Présentation
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Droits subjectifs et citoyenneté
- Auteurs : Beaud (Olivier), Colliot-Thélène (Catherine), Kervégan (Jean-François)
- Pages : 7 à 22
- Collection : Bibliothèque de la pensée juridique, n° 12
Article de collectif : 1/16 Suivant
Présentation
Ce recueil est issu du colloque « Droits subjectifs et citoyenneté » qui s’est tenu les 11 et 12 mars 2016 à l’Université Paris 2 Panthéon Assas à l’initiative de l’Institut Michel Villey (Univ. Paris 2 Panthéon-Assas) et du laboratoire NoSoPhi (Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne / ISJPS), avec l’appui de l’Institut Universitaire de France dont les trois organisateurs étaient alors membres seniors. Le colloque avait pour but de questionner les relations entre deux notions cardinales du lexique juridique et politique moderne : les droits subjectifs et la citoyenneté. Ces deux notions ont des histoires différentes, comme le rappellent plusieurs des contributions. Mais ces histoires sont étroitement entrelacées : le sujet politique moderne est déterminé à la fois par son statut juridique de titulaire de droits et par sa qualité de citoyen. Les rapports entre ces deux déterminations sont controversés. Certains considèrent qu’elles sont indissociables, la citoyenneté, dont le concept remonte dans la tradition occidentale à l’Antiquité grecque et latine, ayant été entièrement refaçonnée par l’égalité des droits promue par les Déclarations des droits de l’homme. Selon d’autres, au contraire, il existe entre ces deux idées une tension, voire une contradiction, qui ne cesse de travailler les démocraties modernes jusqu’à aujourd’hui.
Les deux positions sont représentées dans les textes qui suivent ; c’est dire que ce colloque n’a pas résolu le dilemme, ce qui n’était pas son objectif et ce qui est sans doute impossible. Par ailleurs, le colloque était interdisciplinaire : il croisait les approches de juristes, de philosophes et d’historiens. Ces différences sont sensibles dans les corpus de référence utilisés et dans les méthodes argumentatives. On remarquera cependant que le choix entre les deux interprétations antagoniques des rapports entre droits subjectifs et citoyenneté n’est pas fonction de l’appartenance disciplinaire : philosophes, historiens ou juristes peuvent adhérer à l’une ou à l’autre. La racine des difficultés réside en effet dans 8l’interprétation des droits subjectifs, une notion récente, lexicalement attestée seulement à partir du 19e siècle et qui n’a été véritablement intégrée dans la langue juridique que par la science allemande du droit de la seconde moitié du 19e siècle, comme le souligne la contribution d’O. Jouanjan. L’interprétation de cette notion engage donc celle de la modernité, un problème auquel ne peut être indifférente aucune discipline qui traite de près ou de loin de la politique et de l’espace public. Les droits subjectifs sont non seulement « une composante ambiguë de la modernité » (J.-F. Kervégan), mais ils cristallisent les ambiguïtés de la modernité elle-même. Encensés par les uns, qui y voient la traduction en termes juridiques de l’universalisation de la liberté (par opposition aux sociétés antiques ou d’Ancien Régime), ils sont vilipendés par les autres, pour lesquels la subjectivation des droits pervertit le concept du Droit – c’est le noyau de la critique bien connue de Michel Villey – ou bien encore compromet la possibilité de la politique1.
La critique des droits subjectifs est aussi ancienne que la notion elle-même, elle a même précédé l’apparition de l’expression : une grande partie des objections formulées contre les droits subjectifs l’ont été contre les « droits de l’homme » dès l’époque de la Révolution française, dans les Réflexions sur la Révolution de France d’E. Burke (1791), dans la Théorie du pouvoir politique et religieux de L. de Bonald (1796) et dans les Considérations sur la France de J. de Maistre (1797). Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les longues analyses érudites que Michel Villey a consacrées à la genèse philosophique de la notion de droits subjectifs aient abouti à la rédaction d’un pamphlet contre les droits de l’homme2 : les Déclarations des droits de l’homme de la fin du 18e siècle sont en effet indubitablement la matrice des « droits subjectifs » des juristes de la seconde moitié du 19e siècle. Ces Déclarations, et tout particulièrement la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789, n’ont cessé de prêter, jusqu’à aujourd’hui, à des interprétations contradictoires, contradictions dont le nœud réside précisément dans qui était l’objet du colloque : le rapport entre les droits (subjectifs) et la citoyenneté. Convient-il de distinguer entre l’« homme » et le « citoyen » 9de la Déclaration de 1789, ou bien se confondent-ils ? Quelle que soit la réponse donnée à cette question, il est certain que les Déclarations des droits représentent un type de discours historiquement inédit, qui traduit une individualisation du porteur des droits. Attribuer la responsabilité de cette individualisation à une ontologie viciée (le nominalisme, pour Michel Villey) qui aurait perverti la juste compréhension de ce qu’est le Droit, en général et dans toute société, est cependant une explication un peu courte. Le caractère central acquis par la notion de « sujet de droit » dans le langage juridique et les représentations modernes, s’accompagne de distinctions conceptuelles également nouvelles, celle entre société civile et État, ou entre privé et public, notamment3. Plutôt que voir en ces distinctions les effets de l’idéologie individualiste ou de la métaphysique du sujet, il paraît plus crédible de considérer qu’elles enregistrent, au plan de la théorie, les bouleversements structurels qui ont donné forme aux sociétés modernes. Celles-ci ne se laissent tout simplement plus penser dans le langage et les concepts hérités de la philosophie politique ou des doctrines juridiques de l’Antiquité, de l’époque médiévale ou même de la pré-modernité.
