Cooperatives and institutional pluralism The revisited thesis of the banalisation of cooperative banks in France
- Publication type: Journal article
- Journal: Entreprise & Société
2017 – 2, n° 2. varia - Authors: Ansart (Sandrine), Artis (Amélie), Monvoisin (Virginie)
- Pages: 47 to 72
- Journal: Business & Society
Coopératives
et pluralisme institutionnel
La thèse revisitée de la banalisation
des banques coopératives en France
Sandrine Ansart1
Grenoble École de Management
Amélie Artis2
Sciences Po Grenoble
Virginie Monvoisin3
Grenoble École de Management
Introduction
Structures productives atypiques parmi les entreprises, les coopératives bancaires sont des acteurs incontournables du système bancaire et financier en France. En 2012, la moitié des actifs totaux et du produit net bancaire français sont détenus ou réalisés par les trois groupes bancaires coopératifs : Crédit agricole, Crédit mutuel, BPCE (Caire et al., 2014).
48Historiquement, les coopératives bancaires sont nées pour faciliter l’accès aux services financiers (crédit et épargne) des catégories d’agents économiques exclus du système financier. Banques de proximité et de détail, elles répondent aux demandes de crédit des ouvriers, des travailleurs indépendants, des petits producteurs agricoles et des artisans (Gueslin, 1998). Les coopératives contemporaines ont évolué depuis leurs origines, s’inscrivant intégralement dans le secteur bancaire, reconnues comme des banques à part entière. Dans ce processus de quête de légitimité, les spécificités des coopératives ont été minimisées au sein du secteur bancaire, et ont conduit à réduire la prise en considération des spécificités organisationnelles de la coopérative bancaire favorisant la thèse d’une banalisation (Richez-Battesti et Gianfaldoni, 2006, p. 16). La profession bancaire, elle-même, tend à oublier les différences en s’appuyant sur la thèse de la banalisation des banques coopératives (CECEI, 2007). Dans ce cadre, les coopératives bancaires sont analysées sous l’angle de la marchandisation des processus, la standardisation des outils de gestion, l’uniformisation des pratiques commerciales, la dénaturation, la dégénérescence, ou l’hybridation. Par la suite, le terme d’isomorphisme sera utilisé pour qualifier les analyses qui soulignent donc une remise en cause des principes, des valeurs et des comportements des coopératives bancaires.
Pour autant, les banques coopératives s’inscrivent sans restriction dans le mouvement coopératif et doivent répondre en tout point à la spécificité de ce type d’organisation. Cette identité coopérative se base fondamentalement sur la combinaison d’une association de personnes et d’une activité économique (Vienney, 1980, p. 15-16). Une coopérative est donc une société de personnes, et non de capitaux. Elle se constitue non pas pour être profitable, mais pour répondre à des besoins en termes de moyens – matériels ou immatériels – auxquels une frange de la population ne peut accéder4. L’objectif n’est ainsi pas la rémunération du capital, mais l’amélioration du bien-être d’une collectivité par la mise en commun de ressources.
Vienney démontre que les coopératives se caractérisent par un système de règles spécifiques résultant à la fois « […] d’une adaptation fonctionnelle des acteurs à leur environnement socio-économique et de la mise en place de raisonnements qui leur sont “propres” » (Vienney, 491980, p. 375). Cette combinaison spécifique de plusieurs règles (Vienney, 1980, p. 15), vérifiées simultanément, décrit précisément l’organisation coopérative dans laquelle les agents sont définis par leur lien de sociétariat et leur lien avec l’activité économique. Dès lors, il existe des rapports complémentaires et contradictoires entre ce système de règles et celle du système socio-économique général. Vienney étudie les évolutions de la double nature de l’organisation coopérative, comme entreprise et association ; celle-ci est marquée par une autonomisation de l’entreprise coopérative par rapport à l’association depuis les années 70 afin de répondre aux défis des mutations socio-économiques. Cette dichotomie rend possible un « retournement » des rapports entre l’entreprise et l’association, celui-ci peut s’accompagner alors de phénomènes de banalisation des pratiques des coopératives, d’isomorphisme institutionnel ou d’instrumentalisation.
Ainsi, les coopératives, et les banques coopératives en particulier, se rapprocheraient d’un centre de gravité – l’entreprise SA – élevé alors au rang de norme. D’un même coup, s’entérinerait un éloignement vis-à-vis de leurs caractéristiques identitaires. Pourtant, cette analyse mérite d’être approfondie. En effet, la compréhension et le diagnostic de la banalisation renforcent l’intérêt de questionner certes la représentation de la firme mais aussi celle du changement organisationnel. En nous appuyant sur les travaux régulationnistes et sur le modèle des systèmes productifs, nous proposons de relire la trajectoire historique des banques coopératives en France à l’aune du changement institutionnel des organisations et du secteur bancaire. La thèse du pluralisme institutionnel des entreprises nécessite de définir les caractéristiques des coopératives comme forme institutionnelle particulière. L’étude historique des banques coopératives en France sur plus de deux siècles5, nous amène à revisiter la thèse de la banalisation des coopératives et à discuter leur rôle au sein du secteur bancaire et financier, et de son évolution. L’originalité de cette contribution est de dépasser les approches déterministes et statiques des coopératives et d’inviter alors à l’/la (ré)ouverture d’un agenda de recherche sur la dynamique des changements institutionnels, au-delà des approches sectorielles. De fait, les débats sur la nature de la firme ressurgissent avec plus de vivacité.
50Pour ce faire, dans un premier temps, nous présentons et discutons la thèse de l’isomorphisme institutionnel tout en proposant d’envisager une approche différente. Dans un second temps, nous analysons le rôle des banques coopératives dans le changement institutionnel du secteur bancaire en France depuis le début du xixe siècle. Cette démarche nous permettra de nuancer la thèse de la banalisation des coopératives et de mieux cerner leur rôle dans le changement institutionnel du secteur bancaire et financier.
