprétation et application du sens de la BP (negative experience transfer) qui serait responsable de variations dans les résultats attendus.
Pour contrecarrer ces limites certaines entreprises mettent en place – dans une approche sociale de gestion de la qualité – des pratiques qualifiées de « higher order routines » pour faciliter l’intégration des BP dans les opérations. Il s’agit des « Risk management practices » et des « Tacit knowledge transfer practices » (Heimeriks et al., 2012). Par exemple, la formation des employés à la gestion de la qualité, l’intervention d’un consultant externe ou la présence régulière d’un responsable qualité sur le lieu d’application des règles réduisent le transfert négative d’une BP d’un lieu à un autre et garantissent le résultat attendu d’un processus donné.
143Cependant, dans la pratique ces processus d’appropriation ne sont ni linéaires ni faciles à mettre en œuvre. En effet, la mise en place d’un SMQ ne concerne et ne relève pas seulement des compétences du seul service qualité de l’entreprise, il vise toutes les unités fonctionnelles impactant la « qualité du produit » et la « qualité systémique » à construire et entretenir par la norme. Ces deux processus concernent les routines opérationnelles et le réseau relationnel établi, dont le changement va provoquer des tensions parmi le personnel et des perturbations dans les pratiques. Nous considérons que selon le style managérial en place ces tensions seront considérées comme des freins à l’apprentissage et mènent à une adoption superficielle de la norme, voire l’échec du processus de standardisation (Adler et Borys, 1996), ou bien, elles seront considérées comme une opportunité pour résoudre les problèmes émotionnels et cognitifs qui émergent lors de la mise en œuvre d’un projet de changement (Serhan et Kabèche, 2017). La compréhension et l’identification des pratiques d’appropriation, des tensions, apprentissage et innovations qui émergent pendant le projet de normalisation, est l’objectif de notre étude empirique.
2. Méthodologie
Pour identifier les pratiques des gestionnaires qualité impliqués dans le projet de normalisation ainsi que les apprentissages, tensions et innovations liés à cette démarche, nous avons mobilisé le modèle du système d’activité (SA) et d’apprentissage expansif d’Yrjö Engeström (2001, 2015). Ce modèle décrit comment, dans un contexte donné, un gestionnaire intervient avec un artefact médiateur (outil), l’instrumentalise avec des méthodes de travail (règles) pour coordonner les activités entre les parties prenantes (collègues et externes) (communauté) selon une (division de travail) particulière, pour atteindre des objectifs de performance donnés (objet) (Figure 1). Ce modèle nous permet aussi d’étudier les tensions ou perturbations provoquées par la mise en œuvre de l’outil et inhérentes à toute activité inscrite dans une logique d’action collective, ainsi que les résultats des interactions en termes d’apprentissage et d’innovation.
144Fig. 1 – Le modèle du système d’activité et d’apprentissage expansif
(Engeström, 2001).
Puisque ce modèle s’est avéré limité pour renseigner les critères qui nous permettent de catégoriser les pratiques d’apprentissage, d’exploitation ou d’exploration, nous l’avons alors complété par des données issues de quatre travaux théoriques pour ensuite élaborer une nouvelle grille de lecture et d’interprétation des résultats de nos cas d’étude :
1. Les pratiques d’apprentissage tirés du « Learning questionnaire » de Pedler et al. (1997).
2. Les pratiques qui freinent l’apprentissage de Schimmel et Muntslag (2009).
3. Les pratiques d’exploitation et d’exploration du « building the flexible firm » (Volberda, 1998).
4. Les innovations d’exploitation (nouveaux produits/services appuyés sur les compétences existantes) et les innovations d’exploration (logique de rupture par création de nouvelles connaissances) de Chanal et Mothe (2005).
Dans cette recherche nous nous intéresserons aux quatre types d’innovations identifiées dans le manuel d’Oslo (2005) : innovations de procédés, de produit, organisationnelle et de commercialisation ou marketing.
L’innovation de procédé concerne la mise en œuvre d’une méthode de production ou de distribution nouvelle ou sensiblement améliorée.