La question de l’articulation conflictuelle entre l’ordre du privé et du public, entre les relations interindividuelles génératrices de la société et la détermination politique de cette même société, hante les textes de ce recueil. Et toujours, cette question ramène à la « séparation-solidarité » (É. Picard) ou à l’« énigme » (C. Menke) que résume la double qualification du sujet de droit dans l’intitulé de la Déclaration française de 1789. Dans la lignée du texte qui définissait les objectifs du colloque4, Étienne Picard soutient que l’« Homme » de cette Déclaration est le sujet de droit privé, lequel use des droits qui lui sont reconnus et garantis par la loi positive, avant tout comme de moyens pour faire valoir ses 10intérêts particuliers, tant dans les rapports qu’il entretient avec d’autres individus dotés des mêmes droits que face à l’autorité publique. Ce sont ces droits, au premier rang desquels figure le droit de propriété, qui justifient la thèse d’une logique individualiste et individualisante des droits subjectifs, à laquelle l’on oppose la logique civique, voire communautaire (J. Barroche), de la notion de citoyenneté, laquelle relève du droit public, et non du droit privé. Les analyses de Marx dans Sur la Question juive allaient déjà dans ce sens. Bien que cette interprétation soit très certainement la lecture dominante, elle n’est pas incontestée. Dans un texte dont la première mouture date de 1989, et qui fait aujourd’hui référence5, Étienne Balibar en a pris le contre-pied en soutenant que, à lire attentivement le texte de la Déclaration, on constate qu’il n’est aucune différence de contenu entre les droits de l’homme et les droits du citoyen, aucune différence par conséquent entre l’homme et le citoyen, pour autant qu’ils sont définis par leurs droits. Sans aller jusque là, Luigi Ferrajoli, dans sa contribution à ce volume, propose une définition large des droits subjectifs qui inclut les droits politiques. De ce point de vue, le clivage décisif ne passe pas entre droits subjectifs et citoyenneté, mais, à l’intérieur des droits subjectifs eux-mêmes, entre les droits patrimoniaux et les droits fondamentaux. Dans la mesure où les droits patrimoniaux couvrent le droit de propriété et le droit contractuel, il peut sembler que cette catégorisation n’affecte pas la distinction entre droit privé et droit public. Elle n’est cependant pas sans conséquence quant à la compréhension de la citoyenneté : le fait d’inclure les droits politiques dans les droits fondamentaux, à côté des droits civils de liberté et des droits sociaux, relativise en effet la spécificité des droits politiques. À la différence des droits patrimoniaux, les droits fondamentaux, selon l’interprétation de L. Ferrajoli, sont tous directement constitués par des normes, indépendants par conséquent des actes des individus. Ils sont donc tous également universels, et leurs destins sont liés : l’érosion des droits sociaux ou les atteintes aux droits-libertés, fussent-ils ceux des étrangers (les migrants), corrompent les fondements normatifs de la citoyenneté démocratique elle-même. L. Ferrajoli ne nie pas qu’il existe 11une tension entre l’universalité proclamée des droits fondamentaux et les conditions restrictives de la citoyenneté dans un monde organisé en États-nations. L’impossibilité de garantir dans ce cadre le jus migrandi – lequel figure pourtant au nombre des « droits de l’homme » dans toutes les Déclarations, y compris dans celle, « universelle », de 1948 – le conduit tout naturellement à souhaiter la formation d’un constitutionnalisme global qui impliquerait, soit l’abolition de la citoyenneté, soit sa recréation sous forme d’une citoyenneté mondiale.
