Présentation et principes
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Dictionnaire du lyrique. Poésie, arts, médias
- Pages : 7 à 15
- Collection : Dictionnaires et synthèses, n° 27
Chapitre d’ouvrage : 1/28 Suivant
Présentation et principes
Le mot « lyrique » suscite en français bien des polémiques, parfois des stéréotypes, voire des confusions, chez les écrivains comme chez les critiques. Dans les travaux académiques les plus courants, certaines redites l’emportent facilement sur les réflexions minutieuses, fondées à partir de définitions précises, de nuances historiques, de données sociologiques, culturelles, géographiques ou encore d’éléments linguistiques. Il est vrai que cette notion, généralement utilisée sous forme d’adjectif, possède de nombreuses connotations. Elle reste directement associée à un excès romantique (le mot « lyrisme » apparaît vers 1830, bien après celui de « lyrique »), et se situe souvent en contrepoint aux avant-gardes, aux propositions formalistes, expérimentales, de la modernité comme de la postmodernité. Pourtant, ce terme se retrouve dans plusieurs langues occidentales, avec des usages différents, dans des œuvres majeures du canon littéraire, à travers le temps ou les cultures. Il engage des réflexions sur les manières de chanter la langue, d’exprimer les épreuves de l’existence avec une portée esthétique, voire une façon d’évoquer l’indicible. Lorsqu’il s’agit de qualifier la poésie, ce terme ponctue les travaux des penseurs et des philosophes contemporains les plus confirmés, de Gérard Genette à Jacques Rancière. Ce dictionnaire vise d’abord à surmonter un tel écart et à rassembler la critique internationale en français, afin de fournir une synthèse plus scrupuleusement balisée à un public avisé, regroupant aussi bien les poètes, les artistes, les journalistes, les enseignants que les étudiants et les chercheurs.
Loin de synthétiser des questions uniquement esthétiques (les genres littéraires, la voix, le chant ou le temps), ce dictionnaire cherche aussi à les articuler avec des considérations historiques (par siècle), géographiques (par aire francophone), sociologiques (l’opposition féminin/masculin, l’écriture par « tous », les réseaux de la chanson) ou sur les arts (peinture, musique, danse) et les médias (livre imprimé, voix, corps, multimédia). Des théories anciennes rejoignent alors les réflexions contemporaines sur des objets numériques, et ce dictionnaire s’offre comme un compagnon pour saisir les dynamiques et les paradoxes d’une notion aussi centrale que controversée.
8Le terme « lyrique » possède lui-même une longue histoire, qui traverse plusieurs langues. Pendant l’Antiquité, il passe du grec au latin ; puis se diffuse dans les langues romanes et occidentales. Même si son histoire s’étend sur deux millénaires, prétendre que le lyrique existe partout et tout le temps serait un excès, puisque son usage reste clairement daté et situé. Malgré cet ancrage occidental, il n’est pas pour autant ethnocentré, car d’autres civilisations ont pu identifier certaines de leurs traditions ou de leurs notions comme étant proches ou comparables ; et donc, à comparer. La circulation mondiale des notions aujourd’hui invite à de telles traductions critiques, vers le chinois, le japonais ou l’arabe, mais aussi pour des traditions orales sur d’autres continents.
La naissance du mot « lyrique » relève davantage d’un contexte d’édition que d’une notion de poétique. À Alexandrie, vers la fin du iie siècle avant notre ère, le terme sert à qualifier neuf poètes grecs, qui accompagnaient leur production de chants, de musiques ou de rituels. Mais de ces chants (« mele »), seuls les textes poétiques ont été retenus et édités par les philologues alexandrins, sous cette nouvelle catégorie. Ainsi naît ce terme, en lien avec l’hellénisme antique, qui offre aussitôt un décadrage par le changement de médium ; une « remédiation » textuelle par rapport à un « canon » jadis chanté par Sappho par exemple. Le mot n’est ainsi guère en usage au temps de Platon ou d’Aristote, qui traitent plutôt du « mélos » (des formes chantées), même si les traductions ont parfois donné l’illusion d’une telle présence dans le contexte de la poétique.
Si les références changent, se transforment d’une langue à l’autre, à partir d’un espace méditerranéen et européen avant tout, le terme s’étend ensuite au monde entier par la colonisation, puis avec la numérisation. Il connaît diverses phases de valorisation ou de dévalorisation, qui peuvent tantôt le reléguer à quelques occurrences, tantôt le rendre omniprésent dans les débats.