145L’innovation de produit est l’introduction d’un bien ou d’un service nouveau. Cette définition inclut les spécifications techniques, des composants et des matières, du logiciel intégré ou autres caractéristiques fonctionnelles.
L’innovation organisationnelle concerne la mise en œuvre d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise.
L’innovation de commercialisation est la mise en œuvre d’une nouvelle méthode de commercialisation impliquant des changements de la conception ou de conditionnement, du placement, de la promotion d’un produit. Nous ajoutons à ces innovations, l’innovation managériale telle que définie par Birkinshaw et al., (2008) : « L’innovation managériale est l’introduction d’une nouveauté dans une organisation établie, qui représente un changement organisationnel particulier. Dans son sens le plus large, alors, l’innovation managériale peut être définie comme une différence dans la forme, la qualité ou l’état des activités managériales au fil du temps dans une organisation, où le changement est nouveau ou sans précédent par rapport au passé (p. 826). »
2.1. Collecte des données
La collecte des données s’est déroulée en deux étapes. Dans la première nous avons consulté des sources secondaires sur les entreprises à étudier pour nous familiariser avec la stratégie, la mission de la qualité dans le groupe et les tendances de leurs activités. La deuxième étape est l’entretien. Nos entretiens se déroulaient en deux temps. Le premier était consacré au récit du praticien sur l’historique de l’entreprise, sa mission, ses objectifs et le rôle de la qualité dans l’atteinte de ses objectifs (durée moyenne dix minutes). Le deuxième temps était consacré à l’entretien à travers un guide de questions semi-directifs articulant les six thèmes et pratiques du modèle du SA (durée moyenne de 1h30). Nous avons étudié les SA de 12 gestionnaires qualité (cas enchâssés et cas uniques) appartenant à différents niveaux hiérarchiques dans des multinationales et des PME du secteur agroalimentaire (Tableau 1).
146Tab. 1 – Les cas (entreprises et gestionnaires) étudiés enchâssés et uniques.
Modèle de cas |
Multinationales |
Fonction des gestionnaires |
Groupe A |
Corporate Quality Manager (CQM) Responsable Qualité usine |
|
Cas enchâssés |
Danone |
Directeur Ressources Humaines (DRH) Directeur Nutrition Responsable Qualité siège |
Savencia (Bongrain) |
Responsable Qualité usine (Caprices des Dieux) Responsable Qualité usine (Saucisses AOP – Clavière) |
|
Groupe Bel Château viticole |
Directeur QSE (Qualité Sécurité Environnement) Responsable Qualité |
|
Cas uniques |
Cave coopérative |
Responsable Qualité |
Confiturerie |
Responsable Qualité |
|
Confiserie |
Entrepreneur |
2.2. Définition des profils des gestionnaires étudiés
Pour mieux interpréter le profil/pratiques des gestionnaires qui instrumentalisent la mise en œuvre de la norme, nous avons défini après nos entretiens et selon les verbatim des gestionnaires, trois profils de qualiticiens :
–Les « gestionnaires rédacteurs-décideurs »déclinent les objectifs qualité à atteindre par la norme, rédigent les procédures mesurables et contrôlables par des revues de direction.
–Les « gestionnaires relais de contrôle »sont chargés de l’application des règles élaborées par le siège, du contrôle de leur conformité au niveau local (vérifications des enregistrements, audits internes), puis de la soumission des résultats du système aux « gestionnaires décideurs ».
–Les « praticiens applicateurs » des règles représentent les opérateurs qui appliquent les règles qui leur sont imposés. L’accès à l’étude des SA de ces praticiens ne nous était pas permis pendant cette recherche.
1472.3. Analyse des données
Pour traiter et analyser nos données, nous avons procédé par une analyse thématique et une analyse transversale. Dans l’analyse thématique,nous avons élaboré conformément aux thèmes du modèle du SA, une analyse descriptive du profil de chaque gestionnaire étudié : son objectif, sa communauté interne et externe, les règles de fonctionnement de son système et les outils d’appropriation des règles dans ses opérations. Pour rester ouvert aux catégories de pensée des praticiens, aux profils, missions et pratiques liées à leur diversité, nous n’avons pas recouru à un processus de codification, ni utilisé de logiciel d’analyse textuelle. Nous avons effectué une analyse transversale des cas – réalisée selon un schéma interprétatif des verbatim des praticiens – afin d’identifier trois groupes d’éléments : les pratiques récurrentes mises en place par les gestionnaires lors de la construction d’un système de management de la qualité permettant à la norme de remplir les trois fonctions d’un outil de gestion ; la nature des tensions qui émergent lors de l’application des règles ; les différents apprentissages et innovations qui se produisent à travers la mise en œuvre d’un SMQ.