Si, dans un premier temps, il est tentant de voir dans les ambiguïtés notoires des droits subjectifs la cause des difficultés que nous éprouvons à déterminer leurs rapports avec la citoyenneté, il apparaît vite que le sens de cette dernière notion est également loin de faire consensus. À la différence des droits subjectifs, on l’a dit, elle n’a rien de moderne : il est usuel d’en chercher l’origine dans les textes classiques de la philosophie grecque, chez Aristote notamment, et dans la tradition juridique romaine6. Mais – contrairement à ce que pensait Villey, s’agissant du concept de droit –, l’origine ne fixe pas une essence. Les divergences qui existent aujourd’hui quant à la signification et aux implications de la citoyenneté, perceptibles dans les textes ici réunis, ne se laissent pas résoudre par une décision dogmatique. La citoyenneté peut certes être définie de manière très générale comme un statut particulier, celui de l’appartenance politique. Son contenu varie cependant selon les formes historiques de la communauté politique et selon les prérogatives attachées à cette appartenance. Le citoyen de l’État-nation n’a que de lointaines ressemblances avec celui de la cité athénienne ou celui de l’Empire romain. Qui parle aujourd’hui de citoyenneté, parle de l’État-nation moderne, de ses structures juridiques caractéristiques, des transformations qu’il a connues au cours des deux siècles passés, et de son possible avenir. La diversité des interprétations actuelles de la citoyenneté est à la mesure de la complexité des facteurs qui ont contribué à donner aux États occidentaux modernes les formes qui sont aujourd’hui les leurs : rationalisation juridique, transformations des structures économiques, luttes sociales, colonisation et décolonisation, et la « mondialisation » contemporaine. L’émergence de la notion de droits subjectifs au 19e siècle 12n’est qu’un des éléments qui ont obligé à reconstruire le concept ancien de citoyenneté sur des bases radicalement originales par rapport à ses figures traditionnelles. Sont examinées dans ce recueil deux illustrations particulièrement remarquables d’une telle reconstruction, celle de Hegel dans les Principes de la Philosophie du Droit (J.-F. Kervégan) d’une part, et celle de Jellinek dans son Système des droits subjectifs publics (O. Jouanjan) d’autre part. Malgré tout ce qui les distingue, notamment du point de vue de leurs références et de leurs modes d’argumentation, Hegel et Jellinek ont en commun de théoriser la dépendance réciproque entre la liberté personnelle et l’État. À la différence des libertariens et de nombreux libéraux contemporains, mais aussi de la plupart des critiques des droits subjectifs, ils ne confondent pas le sujet de droit avec l’individu « immédiat ». Ce sujet est la « personne », laquelle est le corrélat de l’institution étatique et n’a de réalité que par elle.
Un autre aspect marquant de la citoyenneté moderne est le lien qu’elle a noué, à travers l’État, avec la nationalité. À l’opposé de L. Ferrajoli, O. Beaud reste attaché à la détermination de la citoyenneté par les droits politiques. Cette position le conduit à récuser les notions de citoyenneté sociale comme de citoyenneté post-étatique, qui ne peuvent être étayées, nous dit-il, par la littérature constitutionnelle classique. O. Beaud s’oppose cependant aussi à une identification entre citoyenneté et nationalité. S’appuyant lui aussi sur Jellinek, il trouve chez celui-ci les moyens de penser un « peuple-sujet » qui ne se confond (tendanciellement) avec les nationaux que dans le seul cas des États démocratiques. Tout État n’est pas une « communauté de citoyens », comme le montrent a contrario les États autoritaires, dont O. Beaud prend pour exemples le régime de Vichy et le régime nazi. Ces exemples illustrent les perversions auxquelles peuvent prêter la « souveraineté du peuple » et la mythification de la communauté nationale lorsque la volonté d’exclure l’emporte sur le souci d’inclure. L’appartenance politique démocratique implique bien une forme d’individualisme7, et par conséquent des droits également accordés à tous les sujets de l’État, même si, selon O. Beaud, seuls les droits politiques font le citoyen. Le texte de Hans Jörg Sandkühler montre cependant que l’on peut tirer des conséquences très différentes 13de l’individualisme juridique, s’agissant de la citoyenneté et des liens qu’elle entretient avec l’État et la démocratie. La citoyenneté moderne est bien, selon H. J. Sandkühler, un statut d’appartenance politique, mais il convient de la comprendre comme une adhésion à un ensemble de normes, et non comme une appartenance à un peuple. La souveraineté du peuple a été, soutient-il, une idée normative progressiste dans une conjoncture historique spécifique, quand elle servait à affirmer l’indépendance des sujets de droits face aux structures autoritaires de l’Ancien Régime. Aujourd’hui, nous assimilons généralement le peuple souverain au peuple étatique national, de sorte que l’autonomie des États tend à prévaloir sur l’autonomie des individus-sujets de droits. Rejeter les conceptions raciales ou ethniques du peuple ne suffit donc pas pour prévenir la logique exclusive de la citoyenneté nationale. Aussi conviendrait-il de parler de « souveraineté du droit » plutôt que de « souveraineté du peuple ». Les droits subjectifs ne sont certes que des revendications qui requièrent d’être garanties par le droit objectif, mais ce droit est d’institution humaine8, et c’est à nous tous qu’il revient d’œuvrer pour que le droit objectif soit conforme au principe de tout droit moderne, à savoir le respect et la protection de la dignité de tout être humain. Le texte de H. J. Sandkühler est le seul dans ce volume à faire appel à la notion de « dignité », qui ne peut manquer de soulever la question des rapports entre morale et politique. Toutefois, plutôt que sur la morale, c’est sur une anthropologie d’inspiration kantienne, ici brièvement esquissée, que Sandkühler étaye son interprétation des liens entre droits subjectifs et droit objectif. Ses analyses débouchent sur une conception souple de la citoyenneté, qui permet une extension de la démocratie au-delà de l’État-Nation.
