Community Engagement Process as Social Innovation A Reading Through Legitimation Strategies
- Publication type: Journal article
- Journal: Entreprise & Société
2018 – 2, n° 4. varia - Authors: Ben Hassine (Leila), Gherib (Jouhaina)
- Pages: 121 to 154
- Journal: Business & Society
Processus d’engagement communautaire
en tant qu’innovation sociale
Une lecture par les stratégies de légitimation
Leila Ben Hassine
Docteur de l’École Supérieure de Commerce de Tunis (ESCT) Université de la Manouba, Laboratoire de Recherche LIGUE LR99ES24, Tunisie
Jouhaina Gherib
Professeur à l’Institut Supérieur de Comptabilité et d’Administration des Entreprises (ISCAE) – Université de la Manouba, Laboratoire de Recherche LIGUE LR99ES24, Tunisie
Introduction
Appréhendé en tant que catalyseur d’innovation, l’engagement envers la RSE permet de créer des opportunités de création de valeur partagée (Delpuech, 2013 ; Porter et Kramer, 2011). Muthuri et al. (2012) précisent qu’il est encore plus important pour les entreprises dans les pays en voie 122de développement de s’engager dans des processus d’innovation où les entreprises adaptent des idées, des produits et des processus qui profitent de manière significative aux entreprises et aux acteurs communautaires. Plusieurs recherches ont montré que l’engagement communautaire permet d’accroître la légitimité, d’obtenir le « permis social d’opérer » et d’assurer la survie organisationnelle (Bowen et al., 2010 ; Bruijn et Whiteman, 2010 ; Demuijnck et Fasterling, 2016 ; Idemudia, 2007 ; Wang et al., 2017). Cependant, ces mêmes travaux restent encore flous concernant la gestion de cette légitimité organisationnelle, identifiée comme le majeur avantage procuré de l’engagement communautaire. En dépit des résultats obtenus, plusieurs chercheurs notent que les travaux sur les stratégies de légitimation restent encore limitées et nécessitent d’autres investigations supplémentaires (Deephouse et al., 2017). D’un autre côté, la quasi-totalité des travaux qui s’intéressent à l’engagement communautaire adopte une approche universaliste, considérant que les pratiques peuvent être mises en œuvre n’importe où, et dans l’absolu. La contrainte des contextes sur la mise en œuvre et sur l’efficacité de l’engagement communautaire n’a jusqu’ici, à notre connaissance, jamais été prise en compte.
En Tunisie et suite aux évènements du 14 janvier 2011, certaines entreprises ont subi une augmentation exponentielle des manifestations de la part des communautés vivant à proximité. Ces communautés remettent souvent en question les pratiques sociétales et revendiquent leur droit au travail et aux richesses naturelles, en limitant aux entreprises l’accès aux ressources stratégiques nécessaires pour leur survie (manifestations sur les sites, prise en otage des sites, blocage d’activités, etc.). Ces entreprises se sont trouvées alors amenées d’innover dans leurs démarches d’engagement communautaire afin d’acquérir une légitimité organisationnelle.
L’objectif de notre recherche est ainsi de répondre à la question suivante : Quel est l’impact des facteurs contextuels sur la politique d’engagement communautaire d’une entreprise en tant que stratégie de légitimation ?
Avancer des éléments de réponse à cette question suppose d’analyser finement le processus de construction de la légitimité organisationnelle à travers une approche contextualiste de Pettigrew (1987). L’analyse de ce processus nous permettra de comprendre les modalités de pilotage 123du processus d’innovation sociale des entreprises en matière de RSE, en particulier à travers l’engagement communautaire. L’innovation sociale « fait référence à des activités innovantes pour répondre à un besoin social » (Mulgan, 2006, p. 146). À travers une étude de cas d’une entreprise d’un pays en voie de développement qui est la Tunisie, cette recherche se concentre alors sur la façon dont les entreprises innovent dans leurs rôles de gouvernance et les conditions dans lesquelles les innovations de l’engagement communautaire sont créées, prennent forme et sont mises en pratique.
Dans une première partie, nous explicitons les questionnements de recherche et le cadre d’analyse, tout en nous basant sur l’approche contextualiste de Pettigrew (1987). Ensuite, la méthodologie est présentée dans une deuxième partie. Enfin, les résultats sont exposés en troisième partie et discutés en dernier lieu.
1. Le cadre conceptuel de la recherche
1.1. Les concepts mobilisés
1.1.1. L’engagement communautaire
Appliqué à un niveau managérial, l’engagement communautaire décrit habituellement les interactions entre une entreprise et la communauté dans laquelle elle travaille (Altman, 1999). Ce concept est assez large pour englober la plupart de ce qu’une entreprise fait dans le contexte d’une communauté. Un concept sous-jacent de la littérature est celui du « continuum de l’engagement communautaire » (Bowen et al., 2010 ; Cho et De Moya, 2016 ; Delannon et al., 2016). Basé sur le principe de la participation de la communauté dans la prise de décision, ce continuum ordonne les entreprises de la moins engagée vers la plus engagée. La plupart des auteurs notent l’accroissement des niveaux d’engagement d’un partage d’information unilatéral, suivi d’un véritable dialogue bilatéral pour arriver à un leadership communautaire (Bowen et al., 2010 ; Cho et De Moya, 2016 ; Delannon et al., 2016). À travers une analyse détaillée de plus de deux cents sources académiques et pratiques, Bowen 124et al. (2010) illustrent leur synthèse de l’engagement communautaire en passant par : la position de l’entreprise, les activités types/stratégies tactiques, la communication, les partenaires, la fréquence des interactions et les apprentissages. À partir d’une terminologie empruntée de la littérature du leadership et de la gouvernance, (ibid.) dressent une trilogie d’engagement communautaire : transactionnel, transitionnel et transformationnel.
1.1.2. La légitimité organisationnelle
La légitimité organisationnelle est un concept gestionnaire dont la définition a fait l’objet de deux courants de recherche : stratégique et institutionnel (Suchman, 1995). Dans le courant institutionnel, la légitimité organisationnelle est définie comme un jugement conféré par des acteurs sociaux (Deephouse et al., 2017 ; Dowling et Pfeffer, 1975). Du point de vue stratégique, la légitimité est définie comme une ressource stratégique, qui participe à l’attraction d’autres ressources nécessaires à la survie et à la pérennité de l’entreprise (Ashforth et Gibbs, 1990 ; Pfeffer et Salancik, 1978).
Suchman (1995) propose une catégorisation de la légitimité, qui a été largement utilisée (Deephouse et al., 2017 ; Suddaby et al., 2017) : la légitimité pragmatique, la légitimité morale et la légitimité cognitive. Le tableau 1 ci-après présente les dimensions et les sous dimensions de la légitimité organisationnelle telles que proposées par Suchman (1995).
Tab. 1 – Les dimensions de la légitimité organisationnelle selon Suchman (1995).