I. De la banalisation des coopératives d’usagers
de type bancaire à la diversité institutionnelle
des entreprises bancaires
Depuis quelques années, la thèse d’une banalisation des coopératives remettant en cause leurs spécificités économiques, politiques et juridiques est de plus en plus présente dans les études qui leur sont dédiées (Jardat, 2013 ; Gurtner et al., 2009, 2002 ; Richez-Battesti et Gianfaldoni, 2006 ; Côté, 2001). La banalisation serait le résultat de la position hybride des coopératives, en tant qu’entreprises a-capitalistes présentes sur des marchés concurrentiels. Cette idée de la banalisation se fonde sur la thèse de l’isomorphisme institutionnel.
Or cette interprétation peut être révisée. Dans un premier temps, nous expliciterons les fondements de la thèse de l’isomorphisme institutionnel des banques coopératives en la nuançant. Puis, dans un second temps, nous proposerons d’étudier l’évolution des banques coopératives à la lumière d’un cadre théorique régulationniste pour appréhender la diversité institutionnelle dans le secteur bancaire.
I.1. Les fondements de l’isomorphisme
des coopératives bancaires aujourd’hui
La thèse de l’isomorphisme institutionnel (Di Maggio et Powell, 1983)6 analyse les contextes institutionnels comme des vecteurs de mimétisme 51entre les entreprises par le biais de la mise en place de routines dans l’organisation de l’activité. Ainsi que l’explique Jackson (cité par Lung, 2008a) : « Les contraintes institutionnelles […] conduisent souvent à un isomorphisme institutionnel, les organisations adoptant des structures et des routines semblables ».
Parmi les évolutions règlementaires, les lois bancaires françaises de 19847, puis les lois européennes de 1993 et 1996 – instituant le principe de la banque universelle et la déspécialisation du secteur – ont largement contribué au processus d’isomorphisme institutionnel des banques coopératives vers les banques commerciales. Privées de certaines spécificités, les banques coopératives sont assimilées réglementairement parlant à des banques commerciales. En effet, le décloisonnement des circuits de financement d’une part, et la constitution du marché unique européen d’autre part, stimulent la concurrence entre intermédiaires financiers. A priori, les frontières entre banques commerciales, banques coopératives, institutions financières s’évanouissent. À titre d’exemple, la réglementation sur des ratios ramenés aux fonds propres amoindrit la nature particulière du capital social des banques coopératives.
La construction de ce cadre réglementaire s’appuie sur des références théoriques privilégiant l’approche de l’intermédiation financière selon l’article fondateur de Gurley et Shaw (1960) (Ansart et al., 2014). Il en découle la préférence pour des outils de contrôle ou de bonne gouvernance bancaire hérités de la firme actionnariale (Ory et al., 2012, p. 70). Comptons parmi ces pratiques : la mise en conformité avec les exigences prudentielles et le renforcement de la tête du groupe, les normes comptables internationales (Detilleux et Naett, 2005) ou la préférence pour des modes de gouvernance d’entreprises (Rapport Walker, 2009). Les différents régulateurs comme le Comité de Bâle sont :
52[…] devenus des fournisseurs de normes universellement reconnus et incontournables. [Ainsi], la réglementation s’est ajustée aux lois du marché, elle s’est articulée avec l’exigence de rentabilité financière, par l’adoption de modèles internes (RAROC : Risk Adjusted Return on Capital, Value at Risk) (Ory et al., 2012, p. 73).
Ces modèles sont eux-mêmes parfois en contradiction avec les principes coopératifs.
Ces évolutions du cadre d’activité du secteur bancaire français entrent en tension avec les caractéristiques identitaires essentielles des banques coopératives, et en particulier au niveau de leur « positionnement marché ». Avec la déspécialisation des institutions financières, et l’affaiblissement du statut spécifique des établissements coopératifs, les banques coopératives perdent certains privilèges de collecte, de distribution – de produits distinctifs tels les livrets –, ou d’avantages fiscaux (Gurtner et al., 2002, p. 139). La réduction de la spécificité des clients et des produits des coopératives participent à une homogénéité des produits. Les banques coopératives proposent désormais des produits standards accessibles à tous les consommateurs, sociétaires ou non (Coté, 2001). Dès lors, les prix et les services, sont de plus en plus similaires à ceux de leurs concurrents lucratifs, favorisant une normalisation des activités et des produits.
L’évolution de ce positionnement sur le marché s’effectue corolairement au développement de stratégies de plus en plus orientées vers des stratégies de profit, stratégies paradoxales pour des organisations dont la lucrativité est limitée8. L’intégration des structures capitalistiques dans les groupes bancaires coopératifs, le développement de véhicules dédiés aux activités sur titres dénotent de ces orientations (Côté, 2001 ; Batac et al., 2008 ; Noguès, 2012). Une des conséquences de ces évolutions est de regrouper des entreprises avec des logiques économiques différentes, ce qui peut être source de tensions et de contagion.
De plus, la constitution de ces groupes contribue à une centralisation du pouvoir de décision et du contrôle stratégique qui remet en cause le modèle organisationnel originel décentralisé de type bottom-up et avec lui la coexistence de principes d’intégration stratégique de type fédératif et de principes de décentralisation fonctionnelle et opérationnelle (Richez-Battesti 53et Gianfaldoni, P., 2006,). Ces caractéristiques organisationnelles originelles des coopératives favorisaient la proximité et l’accompagnement de la production. Pourtant, les évolutions en termes de croissance et d’intégration plutôt top-down du fait de la concurrence ont instruit une certaine centralisation du pouvoir de décision et du contrôle stratégique9.
L’élargissement de la taille des banques coopératives et la constitution de groupes bancaires introduisent donc un niveau accru de centralisation. Cette introduction semble fragiliser aussi la place du local dans l’activité, et par voie de conséquence l’ancrage territorial qui caractérisait les banques coopératives. S’ensuivent logiquement une diminution de l’autonomie locale et régionale et le développement d’un sociétariat formel – en opposition à un sociétariat impliqué (Di Salvo, 2002). Par ricochet, l’affaiblissement de l’implication des membres dans le fonctionnement démocratique de l’organisation par le désinvestissement du sociétariat dans les processus de décision est perçu comme une composante de l’isomorphisme des coopératives (Spear, 2004 ; Jardat, 2013 ; Caire et Nivoix, 2012).