3. Étude des cas et discussion des résultats
Nous présentons et discutons nos résultats en trois points répondant respectivement à nos trois questions de recherche : 1) quelles sont les pratiques d’appropriation mobilisées par les gestionnaires qualité, 2) quelles sont les tensions qui émergent pendant la démarche de normalisation des pratiques, et 3) quelle est la nature des apprentissages et innovations qui se génèrent pendant cette démarche.
Les phrases en italique reviennent aux verbatim des gestionnaires interviewés.
1483.1. Les Pratiques de conformation,
d’accompagnement du changement et d’exploration
L’analyse de nos résultats a identifié trois formes de pratiques que les gestionnaires mettent en place pour construire un système de management qualité. Ces pratiques permettent à la norme de remplir ses trois fonctions d’un outil de gestion (Tableau 2).
Tab. 2 – Pratiques de conformation, d’accompagnement du changement
et d’exploration d’un outil de gestion.
Pratiques de conformation -Procédures et instructions -Enregistrements -Audits internes/RDD |
Quelques exemples des verbatim « La maîtrise des processus exige des enregistrements qui sont les preuves des différentes étapes de la fabrication » (RQ - Clavière). « Je définissais les procédures à appliquer, les plans de contrôles et d ’ analyses, les plans d ’ audits, la grille de l ’ audit et sa fréquence d ’ application » (RQ Danone – siège). |
Pratiques d ’ accompagnement du changement -Simplification exigences -Application échelonnée/totale -Formation des employés -Instruments d’appropriation (rhétorique, outils techniques, méthodes sociales, motivation..) |
« J’ai pris de la norme ce qui correspond aux besoins de l’entreprise » (CQM). « La méthode One Point Lesson introduit les procédures sous forme de leçons à apprendre, une à la fois » (RQ usine groupe A). « La RQ a rédigé seule les procédures et les a diffusées pour application, elle voulait tout changer en dix minutes » (Entrepreneur Confiserie). « Cette Base de BP garantit que les contrôles sont les mêmes pour tous les produits fabriqués, quel que soit le site » (DQSE Bel). - Diagrammes d’Ishikawa, Pareto et cartes de contrôles des processus. - Challenge des innovations chez Bel (Les meilleures idées sont récompensées) - Attribution des diplômes de pilotage des processus (Château) |
Pratiques d ’ exploration Internes et externes |
-Cercles qualité : TOP (Top Ten des problèmes et solutions) ; POQ (Points Opérationnelles Qualité) ; (Groupes de travail à la recherche des idées innovantes) (Danone, Savencia). -Croisement des savoirs entre services ou cross-functional teams (Danone et Caprice des Dieux) |
Dans tous les cas étudiés les résultats ont montré que les pratiques de conformation sont des routines correctives (nouvelles procédures, et enregistrements au service de l’audit interne et RDD). Ces procédures 149construisent une boucle d’amélioration opérationnelle/individuelle et exigent une attitude managériale procédurière, directive axée sur les contrôles de conformité.
Les pratiques d’accompagnement (techniques ou sociales) qui facilitent la mise en œuvre des exigences de la norme dépendaient de l’objectif de l’entreprise pour acquérir la certification (satisfaction client ou transformation des pratiques) et, non seulement de la philosophie managériale du gestionnaire, mais de place hiérarchique et mission dans l’entreprise. Par exemple, la mission des RQ de Danone et du Château consiste à élaborer les nouvelles procédures et veiller à leur bonne mise en place. Ils participaient alors à leur rédaction, se trouvaient régulièrement auprès des employés où les nouvelles règles sont appliquées. Pour ces deux gestionnaires la qualité intègre mieux les pratiques par une approche psychologique et sociale que par une approche technique.
