Résumés des contributions et présentation des auteurs
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Enfants perdus, enfants trouvés. Dire l’abandon en Europe du xvie au xviiie siècle
- Pages : 385 à 395
- Collection : Rencontres, n° 103
Résumés des contributions et présentation des auteurs
Dubouloz, Julien, « Présence et absence des enfants exposés dans le droit romain (ier-iiie siècles) »
Julien Dubouloz, ancien membre de l’École française de Rome, est maître de conférences habilité en histoire romaine à l’université d’Aix-Marseille. Ses recherches proposent une approche historique du droit romain. Il a publié en 2011 La propriété immobilière à Rome et en Italie (ier-ve siècles).
Cette communication porte non pas sur la période moderne mais sur Rome aux ier-iiie siècles. À Rome, l’exposition des enfants dont la paternité est douteuse ne pose de problème ni juridique, ni moral. Un individu sans père se trouvant exclu de la citoyenneté comme de l’accès à une succession, un enfant trouvé n’est sauf exception recueilli que pour devenir esclave. Le détour par Rome permet donc de s’interroger sur la notion de valeur de l’enfant dans les stratégies familiales.
This contribution takes the reader to Rome between the first and third centuries, where there were no legal or moral impediments to exposing a child when doubts existed as to who might have fathered it. Since fatherless individuals were excluded from citizenship and inheritance, children who were found were generally taken in to become slaves. Surveying this reality of Rome addresses the notion of a child’s value in the economy of family strategies.
Malosse, Pierre-Louis†, « L’ekthesis de Chariclée dans les Éthiopiques d’Héliodore »
Pierre-Louis Malosse (1952-2013) était professeur de langue et littérature grecques à l’université Montpellier 3 et président de l’association scientifique « Textes pour l’histoire de l’Antiquité tardive ». Spécialiste de Libanios, il coordonnait la publication de ses œuvres dans la CUF. Il a publié les Lettres de Chion d’Héraclée, les Lettres pour toutes circonstances et le Discours LIX de Libanios.
Cette contribution présente la situation d’abandon d’un nouveau-né (ekthesis) qui sert d’argument aux Éthiopiques d’Héliodore (ive s. ap. J.-C.). Non seulement l’ekthesis était une pratique courante et presque institutionnelle dans les cités antiques, mais encore elle constitue un motif fréquent dans le mythe et dans la littérature grecque de fiction. Chez Héliodore, elle a un rôle moteur, et l’on peut en repérer la trace dans le texte de deux passages (ii, 31-33 et iv, 8), confronté à ses traductions modernes en français.
This contribution considers the exposure of a newborn infant (ekthesis) as a narrative ploy in Heliodorus’ Ethiopian History (fourth century ad). Besides being a common, almost institutional, practice in Greek cities, ekthesis is a recurring motif in Greek myth and fiction. In Heliodorus’ romance, exposure plays a key role, as may be traced in two passages (ii, 31-33 et iv, 8), which are considered here in different French translations.
Martin-Ulrich, Claudie, « L’abandon fait le larron ? Les représentations de l’enfant abandonné de l’Heptaméron aux histoires tragiques »
Agrégée de lettres modernes, maître de conférences en littérature de la Renaissance à l’université de Pau, membre de l’IRCL (UMR5186), Claudie Martin-Ulrich travaille sur les rapports entre rhétorique et narration, sur l’Heptaméron de Marguerite de Navarre et le genre du plaidoyer aux xvie et xviie siècles.
Cette contribution s’intéresse aux enfants abandonnés dans la littérature du xvie siècle français, pour s’interroger sur leur représentation ambivalente dans deux genres où ils apparaissent : la nouvelle de la reine de Navarre et l’Histoire tragique d’Alexandre van den Bussche. Les enfants que l’on abandonne le sont-ils parce qu’il s’agit de criminels en puissance ou des innocents qu’il faut protéger ? La réponse tient en partie à la conception que l’époque se fait des rapports entre nature et culture.
This contribution takes a look at abandoned children in sixteenth-century French literature, and investigates the ambivalence with which they are represented in two different genres, Marguerite of Navarre’s tales and Alexandre van den Bussche’s Tragic History. Are children exposed because they are potential criminals, or vulnerable beings that need to be protected ? Possible answers may be found in the period’s attitudes to the respective impacts of nature and culture.