Le déplacement du questionnement, de l’opposition privé/public à la tension entre l’universalisme des droits et le particularisme (national) de la citoyenneté, met en évidence l’ambivalence de l’« individualisme » des droits subjectifs. Dans la première perspective, cet individualisme signifie repli sur soi, voire, pour les plus critiques, égoïsme. Il implique en tout état de cause une indifférence à l’égard du « commun », quelle qu’en soit la forme. Dans le second cas, cet individualisme recèle au 14contraire une logique d’universalisation qui tend à briser toutes les formes circonscrites de la communauté politique et à étendre le « commun » à l’ensemble de l’humanité9. On peut difficilement reprocher à ceux qui défendent aujourd’hui les droits des immigrés contre les mesures restrictives des États-nations (ou de l’Union européenne), lesquelles ne vont pas sans atteintes aux « droits de l’homme », de n’avoir de souci que de soi. Le réalisme oblige il est vrai à reconnaître que, aussi longtemps que l’État national reste la forme dominante de l’organisation politique, on ne peut accorder sans condition les droits politiques (ni même le droit de résidence permanente) à tous les immigrés, a fortiori quand les mouvements migratoires prennent l’ampleur qu’ils ont aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins vrai qu’une critique des droits subjectifs qui se borne à dénoncer les usages personnels utilitaristes qui peuvent en être faits, manque à comprendre la dynamique émancipatrice de l’idée selon laquelle tous les hommes naissent « libres et égaux en droits ». La logique exclusive de la citoyenneté, sa « face sombre », qui est l’envers et le corrélat inévitable de sa logique inclusive, est probablement plus déterminante pour l’avenir de la culture juridique occidentale moderne que ne l’a été la différence entre droit privé et droit public.
La dialectique de l’inclusion et de l’exclusion est au cœur de l’ouvrage que Dieter Gosewinkel a consacré récemment à l’histoire de la citoyenneté en Europe aux 20e et 21e siècles10. Sa contribution au présent recueil reprend les analyses amplement développées dans cet ouvrage, en se focalisant sur le 20e siècle. Historien et comparatiste, D. Gosewinkel rappelle tout d’abord que la conception de la « citoyenneté » n’est pas exactement la même dans tous les pays occidentaux : le terme allemand Staatsbügerschaft ou celui, anglo-saxon de citizenship ont des connotations différentes de celles du mot français « citoyenneté », par lequel ils sont généralement traduits. Le terme anglo-saxon, qui renvoie à la fois, sans les distinguer, à l’appartenance politique et aux droits individuels, lui 15paraît le plus adéquat pour désigner, non pas ce que la citoyenneté a toujours été dans toutes les sociétés occidentales modernes, mais de ce qu’elle est devenue à mesure que celles-ci se démocratisaient. De ce point de vue, il n’est nulle raison de faire un sort à part aux droits politiques : leur extension, sans discrimination, à l’ensemble des sujets de l’État, a été acquise par des luttes, de même que l’institution des droits sociaux11. Le 20e siècle a vu diminuer l’importance des formes d’appartenance collective autres que l’appartenance à l’État, telles que la religion, la classe sociale (potentiellement internationale), voire, dans une moindre mesure, les partis politiques. Le cas de la nation est plus ambigu. Nation et État ont tendu à se superposer au cours du 19e siècle, et, au 20e siècle encore, les luttes de libération nationale avaient pour but la formation d’États indépendants. La nation est aujourd’hui encore une dimension importante de l’appartenance politique, mais, constate D. Gosewinkel, « la part de l’État dans le mot composé État-nation augmente progressivement ». La « nationalité », que les États accordent ou refusent en fonction d’une diversité de critères, est autre chose que la nation. Elle est, elle aussi, un statut politique, attribué par l’autorité étatique, ce qui explique qu’elle se confonde avec la citoyenneté dans les États démocratiques. Si ces États garantissent en principe des droits (civils, sociaux) aux non-citoyens, les politiques de la nationalité du régime nazi ou du régime de Vichy montrent que la déchéance de nationalité peut avoir pour conséquence, non seulement la perte des droits politiques, mais la privation des droits les plus élémentaires, y compris celui à la sécurité minimale qu’est la protection de la vie. Il ressort de ces exemples que, malgré les différences des trajectoires conceptuelles des droits subjectifs, de la citoyenneté et de la nationalité, les liens que l’histoire a tissés entre ces notions sont tels que la privation des unes (la nationalité/citoyenneté) fragilise considérablement la garantie des autres (les droits individuels, quels qu’ils soient). Toutes les protections juridiques, nationales ou internationales, ne peuvent empêcher que le monopole par le pouvoir étatique de l’attribution (et du retrait) de la nationalité/citoyenneté fasse peser une menace perpétuelle sur la garantie des droits en général.