La RQ usine de Clavière n’avait pas cette autonomie. Sa mission consistait à appliquer les procédures imposées par le siège pour entretenir le système qualité et préserver l’appellation AOP des saucisses fabriquées dans son usine.
Les pratiques d’exploration concernaient les méthodes de travail collectif sollicitant un effort de combinaison de connaissances de différentes unités fonctionnelles de l’entreprise.
3.2. Les tensions
L’étude des cas a rendu visibles deux tensions majeures (Tableau 4). La première est liée à l’introduction de la norme dans le système de management établi comme un outil de contrôle, dejugement, et de dépossession de savoirs. Dans toutes les entreprises étudiées cette introduction a été vécue comme un outil de contrôle excessif qui a freiné l’adhésion des employés aux nouvelles règles, notamment par l’exigence « rédaction des procédures ». Cette exigence était vécue comme une dépossession des savoir-faire des employés concernés, elle menaçait leurs compétences et leurs postes. La deuxième tension est liée à l’interprétation des procédures élaborées loin du lieu d’application. Cette distance cognitive entre rédacteurs et applicateurs était responsable des dysfonctionnements dans les processus standardisés. Ce problème était aggravé par la langue de rédaction des procédures qualité (anglais) imposée par les multinationales.
150Selon les propos des gestionnaires étudiés, ces tensions dérivent des exigences paradoxales de la norme : « formaliser l’informel », « allier la conformation avec la créativité », « faire appliquer des règles élaborées loin des problèmes à améliorer » et des tensions liées à la mission « à double casquette » des responsables qualité : « gérer les tensions émotionnelles par la psychologie » et « mettre en place et entretenir le système de management qualité attendu par la direction ».
Tab. 3 – Les tensions liées à la mise en place
d’un système de management qualité.
Tensions |
Résultats |
Verbatim |
-Dilemme « rédacteurs-décideurs » -Distance cognitive « rédacteurs-applicateurs » |
-Persistance des dysfonctionnements -Procédures en anglais |
« Si la rédaction des règles est laissée à la charge des responsables des usines, le siège perd le contrôle de centralisation du système qualité. Et si les règles sont rédigées au siège pour respecter les lois corporate), les dysfonctionnements persistent » (CQM groupe A). |
Réticence d’adhésion des managers/employés aux règles |
Procédures partiellement appliquées |
« À chaque fois le siège émet une procédure les directeurs étaient réticents à l ’ idée de prendre le temps pour l ’ expliquer aux opérateurs. Il faut se déplacer et argumenter du bien-fondé de cette BP ». |
Ressources/responsabilités diverses à disposition des RQ |
Procédures imposées Autonomie d’action (PME) |
« Les directeurs d ’ usines n ’ ont pas assez d ’ autonomie pour rédiger leurs procédures et outils » (RQ siège Danone). « Le management qualité augmente les compétences de la direction et les miennes » (Château). |
Nos résultats montrent que les perturbations dans les pratiques étaient provoquées par des tensions émotionnelles et cognitives. Émotionnelles, car les employés ne souhaitent pas expliciter ou rendre visibles ce qu’ils font et comment ils le font. Dans la confiserie, la résistance des employés à cette exigence et le style managérial directif de la RQ a conduit à l’échec de la procédure de normalisation. L’entrepreneur de la confiserie explique les conséquences d’un style managérial directif dans l’échec de la certification : « Elle (la RQ) s’est mise dans un coin pour rédiger les nouvelles règles et a commencé à nous les imposer immédiatement ». « Tout le monde avait peur de cette intrusion ». « Elle ne faisait que contrôler et souligner 151les erreurs comme des fautes ».« Elle ne comprenait pas que chaque règle a besoin de temps avant d’être intégrée dans la façon de travailler, elle voulait tout changer en dix minutes ».
Dans les cas du château et de Danone la résistance des employés a été affaiblie par une présence régulière des RQ auprès des employés et par la psychologie, ainsi que par une application échelonnée des procédures « une leçon à la fois ».