Valls-Russell, Janice, « De l’exposition à la reconnaissance : étapes, lieux et mots dans Pandosto, de Robert Greene (v. 1588) »
Ingénieur d’études au CNRS, rattachée à l’IRCL (UMR5186), université Paul-Valéry – Montpellier, Janice Valls-Russell exerce des activités éditoriales et de recherche sur la Renaissance anglaise (théâtre et réécritures). Sous le nom de Janice Peyré, elle siège au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) et signe des travaux sur l’adoption et les origines (dont Le Guide Marabout de l’adoption, 2014).
Cette contribution repart de la nouvelle en prose de Robert Greene, Pandosto, ou le triomphe du temps (v. 1588), pour explorer le schéma narratif des trajectoires conduisant de l’exposition à la reconnaissance. Les espaces qui fixent ces différentes étapes à travers le temps contrastent avec l’instabilité des mots, le flottement des regards qu’elle induit, hypothéquant les conditions dans lesquelles peuvent se produire les retrouvailles.
This chapter reconsiders Robert Greene’s prose romance, Pandosto or the Triumph of Time (c. 1588), and the narrative pattern of trajectories that lead from exposure to recognition. The mapping of this process breaks it down into successive, spatially defined stages, in contrast with the unreliability of words and the ensuing, fluctuating perception of facts and characters, which endanger the outcome of ultimate reunion.
Shohet, Lauren, « Filles perdues, formes retrouvées dans le Pericles de William Shakespeare (1608) et l’Urania de Mary Wroth (c. 1621-1629) »
Professeur d’anglais à Villanova University (USA), Lauren Shohet est l’auteur de Reading Masques : The English Masque and Public Culture in the Seventeenth Century (CUP 2010) et de nombreuses études sur le genre, la forme, la littérature médiévale et les œuvres de Shakespeare et de Milton. Ses travaux ont été récompensés pour leur qualité par des bourses et des prix prestigieux.
Les enfants perdus inspirent un champ métaphorique dans les « romances » de la Renaissance anglaise. La popularisation subversive des textes (avec la progression de l’alphabétisation) et des corps (suite à divers bouleversements sociaux) se concentre en la figure de la fille perdue et retrouvée. Dans des œuvres de fiction comme Urania, de Mary Wroth, ou de théâtre comme Périclès, de Shakespeare et Wilkins, la fille retrouvée ouvre des perspectives de filiation dynastique et générique, tout en tissant de nouvelles œuvres.
Lost children and foundlings generated a metaphorical field in the form of the English Renaissance romance. The troubling popularization of texts (consequent to increasing literacy) and of bodies (consequent to wide-ranging social changes) is conflated in the person of the lost-and-found daughter. In both prose romances like the Urania of Mary Wroth and theatrical romances like the Pericles of Shakespeare and Wilkins, the foundling daughter figures both the possibilities of dynastic and generic inheritance and the origin of new work.
Robin-Romero, Isabelle, « Fondateurs, administrateurs et bienfaiteurs face aux enfants délaissés (xviie-xviiie siècles) »
Isabelle Robin-Romero, maître de conférences en histoire à l’université Paris-Sorbonne, est membre du centre Roland-Mousnier (UMR8596). Sur l’histoire des enfants sans famille, elle a publié Les orphelins de Paris. Enfants et assistance du xvie-xviiie siècles, Paris, PUPS, 2007.
Entre la réforme catholique et les Lumières, les représentations dans le discours des auteurs intéressés par la question des abandonnés ont-elles changé ? Les mots employés révèlent que ces enfants sont qualifiés selon les circonstances dans lesquelles on s’est chargé d’eux (exposés, trouvés…). Les auteurs font aussi valoir leur état de victime de l’immoralité au xviie puis de la mortalité au xviiie. Enfin, ces abandonnés étant sans attaches, on se demande s’ils sont enfants de Dieu ou de l’Etat.
Was there any change in the discourses of authors who were interested in the question of abandonment between the Catholic counter-reformation and the Enlightenment ? The words that are used in these discourses reveal that these children are categorised according to the circumstances in which they were exposed, found or taken in care. Writings about those children also drew attention to their status of victims – victims of immorality in the seventeenth century, of mortality in the eighteenth. Furthermore, abandoned children having no ties, were they to be perceived as God’s children, or the Nation’s children ?