16Le jugement que D. Gosewinkel porte in fine sur les relations entre citoyenneté et droits subjectifs à la fin du 20e et au début du 21e siècle est nuancé. D’un côté, on constate un processus de transnationalisation des conditions d’attribution et de légitimation des droits – s’agissant en particulier des droits sociaux –, un processus qui n’est pas seulement imputable aux institutions supra-nationales, mais aussi aux politiques des gouvernements nationaux eux-mêmes. Rétrospectivement, la conjonction qui s’était établie au 19e siècle entre la citoyenneté nationale-étatique et la garantie des droits apparaît comme un phénomène historiquement contingent. D’un autre côté cependant, D. Gosewinkel se garde de conclure de façon expéditive, comme certains le font, à la disparition plus ou moins proche de l’État-nation : celui-ci demeure aujourd’hui encore le destinataire privilégié des revendications de droits. Le regard historique ne permet pas de prophétiser la manière dont cette tension sera, ou non, résolue dans les décennies ou le siècle à venir. En mettant en lumière les facteurs qui ont fait de l’État-nation, au 19e siècle, « le point de référence majeur de l’appartenance politique », il rend au moins possible d’analyser, sans prévention dogmatique, les éléments qui, dans la conjoncture actuelle, érodent progressivement la corrélation entre la citoyenneté nationale-étatique et la garantie des droits.
Cette érosion tend-elle à vider de sens la notion de citoyenneté ? Telle est la thèse défendue par Julien Barroche, qui l’illustre par le cas de l’Union européenne. L’institution d’une citoyenneté européenne par le Traité de Maastricht en 1992 a été saluée à l’époque par certains auteurs comme un premier pas vers une citoyenneté cosmopolitique. Cet enthousiasme a fait long feu, et il est plus courant aujourd’hui d’entendre déplorer le manque de consistance de cette anticipation prétendue d’une citoyenneté « post-nationale », selon une expression chère à Jürgen Habermas. J. Barroche attribue ce manque de consistance (dans ses termes : « la faible densité politique et symbolique de la citoyenneté européenne ») au fait que cette citoyenneté a été construite par la voie des droits (avant tout à travers l’usage que la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne a fait du principe de non-discrimination), un procédé qui ne permet pas de produire le sentiment d’appartenance et d’allégeance qui est une composante essentielle du concept de citoyenneté. Appartenance et allégeance : le second terme précise le premier, qui ne s’entend plus seulement ici comme un statut défini et attribué par la loi, 17mais comme une représentation intériorisée par les sujets-citoyens, laquelle conditionne leur loyauté envers la communauté politique particulière dont ils sont membres. Faute de cette représentation, il n’est pas selon J. Barroche de communauté politique véritable : une citoyenneté « sans conscience d’elle-même » est impossible. À première vue, cette position paraît rigoureusement antagonique de celle de D. Gosewinkel. Tandis que, pour ce dernier, la citoyenneté moderne est une « spécification des droits subjectifs », J. Barroche considère pour sa part que la logique « civile » des droits subjectifs est incompatible avec celle, « civique », de la citoyenneté. Cette opposition apparente ne fait cependant que refléter deux moments successifs de l’histoire des sociétés démocratiques modernes, qui, l’un et l’autre, manifestent les effets du principe révolutionnaire de l’égalité des droits. C’est en effet dans le cadre de l’État territorial, héritage de la centralisation monarchique du pouvoir politique, que s’est effectué tout d’abord le processus d’égalisation des droits, qu’il s’agisse de l’extension de droits existants à des catégories de population qui en étaient auparavant exclues ou de l’institution de nouveaux droits, également revendiqués au nom de l’égalité. Et c’est dans un second temps seulement, après 1945 et plus nettement encore dans les dernières décennies du 20e siècle, que le monopole juridique de l’État national a été plus ou moins directement mis en cause, au nom du même principe. Les apories autour desquelles tournent inlassablement les réflexions contemporaines sur l’État-nation et le cosmopolitisme, dans les textes composant ce volume et ailleurs, ont bien leur origine dans le commencement de cette histoire, c’est-à-dire dans les Déclarations des droits de l’époque révolutionnaire. Pour autant qu’elles ne faisaient que développer les implications du principe de l’égalité des droits, ces chartes, et en particulier la Déclaration française de 1789, à défaut d’être cosmopolitiques, étaient incontestablement « cosmo-juridiques », et la Déclaration universelle de 1948 l’est aussi, dans la mesure où elle inclut dans les droits de l’homme le droit à la nationalité, à titre de condition d’effectivité de tous les droits en général. Si l’on ne parvient pas à lever ces apories, c’est parce que l’histoire qui s’est déployée à partir de ces Déclarations est inachevée, et qu’elle est peut-être inachevable.