3.3. L’apprentissage
Dans les cas étudiés, les SA se sont modifiés par trois sortes d’apprentissage (individuel, collectif et organisationnel) liés à deux formes d’appropriation (conformative et exploratrice) (Tableau 4).
Tab. 4 – Pratiques d’apprentissage et d’appropriation.
Apprentissage/appropriation |
Pratiques en place |
Individuel/Conformative Collectif / unités fonctionnelles Organisationnel/exploratrice |
Nouvelles routines correctives (procédures-enregistrements-audits-RDD) permettant la préservation des compétences de l’entreprise : code de fabrication du yaourt (Danone), fromage fondu (Bel), Caprice (Savencia), Label d’appellation (Château), Sucre cuit (Confiserie) Réunions qualité, coordination des activités entre services (qualité, marketing, R&D). Diffusion des BP (SAP) et développement de nouveaux produits par combinaison ou réplication de BP (Danone, Bel, Savencia). |
–L’apprentissage individuel est généré selon la séquence application-contrôle-correction des BP. L’appropriation ici est conformative.
–L’apprentissage collectif s’est produit à travers les réunions, cercles et séminaires qualité.
–L’apprentissage organisationnel a été permis par des outils techniques d’échange de BP (ERP ou progiciel de gestion intégré) ou méthode sociale sollicitant un échange de BP entre gestionnaires de différents services internes (R&D, qualité, production, marketing) et avec des parties prenantes externes (fournisseurs et consommateurs) (Groupe A, Savencia, Danone). L’appropriation ici est exploratrice. Elle vise à la fois la régularité des résultats des processus clés et la création de nouveaux savoirs pour innover.
1523.4. Les innovations
L’analyse transversale des SA des cas a révélé que les pratiques d’exploration en interne et en externe ont été mobilisées pour satisfaire les exigences suivantes : « Approche processus », « Analyse du contexte interne et externe », « Relations mutuellement bénéfique avec les parties prenantes » et « Gestion des connaissances organisationnelles ». Nos résultats montrent que ces pratiques sont responsables des innovations managériales (façon de faire des managers), marketing (affichage certification et produits de qualité), procédés (nouveaux contrôles et mesures d’amélioration) et des innovations produits (Tableau 5).
Tab. 5 – Innovations induites par le système de management qualité.
Cas |
Innovations |
Nouveautés |
Toutes les entreprises |
Managériales/organisationnelles |
Méthodes pour entretenir le système qualité, le lieu de travail et les relations entre parties prenantes Nouvelle façon de décliner les objectifs, de coordonner les activités et de motiver le personnel |
Danone Caprice des Dieux Bel |
Outils d’exploration des opportunités Nouveaux produits par échanges de BP Nouvelle usine en Amérique en 6 mois |
Foqual, Nutriplanet, Nutriprogress Essensis, Taillefine, Mini Caprices, Goodi, confitures allégées, poudre et pâte de sucre (nouvelles solutions fondées sur les connaissances) Extension de la gamme, réplication des BP industrielles et managériales |
Château viticole |
Environnementales - Sociales Greffe des normes ISO 14001, ISO 26000 |
Pratiques d’éco-conception et d’éco-innovation (poids de bouteilles réduites de 70g ; sessions de sport pour les employés 3 fois/semaine ; -30 % de phytosanitaire, obtention du label Vigneron responsable) |
Confiserie |
Produits |
Deux nouveaux produits : poudre parfumée pour « pop-corn » et pâte à épiler. |
L’analyse des résultats montre que les nouveaux produits générés dans le cadre du SMQ sont des innovations d’amélioration incrémentale ou de rénovation que nous avons qualifiées comme des innovations basées sur les connaissances ou Knowledge-based innovations car elles sont fondées 153sur le cœur-compétence des entreprises (Chanal et Mothe, 2005 ; Saulais et Ermine, 2012). Le RQ du château souligne que la structure organisationnelle et l’apprentissage « hérités » de la norme ISO 9001 ont facilité l’introduction de nouvelles normes, ISO 14000 et ISO 26000. LA mise en place de ces normes a permis la prise en compte de l’éco-conception et l’éco-innovation dans le cycle d’amélioration des pratiques. Nous illustrons ces innovations par quelques exemples :
Groupe Danone : Danone est une multinationale qui détient deux compétences clés : le yaourt et la qualité nutrition/santé. Par le management de la qualité et les outils qui lui sont dédiés, le groupe mise sur la collecte des BP éparpillées dans ses usines et filiales, et l’exploration des opportunités qui font valoir ces compétences par d’autres produits ou sur de nouveaux marchés. Nutriplanet, l’outil d’exploration des besoins des consommateurs a permis la création d’un yaourt nutritif (le Shokti-doï) pour le Bengladesh par réplication des BP de fabrication du yaourt et de leur combinaison avec les ressources et besoins locales. Foqual et Nutiprogress ont permis l’amélioration de la recette Blédina selon les attentes des parents et besoins des bébés, ainsi que la reconfiguration de la recette originale dans d’autres produits tels que blédidej (lait pour le petit déjeuner), blédîner et blédichef (pour les repas) et blédina desserts.