Taddia, Elena, « Un débat politique et moraliste sur l’enfance abandonnée à Gênes : Andrea Spinola et le manuscrit Ricordi (v. 1624) »
Docteur en histoire de l’ENS de Lyon, Elena Taddia est Trinity College Dublin Fellow et chercheur associé au Centre R. Mousnier, à l’université Paris-Sorbonne. Sur l’enfance abandonnée à Gênes, elle a aussi publié : G. Regesta, E. Taddia (éd.), L’antico Ospedale di Pammatone e il suo archivio abbandonato…, 2009.
La représentation de l’enfance abandonnée que se fait la classe dirigeante dans la République de Gênes apparaît à travers les mots et les pratiques de son action charitable auprès de l’Hôpital de Pammatone. Le manuscrit Ricordi du patrice génois Andrea Spinola (1562 ?-1631) – analysé ici dans sa partie inédite – montre que le nombre croissant d’exposés devient un fardeau pour la République. Envoyer ces enfants en Corse comme colons ne serait-il pas un expédient pour hiérarchiser la misère entre les pauvres illégitimes et légitimes ?
The attitude of the ruling class in the Republic of Genoa towards abandoned children is revealed through its charitable interaction with the Hospital of Pammatone. The Ricordi manuscript written by the Genoan patrician Andrea Spinola (1562 ?-1631) – of which we analyse the unpublished part – shows that the growing number of exposed children was becoming a burden for the Republic. Sending these children to colonise Corsica could be considered a way of introducing a hierarchy between the misery of legitimate and illegitimate paupers.
Touboul, Patricia, « L’enfant abandonné comme figure de la concupiscence dans l’opuscule de Bénigne Lordelot : De la charité qu’on doit exercer envers les pauvres enfants trouvés (1706) »
Patricia Touboul est maître de conférences en esthétique à l’université Paul-Valéry – Montpellier, membre de l’IRCL (UMR5186), auteur de Fénelon et les arts du dessin. Instruire par l’image (Vrin), de plusieurs articles sur le xviie siècle, et co-auteur d’une anthologie, Le Corps (GF-Flammarion).
Siècle de saint Augustin, le xviie siècle est aussi celui de la concupiscence. Conséquence du péché originel, elle permet d’éclairer les désordres moraux et sociaux dont elle est la cause indirecte. Lordelot, né en 1639, avocat au parlement de Dijon, puis au Grand Conseil, l’évoque pour expliquer l’abandon d’enfant. En faisant de l’enfant abandonné la figure exemplaire d’un mal incurable que, sans la grâce divine, il est impossible de combattre, il contribue à donner au rigorisme augustinien un nouveau prolongement.
The seventeenth century brings to mind Saint Augustine ; it also evokes lechery, which is viewed as a consequence of original sin, indirectly causing, and casting light on, moral and social disorder. Born in 1639, Lordelot, who was a lawyer at the Dijon Parliament then at the Grand Conseil, refers to lechery to explain the abandonment of children. By presenting the abandoned child as the exemplary figure of an incurable sin that can be fought only with divine grace, he revisits and extends Augustinian Rigorism.
Seriu, Naoko, «Quête et enquête autour de la filiation naturelle devant le parlement de Tournai à la fin du xviie siècle »
Après une thèse sur les soldats au siècle des Lumières (2005), Naoko Seriu travaille sur la culture judiciaire d’Ancien Régime dans une perspective croisée d’histoire du droit et d’histoire. Ingénieure de recherche au CNRS (CHJ, Lille 2), elle s’intéresse à l’articulation entre la procédure (en matière civile, criminelle, et de justice militaire) et les formes d’argumentation à l’époque moderne.
Comment une vie peut-elle s’inventer sous l’Ancien Régime malgré le stigmate de l’illégitimité ? Cet article examine l’enquête demandée par une fille naturelle pour établir une preuve de filiation devant le parlement de Tournai, à la fin du xviie siècle. À travers l’analyse des dépositions des témoins, il s’agira de mettre en lumière une double trajectoire féminine –de la mère et de la fille – ainsi que les liens qui se tissent autour de ces femmes reléguées en marge de la société, mais qui ne sont pas pour autant dépourvues de capacité d’agir.