C’est aussi de la citoyenneté européenne que traite le texte co-signé par Espen D. H. Olsen et Agustín Menéndez. Ces auteurs ne contestent pas la vacuité de la citoyenneté européenne en son état actuel. Et, de 18même que J. Barroche, ils ne réduisent pas la citoyenneté en général à ce qu’en disent les textes juridiques, c’est-à-dire à un statut, emportant des droits spécifiques, formellement défini par les constitutions (dans le cas de l’Union Européenne, par les Traités qui tiennent lieu de constitution) ; mais ils l’entendent aussi comme une représentation des citoyens, un vécu des membres d’une communauté politique, qui fonde leur solidarité mutuelle et informe leurs pratiques et leurs relations. Une telle conception implique que la citoyenneté ne peut être arbitrairement redéfinie, en faisant abstraction de son histoire. Ici s’arrêtent cependant les similitudes entre les positions de J. Barroche et celles défendues par E. Olsen et A. Menéndez. J. Barroche a recours à l’argument de l’historicité de la citoyenneté pour défendre une conception de la communauté politique qui, même si on peut l’imaginer autre que nationale-étatique, doit rester essentiellement analogue à celle-ci : c’est l’inexistence d’un « peuple européen » conscient de lui-même qui rend impossible l’appropriation, par les citoyens des États membres de l’UE, des droits politiques (au demeurant limités) qui leur sont formellement accordés, de façon dérivée, depuis le Traité de Maastricht au titre de leur appartenance à l’UE. La perspective historique d’Olsen et Menéndez est plus resserrée. C’est en fonction de ce que la citoyenneté est devenue au cours du 20e siècle, c’est-à-dire des représentations que lui ont associées les citoyens des États européens, tout particulièrement les citoyens des États fondateurs de l’Union européenne, après 1945, qu’il convient d’apprécier selon ces auteurs les attentes (et les déceptions) que suscite aujourd’hui la citoyenneté européenne. La norme de référence implicite de ces citoyens n’est pas l’État national, tout simplement, ni même l’idée abstraite de la souveraineté du peuple, mais « l’idéal régulateur de l’État de droit démocratique et social12 ». Il est possible, comme le soutient O. Beaud, que l’on ne trouve pas trace d’une citoyenneté sociale dans la littérature constitutionnelle classique ; mais, sur le plan des attentes des membres des États qui ont formé le noyau de la construction européenne, la citoyenneté était comprise, à la fin du 20e siècle, comme un 19ensemble de droits, civils, civiques et sociaux indissociablement, individuels et relationnels à la fois : l’« allégeance » des citoyens à l’État, cette confiance sur laquelle repose sa légitimité, ainsi que le sentiment de solidarité existant entre ses membres, tenaient au fait que l’État garantissait l’effectivité de tous ces droits.
L’inclusion des droits sociaux dans la compréhension de la citoyenneté, que ces droits soient satisfaits par le biais de services collectifs ou accordés sous la forme de prétentions individuelles garanties, implique de prendre en compte les aspects économiques de la vie collective. Il ne s’agit pas de quitter le terrain du droit (Olsen et Menéndez sont des juristes), mais de l’appréhender selon toutes les modalités par lesquelles il détermine les statuts des personnes et donc, directement ou indirectement, le contenu concret de la citoyenneté. Cette perspective justifie, selon Olsen et Menéndez, de faire débuter l’histoire de la citoyenneté européenne avant son institution formelle par le Traité de Maastricht. On peut identifier, selon eux, antérieurement à ce Traité, les contours d’une « proto-citoyenneté » européenne, laquelle était plus proche de la compréhension de la citoyenneté des États démocratiques de l’après-guerre que ce que la citoyenneté européenne recouvre aujourd’hui. Comme J. Barroche, les deux auteurs accordent une grande attention à la jurisprudence de la CJUE, dont les arrêts ont été au moins aussi importants pour déterminer le statut des membres de l’Union que les textes généraux des Traités. Mais les analyses qu’ils font de cette jurisprudence et les conclusions qu’ils en tirent sont très différentes de celles de Barroche. Loin d’incriminer l’usage qui est fait du principe de non-discrimination, ils considèrent au contraire que ce principe avait permis de projeter au niveau supra-national de l’Europe les protections qui étaient celles de l’État-providence de l’après-guerre. Le tournant décisif, qui a signé la fin de cette citoyenneté européenne avant la lettre, a été selon eux le passage du marché commun au marché unique, à la fin des années 1970. La priorité systématiquement accordée dès lors par les décisions de la CJUE aux libertés économiques (droit de propriété privée et liberté d’entreprendre) au détriment des droits collectifs a sapé les bases de l’État-providence, au niveau de l’Union européenne et par suite aussi dans les États-membres. La garantie d’une autonomie privée réduite pour l’essentiel au droit de propriété privée et à la liberté d’entreprendre l’a emporté sur celle des droits qui rendent possible 20l’autonomie publique pour tous, alors qu’elles devraient (en suivant Habermas) être strictement corrélatives.