Caprices des Dieux : La politique qualité de la société est orientée par deux objectifs : la préservation et l’innovation de cette marque historique du groupe. Selon la RQ de l’usine « les innovations survenues sur le parcours du Caprice, sont plutôt des élargissements de la gamme ou des améliorations selon des besoins clients observés par le service marketing ou des réclamations et tendances des consommateurs ». Elle explique : « Si on a fait des “Mini Caprices” et “En cas de Caprice” (format de bûche avec des languettes prédécoupées), c’est parce que la société s’est ouverte aux besoins des consommateurs pour le snacking. Ce qui plait aux consommateurs, c’est que nous avons pu évoluer avec la tendance dans la consommation du fromage. Les caprices pré-coupés en portions de 15g sont des innovations de praticité, de service et d’ergonomie, elles évitent le gaspillage ». « Ces innovations dans la gamme sont issues d’échanges de savoirs entre la R&D, le marketing, la qualité et la production ».
Groupe Bel : Bel détient des compétences « historiques » dansles domaines du fromage fondu, des portions individuelles, du packaging, 154du marketing et de la qualité nutritionnelle des fromages phares du groupe comme le « kiri » et « la vache qui rit ». Selon le DQSE du groupe, l’innovation « Apéricubes » est une évolution (rénovation) des connaissances codifiées de ces compétences, d’un segment pour enfants vers un segment pour adultes. Il souligne aussi l’importance de la standardisation pour la codification des connaissances et le transfert/réplication des compétences industrielles : « Grâce aux BP industrielles et organisationnelles du groupe, nous avons pu ouvrir une usine de mini-babybels aux États-Unis en 6 mois ».
Confiserie : Malgré l’échec de la procédure de certification, l’organisation de l’activité en processus clés a identifié que le cœur compétence de l’entreprise est le sucre cuit et non pas les bonbons. Selon l’entrepreneur, l’écoute des besoins des non-clients de l’entreprise, a permis de créer avec le sucre cuit deux nouveaux produits : une poudre parfumée pour popcorn et une pâte à épiler.
Château : Le RQ du château souligne que par l’approche processus du SMQ ils ont identifié 16 processus clés, et noté les pertes, gaspillages et pollution que le château produit, ainsi que les besoins des employés pour des conditions de travail « de qualité ». Il explique : « Dans une logique d’amélioration continue, la greffe des normes ISO 14001 et ISO 26000 était évident ». « La mise en œuvre des exigences environnementales et sociales liées à ces normes a permis la mise en place d’une stratégie d’éco-conception (l’impact environnemental du cycle de vie du produit est prise en compte). À travers cette stratégie le poids des bouteilles a été réduit de de 70g et nos produits phytosanitaires de 30 %, nous recyclons nos déchets dans une distillerie régionale et nous travaillons qu’avec des fournisseurs de bouchons responsables vis-à-vis de leurs employés et de l’environnement ». L’innovation sociale a été aussi considérée pendant la mise en place de ces normes : « Je me dis que je ne sais pas faire du vin, ce sont les employés qu’ils le font et que le château ne peut pas être délocalisable, donc l’amélioration des conditions de travail des employés et de la qualité de vie du milieu dans lequel on vit s’impose. Aujourd’hui nous avons des sessions d’éducation physique du personnel trois fois/semaine et nous avons mis des vélos dans le parc du château au service des employés ». Le RQ précise que ce sont ces bonnes pratiques de management intégré (des trois normes) qui ont permis au château d’acquérir le label Vigneron Responsable et de garder un avantage 155compétitif sur le marché : « Il y a dix ans, il y avait huit vins Haut Médoc référenciés chez Carrefour, aujourd’hui il ne reste que trois, dont nous ».