To what extent could one overcome the stigma of illegitimacy and shape one’s life under the Ancien Régime ? This article focuses on the case brought by an illegitimate daughter before the Parliament of Tournai, at the end of the seventeenth century, to obtain proofs of her lineage. An analysis of the witnesses’ statements brings to light a twofold trajectory – the mother’s and the daughter’s – and the various forms of social exchange that were woven around these two women, who were relegated to the margins of society but were not deprived of all possibilities of agency.
Seth, Catriona, « La Dame de cœur et le ruban couleur de chair : “Remarques” et “excuses” d’enfants trouvés des Lumières »
Professeur à l’université de Lorraine et à Queen’s University (Belfast), Catriona Seth est l’auteur entre autres de La Fabrique de l’intime. Mémoires et journaux de femmes du xviiie siècle (2013), Les Rois aussi en mouraient. Les Lumières en lutte contre la petite vérole (2008), de l’édition Pléiade des Liaisons dangereuses de Laclos (2011) ainsi que de plusieurs articles sur les enfants trouvés.
Au cours du siècle des Lumières, les enfants sont souvent abandonnés avec des objets qui servent de protection ou de moyen d’identification possible. Ils sont également munis, à l’occasion, d’un billet qui indique leur nom, les raisons pour lesquelles ils sont laissés etc. Un travail dans les archives permet de mettre en valeur la variété et les fonctions de ces « remarques » et « excuses » qui ne vont pas sans rappeler certains aspects de la fiction du temps.
During the Enlightenment, children were often abandoned with objects intended to protect or identify them. At times they also had a note indicating their name, the reasons for which they were being left, etc. Archival research makes it possible to show the variety and functions of these « remarques » and « excuses », as they are known in French, and which are reminiscent of certain aspects of contemporary fiction.
Dornier, Carole, « La liberté de l’enfant errant : le témoignage de Valentin Jamerey-Duval »
Carole Dornier, Professeur à l’université de Caen, a publié des études et éditions critiques concernant le discours sur les mœurs, l’écriture fragmentaire et le témoignage au xviiie siècle (Crébillon, Duclos, Prévost, Montesquieu, Challe…). Elle travaille actuellement sur les écrits de l’abbé Castel de Saint Pierre.
Valentin Jamerey-Duval (1695-1775) a raconté dans ses Mémoires son enfance de fugueur. Il a témoigné d’une réalité que les écrits de son temps ne prenaient guère en charge. C’est dans l’usage et dans la distance avec des modèles d’écriture, en particulier le roman picaresque et le pamphlet, qu’il parvient à nous faire partager sa conscience d’enfant et surtout le point de vue qu’il porte sur cette enfance misérable, sur les malheurs de son groupe d’origine et sur son combat pour échapper à la fatalité de sa condition.
Valentin Jamerey-Duval (1695-1775) related in his Memoirs the story of his life as an runaway child, thereby providing a direct record of a reality that his contemporaries’ writings tended to overlook. This self-taught author drew on various genres and styles, particularly picaresque novels and pamphlets, to share his feelings and perception as a child with his readers and, above all, to provide insights into the ways he viewed his miserable childhood, the hardships of his original social group and his struggle to escape a socially conditioned existence.
Richardot, Anne, « Vie et vicissitudes de Mademoiselle Le Blanc, sauvageonne de Champagne »
Anne Richardot est maître de conférences en littérature française du xviiie siècle à l’université Lille 3. Elle a notamment publié Le Rire des Lumières (Champion, 2002), Femmes et libertinage (Presses Universitaires de Rennes, 2003), Bestiaire des Lumières (Revue des Sciences Humaines, 2009).
Cet article retrace la vie de Marie-Angélique Le Blanc, nom donné à une sauvageonne trouvée en Champagne au début du xviiie siècle, à partir de l’ouvrage signé par une certaine Mme Hecquet, Histoire d’une jeune fille sauvage trouvée dans les bois à l’âge de dix ans (1755). On imagine combien ce cas, aussi rare par l’acculturation réussie qu’intrigant par la difficulté à reconstituer l’histoire de la protagoniste, a passionné les contemporains.
This contribution retraces the life of Marie-Angélique Le Blanc – the name given to a wild girl who was found in Champagne at the beginning of the eighteenth century – as told by Mrs Hecquet in Histoire d’une jeune fille sauvage trouvée dans les bois à l’âge de dix ans (1755). One may easily imagine how her contemporaries were fascinated by the case, both for the exceptional success of the girl’s acculturation and the difficulties to reconstitute her story.