Quoi que l’on pense de ces analyses, dont seuls les spécialistes du droit européen peuvent mesurer la pertinence, elles indiquent la raison qui explique la renaissance contemporaine de la critique des droits subjectifs. C’est bien le grand mouvement de privatisation inspiré par les politiques économiques néo-libérales qui conduit certains à ne percevoir en cette forme juridique que l’expression d’un individualisme utilitariste dont l’expansion menace de détruire tout sentiment du « commun » et tout sens civique. Contre cette interprétation, Catherine Colliot-Thélène invite à distinguer la signification originaire du concept et l’usage fonctionnel qui est fait des droits subjectifs, en tant que technique permettant de gérer les rapports entre autorités publiques et leurs administrés. En ce second sens, la « forme » des droits subjectifs tend certes à dépolitiser le citoyen, comme le soutient notamment Christoph Menke, dans la foulée des fameuses analyses de Marx dans Sur la Question juive. La contribution de Menke à ce volume résume les grandes lignes des analyses longuement développées et étayées dans un ouvrage qu’il a récemment publié13. L’interprétation qu’il fait des Déclarations des droits de l’homme part de la lecture de Marx, mais elle la prolonge d’une manière totalement originale. Les droits subjectifs sont selon lui une configuration particulière de la normativité, une « forme » de celle-ci, instituée par un acte politique (les Déclarations) qui signe en même temps la fin de la politique. Cette interprétation invite à penser une modalité différente de réalisation de l’égalité politique, qui ne passerait pas par la voie des droits. Mais la réduction des droits subjectifs à leur usage juridico-administratif peut aussi donner lieu, par contraste, à une valorisation problématique du droit objectif. Dans ce cas, ce n’est pas la dépolitisation du citoyen qui est mise en exergue, mais la négation de l’hétéronomie du social. C. Colliot-Thélène illustre ce type de critique par les exemples de Léon Duguit au début du 20e siècle, ou d’Alain Supiot aujourd’hui. Bien que les présupposés théoriques de ces deux auteurs soient très différents, leur commune méfiance à l’égard des droits subjectifs tient à ce que, pour l’un et l’autre, la raison d’être du droit (et, par dérivation, de l’organisation politique 21qui en assure l’effectivité) réside dans sa fonction sociale. L’État social, autre nom de l’État-providence, n’a vraiment pris forme que dans la seconde moitié du 20e siècle, mais il est possible d’en trouver des sortes d’esquisses dans des textes antérieurs, chez Duguit, et plus tôt encore. Caroula Argyriadis-Kervégan relève notamment un certain nombre de similitudes entre le solidarisme de Duguit et les conceptions qu’Otto Gierke, à la fin du 19e siècle, opposait au libéralisme politique et économique de son temps. Un angle d’attaque tel que celui de Duguit, Supiot ou Gierke risque cependant d’occulter totalement la signification émancipatrice du principe de l’égalité des droits : la priorité accordée au droit objectif, qui tirerait son contenu et sa validité d’une figure historiquement déterminée de la solidarité (Duguit) ou de l’« institution » (Supiot), laisse peu de place à l’activité politique du citoyen. Une telle relégation est-elle indispensable pour sauver la dimension sociale dont la citoyenneté démocratique s’est enrichie au cours de ses deux siècles d’histoire ? Ou bien est-il possible de concilier cette dimension sociale et l’individualisme juridique, voire de justifier la première par le second ? C’est cette seconde voie que suggéraient naguère les analyses de Robert Castel sur la question sociale et ses « métamorphoses », et c’est elle aussi que l’article de C. Colliot-Thélène propose d’emprunter, en repensant sous la conduite de Kant, certainement le plus grand théoricien des droits subjectifs, ce qui est la raison normative ultime du concept des droits subjectifs : le « droit inné » à la liberté, au regard duquel toute inégalité, quelle qu’en soit la nature, est illégitime, et par conséquent contestable, dès lors qu’elle peut engendrer des rapports de domination.
L’exercice auquel étaient invités les participants à ce colloque (l’analyse des rapports entre deux concepts du langage juridico-politique moderne) pouvait paraître d’intérêt purement académique. Comme on le voit, il les a obligés à se confronter à la plupart des questions brûlantes de notre actualité : le sort de l’État-nation dans un monde globalisé, les formes et transformations de la communauté politique démocratique, le traitement des immigrés et réfugiés, la propriété et le commun, le déclin de l’État social. La diversité des analyses et des positions défendues dans ce volume témoigne de l’extrême complexité de notre époque, laquelle est peut-être un interregnum, celui de la gestation d’une figure nouvelle du monde dont il faut attendre qu’elle se développe plus avant pour que sa cohérence devienne lisible. La théorie en général « vient toujours 22trop tard », comme Hegel le disait de la philosophie. Mais il est aussi possible que cette cohérence reste indéterminée, sinon définitivement, du moins pour les décennies à venir, c’est-à-dire que ses contradictions restent irrésolues, sinon au prix de choix théoriques et pragmatiques qui exigeront des sacrifices. La question se pose alors à chacun de savoir sur quoi devront porter ces sacrifices.
Cette introduction n’avait d’autre objectif que de suggérer un fil conducteur permettant de faire dialoguer entre eux les textes rassemblés dans ce recueil. Leur distribution n’est pas chose facile, dans la mesure où tous mêlent, quoiqu’avec des inflexions différentes, des considérations historiques et systématiques. Nous avons réuni dans la première partie ceux de ces textes dont l’accent porte sur l’histoire des doctrines juridiques (O. Jouanjan, C. Argyriadis-Kervégan) ou philosophiques (J.-F. Kervégan, C. Menke) des droits subjectifs. La seconde partie regroupe ceux qui prennent à bras le corps la question du rapport, d’opposition ou de complémentarité, entre droits subjectifs et citoyenneté (D. Gosewinkel, É. Picard, L. Ferrajoli, H. G. Sandkühler, O. Beaud). La troisième partie, enfin, rassemble les contributions plus particulièrement consacrées aux enjeux contemporains de ce rapport, c’est-à-dire à la citoyenneté européenne (J. Barroche, E. Olsen & A. Menéndez) et aux transformations de l’État social (Olsen & Menéndez encore, C. Colliot-Thélène).