Avec les nuances ou la variété des usages, un relativisme nourri d’érudition pourrait devenir une tentation. Ce dictionnaire voudrait justement contourner cet écueil, car le terme réunit suffisamment de caractéristiques communes pour qu’il soit descriptible esthétiquement : une manière puissante de s’adresser aux absents, aux morts, voire aux montagnes ou aux dieux ; une détermination à ancrer l’énonciation dans l’ici et maintenant ; une finesse pour évoquer métaphoriquement la réalité sans forcément raconter ou argumenter. Ce dictionnaire, centré sur une notion, conjugue les aléas de toute étude sur une catégorie, en levant 9un nombre important de malentendus parmi les usages courants et les considérations critiques. Des notices courtes permettent de bénéficier d’une synthèse rapide et d’acquérir des repères solides dans les débats contemporains, parfois bien complexes.
Car cette notion anime les discussions, suscite l’intérêt, parfois le rejet, et elle se maintient dans le temps pour traiter de la poésie et de la diversité de ses formes. Les perspectives actuelles sur la matérialité, le numérique ou le multimédia laissent entrevoir combien le lyrique peut être considéré par-delà le livre, voire par-delà l’écrit, renvoyant alors au ballet, au cinéma ou au théâtre. Loin d’être cantonné à un médium et à un support, comme le livre imprimé, le terme permet d’explorer des traditions orales, gestuelles, des montages d’images, des orientations stylistiques, des moments historiques, des débats dans différents arts, et d’être interrogé aujourd’hui avec un horizon « transmédial ». Car cette notion et ses usages recouvrent des catégories et des pratiques qui ne devraient plus être réduites à la subjectivité ou à « l’expression directe de soi » dans le poème imprimé.
À quoi s’oppose le lyrique ? À la rationalité, à la narration, à l’épopée ? À la fiction, à la description scientifique ? À l’objectivité, aux mathématiques, à la philosophie ? Que convoque-t-il à travers les époques : des sensations, des passions, des métaphores, des rythmes ? Dans quelle catégorie le situons-nous : les genres littéraires, les modes d’énonciation, les types de discours, les registres ? Le distinguons-nous du récit ? Relève-t-il des rituels, des fonctions esthétiques et sociales de la poésie ? Ces questions sous-tendent ce dictionnaire, lui garantissant sa cohérence, sans chercher pourtant à donner une réponse unique ; mais plutôt à proposer un rassemblement des voix critiques en français autour d’un même fondement : celui d’éclaircir un domaine, en levant les illusions qu’une approche trop rapide de la question pourrait reconduire. Nous sortons ainsi des connotations du seul « lyrisme », qui implique une attitude sublime, devenue suspecte depuis les années 1840, et qui biaise le regard à partir de nos jugements contemporains, généralement imprégnés d’un certain antiromantisme. C’est pourquoi nous revenons d’emblée, et dès le titre de l’ouvrage, au substantif en vigueur au xviiie siècle, « le lyrique », tout comme les anglophones peuvent bénéficier de deux substantifs distincts, lyric et lyricism, pour traiter de ce domaine bien vaste.
10La recherche au début du xxie siècle
Ce dictionnaire intervient au moment où la critique de la poésie lyrique vit une forte internationalisation, notamment par des échanges en anglais ou dans les principales langues des études littéraires. Un réseau mondial de chercheurs comme l’International Network for the Study of Lyric rassemble projets, collections et manuels sur plusieurs continents. Les notions théoriques de base y sont examinées au sein des universités. En Allemagne, un projet européen dirigé par Claudia Benthien dynamise la réflexion sur le lyrique à l’ère numérique, tandis que le consortium Poetry in Notions en Suisse et en France propose par un « compendium » une mise au point sur vingt-quatre notions principales du lyrique. Notre dictionnaire s’inscrit dans un tel élan, en décloisonnant les définitions de perspectives uniquement nationales.
Dans la critique littéraire en langue française, le début du xxie siècle s’est placé sous le signe des polémiques en poésie entre nouveau lyrisme, lyrisme critique, littéralisme et objectivisme. Bien que les définitions du terme « lyrique » relèvent de bases radicalement différentes entre ces mouvements, elles participent malgré tout aux travaux universitaires, dans la mesure où plusieurs poètes impliqués étaient eux-mêmes des enseignants-chercheurs. Par-delà cette polémique et ses conséquences, plusieurs orientations critiques ont été plus déterminantes pour la théorie dans les dernières décennies : l’énonciation lyrique ; l’intermédialité et la performance ; l’histoire des formes et le multimédia. Toutes ces tendances se retrouvent dans ce dictionnaire.