Dimensions |
Sous dimensions |
Description |
Légitimité pragmatique |
« par l’échange » |
Les acteurs soutiennent la politique organisationnelle dans le but de bénéficier d’échanges favorables. |
« par l’influence » |
Les acteurs soutiennent la politique organisationnelle dans le but de servir leurs intérêts. |
|
« par la bonne disposition » |
Les acteurs soutiennent la politique organisationnelle lorsqu’ils partagent les valeurs de l’organisation. |
|
125
Légitimité morale |
« par les conséquences » |
Les acteurs évaluent les organisations sur ce qu’elles réalisent. |
« procédurale » |
Les acteurs soutiennent les organisations lorsqu’elles adoptent des procédures socialement acceptables. |
|
« structurelle » |
Les acteurs soutiennent les organisations lorsqu’elles mettent des structures adéquates de contrôle qualité. |
|
« personnelle » |
Les acteurs soutiennent les organisations lorsqu’elles sont dirigées par des leaders individuels charismatiques. |
|
Légitimité cognitive |
« compréhensible » |
Les acteurs soutiennent les organisations sur la base des éléments culturels, construits socialement par des représentations symboliques et cognitives. |
« allant de soi (taken for grantedness) » |
Les acteurs considèrent les organisations comme des éléments habituels et fonctionnels de l’environnement social. |
1.1.3. Les stratégies de légitimation
La littérature sur les stratégies de légitimation met en évidence les « défis » de la légitimation ainsi que ses outils (Ashforth et Gibbs, 1990 ; Deephouse et al., 2017 ; Suchman, 1995). Ashforth et Gibbs (1990, p. 182) proposent trois « buts » de légitimation : « extension, maintien et défense de la légitimité ». Suchman (1995, p. 585) offre un cadre similaire et suggère trois « défis » de la gestion de la légitimité : « gain, maintien et rétablissement » de la légitimité organisationnelle. Deephouse et al., (2017) proposent cinq « scénarios » de légitimation : « gain, maintien, réponse, défi, innovation institutionnelle ». Pour Suchman (1995), afin de gagner en légitimité, les organisations optent pour « se conformer », « sélectionner » ou « manipuler » l’environnement.
Très peu de recherches étudient la manière dont les organisations maintiennent activement la légitimité (Hossfeld, 2018). Ceci est expliqué par l’état de stabilité qui ne crée pas beaucoup de drame théorique ou nécessite une intervention managériale active (Deephouse et al., 2017).
126Rares sont les travaux empiriques qui étudient des stratégies pour rétablir la légitimité (Lamin et Zaheer, 2012). Oliver (1991) identifie cinq réponses stratégiques : « manipulation », « défi », « évitement », « compromis », et « acquiescence ». Elsbach (1994) suggère « la négation », « la négation avec arguments institutionnels » et « la reconnaissance ». Pour Suchman (1995), les stratégies de légitimation portent sur une « normalisation de comptes », « une restructuration » ou un « évitement de panique ». Enfin, Lamin et Zaheer (2012) soulignent la nécessité de considérer « la négation », « le défi », « le découplage », « l’accommodation » et « l’absence de réponse », comme des stratégies distinctes pour rétablir une légitimité organisationnelle. Le tableau 2 ci-après présente les types de stratégies de légitimation.
Tab. 2 – Les types de stratégies de légitimation
Auteurs |
Stratégies ou processus de légitimation |
|||
Suchman, (1995) |
Conformité |
Sélection |
Manipulation |
|
Zimmerman et Zeitz (2002) |
Conformité |
Sélection |
Manipulation |
Création |
Scherer, Palazzo, et Seidl, (2013) |
Adaptation |
Raisonnement moral |
Manipulation stratégique |
Plusieurs recherches menées ont montré que l’engagement communautaire permet d’accroître la légitimité, d’obtenir le « permis social d’opérer » et d’assurer la survie organisationnelle (Bowen et al., 2010 ; Bruijn et Whiteman, 2010 ; Demuijnck et Fasterling, 2016 ; Idemudia, 2007 ; Wang et al., 2017). Cependant, ces mêmes travaux restent encore flous concernant la gestion de cette légitimité organisationnelle, identifiée comme le majeur avantage procuré de l’engagement communautaire. Une gestion permanente de la légitimité organisationnelle de la part de l’entreprise impliquerait le déploiement de stratégies de légitimation différentes.
D’un point de vue empirique, la révolution du Printemps Arabe dans certains pays comme la Tunisie, l’Égypte et la Libye a conduit à des changements dans les régimes de ces pays en affectant le système 127politique, économique et juridique (Eljayash, 2015). La littérature jusque-là n’a pas assez pris en compte la dimension du « contexte », alors que les changements dans des pays en transition démocratique ne sont pas sans effet sur les démarches d’engagement communautaire des entreprises. Plus particulièrement, certaines entreprises ont subi une augmentation exponentielle des manifestations de la part des communautés vivant à proximité. La contrainte du changement des contextes sur la mise en œuvre et sur l’efficacité de l’engagement communautaire semble être cruciale dans l’analyse de l’adoption de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation.
En apportant un éclairage sur le caractère processuel de l’engagement communautaire adopté en tant que stratégie de légitimation, ainsi que sur ses interactions avec les contextes externe et interne et le contenu de la légitimité organisationnelle, nous souhaitons montrer que la mise en œuvre des pratiques d’engagement communautaire doit être réfléchie au regard de leurs contextes externe et interne et de leur impact sur la légitimité organisationnelle. Une approche contextualiste au sens de Pettigrew (1987) pourrait apporter des prolongements dans ce sens.
1.2. Le modèle d’analyse
L’approche contextualiste a été développée par Pettigrew (1987) et adoptée par plusieurs chercheurs afin de rendre compte des dynamiques de changement dans les organisations (Van de Ven, 1992 ; Van de Ven et Poole, 1995). En articulant le contexte, le contenu et le processus, elle vise à comprendre et à expliquer d’une façon processuelle les modalités de transformation et d’innovation de l’organisation (Pettigrew, 1987).
La dimension « contenu » renvoie aux domaines qui sont concernés par l’objet que l’on étudie (Pettigrew, 1987). Quant à la dimension « contexte », elle se manifeste dans une double perspective interne et externe de l’organisation (ibid.). D’une façon générale, le contexte externe est composé de l’environnement politique, économique, social, technologique, écologique et légal dans lequel l’entreprise opère (Pettigrew, 1987). En comparaison, le contexte interne fait référence aux éléments de leadership, de structure hiérarchique et de culture organisationnelle (Pettigrew, 1987). Enfin, la dimension « processus » englobe les phases, entendues comme des successions d’étapes, les points de rupture, qui caractérisent des résultats inattendus et les délais, qui traduisent une 128période où le phénomène est en suspens ou qui rendent compte d’une échéance (Van de Ven et Poole, 1995).
Pour notre recherche, nous nous intéressons aux évènements qui ont un impact sur l’objet d’étude (la légitimité organisationnelle). Pour ce faire, une grille d’analyse contextualiste (cf. Annexe 1) est élaborée. Cette grille met en avant l’évolution temporelle du contexte externe et interne, de l’adoption de l’engagement communautaire (processus) et de la légitimité organisationnelle (contenu). Le détail des différentes dimensions se présente comme suit :
La dimension « contenu » se réfère au contenu de la légitimité organisationnelle au sens de Suchman (1995). Concrètement, le contenu de la légitimité organisationnelle se mesure par l’état de la légitimité (acquise, maintenue, rétablie) et ses types (pragmatique, morale, cognitive).