Nous tenons à remercier vivement Camille Aynes et Javier Burdmann, qui ont traduit les contributions de L. Ferrajoli et de C. Menke, Anissa Hachemi, qui a lu, corrigé et mis en forme le manuscrit, et Sabina Tortorella, qui a établi l’Index.
Olivier Beaud,
Catherine Colliot-Thélène et
Jean-François Kervégan
1 Position défendue dans ce volume par Julien Barroche et Christophe Menke, avec des arguments très différents : l’impossibilité de penser la citoyenneté sans référence à une communauté politique définie chez le premier, la dépolitisation qui résulte de la « forme » des droits subjectifs chez le second.
2 Michel Villey, Le droit et les droits de l’homme, Paris, PUF, 1983.
3 Comme le note Caroula Argyriadis-Kervégan, Otto Gierke était hostile à la distinction entre droit privé et droit public, qu’il attribuait à l’influence des juristes romanistes. Ses efforts pour réhabiliter une doctrine germaniste, puisant pour partie ses sources dans des conceptions médiévales ou post-médiévales de la cité juste (Althusius), ne sont cependant pas parvenus à faire échec à la domination des conceptions individualistes du droit « romain ».
4 Le début de ce document évoquait le paradoxe qu’il y aurait à « vouloir croiser les notions de droits subjectifs et de citoyenneté, car la première, issue du droit privé, et dont le paradigme est le droit de propriété, paraît à certains égards antinomique à la notion de citoyenneté qui, tant en philosophie qu’en droit public ou en théorie constitutionnelle, renvoie immanquablement à la notion de droits politiques ».
5 Étienne Balibar, La proposition de l’égaliberté, Paris, PUF, 2010. Issu d’une conférence donnée en 1989, repris ensuite dans Les frontières de la démocratie [Paris, 1992] et augmenté à diverses occasions, le texte est désormais incorporé à la première partie du livre, intitulée « Énonciation et institution des droits ».
6 Sur l’histoire de la citoyenneté, il faut se référer au guide précieux qu’est le livre de Paul Magnette, La citoyenneté. Une histoire de l’idée de participation civique (préface de John Dunn), Bruxelles, Bruylant, 2001.
7 Dans la continuité de G. Jellinek, et par contraste avec l’État de Vichy, tel qu’interprété par Georges Burdeau, la contribution d’O. Beaud souligne le « fondement individualiste de la citoyenneté et de la nationalité dans des démocraties modernes ».
8 Ce que laisse entendre le titre du récent ouvrage de H. J. Sandkühler : Recht und Staat nach menschlichem Maß. Einführung in die Rechts- und Staatstheorie in menschenrechtlicher Perspektive, Weilerswist, Velbrück, 2013.
9 Dans une perspective différente de celle du cosmopolitisme juridique, E. Picard consacre la dernière partie de sa contribution à la problématique contemporaine des « communs » (ou « du » commun) : elle tend, selon lui, à saper l’opposition entre droits subjectifs et citoyenneté, et, avec elle, celles entre droit privé et droit public et entre « homme » et « citoyen ». – Caroula Argyriadis-Kervégan évoque pour sa part, à travers l’exemple d’Althusius, une conception médiévale du « commun », qu’il serait intéressant de comparer avec les déclinaisons actuelles de la notion.
10 D. Gosewinkel, Schutz und Freiheit ? Staatsbürgerschaft in Europa im 20. und 21. Jahrhundert, Berlin, Suhrkamp, 2016.
11 C’est un argument que font aussi valoir dans leur contribution Espen D. H. Olsen et Agustín Menéndez à propos de la compréhension de la citoyenneté dans l’Europe d’après 1945.
12 La formule, certes lourde, souligne le caractère également nécessaire des trois éléments (les garanties de l’État de droit, les procédures démocratiques de constitution et de contrôle des instances de pouvoir politique et les protections sociales) dans la conception contemporaine de la démocratie. C’est le troisième élément, c’est-à-dire ce qu’évoquent les notions d’« État-Providence » ou d’« État social » (termes utilisés par commodité dans la suite), qui est avant tout menacé par les développements récents de l’Union européenne.
13 Christoph Menke, Kritik der Rechte, Berlin, Suhrkamp, 2015.
- Thème CLIL : 3126 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie
- ISBN : 978-2-406-09138-7
- EAN : 9782406091387
- ISSN : 2261-0731
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09138-7.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/11/2019
- Langue : Français
- Mots-clés : Communauté politique, cosmopolitisme, individualisme, nation, norme, peuple, privé, public