Les principaux fondements de l’énonciation lyrique s’inscrivent dans les théories linguistiques d’Émile Benveniste, relayées par celles d’Henri Meschonnic. Ils ont également pu prendre appui sur la traduction de l’ouvrage de Käte Hamburger (en 1986 pour le français). Le « Je-Origine » dans l’« énonciation lyrique » se distinguerait ainsi de l’énonciation fictive et narrative : Gérard Genette (1991, 2007), Dominique Combe (1989), Michel Collot (1989, 1997), Laurent Jenny (1990, 2003), Nathalie Watteyne (2006). Le principal essor de la théorie de l’énonciation a eu lieu grâce au colloque de Bordeaux consacré au « sujet lyrique » en 1995, organisé notamment par Dominique Rabaté. L’intérêt critique s’est concentré sur ce « je » justement, première personne du singulier, souvent en position de « sujet de l’énonciation » 11(responsable de l’énonciation) ou de « sujet de l’énoncé » (celui qui est représenté en tant qu’agent ou patient dans le discours). Cette notion au succès incontestable a été reprise pour être appliquée sur différentes époques (voir Dauvois, 2000), dans des thèses aux corpus très distincts, en français mais aussi dans d’autres langues romanes, comme en espagnol ou en portugais, ou encore, récemment, en slovène (voir Balžalorsky Antić, 2022). Pour les traitements énonciatifs plus larges, l’étude des déictiques, des phrases « nominales » (averbales), de la « parataxe » ou de la construction singulière des métaphores a trouvé de nombreux approfondissements dès les premiers travaux de Michel Collot (1989). Tous ces éléments énonciatifs partaient d’un support et d’un corpus précis : la poésie littéraire, avant tout française (moins « francophone »), avec le livre et les poèmes imprimés. Cette perspective énonciative reste d’actualité, notamment pour deux ouvrages parus chez Classiques Garnier : le collectif d’Amir Biglari et de Nathalie Watteyne (Scènes d’énonciation de la poésie lyrique moderne : Approches critiques, repères historiques, perspectives culturelles, Paris, Classiques Garnier, 2019) ou la réflexion synthétique de Michèle Monte (La Parole du poème. Approche énonciative de la poésie de langue française (1900-2020), Paris, Classiques Garnier, 2022). Aux États-Unis, par contraste, Jonathan Culler et William Waters ont davantage insisté sur la question de l’adresse lyrique, à la suite de certains propos de Northorp Frye dans Anatomie de la critique. Plusieurs notices du dictionnaire répondent à une telle approche énonciative, comme les entrées « Adresse, apostrophe », « Éthos », « Je et pronoms personnels », « Temps », « Voix, sujet lyrique ». S’y ajoutent les éléments d’une pragmatique des discours, comme le suggéraient Dominique Combe (1989), Gérard Genette (1994) ou Jean-Marie Schaeffer (1989), avec les notices : « Actes de langage », « Effet de présence », « Empathie, interaction », « Fiction, représentation », « Intentionnalité ». Cette pragmatique entre en corrélation avec les fonctions sociales, rituelles du lyrique, qu’il est possible de reprendre sous de nouveaux angles, tels les rapports à la « religion », aux « rites » ou à la « magie ».