La dimension « processus » s’intéresse à l’adoption de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation. La typologie de Bowen et al. (2010) illustre les stratégies d’engagement communautaire transactionnel, transitionnel et transformationnel en passant par : la position de l’entreprise, les activités types/stratégies tactiques, la communication, les partenaires, la fréquence des interactions et les apprentissages.
La dimension « contexte » se manifeste dans une double perspective interne et externe de l’organisation (Pettigrew, 1987). Le contexte externe fait référence à l’environnement politique, économique, social, technologique, légal et écologique dans lequel l’entreprise opère. Bowen et al. (2010) précisent que les stratégies d’engagement communautaire sont conçues pour se conformer à l’orientation stratégique, la structure, la culture et le processus de prise de décision. Nous retenons donc ces composantes pour le contexte interne. Étant une dimension de la RSE, l’engagement communautaire est étudié en prenant en considération les composantes du contexte de la RSE, à savoir l’orientation stratégique en matière de RSE, la diffusion de la culture RSE, la mise en place d’une stratégie RSE dans la structure hiérarchique, et le mode de prise de décision de la RSE (centralisation/décentralisation, formel/informel, styles de direction).
1292. La méthodologie de la recherche
Notre stratégie de recherche se base sur une étude de cas unique (Yin, 2003). Notre recherche se justifie par sa visée compréhensive et par l’analyse de processus (Hlady Rispal, 2002). À cet effet, nous avons retenu le potentiel de découverte, la complexité et la rareté du phénomène comme un critère d’échantillonnage théorique (Yin, 2003). Dans ce sens, nous avons sélectionné le cas de l’entreprise pétrolière tunisienne « Basic Oil and Gas1 » étant donné que c’est une entreprise qui a adopté un programme d’engagement communautaire sur le moyen terme au moment de notre étude empirique. Ce choix est justifié aussi par le déficit de la légitimité organisationnelle subi par les entreprises tunisiennes publiques en général, et par « Basic Oil and Gas » en particulier après les évènements du 14 janvier 2011. En effet, les sites de production de « Basic Oil and Gas » ont été le théâtre de vives revendications sociales et sociétales et ont été bloqués par les communautés locales vivant à proximité2.
Les entretiens individuels (cf. Annexe 2) ont constitué la source primaire. Ils ont été complétés par des données secondaires : une observation participante et une analyse documentaire. Face à la complexité des informations recherchées, nous avons eu recours à des entretiens non directifs en premier lieu. Puis, nous avons mené des entretiens semi directifs plus approfondis en deuxième lieu.
Un entretien préliminaire avec le directeur général adjoint a permis de discuter de la pertinence de la problématique de la recherche par rapport au fonctionnement de « Basic Oil and Gas ». Cet entretien ouvert a duré une heure. Il a permis de clarifier le fonctionnement général de la l’entreprise, de ses projets RSE en cours, et de la nature de notre intervention. La collecte des données a commencé, d’abord, à partir de septembre 2015 jusqu’à janvier 2016 au sein de la direction générale de « Basic Oil and Gas ». Au cours de cette phase, quatre entretiens non directifs ont été menés auprès du directeur chargé de la RSE et 130auprès d’un consultant externe de « Basic Oil and Gas ». À l’issue de l’acceptation de la direction générale, un protocole d’accord a été rédigé. Il définissait clairement les modalités de recueil de données et de restitution des résultats de la recherche. Le responsable chargé de la RSE a été notre « parrain » au sein de « Basic Oil and Gas » (Thiétart, 2014).
Le parrain peut jouer le rôle de « passerelle » avec un univers non familier… Il peut enfin être une sorte de « patron » qui investit le chercheur de la confiance des autres par son propre contrôle sur le processus de recherche. L’accès au terrain est produit de façon indirecte par la « passerelle »et par le « guide », et de façon directe par le « patron » (ibid., p. 282).
Ainsi, le « parrain » a été la personne qui nous a accordé le premier contact avec les interviewés. De par sa position hiérarchique et sa notoriété reconnue par ses collaborateurs, il nous a permis de collecter les données dans de bonnes conditions. L’enquête a commencé en septembre 2015 et s’est achevée en décembre 2016. Les entretiens individuels ont constitué la source primaire des données. Ces entretiens ont été de deux types : non directifs et semi directifs. Ils ont été complétés par des données secondaires : une observation participante et une analyse documentaire. Dans un premier lieu, quatre entretiens non directifs ont été menés auprès du directeur conseiller chargé de la RSE et un des consultants externes de « Basic Oil and Gas ». Ces entretiens ont été menés entre septembre 2015 et janvier 2016 totalisant 405 minutes. L’objectif de ces entretiens est d’explorer le lien entre le processus d’adoption de l’engagement communautaire avec la légitimité organisationnelle. Au début de chaque entretien, nous avons défini l’engagement communautaire comme un thème général. Des questions de relance fondées sur des éléments déjà exprimés par le répondant ont facilité l’approfondissement des autres thèmes déjà énoncés par les répondants.
Dans un deuxième temps, nous avons eu recours aux entretiens semi directifs dans le but de collecter des informations à la fois plus spécifiques et plus larges (Hlady Rispal, 2002). Conformément aux préconisations de Miles et Huberman (2003), nous avons sélectionné un panier de répondants large et diversifié dans le but de contribuer à une étude globale du phénomène. Ainsi, nous avons choisi d’interroger toutes les personnes impliquées dans des projets d’engagement communautaire puisqu’elles sont les mieux informées. En effet, nous nous sommes intéressés à des 131acteurs, ayant des niveaux hiérarchiques et des domaines fonctionnels différents et qui sont parfois des acteurs externes en dehors de la sphère organisationnelle de « Basic Oil and Gas ». Afin d’éviter le biais de focalisation sur des répondants qui pourraient être très proches de notre « parrain », nous avons identifié de nouveaux répondants, pour enrichir les données recueillies. Notre échantillon comprend des directeurs et sous directeurs, des consultants externes et des responsables RSE des partenaires pétroliers de « Basic Oil and Gas ». Pour des raisons de validité, nous avons élaboré trois guides d’entretien selon les types de répondants. Ces guides étaient organisés autour de quatre grands thèmes principaux : le contexte, l’engagement communautaire, la stratégie de légitimation et la légitimité organisationnelle (cf. Annexe 3).
Au total, vingt-six entretiens semi directifs totalisant 1 865 minutes ont été menés auprès d’un échantillon varié. Ces entretiens ont eu une durée comprise entre une heure et deux heures. Ils ont commencé en fin mars 2016 et se sont achevés en décembre 2016.