En conséquence, ces deux mécanismes semblent être de puissants transmetteurs de cet isomorphisme institutionnel : (i) celui de la négation de leur statut spécifique du fait de la réglementation bancaire et (ii) celui de l’augmentation de leur taille qui témoigne de processus de croissance externe et de l’insertion graduelle dans le processus de concurrence.
Plusieurs autres facteurs peuvent renforcer l’hypothèse d’isomorphisme des banques coopératives. Citons à titre d’exemples :
–L’usage accru des technologies bancaires avec l’implémentation de systèmes d’information standardisent les méthodes de sélections des emprunteurs (Klein, 2015),
–Les pressions informelles (culture, traditions) en lien avec les attentes de la société (Meyer et Hannan, 1979),
–La professionnalisation des individus comme des organisations via l’éducation et les réseaux professionnels (Di Maggio et Powell, 1983) et l’élaboration collective d’une profession bancaire, au détriment de l’identité coopérative (Huault, 2009 ; Leiter, 2013),
54–La référence à des « best practices », des outils, des méthodes, des mesures qui définissent et attestent la légitimité de l’individu et de l’entité au travers de son professionnalisme.
I.2. L’intérêt d’une recherche
en termes de diversité institutionnelle
La thèse de l’isomorphisme institutionnel est mobilisée dans plusieurs disciplines pour comprendre les évolutions des organisations en lien avec leur environnement. Des études sur les coopératives l’ont aussi mobilisé. En effet, elle permet notamment de souligner les tensions entre hiérarchie – corolaire de la taille – et démocratie (Canivenc, 2011), ou la quête de légitimité pour les organisations alternatives. Ces analyses, tout en soulignant le rôle de l’environnement institutionnel, focalisent grandement le processus d’isomorphisme au niveau microéconomique, à savoir l’alignement de plus en plus fort des coopératives sur les entreprises capitalistiques.
Pourtant, comme le montre Lung (2008a), la thèse de l’isomorphisme institutionnel suppose l’existence d’une forme organisationnelle reconnue et jugée efficace pour les entreprises. Elle s’impose comme une norme, la seule et l’unique à même de faire preuve d’efficacité et d’être pérenne dans le temps. Or, cette représentation de l’entreprise est celle de la firme, autrement dit la société par actions conceptualisée au travers de l’idéal type de la firme « nœud de contrats ». Par conséquent, le processus d’isomorphisme des coopératives suppose d’une part de ne concevoir l’entreprise que sous une seule représentation – en l’occurrence la société par actions – et d’autre part, de supposer la sous-optimalité des autres structures, dont la coopérative fait partie. De fait, le dogme de l’efficacité de l’entreprise SA implique par effet miroir l’inefficience de la structure du capital des coopératives comme celle de leurs processus démocratiques de gouvernance. Et en conséquence, l’isomorphisme des coopératives ne peut être qu’envisagé comme un processus naturel et inéluctable pour ces organisations foncièrement sous-optimales. De fait, elles sont amenées à disparaître (Fama et Jensen, 1983 ; Furubotn et Pejovich, 1972 ; Grossman et Hart, 1986) ou à intégrer certains traits de la firme SA (Vanek, 1970 ; Doucouliagos, 1997) voire ultimement se transformer en entreprise de type SA. Cet amalgame entre la société par actions et l’entreprise a déjà été soulevée (Segrestin et Hatchuel, 2012 ; Baudry 55et Chassagnon, 2010). Ainsi, la thèse de l’isomorphisme institutionnel repose sur une vision déterministe et à visée d’homogénéité des organisations qui a été remise en cause par le courant néo-institutionnaliste lui-même (Ben Slimane et Leca, 2010).
À l’inverse de la thèse de l’isomorphisme institutionnel, les travaux portant sur les modèles productifs proposent une approche alternative ; leur objet est de « comprendre comment évolue dans la diversité de ses formes le rapport capital-travail là où il se renouvelle quotidiennement, c’est-à-dire dans les entreprises et dans les espaces économiques et politiques où celles-ci déploient leurs activités » (Boyer et Freyssenet, 2000, p. 3). Cette approche permet d’étudier la diversité institutionnelle de l’entreprise et le changement macro-institutionnel. Ce choix épistémologique permet de :
–S’extraire des approches normatives et de mobiliser des théories à même de penser la diversité institutionnelle,
–Éviter une approche statique et privilégier une vision dynamique de long terme,
–Mobiliser une approche « système » qui implique l’intégration d’un niveau macroéconomique à l’analyse et non uniquement la considération des niveaux micro et mésoéconomique.
Pour comprendre ce changement institutionnel, les travaux sur la diversité des modèles d’organisation de la firme au sein d’un même environnement institutionnel (Boyer et Freyssenet, 2000) fournissent un cadre d’analyse pertinent. Ce nouveau champ de recherche de la théorie de la régulation vise à dépasser l’existence d’une forme prédominante au sein d’un contexte socio-économique et de se saisir de la diversité institutionnelle. Cette dernière est estimée fondamentale car :
[elle] est au cœur même de la dynamique institutionnelle : il existe des relations de complémentarité/rivalité/altérité entre les modèles qui fondent, en partie, le changement institutionnel. La notion de modèle met alors l’accent sur le processus contradictoire et toujours inachevé de mise en cohérence de ses différentes composantes institutionnelles (Lung, 2008a).
Cette nécessité est d’autant plus forte que des travaux comme ceux de Piore et Sabel (1984) ont rappelé la présence y compris durant l’âge d’or du fordisme de formes d’organisation de la production qui ne 56soient pas exclusivement celle d’une production de masse. Ainsi, la compréhension de la diversité des organisations doit se déployer sur des axes diachroniques et synchroniques (Lung, 2008a).