Ellerbeck, Erin, « Adoptés par des animaux. Les parents temporaires d’enfants abandonnés dans le Daphnis and Chloe d’Angel Day »
Erin Ellerbeck enseigne au département d’anglais de l’université de Victoria. Ses articles ont paru dans Studies in English Literature 1500-1900 et Renaissance and Reformation/ Renaissance et Réforme. Elle travaille actuellement sur les représentations de l’adoption dans la littérature anglaise des xvi-xviie siècles, à la lumière des perspectives juridiques, scientifiques et médicales de l’époque.
Cette contribution cherche à démontrer que l’abandon d’enfants dans le Daphnis and Chloe d’Angel Day (1587) permet d’étudier la frontière poreuse que la première modernité dressait entre les êtres humains et les animaux. En s’attardant sur des êtres non humains, Daphnis and Chloe se penche sur ce qui définit l’être humain et la famille humaine ; les divisions entre animaux et humains sont suffisamment brouillées pour que le comportement animal devienne étonnamment familier et source d’enseignements.
This chapter argues that the abandonment of children in Angel Day’s Daphnis and Chloe (1587) presents an opportunity to examine the porous boundaries that were often believed to divide humans from animals in the early modern period. By focusing in part on non-human beings, Daphnis and Chloe explores what it meant to be human and what it meant to define the human family ; the divisions between animal and human are blurred enough that animal behaviour becomes strangely familiar and even instructive.
Aranda, Daniel, « Variations sur un stéréotype : trois scènes de découverte d’enfants perdus en 1697 »
Daniel Aranda est maître de conférences à l’université de Nantes et membre titulaire du CREN. Il travaille notamment sur le personnage de récit de fiction, plus particulièrement à travers les représentations d’enfants dans la littérature. Il a dirigé l’ouvrage L’Enfant et le livre, l’enfant dans le livre, L’Harmattan, 2012.
« Le Voyage de Falaise », « L’Oranger et l’abeille », « La Bonne femme », sont trois récits de fiction brefs de 1697 qui comportent une scène-clef, la découverte d’enfants perdus. Le genre, l’énigme proposée comme l’intrigue qui configurent ces trois scènes sont autant de variations sur le topos de l’enfant trouvé. La force d’inertie de ce stéréotype paralyse leurs auteurs plus qu’elle ne les stimule, ou les entraîne dans des incongruités qui tiennent lieu d’originalité.
In « Le Voyage de Falaise », « L’Oranger et l’abeille », « La Bonne femme », three tales dating from 1697, a key-scene hinges on the discovery of lost children. The genre, the mystery surrounding the children and the plot combine to offer three variations on the topic of children lost and found. The weight of the stereotype is such that it seems to cramp the authors rather than stimulate them, or to lead their attempts at originality into incongruities.
Magnot-Ogilvy, Florence, « And I am but a little Girl : l’abandon à la première personne dans les romans du xviiie siècle»
Florence Magnot-Ogilvy est maître de conférences habilitée en littérature française du xviiie siècle à l’université Paul-Valéry – Montpellier, membre de l’IRCL (UMR5186) et membre honoraire de l’IUF. Elle a publié La parole de l’autre dans le roman-mémoires (1720-1770) (2004), co-dirigé Lectures de Cleveland (2010) et Économies du rebut (2012) et co-édité une édition de La Mouche du Chevalier de Mouhy.
Si les récits d’abandon dans les romans du xviiie siècle sont en général peu développés, conformément à la très progressive prise en compte « réaliste » et non comique de la réalité quotidienne, l’abandon renvoie à une grammaire narrative particulière. La stigmatisation sociale de l’enfant trouvé y entre en tension et en dialogue avec la dimension mythique et sacrée de l’enfant perdu. Dans ce paysage narratif en mutation, l’œuvre romanesque de Daniel Defoe fait exception par son attention encore inédite à la parole individuelle de l’enfant.
In keeping with the very gradual emergence of « realist » rather than comic portrayals of everyday reality, narratives of abandonment in the eighteenth-century novel are generally limited ; nonetheless, the theme of abandonment does refer to a specific narrative grammar. The foundling’s social stigmatisation both contrasts and creates a dialogue with the mythical and sacred dimension of the lost child. In this evolving narrative landscape, the novels of Daniel Defoe stand out insofar as they focus for the first time on the child’s individual voice.