Par ailleurs, les données issues des entretiens semi directifs ont été appuyées par une observation participante et une recherche documentaire. En effet, nous avons participé à la rédaction du rapport RSE 2015 et de la communication sur le progrès 2015 qui est exigée par le pacte mondial des nations unies ainsi qu’à l’élaboration d’une proposition d’un outil de mesure de l’impact sociétal. De plus, les différents documents consultés (site web, articles de presse, rapports d’activités…) nous ont surtout permis d’obtenir des enrichissements et de valider les données collectées lors des entretiens individuels. Dans le cadre de cette recherche, nous avons tout d’abord établi un plan général de codage mentionnant les principales catégories dans lesquelles les codes sont inductivement intégrés (Miles et Huberman, 2003). Nous avons alors établi une première liste de codes (nœuds hiérarchiques dans NVivo 7) issus de la littérature. Dans un second temps, cette liste a été modifiée et enrichie par les données issues du terrain tel que préconisé par Miles et Huberman (2003), ce qui nous a permis d’aboutir à une seconde liste de codes. Le codage thématique a été fait à l’aide du logiciel NVivo 7. Nous avons organisé la liste des codes thématiques selon les catégories de Pettigrew (1987) : contexte, processus, contenu. Le logiciel NVivo 7 nous a permis de réarranger cette liste de façon souple, au fil des allers-retours entre le terrain et la littérature. Ce logiciel s’est avéré utile pour prendre en compte les 132nouveaux thèmes émergents (nœuds libres dans NVivo 7) au fur et à mesure de l’analyse des données recueillies. En deuxième lieu, une analyse processuelle des données a été effectuée (Musca, 2006 ; Thiétart, 2014 ; Van de Ven, 1992). La grille de lecture contextualiste nous a permis de faire un découpage chronologique des thèmes. Ceci nous a permis d’établir la chronologie d’une série d’évènements concrets par période de temps (Miles et Huberman, 2003). Ces périodes correspondent aux différentes phases de changement de l’engagement communautaire de « Basic Oil and Gas » (Pettigrew, 1987). Afin d’effectuer une analyse processuelle de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation, nous avons suivi trois phases : analyse des trajectoires, le repérage des phases et la caractérisation des phases (Musca, 2006 ; Van de Ven, 1992). Afin de faciliter la condensation des données, des matrices chronologiques et des matrices liste de contrôle ont été élaborées. En suivant les préconisations de Yin (2003), plusieurs tactiques ont été déployées afin d’assurer la validité du construit (l’utilisation des sources multiples de données), la validité interne (la démarche allers-retours entre le terrain et la théorie) et la validité externe (la généralisation analytique de notre étude de cas unique). La fiabilité quant à elle a été assurée par le suivi d’un protocole de codage et l’élaboration d’une base de données « Basic Oil and Gas ».
3. Les résultats de l’étude empirique
3.1. Le contexte tunisien
En Tunisie, les évènements du soulèvement populaire du 14 Janvier 2011 ont permis de dénoncer l’oppression morale et institutionnelle et contester la mauvaise gouvernance, le taux de chômage élevé, les inégalités sociales, le déséquilibre régional et la mauvaise redistribution des richesses. Depuis 2011, les problèmes économiques liés à la crise de 2008 ont été accentués (Boutiba et Ben-Slimane, 2017). Dans ce contexte, les entreprises tunisiennes, créatrices de richesses et d’emplois n’ont pas échappé à ces manifestations sociales et sociétales et se trouvent dans l’épicentre de cette lame de fond révolutionnaire, pour devenir même 133le siège favori des contestations. Plus particulièrement et après 2011, la Tunisie a connu une prolifération des organisations, des associations et des partis politiques qui exercent sur les entreprises des liens de contrôle voire de pression. Particulièrement, ceci est allé jusqu’au blocage d’entreprises publiques. Ces entreprises se sont trouvées alors amenées à s’engager envers leurs communautés et d’investir dans les rôles traditionnels joués par les gouvernements. Les entreprises qui n’ont pas su se préparer à la crise sociale éclatée après les évènements du 14 janvier 2011 se trouvent ainsi confrontées à des problèmes économiques et sociaux, qu’elles doivent résoudre de façon concomitante.
3.2. Présentation du cas
Créée en 1972, « Basic Oil and Gas » est une entreprise publique tunisienne à caractère non administratif. Placée sous l’autorité de la tutelle de la Direction Générale de l’Énergie, un service spécialisé au sein du Ministère Tunisien de l’Énergie, des Mines et des Énergies Renouvelables, « Basic Oil and Gas » a pour mission de promouvoir l’exploration des hydrocarbures en Tunisie ainsi que la gestion des exploitations pétrolières et gazières.
En relation avec la RSE, « Basic Oil and Gas » travaille sur les consortiums des gouvernorats de Tataouine et de Kébili (situés dans le sud tunisien) ou conjointement avec des entreprises partenaires en « joint-venture » qui opèrent dans ces régions. « Basic Oil and Gas » a signé deux chartes de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE Tataouine) avec ses partenaires pétroliers dans les régions de Tataouine et Kébili pour une durée de trois ans.
3.3. Les résultats descriptifs de l’étude empirique
Les entretiens non directifs révèlent un déficit de la légitimité organisationnelle de « Basic Oil and Gas » depuis les évènements du 14 janvier 2011 en Tunisie. L’objectif de la mise en place d’un programme d’engagement communautaire est de rétablir le déficit de la légitimité organisationnelle. Les résultats de l’analyse des entretiens semi directifs nous ont permis de retracer la trajectoire du contexte externe et interne, de l’engagement communautaire, de la stratégie de légitimation et du contenu de la légitimité organisationnelle. Ces résultats ont permis de 134remplir la grille de lecture contextualiste (cf. Annexe 4). Trois phases de changement ont été identifiées :
–Une phase 1 (janvier 2011-mai 2014) caractérisée par l’adoption d’un engagement communautaire transactionnel en tant que stratégie d’évitement de panique ;
–Une phase 2 (juin 2014-mai 2015) caractérisée par la planification d’un engagement communautaire transitionnel dans la région de Tataouine avec une stratégie de restructuration (créer des moniteurs et dissocier) ;
–Une phase 3 (juin 2015-avril 2016) caractérisée par la mise en œuvre de l’engagement communautaire transitionnel à Tataouine en tant que stratégie de restructuration (créer des moniteurs) et la planification à Kébili d’une stratégie d’engagement communautaire transitionnel.
3.4. Les résultats analytiques de la recherche
3.4.1. La phase 1 (janvier 2011-mai 2014)
Les résultats montrent que pendant la phase 1 (janvier 2011-mai 2014), « Basic Oil and Gas » a adopté un engagement communautaire transactionnel en tant que stratégie d’évitement de panique. Cette phase est caractérisée par un déficit de légitimité pragmatique et morale. Les activités, la communication, la fréquence des interactions avec les communautés étaient similaires à celles déployées avant les évènements du 14 janvier 2011. Pendant la phase 1, « Basic Oil and Gas » n’a jamais normalisé les comptes sur ses actions d’engagement communautaire et n’a pas fait de restructuration puisqu’elle ne savait pas ce qu’il fallait faire face aux revendications communautaires. Pour le consultant 1, « “Basic Oil and Gas” était cette entreprise publique fermée qui n’a fait aucune réaction face aux revendications communautaires ». De son côté, le directeur conseiller chargé de la RSE affirme que « la direction générale ne savait pas ce qu’il fallait faire face aux revendications communautaires pendant cette période ».