Nous choisissons de nous focaliser sur l’approche institutionnelle et la relation des coopératives à leur environnement institutionnel pour comprendre leur dynamique institutionnelle. En l’appliquant aux coopératives bancaires, seront ainsi questionnés et retravaillés les deux axes qui étayent l’habituel diagnostic de banalisation sur la période récente. D’une part, l’éloignement de leur physionomie originelle sera ré-envisagé sous l’angle de leur trajectoire historique en intégrant donc bien ici le contexte socio-économique. D’autre part, le rapprochement de l’actuelle forme dominante de la firme SA sera pour sa part réinterprété sous le prisme de l’altérité et de la complémentarité, ces dernières étant elles aussi associées au contexte socio-économique. Sachant que les deux sont liés. Ainsi, initialement issue de travaux portant sur le secteur de l’automobile, « cette grille d’analyse permet de penser la diversité des formes d’organisation des firmes au sein d’une même industrie » (Coris et al., 2009, p. 17).
Dans le cas des coopératives bancaires en France, l’évolution du contexte macroéconomique, en faveur désormais d’une logique sectorielle universelle monolithique, accentuerait alors les tensions entre les coopératives et leur environnement institutionnel. L’altérité et la complémentarité qu’elles apportaient jusque-là au sein du système financier sont remises en cause. Pour autant, ce phénomène est récent. En effet, l’étude historique et régulationniste des banques coopératives en lien avec leur environnement institutionnel met en lumière des phases de cohérence et d’évolution concordante entre les niveaux macroéconomique, mésoéconomique et microéconomique comme nous le démontrons dans la partie suivante.
57II. Les coopératives bancaires dans l’évolution institutionnelle du secteur bancaire
Entre accessibilité, élargissement
et prise en compte des besoins
La diversité organisationnelle a été démontrée au sein des secteurs d’activités et a été expliquée par le mode de croissance et de distribution du revenu national (Boyer et Freyssenet, 2000)10. En écho, la question de l’évolution des banques coopératives suppose de s’interroger sur la diversité organisationnelle dans le secteur bancaire et financier. Dans la lignée des travaux de Freyssenet (2005) et de Lung (2008a, 2008b), une lecture institutionnaliste des banques coopératives en France permet de mieux comprendre simultanément leur rôle dans la transformation historique du secteur bancaire et financier, et le pluralisme organisationnel à chaque période.
Aussi notre démarche consiste-t-elle à contextualiser les banques coopératives dans les dynamiques sectorielles et les dynamiques macroéconomiques afin d’étudier leur persistance et leur évolution. Reprendre l’histoire des banques coopératives françaises suppose donc cette articulation avec le contexte institutionnel à la fois méso-institutionnel et macro-institutionnel. L’analyse institutionnelle de l’histoire du système financier en France distingue deux configurations principales (Hautcœur, 2011). L’une se caractérise par une régulation étatique du système financier, l’autre par une régulation par le marché. Quelle que soit la période, la présence des coopératives atteste de leur viabilité, et donc au regard de la grille évoquée prouve le déploiement d’une stratégie pertinente et cohérente au sein des modes de croissance. Ce qui n’exclue pas tensions et adaptations.
II.1. Les coopératives bancaires
dans une régulation marchande et libéralisée
Deux périodes relèvent de cette situation d’une régulation marchande et libérale : l’une couvre le xixe siècle jusqu’à la 2de guerre mondiale, la 58seconde débute avec les années 1980 et se prolonge jusqu’à aujourd’hui. Pour chacune d’elles, nous analyserons l’articulation des coopératives au sein du mode de croissance en vigueur, et de facto avec l’une des formes institutionnelles majeures11 : le régime monétaire (intégrant le système financier). Si le contexte du système financier est similaire, la pertinence externe et la cohérence interne (Boyer et Freyssenet, 2000) des coopératives bancaires prennent des formes différentes.
II.1.1. La période du xixe et début du xxe siècle
Les banques coopératives françaises se développent progressivement en deuxième partie du xixe siècle. Elles s’inscrivent dans le mouvement de déploiement des organismes bancaires entendus au sens large. Ces derniers proposent de nouveaux services d’épargne et de crédit alors que jusque-là ils étaient largement centrés sur la gestion des moyens de paiements. Effectivement, le système s’organise et se structure avec la création de nombreuses institutions bancaires et financières : notaires, banquiers d’affaires, Banque de France, banques commerciales, sociétés financières, bourse de valeurs (Lescure et Plessis, 1999). Cette diversité des intermédiaires financiers favorise une organisation décentralisée et libéralisée du secteur au xixe et début du xxe siècle (Flandreau et Zumer, 2004).
Dans ce paysage, les banques coopératives sont à l’origine des banques régionales qui proposent des services financiers à des populations non desservies (Birchall, 2013 ; Moulevrier, 2016) à côté des banques dites de « Haute Banque » qui deviendront les « banques d’affaires » (Lescure et Plessis, 1999). Elles sont largement dédiées au financement de l’industrie et des opérations dites capitalistiques. Les autres banques urbaines 59sont les grandes banques de dépôt (émergeant en deuxième moitié du xixe)12 qui visent à canaliser l’épargne de la petite bourgeoisie et des commerçants. Ni les unes, ni les autres n’ont pour cibles ces populations éloignées des cités, ou/et ne correspondant pas aux critères de plus en plus normés des banques s’industrialisant. Les banques locales et régionales, qui sont majoritairement des banques coopératives, vont ainsi répondre aux besoins d’épargne et de crédit des agents économiques exclus des canaux financiers de l’époque.
L’extension proposée de l’offre de services financiers à des populations délaissées (pas forcément pauvres) est certes fondamentale. Pour autant, elle n’est pas une réponse à des manques béants de financement. En effet, à l’époque, la révolution industrielle n’en est qu’à ses balbutiements. Le mode d’accumulation est extensif. Les besoins en financement sont peu importants qu’ils s’agissent des grands industriels ou de plus petits, qu’ils soient installés dans les centres d’activité ou pas. Le crédit professionnel commence tout juste son développement. D’autant que les entreprises françaises sont peu enclines à recourir au financement externe, l’intermédiation bancaire n’y dérogeant pas (Marguerat, 2015). À côté des quelques opérations capitalistiques d’envergure où nobles, nouveaux industriels, banquiers d’affaire et État se côtoient13, les activités de crédit prennent essentiellement la forme d’escompte sur des courtes durées associées au renouvellement des facilités de trésorerie (Straus, 2011).