L’analyse de ces innovations montre que ce sont les routines (bonnes pratiques industrielles et organisationnelles) accumulées sur la trajectoire historique des entreprises qui ont facilité l’exploration, identification et interprétation des opportunités que l’entreprise peut relever avec les connaissances et compétences qu’elle détient et maîtrise mieux que ses concurrentes. Ces innovations soulignent l’importance de la codification/exploitation des bonnes pratiques dans l’évolution du patrimoine culturel des entreprises.
À travers nos résultats empiriques les pratiques d’appropriation de la norme ISO 9001 qui se dictent, s’organisent et opèrent à plusieurs niveaux de l’organisation représentent à la fois des instruments de conformation et d’innovation. Adoptée comme une innovation managériale, la norme ISO 9001 peut créer un terrain fertile pour greffer d’autres normes de management telles que la norme ISO 14001 et la norme ISO 26000 de la responsabilité sociale des entreprises. Le système de mangement intégré combinant les performances économique, environnementale, sociale et nutritionnelle des produits agroalimentaires devient le nouvel outil de management de l’éco-innovation. Cet outil vise la création des conditions favorables au développement des innovations durables. Incrémentales, opérationnelles ou organisationnelles, les innovations/rénovations générées améliorent les systèmes de production existants par la réduction des coûts, des pertes et gaspillages. À travers l’éco-innovation les entreprises ont inventé de nouveaux savoirs, relations, organisations, ingrédients et procédés, mais aussi de nouvelles façons de partager ces savoirs et de les utiliser d’une manière durable, générant une valeur économique, environnementale ou sociétale pour les parties prenantes impliqués ou impactés par l’innovation.
Nos résultats montrent aussi que l’appropriation des exigences d’un outil de gestion tel que la norme ISO 9001 mène dans les organisations à deux modes d’existence :
1. Le mode où « l’outil s’empare de l’organisation et de ses acteurs », le pouvoir normatif de l’outil attire une adhésion superficielle à ces exigences. Les règles restent « adsorbées » au modèle de management existant.
1562. Le mode où « les acteurs s’emparent de l’outil », le pouvoir et la volonté des acteurs à changer leurs pratiques et relations poussent vers une « absorption » des principes transformateurs de la norme. Les acteurs recréent l’outil et l’orientent vers un sens favorable à leurs besoins. Si ces deux modes génèrent des apprentissages « du code » et « par le code », nos résultats montrent que la majorité des innovations managériales transformant la façon des managers et la coordination entre les fonctions de l’entreprise, ont été facilitées par le second mode d’existence. Ces innovations managériales se manifestent notamment dans l’intégration des exigences normatives aux objectifs stratégiques de l’entreprise, le pouvoir coordinateur de la qualité entre plusieurs unités (R&D, qualité, production, marketing), et le nouveau schéma de travail entre les managers qualité et les employés, applicateurs principaux de la norme (Danone, Entreprise A, Château, Caprice des Dieux). Ce sont ces innovations managériales qui sont à l’origine des innovations (rénovations) de produits qui ont été introduits au patrimoine culturel des entreprises « au nom de la qualité ».
À la lumière de nos résultats nous pouvons définir la notion de qualité et du style managérial de la façon suivante :
–La qualité concerne toutes les valeurs qui répondent aux exigences explicites et implicites des parties prenantes impliquées ou impactées par les étapes du cycle de vie d’un produit/service, dès la première étape de sa conception, transformation, assurance sécurité, distribution, marketing, disponibilité, consommation et élimination de ses déchets.