Nous constatons que pendant cette phase (janvier 2011-mai 2014), les pressions provenant du contexte externe n’ont pas contribué à modifier l’engagement communautaire de « Basic Oil and Gas ». En tant 135que stratégie d’évitement de panique, l’engagement communautaire transactionnel de « Basic Oil and Gas » n’a pas contribué à atténuer les pressions provenant du contexte externe. En relation avec le contexte interne, l’incapacité des dirigeants à faire face à ces pressions était liée à la faible diffusion de la culture RSE et à sa politique rattachée aux instructions du Ministère de l’Énergie. Cette incapacité des dirigeants était liée également à l’absence d’une structure hiérarchique chargée de la RSE. Au-delà du manque de la mise en place d’une stratégie RSE, le mode de prise de décision de la RSE se basait sur une décentralisation des actions entre les partenaires pétroliers. Dans ce sens, le directeur conseiller rattaché à la direction générale précise qu’« Avant le programme, on avait une stratégie sociétale dans les régions. Tellement, elle a été diluée entre les partenaires et les régions, que “Basic Oil and Gas” ne s’est jamais affichée. ».
3.4.2. La phase 2 (juin 2014-mai 2015)
Les résultats montrent une évolution de la stratégie de légitimation pendant la phase 2 (juin 2014-mai 2015). C’est une phase de restructuration. Cette nouvelle stratégie porte sur la planification d’un engagement communautaire de type transitionnel dans la région de Tataouine. Cette planification a contribué à modifier la structure hiérarchique (recrutement d’un bureau d’études, création d’un poste de directeur chargé de la RSE) et le mode de prise de décision (centralisation de la décision RSE au sein du conseil d’administration, formalisation de la RSE : signature de la charte RSE Tataouine, signature de conventions). En tant que leader, « Basic Oil and Gas » a du équilibrer les orientations stratégiques de la RSE des différents partenaires pétroliers afin d’élaborer un plan d’action du programme RSE Tataouine. Le directeur général adjoint affirme « […] À partir de ce moment-là, il a fallu regrouper les opérateurs et on a eu beaucoup de problèmes. Chaque opérateur voulait s’afficher avec son nom. ». De son côté, le consultant 2 ajoute :
[…] il faudrait voir les objectifs des opérateurs partenaires dans le programme RSE de la région. Il y a des opérateurs qui ont des préférences pour le domaine de l’éducation, d’autres pour des causes humanitaires et sociales. « Basic Oil and Gas » a des préférences par exemple pour la promotion du secteur privé. Donc, il faut équilibrer tout ça dans le plan d’action RSE Tataouine.
136Cependant les changements dans le programme d’engagement communautaire et dans le contexte interne n’ont pas contribué à atténuer le déficit de légitimité organisationnelle pragmatique et morale.
3.4.3. La phase 3 (juin 2015-avril 2016)
Les résultats montrent une évolution de l’engagement communautaire pendant la phase 3 (juin 2015-avril 2016). La stratégie de légitimation reste la même et porte sur une restructuration par la création de moniteurs. La mise en œuvre de l’engagement communautaire transitionnel adopté en tant que stratégie de restructuration a contribué à atténuer les pressions communautaires. La planification d’un engagement transitionnel adopté en tant que stratégie de restructuration a contribué à modifier la structure hiérarchique (recrutement d’un bureau d’études), et le mode de prise de décision (formalisation de consortium RSE Kébili, centralisation de la décision). Le directeur général adjoint de « Basic Oil and Gas » avoue qu’à « Basic Oil and Gas » les fonctions dépendent des personnes et non des structures. Il explique :
On veut aussi mettre en place une structure liée à la RSE et qui sera indépendante des personnes ; des choses impersonnelles. Malheureusement à « Basic Oil and Gas », beaucoup de dossiers[dont la RSE] dépendent des personnes parce que nous n’avons pas mis les structures adéquates.
Le déficit de la légitimité organisationnelle pragmatique et morale pendant la phase 2 (juin 2014-mai 2015) a contribué à la mise en œuvre à Tataouine et la planification à Kébili d’un engagement communautaire de type transitionnel qui a été adopté en tant que stratégie de restructuration. En retour, cet engagement communautaire a engendré une atténuation des revendications communautaires et a contribué à rétablir la légitimité organisationnelle pragmatique pendant la phase 3 (juin 2015-avril 2016). Ce nouvel état de légitimité est expliqué par le changement dans les activités de l’engagement communautaire transitionnel (la création de l’emploi). Cependant, le déficit de la légitimité morale n’est pas rétabli et il a été aggravé par les pressions politiques.
Les résultats donnent au contexte interne un important pouvoir explicatif de l’efficacité du processus d’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation face à un contexte d’incertitude. La faible 137diffusion de la culture RSE, de la mise en place d’une stratégie RSE et d’importance stratégique donnée aux communautés ont placé « Basic Oil and Gas » dans une situation d’incertitude marquée par une incapacité de prise de décision adéquate afin de contrôler l’environnement externe.
L’analyse des interrelations montre l’effet des caractéristiques de l’entreprise publique sur le processus. En effet, le changement dans l’engagement communautaire a porté sur une modification des activités qui sont axées sur le développement régional et la création d’emploi. Ainsi, l’engagement communautaire transitionnel était conforme à la politique nationale. D’un autre côté, l’absence de l’autonomie dans la prise de décision engendre une grande perte de temps dans la mise en œuvre des actions. Ceci place les dirigeants dans un état d’incapacité face à une situation de blocage d’activité et fait aggraver le déficit de légitimité organisationnelle de « Basic Oil and Gas ».
Par ailleurs, les évènements du 14 janvier 2011 ont placé l’État Tunisien dans une situation de vulnérabilité et ont engendré même son absence face aux pressions subies par « Basic Oil and Gas ». Cette période a été marquée par un déficit de légitimité de l’État. « Basic Oil and Gas » s’est trouvée substituer l’État pour faire face aux pressions politiques et sociales.
Néanmoins, les résultats montrent que suite à l’adoption du programme d’engagement communautaire, « Basic Oil and Gas » a noué de très bonnes relations avec les organisations professionnelles, locales et régionales, en particulier avec l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT).
4. La discussion des résultats
Nos résultats montrent que l’objectif de l’adoption de l’engagement communautaire pour une entreprise pétrolière est de rétablir sa légitimité organisationnelle. Ce constat va de pair avec les travaux de Du et Vieira (2012). Ces auteurs suggèrent qu’au lieu de refuser le déficit de légitimité, les entreprises devraient d’abord accepter la responsabilité en reconnaissant « la mésaventure », puis prendre des mesures correctives 138pour minimiser les dommages et éviter que des situations semblables ne se reproduisent à l’avenir (Suchman, 1995).