Accéder à ces crédits de trésorerie représente toutefois des enjeux majeurs pour les artisans, les petits commerçants, les agriculteurs, ou les ouvriers14. Or, ne disposant pas d’épargne ni de garanties nécessaires, les interlocuteurs bancaires possibles sont restreints. Les coopératives bancaires trouvent ici un terreau à leur développement, offrant avant tout des services d’épargne sans pour autant, ceci dans un premier temps, leur concéder de crédits (Saint Marc, 1983). Se perçoit ici la pertinence externe des structures coopératives. En élargissant la collecte d’épargne, 60en facilitant les financements – souvent de court terme – de populations non ciblées par le système bancaire en construction, les banques coopératives complémentent le système financier et l’offre financière. De fait, elles contribuent au déploiement du système financier par leur fonction de services d’épargne et de crédit. L’un et l’autre contribuent au processus de croissance et au régime d’accumulation. Au-delà, ils régulent aussi intrinsèquement les inégalités de celui-ci favorisant une redistribution plus équitable et acceptable des revenus. Le régime de croissance est alors amélioré. L’intégration accrue de ces populations au sein de cette dynamique réduit l’intensité des tensions dans les rapports sociaux.
De son côté, la cohérence interne semble forte également. Les trois composantes qui la constituent – à savoir la politique produit, l’organisation productive et la relation salariale – se dessinent de la manière suivante. Le principe de la double qualité15 des coopérateurs (Hiez, 2006) facilite le compromis entre la politique produit (qui détermine notamment segments de marchés et gamme des produits offerts) et la relation salariale. L’organisation productive, arquée sur la notion de proximité contribue à la cohérence de l’ensemble. Premièrement, les circuits courts entre prêteurs et emprunteurs renforcent la solidarité permettant de limiter le pouvoir sur les emprunteurs, le coût du crédit, et les contraintes de refinancement auprès de l’institution centrale (Artis, 2013). Deuxièmement, l’ancrage territorial et communautaire renforce l’implication de chacun et la construction d’un sens commun. Enfin, la proximité renforce la qualité du processus démocratique et, à la fois, en intensifie sa nécessité pour éviter les biais justement de cette proximité dans la relation bancaire16.
Selon les modèles productifs répertoriés et les régimes d’accumulation qui y sont favorables (Freyssenet, 1999), on peut rapprocher la stratégie des banques coopératives à celle de diversité et flexibilité, adaptées au mode de croissance « concurrentiel » (et plus spécifiquement le modèle woollardien), justement prédominant fin xixe et début du xxe siècle.
61Pertinentes et cohérentes en soi, les stratégies des banques coopératives font écho à un système financier qui laisse persister des contraintes de financement sur les emprunteurs. Selon Knight (1921), Keynes (1921) ou Wolfson (1996), ces dernières sont à la fois liées aux représentations et aux relations entre les banquiers et les emprunteurs, mais aussi à l’organisation du système financier. Elles pèsent plus spécifiquement sur les activités productives artisanales ou collectives. Ceci s’explique par les difficultés d’évaluation de la qualité des emprunteurs, élément essentiel de l’appréciation du risque et de l’incertitude, et donc in fine à la décision d’octroyer ou non le financement. Or le développement du système financier ne répond pas structurellement à ce phénomène. En effet, le système financier oscille entre un agencement institutionnel hiérarchique et balkanisé autour de cloisonnements sociaux, sectoriels et spatiaux et un agencement administratif et normatif des pratiques financières qui favorise des contraintes de financement (Artis, 2013). Pour autant, les banques coopératives développent un modèle socio-productif qui se distingue par sa cohérence selon les critères de Freyssenet, cohérence qui ne se présuppose pas par la seule existence du modèle (Freyssenet, 1999, p. 14).
II.1.2. La période du début des années 1980 à aujourd’hui
La période récente présente de nombreuses similitudes avec la période de la fin du xixe siècle : l’État a un rôle de régulateur minimaliste et les besoins de financement restent à satisfaire. La régulation du système financier est marquée par sa financiarisation et son instabilité (Aglietta et Rebérioux, 2007). La nouvelle configuration du système financier dénote d’une évolution fondamentale : l’économie n’est plus une économie d’endettement mais une économie de marchés financiers (Gurley et Shaw, 1960) ou dite de fonds propres (Chesnais et Plihon, 2000 ; Allen et Gale, 2000).
Sur cette période, les banques coopératives sont tiraillées entre, d’un côté, leur reconnaissance désormais établie (Juvin, 2005) induisant aussi celle de leurs caractéristiques identitaires et, de l’autre, une intégration plus approfondie au sein d’un système financier de plus en plus engagé dans des jeux concurrentiels et une quête de rentabilité affirmée. Foncièrement, ces deux axes sont pour le moins paradoxaux, voire contradictoires.
62En effet, cette reconnaissance passe tout d’abord par la perception de leur existence. Depuis les années 1980, les banques coopératives continuent leur croissance interne par la création de groupes coopératifs (Coté, 2000) et externe avec l’acquisition des banques commerciales ou publiques souvent en difficultés (Indosuez puis le Crédit Lyonnais repris par le Crédit Agricole, le CIC par le Crédit Mutuel, la BFCE par les Banques Populaires, etc.). Suite à la crise financière de 2008, leur résilience face justement aux situations de crise est soulignée (Birchall, 2013 ; Groeneveld, 2014).
Cette reconnaissance s’exprime par leur intégration au sein du système bancaire et la place qu’elles y occupent désormais. Au début des années 2010 :
[…] les trois groupes coopératifs représentent la moitié du secteur bancaire français […], soit 53 % des actifs totaux, et générant 68 milliards soit 50 % du PNB (Produit net bancaire, qui mesure la contribution des banques au PIB). Mais lorsqu’on considère exclusivement l’activité sur le territoire français10, le secteur coopératif est largement prédominant : 67 % du PNB réalisé sur le territoire français, 72 % des emplois, 74 % des clients, 83 % des agences (hors bureaux de poste). (Caire et al., 2014, p. 4).