Le style managérial représente le comportement du manager vis-à-vis des soucis de la rentabilité et de la durabilité des marques de l’entreprise d’un côté, et du bien-être des collaborateurs internes et parties prenantes externes d’un autre côté. Ce comportement est influencé par les compétences managériales qu’il détient, sa perception personnelle de la qualité, sa position dans la hiérarchie de l’entreprise et sa mission dans son unité d’activité.
157Conclusion
L’étude de la structure et dynamique de la norme comme un outil de gestion orienté paradoxalement vers l’exploitation des standards opérationnels et l’exploration de nouvelles connaissances, nous a permis de définir le processus de contextualisation des exigences normatives comme un processus de gestion de trois types de connaissances : les connaissances expertes scientifiques et techniques encodées sous d’exigences à appliquer ; les connaissances pratiques ou BP opérationnelles à standardiser ; et les connaissances relationnelles (toute partie prenante directe ou indirecte) à saisir comme de nouvelles exigences, à combiner avec les compétences clés de l’entreprise pour créer de la valeur.
En interrogeant les liens entre les pratiques d’appropriation et la valeur appropriative de la norme il apparaît que ces pratiques permettent à la norme de fonctionner avec trois rôles principaux : conformer certaines pratiques pour assurer la régularité des résultats dans les processus standardisés ; accompagner l’intégration des nouvelles procédures et rechercher en interne les compétences et expertises pour préserver les compétences organisationnelles ; explorer en externe les opportunités sur lesquelles les entreprises peuvent s’appuyer pour innover. La nature de ces fonctions dépend de la mission assignée au gestionnaire qualité par la direction (élaboration « gestionnaires rédacteurs-décideurs » vs application des règles « gestionnaires applicateurs »), sa place hiérarchique dans l’organisation (attaché au siège ou manager intermédiaire), et son style managérial (directif ou participatif).
À travers l’analyse transversale des cas étudiés nous avons montré que la valeur appropriative du SMQ orientait le sens et la portée du mot qualité dans les systèmes d’activités. Dans les cas où la norme est considérée comme un outil d’assurance qualité, les gestionnaires – dans une approche technique – s’adhéraient superficiellement à la norme pour acquérir la certification recherchée. Dans les cas où la norme était adoptée comme une innovation managériale, les éléments constitutifs de la norme interagissaient – dans une approche sociale – pour la reconstruire selon les besoins internes et les attentes sociétales externes. Cette 158reconstruction fait évoluer la valeur de l’outil normatif d’une valeur de conformation à un creuset d’innovations durables, en phase avec les besoins nutritionnels et environnementaux de la société.
La question de la capacité des entreprises à créer ces innovations durables renvoie aux débats actuels sur l’élaboration et l’appropriation des standards liés aux technologies digitales et machines « intelligentes » qui prennent une place importante dans les systèmes agricoles, agroalimentaires et les chaînes d’approvisionnement. L’appropriation des exigences de ces standards et technologies intensives en données dans les pratiques des utilisateurs qui n’ont pas, ou peu, de compétences dans le management des systèmes de données, nécessite des managers compétents et participatifs pour assurer la communication au sein des entreprises et entre les entreprises et la société (toute partie prenante impliquée et/ou impactée par ce que l’entreprise produit) en particulier dans les entreprises opérant au niveau multinational.
Nous estimons que dans une société connectée et des systèmes d’activités de plus en plus complexe et en interaction à l’échelle mondiale, les normes, les entreprises et les managers doivent être considérés comme des partenaires fiables dans le processus de développement des innovations alimentaires. Pour être durables, ces innovations doivent être issues d’une démarche de gestion de connaissances plus sociale que technique afin de répondre aux défis socio-économiques, environnementaux et nutritionnels que les systèmes alimentaires industriels ou alternatifs (traditionnels ou locaux) envisagent dans la transition écologique en cours dans le secteur agroalimentaire.
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1 The ISO Survey of Management System Standard Certifications 2016 (September, 2017).
- CLIL theme: 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN: 978-2-406-10787-3
- EAN: 9782406107873
- ISSN: 2554-9626
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10787-3.p.0133
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-26-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: ISO 9001, management tool, managerial innovation, knowledge, innovation