Les résultats montrent que l’engagement communautaire transactionnel a été adopté en tant que stratégie d’évitement de panique au sens de Suchman (1995). « Basic Oil and Gas » s’est trouvée incapable à faire face aux revendications communautaires et n’a adopté aucune réponse stratégique. Ces résultats corroborent avec les travaux de Enuoh (2015), qui affirme qu’au Nigéria les conflits communautaires résultent de l’incapacité des multinationales pétrolières de répondre aux attentes des communautés locales. Nos conclusions sont cependant en contradiction avec les travaux de Newenham-Kahindi (2011), qui dans le contexte tanzanien, démontre qu’une multinationale minière a établi un service communautaire pour superviser les initiatives d’engagement transactionnel. L’auteur précise qu’à la suite des tensions communautaires, cette multinationale a développé une stratégie urgente caractérisée par une restructuration. Nos conclusions sur l’incapacité de « Basic Oil and Gas » à faire face aux revendications communautaires peuvent être expliquées par la situation nouvelle des entreprises tunisiennes après 2011. Dans ce sens, Boutiba et Ben-Slimane (2017, p. 142) affirment qu’il y a eu une perte de sens de la RSE suite aux évènements du 14 janvier 2011 et qu’« il n’est plus possible de se rattacher au moindre repère ».
D’un autre côté, les résultats montrent que l’engagement communautaire transitionnel a été adopté en tant que stratégie de restructuration. Concernant la stratégie de création de moniteurs, nos résultats confirment les préconisations de Idemudia (2007) et Eweje (2007), relatives à un partenariat coordonné entre les multinationales pétrolières et le gouvernement des communautés d’accueil en Nigéria. Les compagnies pétrolières multinationales progressent en formant des partenariats basés sur le dialogue, la consultation et la collaboration avec le gouvernement. Ces partenariats peuvent être des moyens efficaces pour répondre aux attentes des communautés locales, gagner en légitimité et obtenir « le permis social d’opérer ». Pour la stratégie de dissociation, nos résultats confortent les conclusions de Raufflet et al. (2014). En termes de structure de gouvernance, la majorité des multinationales opérant dans l’industrie minière et pétrolière désignent un ou plusieurs cadres supérieurs spécialisés dans la RSE qui relèvent directement de leur conseil d’administration. Ce résultat concorde également avec les travaux de Eweje (2006) stipulant que les compagnies 139pétrolières en Nigéria et en Afrique du Sud ont établi une approche plus proactive et réfléchie de l’engagement communautaire. Dans ce sens, il y a eu l’émergence de « départements de relations communautaires » pleinement développés dans chacune des filiales. Eweje (2006) confirme que les « départements de relations communautaires » ont été uniquement créés pour répondre aux besoins locaux des communautés et anticiper leurs aspirations futures. Cependant, nos résultats divergent avec la recherche de Delannon et al. (2016) sur le contexte canadien, selon laquelle seulement les entreprises engagées dans une stratégie d’engagement transformationnel ont créé un poste à plein temps consacré aux relations communautaires.
Pour les travaux sur le contexte tunisien, nos conclusions divergent avec celles de Turki (2016) sur les PME tunisiennes. Cet auteur précise qu’« En plus du manque de compétences, l’intégration des questions sociétales au sein de ces PME est le résultat de l’adoption d’une stratégie réactive rapide, ce qui laisse peu de chances à la structuration des actions sociétales » (Turki, 2016, p. 12).
D’un autre côté, nos résultats confirment le constat de la Banque Centrale de Tunisie (2017) concernant la baisse de la production nationale de pétrole qui s’explique par l’arrêt de la production dans certains champs pétroliers, et qui est engendrée par des problèmes sociaux récurrents. De son côté, La Banque Africaine de Développement (2012) affirme que les différentes manifestations sociétales dans l’Afrique du Nord, (en particulier la Tunisie) ont déstabilisé les économies de la région.
Par ailleurs, les résultats analytiques ont mis en évidence le leadership organisationnel et l’autonomie limitée de l’entreprise publique comme des thèmes émergents dans les différentes phases du processus d’engagement communautaire.
4.1. Le rôle du leadership
L’analyse processuelle a mis en évidence le leadership organisationnel comme un thème émergent dans les différentes phases du processus d’engagement communautaire. En effet, le directeur central conseiller chargé de la RSE était l’agent de changement dans le processus de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation. Dans ce sens, Pettigrew (1987) affirme qu’en période d’incertitude, des personnes occupant des postes de direction peuvent faire la différence. Au sens de Mintzberg (1973), le directeur central conseiller chargé de la RSE a joué 140un rôle interpersonnel d’agent de liaison et de leadership (Graetz, 2000). Son rôle d’agent de liaison réfère à sa capacité à mobiliser les partenaires pétroliers autour d’un programme d’engagement communautaire et à construire deux consortiums en faveur du changement. Le directeur central conseiller chargé de la RSE a été également un agent de liaison avec les communautés locales grâce à la communication de proximité. Grâce à sa vision mobilisatrice, il a fait preuve d’un leader visionnaire (Avolio, 1999). Cette vision avait pour objectif de rallier les énergies, de rassembler les aspirations des partenaires pétroliers et d’amener la direction générale de « Basic Oil and Gas » à prendre les initiatives nécessaires à la réalisation du projet désiré (Levin, 2000).
Par ailleurs, les travaux sur l’engagement communautaire restent ambigus sur le rôle du leadership (Cho et De Moya, 2016 ; Delannon et al., 2016 ; Wang et al., 2017). Bowen et al. (2010) considèrent que l’intuition managériale peut rendre certains dirigeants émotionnellement affectés par l’engagement communautaire sans pour autant expliciter le rôle de cette intuition.
Au vu de ces constats, nous formulons la proposition 1 relative au rôle du leadership dans le processus de l’engagement communautaire :
Proposition 1 : Dans un contexte d’incertitude, le leadership organisationnel visionnaire contribue au processus de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation. |
4.2. l’autonomie limitée de l’entreprise publique
En tant qu’entreprise publique, « Basic Oil and Gas » est caractérisée par une autonomie limitée qui explique le processus de l’adoption de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation durant les différentes phases.
Ce constat a été remarquable dans l’orientation stratégique et le processus de prise de décision (Anastassopoulos, 1985). Ceci démontre la dépendance de « Basic Oil and Gas » envers l’État (Charreaux, 1997 ; Lioukas et al., 1993). Certaines décisions fondamentales devraient faire l’objet d’une approbation préalable, notamment les budgets des programmes d’engagement communautaire (Charreaux, 1997). Le changement des domaines d’action dans la phase de la mise en œuvre de l’engagement 141communautaire transitionnel s’inscrivent dans la politique générale de l’État de la lutte contre le chômage. Ainsi, une entreprise publique serait censée favoriser la mise en œuvre d’une politique économique de l’État (Lioukas et al., 1993). Elle doit consacrer une partie de ses activités à mettre de l’avant certaines volontés gouvernementales (Bozec, 2004). D’un autre côté, lorsque le pouvoir de décision est centralisé, l’organisation peut devenir moins flexible et lente dans ses réponses au changement (Lioukas et al., 1993). Afin de s’adapter à un environnement turbulent avec des changements imprévisibles, les organisations ont à adopter des structures plus organiques et flexibles (Burns et Stalker, 1961 ; Lawrence et Lorsch, 1967). Dans cette perspective, la bureaucratie ministérielle et la faible délégation de l’État dans la prise de décision ont eu un effet négatif sur la politique de communication et la portée des activités de l’engagement communautaire de « Basic Oil and Gas ».