Elles sont devenues des banques de masse et des banques universelles.
Elles sont aussi fortement impliquées dans les principales fédérations et associations coopératives – bancaires ou non – qui éditent des textes posant définition et principes comme la déclaration sur l’identité coopérative de l’Alliance Coopérative Internationale17 ou encore le rapport de l’European Association of Cooperative Banks (GABV, 2012). Elles réaffirment alors leur attachement aux principes coopératifs.
Leur activité s’est donc élargie tant pour suivre leur clientèle originelle que pour répondre aux besoins des nouvelles qui ont été intégrées à l’occasion d’acquisitions et la constitution de groupes hybrides (Richez-Battesti et al., 2006). Ces évolutions n’ont pas ou peu remis en cause les liens avec leurs segments de clientèle originelle. En miroir, elles limitent leur activité sur titres comme leur dépendance vis-à-vis des marchés financiers. Leur clientèle originelle a donc évolué, et celle-là n’est donc plus exclue du système financier. Aujourd’hui la bancarisation 63des différents acteurs économiques est élevée en France et l’enjeu ne se situe plus essentiellement à cet endroit. Il s’agit avant tout d’assurer un service fiable sur les principales opérations d’un banquier en termes d’instruments de paiement, de produits d’épargne et de crédit (Ansart et Monvoisin, 2017). Ceci est d’autant plus vrai que ces populations (artisans, commerçants, agriculteurs, PME, ménages modestes) ont généralement peu accès aux marchés financiers.
Mais aujourd’hui la pertinence externe des coopératives bancaires s’exprime au-delà d’une complémentarité (en termes de cibles, de produits) aux autres organismes du système financier. L’altérité et ses caractéristiques à la fois renchérissent la pertinence externe des coopératives bancaires et les difficultés de son expression. Le périmètre des parties prenantes comme du territoire considéré s’est étendu. Il ne s’agit plus de répondre uniquement aux sociétaires et aux enjeux régionaux. Les questionnements et la sphère d’influence sont a minima d’envergure nationale. En effet, dotées d’un certain nombre de qualités aujourd’hui reconnues, elles s’imposent comme des vecteurs clés de stabilisation comparativement à un système financier devenu de plus en plus instable. Caire et al. (2014, p. 4) soulignent cinq lots de qualités à même de « stabiliser le système financier dans son ensemble et à favoriser la croissance économique générale ». Elles constituent autant de contrepoints aux forces actuelles alimentant le caractère foncièrement instable du système financier. Nous avons rapproché certaines d’entre elles pour dresser les couples antagoniques suivants :
1. La priorité aux services clients plutôt qu’aux revenus versés aux investisseurs et aux activités tournées vers l’économie réelle des coopératives bancaires s’oppose à un contexte favorable aux créanciers et surenchérissant les exigences de rentabilité (Aglietta et Rebérioux, 2007) ;
2. Une moindre dépendance aux marchés financiers, y compris en termes de ressources, ne reproduit pas l’articulation entre marchés financiers et marché du crédit considérée comme facteur d’instabilité (Aglietta et Rigot, 2009) ;
3. Des rendements financiers plus modestes mais plus stables, une gouvernance (managers et administrateurs) moins axée vers la performance financière de court terme comme une capitalisation plus élevée, plus pérenne, moins volatile et une moindre prise de risque s’opposent au 64dictat de la valeur actionnariale et promeut la préférence pour une stabilité de l’établissement bancaire et de la fonction bancaire :
4. Plus de proximité, en matière d’agences, de prises de décision, d’investissements dans l’économie locale contrecarre les logiques internationales d’investissement plus souvent associées à des processus de dissémination du risque via la titrisation.
Ainsi, les coopératives démontrent le renouvellement de leur pertinence externe. Néanmoins, ceci se fait dans la difficulté. En particulier, la dimension de l’altérité les positionne en situation de tiraillements entre une contribution à réguler un régime de croissance instable et une adéquation aux modalités de fonctionnement de leur secteur d’activité d’appartenance. Leur potentiel de stabilité contrecarre les tendances voire le caractère foncièrement instable du système financier. Mais elles s’avèrent alors hors norme voire contradictoires avec les pratiques du secteur instaurées et en particulier se révèlent défaillantes au regard des normes comptables et règles prudentielles qui leur sont inappropriées et défavorables (Ory et al., 2012 ; Caire et al., 2014).
Au vu de ses éléments constitutifs, en particulier le fait que le principe démocratique en relève, la cohérence interne devrait être le point clivant de la capacité d’adaptation de la coopérative à son contexte. Or, des ajustements entre les différentes composantes – à savoir politique produit, organisation productive, relation salariale – sont réalisés. L’affaiblissement du principe démocratique n’apparait pas comme un facteur de déstabilisation majeur du compromis avec les autres composantes de ce même compromis.
II.2. Les coopératives dans une régulation administrée
Cette période s’intercale entre les deux époques libérales évoquées ci-dessus. Elle recouvre le lendemain de la seconde guerre mondiale jusqu’au début des années 1980. L’organisation du système financier se transforme au profit de son recentrage autour du système bancaire et d’une présence forte de l’État dans sa capacité à réguler et à réglementer le secteur. Il développe une relation instrumentale avec lui.
Dès la libération, les pouvoirs publics réforment les structures financières « […] de manière à contrôler les milieux bancaires et financiers et d’amener ceux-ci à réorienter leurs financements dans un sens conforme 65aux objectifs de la politique économique définis dans les premiers plans » (Plihon, 1998, p. 8). Le cadre légal s’appuie sur une loi de 1941, amendée par la loi du 2 décembre 1945. Ce cadre, initialement construit sur la base d’une vision corporatiste de l’économie du gouvernement de Vichy, affirme et institue le principe de la spécialisation des activités – et donc des établissements (Faugère et Voisin, 1997 p. 70). En nationalisant la banque de France et quatre grandes banques de dépôts, l’État structure un secteur à même de porter le processus de reconstruction, et des enjeux de financement qui lui sont attachés. On parle de « nationalisation du crédit » (De Mourgues, 1988, p. 118). Cette situation prévaut jusqu’aux réformes Debré-Haberer (1966-1969) où la spécialisation instaurée nécessite d’être revue : les contraintes de crédit qui en découlent deviennent trop importantes (Faugère et Voisin, 1997 p. 70) alors que les besoins de financement s’intensifient avec la forte croissance d’alors. En associant l’encadrement du crédit à la spécialisation, l’État prend en mains les circuits du financement de l’économie.