Marianne Charrier-Vozel, « L’enfant trouvé de Crébillon fils à Madame Riccoboni : variations du roman libertin au roman sentimental »
Marianne Charrier-Vozel est maître de conférences à l’université de Rennes 1. Spécialiste des manuels et romans épistolaires de l’Ancien Régime, elle a publié de nombreux articles sur Mme Riccoboni, la sociabilité franco-britannique et les correspondances au xviiie siècle.
Cette contribution compare la topique de l’abandon dans le roman libertin Les Heureux orphelins (1754) de Crébillon fils et dans les romans sentimentaux de Mme Riccoboni, les Lettres de Sophie de Vallière (1772) et les Lettres de milord Rivers (1776). Il s’agit de mettre au jour les constantes, les transformations et les détournements d’un univers romanesque à l’autre, révélateurs des procédés et de l’évolution d’une « littérature d’abandon » fondatrice de la Romancie au xviiie siècle.
This contribution compares the topic of exposure in the libertine novel of Crebillon fils, The Happy Orphans (1754), and Mrs. Riccoboni’s sentimental novels, Letters of Sophie de Valliere (1772) and Letters of Lord Rivers (1776). Recurring patterns, transformations and diversions may be traced, revelatory of the processes and the evolution of an « exposure littérature » that was a cornerstone of the the eighteenth-century Romancie.
Démoris, René, « Les impasses du délaissement : l’histoire de Tervire dans La Vie de Marianne »
Professeur émérite en littérature française du xviiie siècle à l’université Sorbonne nouvelle – Paris III, est l’auteur du Roman à la première personne du classicisme aux Lumières et de Chardin, la chair et l’objet, ainsi que de nombreuses études sur le roman et la peinture aux xviie et xviiie siècle.
Histoire grise et noire que celle de Tervire qui occupe les trois dernières parties (1742) de la Vie de Marianne : la jeune aristocrate de province, devenue religieuse, y raconte la misère de son enfance et surtout l’expérience de son délaissement par une mère remariée et enrichie, qui lui ôte la capacité de désirer et d’aimer. Une terrible évocation des enfers familiaux et du vœu de mort des parents sur leur progéniture. Marivaux n’a jamais été plus loin dans l’analyse de la misère psychique que dans ce négatif de Marianne, peu propre à séduire le lecteur.
Marivaux devotes the last three parts of Vie de Marianne (1742) to the grey, dark story of Tervire : the young provincial aristocrat, who has become a nun, retraces her miserable childhood and dwells upon the experience of having been abandoned by her mother, who remarried and became wealthy. This has annihilated in Tervire a potential for desire and love, and conjures up a hellish vision of family relations in which parents seem to curse their children with a death wish. Marivaux offers his readers an unrivalled analysis of psychological distress through this portrayal in reverse of Marianne, which does not seek to seduce his readers.
Golse, Bernard, « Mise en perspective à la lumière de l’enfant mythique d’aujourd’hui »
Bernard Golse est pédopsychiatre-psychanalyste, chef du service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université René Descartes (Paris 5), ancien membre du Conseil supérieur de l’adoption (CSA), ancien président du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), président de l’Association Pikler Loczy-France.
L’histoire des enfants perdus et des enfants trouvés aux xvie-xviiie siècles est riche d’enseignement pour notre réflexion actuelle. D’où l’importance du concept d’enfant mythique, soit les représentations qu’une société se donne de l’enfant et de l’enfance à un moment donné de son histoire. Par ailleurs, l’adulte et le bébé se doivent de co-écrire, ensemble, une histoire qui leur appartienne et qui fait qu’un enfant exposé/perdu/trouvé, même très jeune, est en mesure de raconter sa vie et de se la raconter, en dépit de tout.
The story of children lost and found in the 16th-18th centuries is useful for our current thinking about childhood. Hence the importance of the concept of the mythical child, that is to say, social representations of children and childhood at given moments in history. Furthermore, adult and baby should co-write together their own, specific, story – which means that a child that has been exposed/lost/found, even if an infant, is nonetheless able to narrate his/her life and narrate it to him/herself.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-3392-4
- EAN : 9782812433924
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3392-4.p.0385
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/04/2015
- Langue : Français