Par ailleurs, « Basic Oil and Gas » s’est trouvée substituer l’État pour faire face aux pressions politiques. Le déficit de la légitimité morale est expliqué par les accusations incessantes des politiciens. En effet, elle s’est trouvée obligée à concilier les principes d’un organisme d’intérêt public (Charreaux, 1997). Dans ce sens, Bozec (2004) stipule que la dimension politique associée communément aux entreprises publiques renvoie aux objectifs non commerciaux qu’elles doivent mettre de l’avant. Ces objectifs pourraient être imposés aux entreprises publiques par des politiciens (Charreaux, 1997). Après les évènements du 14 janvier 2011, les politiciens intervenaient fréquemment dans la gestion de « Basic Oil and Gas » pour octroyer certains bénéfices aux groupes sociaux les plus visibles, notamment les communautés (Bozec, 2004). Les accusations portaient sur les conséquences de l’engagement communautaire transitionnel de « Basic Oil and Gas ». Elles ont engendré, à cet effet un déficit de la légitimité morale.
À la lumière de ces développements, nous formulons la proposition 2 relative au rôle de l’autonomie limitée de l’entreprise publique dans le processus de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation :
Proposition 2 : Dans un contexte d’incertitude, l’autonomie limitée de l’entreprise publique freine le processus de l’engagement en tant que stratégie de légitimation. |
Conclusion
Partant du constat que les entreprises se trouvent amenées d’innover dans leurs démarches d’engagement communautaire afin d’acquérir une légitimité organisationnelle, notre recherche visait à décrire et comprendre le processus d’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation. Les résultats montrent l’importance du leadership et du manque de l’autonomie de l’entreprise publique pour expliquer le processus d’engagement communautaire. En tant que composante du contexte interne, le leadership organisationnel semble être un moteur d’innovation sociétale à travers l’adoption de l’engagement communautaire. Cependant, le manque d’autonomie de l’entreprise publique a été une limite à l’innovation sociale, en particulier pour la mise en œuvre de l’engagement communautaire.
Sur le plan théorique, ce travail de recherche offre une vision à la fois statique et dynamique de l’engagement communautaire à travers la mobilisation de l’approche contextualiste de Pettigrew (1987). Les résultats montrent l’importance du contexte interne surtout l’impact du leadership et de l’autonomie limitée de l’entreprise publique sur le processus d’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation.
Sur le plan méthodologique, la contribution de cette recherche réside dans la diversité des types de répondants et au couplage de l’analyse de contenu thématique avec une analyse processuelle des données. L’analyse processuelle nous a facilité l’analyse synchronique et diachronique du processus d’engagement communautaire de l’entreprise pétrolière.
Au niveau managérial, notre recherche offre un point de départ d’analyse du processus de l’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation qui permet au manager de savoir concrètement qu’est ce qui a évolué ? Pourquoi ? Et comment ? Il paraît judicieux de procéder à la combinaison des facteurs du contexte interne favorisant une innovation sociale, sans oublier les composantes du contexte externe. Cette combinaison permettrait d’optimiser le processus d’engagement communautaire et de mettre en avant le potentiel d’innovation sociale (Delpuech, 2013).
143Toutefois, ce travail présente des limites. Tout d’abord, les concepts de légitimité organisationnelle et de stratégies de légitimation que nous avons mobilisées à partir des travaux de Suchman (1995) restent complexes et difficiles à appréhender. En plus, la revue de la littérature que nous avons effectuée sur les concepts clés était parfois fragmentée au vu d’une thématique qui mérite d’être développée. D’autres limites d’ordre méthodologique renvoient essentiellement à l’échantillon, au phénomène de la « désirabilité sociale » (Crowne et Marlowe, 1960). Les résultats de notre étude auraient pu avoir plus de validité, si nous avions intégré dans notre échantillon des répondants représentant les communautés de « Basic Oil and Gas ».
Dans la continuité de ce travail, plusieurs voies futures de recherche gagneraient à être privilégiées. Pour mesurer la légitimité, le jugement des citoyens individuels exprimé dans les réseaux sociaux pourrait être une source d’évaluation. Les travaux de Castelló et al., (2016) et de Etter et al. (2018) donneraient des éléments de compréhension sur ce sujet. En relation avec l’impact communautaire, il serait judicieux dans des travaux ultérieurs de mobiliser le concept de « création de valeur partagée » qui pourrait être une nouvelle voie pour l’innovation sociale des entreprises (Delpuech, 2013).
Enfin, les propositions de recherche suggérées dans cette recherche peuvent être testées dans d’autres études de cas adaptées au contexte tunisien. Une voie possible de recherche serait l’extension à d’autres secteurs, permettant ainsi d’enrichir le débat sur les relations entreprise-communauté.