Dans ce contexte, les structures coopératives acquièrent une nouvelle légitimité. L’État ne les voit plus essentiellement comme des structures corporatistes mais comme des organisations financières servant l’intérêt général (Moulévrier, 2016, p. 109). Leur implantation régionale comme leur lien avec les secteurs agricoles ou des franges du tissu productif – notamment les PME – ou de segments de la population se révèlent comme autant de canaux privilégiés de certains axes de la politique économique d’alors dont le système bancaire est un vecteur crucial. Elles sont un maillon fondamental pour :
1. Canaliser l’épargne vers le Trésor18 étant donné leur implantation régionale. En effet, concernant la collecte de liquidités, leurs parts de marché passent de 9,8 à 18,7 % entre 1960 et 1970 contre 36 et 36,5 % pour les banques du réseau AFB qu’on peut associer globalement aux banques privés (Plihon, 1998, p. 25) ;
662. Participer au développement du crédit à moyen terme mobilisable destiné :
« […] à financer certains investissements dans des secteurs sociaux ou méritant d’être encouragés : agriculture, logement, petite industrie, […] ayant besoin d’une forme de crédit intermédiaire entre le court terme pratiqué normalement par les banques et le long terme du marché financier et des banques d’affaires » (De Mourgues, 1988, p. 119) ;
3. Transmettre certains des axes de la politique fortement interventionniste de l’État dans l’économie, l’enjeu étant la restauration de la croissance. La politique agricole s’appuiera fortement sur le Crédit Agricole qui acquiert l’exclusivité des prêts bonifiés à destination du secteur dans les années 1960. La politique du logement, pour sa part, prendra support sur le Crédit Mutuel qui, en même temps que l’obtention des avantages financiers du livret bleu, accède à un nouveau statut légal spécial (1958) et investit les nouvelles missions de financement du logement social.
Ce régime de croissance s’appuie sur un rôle majeur de l’État et la construction d’une forte articulation entre l’économie et le système financier. Emblématique de la théorie de la régulation, ce modèle souvent qualifié de fordiste stabilise les compromis dans les différentes formes institutionnelles. Le système financier réglementé participe à la production de masse et la consommation de masse, modèle pérenne car la redistribution des revenus permise par les gains de productivité est estimée satisfaisante. La pertinence externe des coopératives dans ce contexte apparait forte : leurs liens avec les actions étatiques couplés à leur reconnaissance comme institution financière d’intérêt général officialisent en quelque sorte et entérinent cette cohérence, d’autant que le régime de croissance est stable. En même temps, plus officieusement pourrait-on dire, l’encadrement du crédit d’alors qui instaure de fait une contrainte de financement sur les emprunteurs les limite dans leur capacité d’action et dans le rôle supplétif qu’elles développent généralement au sein du système financier.
Le modèle socio-productif volume et diversité qui se prolongera – comme nous l’avons noté – sur la période qui suit est en adéquation avec le régime de croissance. La conjonction des circuits de financement publics aux circuits de financement spécifiques coopératifs perturbe le 67principe du financement solidaire qui caractérisait les coopératives. Le développement de leurs parts de marché les amène à standardiser leur organisation. Pour autant, le secteur bancaire est encore peu industrialisé et de fait les modifications du mode de production restent relativement restreintes (Bonin, 1992). Ainsi, la cohérence interne suppose certes des aménagements mais n’est pas fortement déstabilisée par une quelconque désarticulation entre la politique produit, l’organisation productive et la relation salariale.
Cette période structurée et réglementée du système financier atteste d’une possible coordination entre l’État et les coopératives bancaires. La priorité d’un intérêt qui ne soit par individuel les rapproche. Toutefois, il est nécessaire que l’État et les autorités de tutelles laissent les moyens aux structures coopératives de pouvoir s’exprimer et contribuer à la régulation des régimes de croissance. Le pouvoir restrictif sur l’action des coopératives des normes et règles de l’époque actuelle en atteste. Aussi faudrait-il certes questionner la pertinence de la définition des coopératives au seul prisme des principes et inciter les autorités à intégrer la diversité institutionnelle. Dès lors, la question n’est plus celle de la banalisation des coopératives, mais la manière dont il est possible de construire une définition qui puisse mieux rendre compte de leur capacité d’adaptation et de renouvellement. Concernant les banques coopératives, leur définition pourrait se construire autour du bon niveau d’acceptation du risque au sein du système financier, tant dans l’idée de ne pas en exclure, comme celle de ne pas en favoriser un surdimensionnement. Les questions sur la définition du risque et les coopératives en tant que productrices de conventions, à terme de normes peuvent en découler.
Conclusion
Cette étude de la dynamique institutionnelle du secteur bancaire et des banques coopératives en particulier tend à corroborer le processus d’adaptation des banques coopératives françaises eu égard à un régime de croissance spécifique selon les grands cycles économiques. L’évolution des banques coopératives dans une analyse du changement organisationnel 68met en lumière que les règles et les relations émanent de la confrontation de conventions internes découlant de l’idéal coopératif, et des normes émanant du cadre institutionnel, permettant de renouveler les analyses en termes d’isomorphisme institutionnel.
Les coopératives bancaires ont rempli historiquement une mission d’accessibilité des services bancaires et financiers aux agents économiques, et ont ainsi contribué à structurer le secteur bancaire. Si les coopératives sont nées le plus souvent sur une base territoriale, du fait de la mobilisation d’un groupement de personnes, leur expansion a suivi celle de leurs marchés de plus en plus concurrentiels.
Qu’il s’agisse de la période de régulation libérale ou de régulation administrée, les banques coopératives contribuent au changement institutionnel. La cohérence externe et la pertinence interne sont évidemment plus fortes pendant certaines périodes. Pourtant, aujourd’hui, l’analyse mésoéconomique atténue le rôle des coopératives sur leurs marchés du fait de la pression de la concurrence qui supprimerait toutes particularités des coopératives, et expliquerait donc leur banalisation. Or les coopératives sont bien nées pour établir des rapports différents avec leurs membres. Contrairement à la thèse de l’isomorphisme institutionnel, leurs spécificités ont en partie été reprises par leurs concurrents capitalistes comme par exemple des produits financiers solidaires dans les banques, rendant « invisible » le rôle régulateur joué par les coopératives dans l’accessibilité au crédit. Par contre, certaines coopératives ont évolué vers une plus grande sélection des membres en fonction de la rentabilité de leurs activités, renvoyant vers le tissu associatif (et la solidarité publique) les membres les moins solvables ou les moins productifs, ce qui a engendré l’émergence de la finance solidaire moderne (Artis, 2014). Dans un contexte de questionnements sur la responsabilité de la finance, une meilleure compréhension de la diversité organisationnelle et du rôle des coopératives dans des secteurs d’activités pourrait nourrir de nouvelles recherches.
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1 sandrine.ansart@grenoble-em.com
2 amelie.artis@sciencespo-grenoble.fr
3 virginie.monvoisin@grenoble-em.com
4 Voir les débuts du mouvement coopératif au cours du xixe siècle.
5 Ces travaux ont été présentés à plusieurs séminaires de recherche (Ladyss, 2012, 2013 ; Grenoble École de Management, 2012 ; Sciences Po Grenoble, 2013).
6 La question à partir de laquelle Di Maggio et Powell construisent le concept d’isomorphisme institutionnel et les autres concepts qui s’y attachent est : pourquoi les organisations deviennent-elles similaires ? À l’instar de Weber (1904), ils reconnaissent que l’ordre rationnel (« la cage de fer ») favorise le contrôle des individus et la bureaucratisation, et donc in fine l’homogénéisation des entreprises comme des États. Toutefois, les causes de cette rationalisation résideraient moins dans la recherche de l’efficacité pour faire face à la concurrence que dans celle de légitimité.
7 Ainsi, la dénomination « établissement de crédit », outre les banques AFB, s’ouvre-t-elle aux banques coopératives et mutualistes et aux caisses de Crédit municipal qui perdent leurs spécificités relatives à leurs opérations. Pour prétendre à être un établissement de crédit, il suffit que les institutions financières « […] effectuent à titre professionnel des opérations de banques » (Code Monétaire et Financier).
8 Le cadre juridique des coopératives limite la distribution des bénéfices aux membres (Chomel, 2008).
9 La structuration des nombreuses caisses locales s’est faite par des processus de regroupement entre les niveaux local, régional et national. Selon une logique bottom-up, les caisses locales s’associent pour créer une caisse fédérale d’envergure régionale, puis des caisses régionales se regroupent pour mutualiser leurs moyens dans une confédération.
10 Eux-mêmes étant influencés par le régime international, soit les modalités d’insertion internationale de l’économie considérée. Le niveau d’influence est un point de débat au sein de la théorie de la régulation.
11 Pour mémoire, la théorie de la régulation retient 5 formes institutionnelles majeures : (i) la concurrence (degré de concentration, formation des prix, concurrence entre salariés, qui détermine alors le salaire), (ii) forme de la monnaie (monnaie, politique monétaire, financement de l’économie, etc.), (iii) forme de l’État (intervention économique et sociale), (iv) forme du rapport salarial (déterminants du salaire et de l’emploi, organisation du travail, etc.), (v) forme d’insertion dans l’économie mondiale (relations commerciales, financières et monétaires). « Pour la théorie de la régulation les formes institutionnelles correspondent à la codification d’un ou plusieurs rapports sociaux fondamentaux. Elles conditionnent tant le processus d’ajustement économique à court moyen terme (le mode de régulation) que le régime de croissance lui-même largement conditionné par le régime d’accumulation » (Boyer, 2003, p. 2).
12 Les 5 premières banques de dépôts sont fondées entre 1848 et 1894 : Le Comptoir National d’Escompte (devenu plus tard la BNP), le Crédit Industriel et Commercial, la Société Générale, le Crédit Lyonnais et le Crédit Commercial de France.
13 Comme le financement de chemins de fer ou des mines.
14 Chacune de ces clientèles (mais aussi sociétariats) seront respectivement les cibles de la Banque Populaire, le Crédit Agricole, le crédit Coopératif puis le Crédit Mutuel (Moulévrier, 2016, p. 108).
15 Le principe de la double qualité « […] s’entend du lien établi entre les qualités d’associé et d’utilisateur de la coopérative ; les deux versants en sont alors l’exclusivisme et l’exclusion des associés non coopérateurs » (Hiez, 2006, p. 35).
16 Cette question peut être appréhendée au travers de la tension entre une relation financière à la dimension « interpersonnelle » (prédominante dans les maisons de Haute Banque par exemple) à celle « impersonnelle » (Hautcœur, 2011).
17 L’Association Internationale des Banques Coopératives (AIBC) est une branche sectorielle de l’ACI.
18 À cette époque, on parle du circuit du financement du Trésor puisque les banques n’avaient pas la possibilité de proposer des emplois de court terme et une rémunération à cette épargne, ceci à l’exception des Caisses d’Épargne et du Trésor. Ce n’est qu’avec la réforme de 1967 que cette possibilité fut accordée à toutes les banques « qui purent ainsi stabiliser dans des dépôts à terme ou des comptes sur livrets des avoirs qu’elles ne pouvaient jusqu’à présent posséder qu’à vue ». (De Mourgues, 1988, p. 120). Jusque-là, l’épargne s’était reconstituée mais demeurait liquide.
- CLIL theme: 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN: 978-2-406-07390-1
- EAN: 9782406073901
- ISSN: 2554-9626
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07390-1.p.0047
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 12-22-2017
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Co-operative banks, isomorphism, institutional approaches, institutional constraints, history