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148Annexe 1
Grille d’analyse contextualiste
Niveau d’analyse |
Description |
Phase 1 |
Phase 2 |
… |
… |
Phase n |
|
Contexte |
Externe |
– Politique (stabilité/instabilité politique) |
|||||
– Économique (Évolution du secteur d’activité) |
|||||||
– Social (ancrage territorial) : évolution du rôle de la société civile dans le territoire d’activité) |
|||||||
– Technologique (évolution des innovations technologiques) |
|||||||
– Réglementaire (évolution des textes de lois liées à la RSE) |
|||||||
– Écologique (pressions écologiques) |
|||||||
Interne |
– Orientation stratégique (politique globale de RSE) |
||||||
– Culture organisationnelle (diffusion de la culture RSE, expériences antérieures) |
|||||||
– Structure hiérarchique (la mise en place de la stratégie RSE, équipe responsable) |
|||||||
– Mode de management (Processus décisionnels : Formalisation de la RSE ; centralisation/décentralisation de la RSE, style de direction : management participatif, autoritaire) |
|||||||
149
Processus |
– Les composantes de l’engagement communautaire : la position de l’entreprise, les activités types / stratégies tactiques, la communication, les partenaires, la fréquence des interactions et les apprentissages. – Le niveau de l’engagement communautaire : Engagement transactionnel, Engagement transitionnel, Engagement transformationnel – L’engagement communautaire adopté en tant que stratégie de légitimation : (acquérir une légitimité : se conformer, sélectionner, manipuler ; maintenir une légitimité : percevoir le changement, protéger les acquis ; rétablir une légitimité : normaliser, restructurer, éviter la panique) |
||||||
Contenu |
État de la légitimité : acquise, maintenue, rétablie. Nature de la légitimité : pragmatique, morale, cognitive. |
Annexe 2
Les entretiens individuels réalisés
Répondants |
Nombre d’entretiens |
Répondants |
4 Entretiens non directifs (durée totale : 405 minutes) |
||
4 |
– Directeur central et conseiller chargé de la gouvernance et de la RSE – Consultant 1 |
|
26 Entretiens semi directifs (durée totale : 1 865 minutes) |
||
Directeurs et sous-directeurs |
18 |
– Directeur central et conseiller chargé de la gouvernance et de la RSE – Directeur central contrôle et finance – Sous-directeur contrôle de gestion – Sous-directeur organisation – Directeur conseiller rattaché à la direction générale – Directeur central des ressources – Directeur audit interne – Directeur financier – Directeur des ressources humaines et affaires générales – Directeur financier chargé de la comptabilité – Directeur central accords pétroliers – Directeur commercial |
– Directeur central stratégie et développement – Chef de département gestion budgétaire – Directeur études de production – Directeur central production – Directeur général adjoint – Président directeur général |
||
Consultants externes |
2 |
– Consultant 1 – Consultant 2 |
Responsables RSE des partenaires pétroliers |
6 |
– Responsable RSE du partenaire A – Responsable RSE du partenaire C – Responsable RSE du partenaire D – Responsable RSE du partenaire B – Responsable RSE du partenaire E – Responsable RSE du partenaire F |
Annexe 3
Liste des thèmes et sous thèmes
pour chaque type de répondant
Thèmes |
Sous thèmes |
Type de répondant |
|
Contexte |
Externe |
Politique |
– Répondants de « Basic Oil and Gas » – Consultants externes de « Basic Oil and Gas » – Responsables RSE des partenaires de « Basic Oil and Gas » |
Économique |
|||
Social |
|||
Technologique |
|||
Réglementaire |
|||
Interne |
L’orientation stratégique |
– Répondants de « Basic Oil and Gas » |
|
La culture d’entreprise |
|||
La structure hiérarchique |
|||
Le mode de management |
|||
Processus Engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation |
Stratégie de légitimation |
Nature de la stratégie de légitimation (adaptation, sélection, manipulation) |
– Répondants de « Basic Oil and Gas » |
Engagement communautaire |
– Les composantes de l’engagement communautaire : la position de l’entreprise, les activités types / stratégies tactiques, la communication, les partenaires, la fréquence des interactions et les apprentissages. – Le niveau de l’engagement communautaire : transactionnel, transitionnel, transformationnel |
– Répondants de « Basic Oil and Gas » – Consultants externes de « Basic Oil and Gas » – Responsables RSE des partenaires de « Basic Oil and Gas » |
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Contenu Légitimité organisationnelle |
État de la légitimité (acquise, maintenue, rétablie) Types de légitimité (Pragmatique, Morale, Cognitive) |
– Répondants de « Basic Oil and Gas » – Consultants externes de « Basic Oil and Gas » – Responsables RSE des partenaires de « Basic Oil and Gas » |
Annexe 4
Une grille de lecture de l’engagement communautaire
de « Basic Oil and Gas » adopté
en tant que stratégie de légitimation
PHASES |
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Phase 1 (janvier 2011- |
Phase 2 (juin 2014- |
Phase 3 (juin 2015- |
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VARIABLES |
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Contexte (Pourquoi ?) |
Externe |
Politique |
Instabilité politique. |
Des pressions accrues des politiciens et de l’assemblée des représentants du peuple. |
Des pressions accrues des politiciens et de l’assemblée des représentants du peuple. |
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Économique |
Des pressions des institutions financières. |
Des pressions des institutions financières. |
Pressions des institutions financières ; diminution du prix de pétrole et du volume de la production. |
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Social |
Des pressions communautaires accrues. |
Des revendications communautaires accrues. |
Légère diminution des revendications sociales et communautaires. |
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Technologique |
Évolution technologique rapide dans le secteur pétrolier, embauche limité d’ouvriers dans le secteur pétrolier. |
Évolution technologique rapide dans le secteur pétrolier, embauche limité d’ouvriers dans le secteur pétrolier. |
Évolution technologique rapide dans le secteur pétrolier, embauche limité d’ouvriers dans le secteur pétrolier. |
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Écologique |
Exigences écologiques des institutions nationales et internationales. |
Exigences écologiques des institutions nationales et internationales. |
Exigences écologiques des institutions nationales et internationales. |
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Légal |
Absence de pressions légales. |
L’article 13 de la nouvelle constitution : développement régional des zones prioritaires. |
Absence de pressions légales. |
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153
Contexte (Pourquoi ?) |
Interne |
Orientation stratégique |
• Absence de politique globale RSE. • « Basic Oil and Gas » suit les instructions du ministère : ne pas répondre aux accusations et revendications. |
• Idée du responsable RSE pour la création d’un consortium dont « Basic Oil and Gas » soit chef de file. • Signature de la charte RSE Tataouine en mai 2015. |
• Proposition du directeur chargé de la RSE pour communiquer sur l’engagement communautaire. • Signature de la charte RSE Kébili en avril 2016. |
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Culture organisationnelle |
Faible diffusion de la culture RSE. |
Faible diffusion de la culture RSE. |
• Adoption d’un code de conduite en mars 2016. • Faible diffusion de la culture RSE. |
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Structure hiérarchique |
Absence de mise en place d’une stratégie RSE. |
• Création d’un poste de directeur central conseiller chargé de la RSE, de la gouvernance. • Recrutement d’un bureau d’études pour un programme d’engagement communautaire sur 3 ans à Tataouine. |
• Recours au bureau d’études pour un programme d’engagement communautaire sur 3 ans à Kébili. |
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Mode de management |
• Absence de formalisation de la RSE. • Décentralisation de la RSE avec les partenaires pétroliers. |
• Rôle du directeur chargé de la RSE dans l’implication de la direction générale. • Constitution d’un comité de pilotage pour une centralisation de la décision liée au programme d’engagement communautaire. • Formalisation de l’engagement communautaire à Tataouine. |
• Réunions périodiques du comité de pilotage pour le suivi de l’engagement communautaire à Tataouine et centralisation de la décision. • Formalisation de l’engagement communautaire à Kébili. |
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154
Processus (Comment ?) |
L’engagement communautaire en tant que stratégie de légitimation |
Un engagement communautaire transactionnel en tant que stratégie d’évitement de panique. |
La planification d’un engagement communautaire transitionnel dans la région de Tataouine avec une stratégie de restructuration (créer des moniteurs et dissocier). |
La mise en œuvre à Tataouine et la planification à Kébili d’une stratégie d’engagement communautaire transitionnel adoptée en tant que stratégie de restructuration (créer des moniteurs). |
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Contenu (Quoi ?) |
La légitimité organisationnelle |
Un déficit de la légitimité organisationnelle pragmatique par l’influence et morale par les conséquences. |
Un déficit de la légitimité organisationnelle pragmatique par l’influence et morale par les conséquences. |
• Un déficit de la légitimité morale par les conséquences ; • Une légitimité pragmatique par l’influence qui commence à se rétablir. |
- CLIL theme: 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN: 978-2-406-09248-3
- EAN: 9782406092483
- ISSN: 2554-9626
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09248-3.p.0121
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-04-2019
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Community engagement, Liegitimate Strategy, organisational legitimy, contexual approche, societal innovation