Les médias de la voix, du corps, mais aussi ceux utilisés pour la scène ou les lectures à haute voix (le microphone, les enregistreurs), ont marqué plusieurs travaux sur la performance. L’essor du rap et de la culture hip-hop a pu être associé au slam, à une poésie urbaine, puis à la poésie elle-même, non sans quelques confusions. Plus largement, la poésie semble désormais admissible hors du livre et se tient dans l’espace public, sur les scènes, dans les festivals ainsi que dans d’autres 12« événements publics ». Les réseaux du livre, allant des auteurs aux librairies, des recueils achetés à la lecture silencieuse chez soi, se trouvent fortement remis en question par d’autres canaux de distribution. Le titre de l’ouvrage collectif paru en 2017, La Poésie délivrée (S. Hirschi et al.) joue sur la « délivrance » face au « livre », et souligne l’importance de perspectives intermédiales en poésie aujourd’hui (Pardo et al., 2012). La critique a consacré plusieurs études à ce passage du « livre » au « live », pour reprendre la formule de Camille Vorger. Les formes lyriques se tiennent dès lors à la confluence de certains modèles musicaux (non seulement pour la création mais aussi pour la diffusion) ou de performances dans les théâtres. Parfois, la différence entre poésie performée et arts de la scène se réduit considérablement. Les réflexions critiques sur la performance ont alors préfiguré l’étude de certaines techniques (par exemple, le Revox chez Bernard Heidsieck pour Gaëlle Théval), les interventions dans les médias (la radio chez Céline Pardo) ou les objets intermédiaux (la peinture ou le livre d’artiste), en lien ou non avec des recherches qui se consacraient depuis longtemps aux avant-gardes numériques, comme celles de Jan Baetens à Leuven. Tout un corpus, négligé par la critique au siècle précédent, est ainsi devenu déterminant, même si des risques d’extension ont pu également apparaître avec les usages des termes « poétique » ou « lyrique » dans les contextes non littéraires (Cohen et Reverseau, 2017). Ce dictionnaire en rend compte par des notices nombreuses sur la « transmédialité » du lyrique : « Art lyrique », « Danse », « Dramatique, Théâtre », « Film, cinéma », « Peinture », mais aussi « Rap », « Slam », « Chanson ».
Si le début du xxie siècle a été marqué par un vif intérêt pour l’histoire des formes (voir Murat, 2005, 2008 ; Murat, Dangel, 2005), la réflexion sur le multimédia ou le numérique a encore davantage mis en relief l’intermédialité et la matérialité de la poésie depuis les années 2010. Les transformations liées à l’essor fulgurant du numérique ont impliqué plusieurs phases dans la critique : les adoptions premières, sous le signe de la transposition entre le livre et les usages numériques (qui rappellent ce qui s’est passé pour l’imprimerie mécanique, Chartier, 2015) ; puis le passage du livre « numérisé » (Bouchardon, 2019) aux pratiques avant-gardistes sur des formats numériques (blogs, logiciels, web 2.0, cf. Gervais et Saemmer, 2011) ; enfin, à partir des années 2010, une concentration sur les interactions numériques, sur l’Open Access, les plateformes, tout comme une préoccupation plus grande sur les réseaux sociaux (Thomas, 2020). Un Handbook sur les changements numériques 13de la poésie, mené par Claudia Benthien à l’université de Hambourg, est en cours. Notre dictionnaire traite forcément de ces éléments, mais plutôt sous forme transversale et introductive, avec des entrées générales : « Numérique, internet », « Multimédia », « Technologies », « xxie siècle ». Il donne des repères sans trop anticiper une recherche qui se consolide progressivement en français à partir des travaux de Magali Nachtergael (2020) et d’Yves Citton (2017) notamment. L’évidence surgit d’une prise en compte de ces phénomènes, de l’« adaptation » à l’émergence de nouveaux « objets » aux usages courants, qui mènent sans doute à une « lyre multimédia » (Rodriguez & Stirling, 2022). Une telle conscience de la « matérialité » se trouve accrue par le numérique, et accompagne une réflexion sur la page elle-même (« Livre », « Mise en page », « Ponctuation », « Recueil », « Typographie »). Les technologies de pointe (réalité augmentée, intelligence artificielle, réalité virtuelle) sont certes évoquées dans certaines notices, mais n’ont pas impliqué une transformation de la structure du dictionnaire, qui relève avant tout des études littéraires, favorisant le passage du livre imprimé aux œuvres multimédias. Mais les questions abordées invitent également à s’interroger sur un horizon d’arts distincts : la photographie, la bande dessinée, le roman graphique, les films d’animation, qui comportent à l’évidence des techniques et des séquences lyriques.
Ces recherches critiques récentes pourront amener à comprendre pourquoi les amateurs des formes lyriques trouvent autant de plaisir à lire des poèmes de Louise Labé, à visionner des animés de Satoshi Kon, à fréquenter l’opéra, à écouter des chansons à texte, dont du rap, à guetter les interventions dans les espaces urbains, pour ressentir les concordances esthétiques, parfois les visées similaires, et certains effets proches impliqués par ces expériences multiples. Tel fut par exemple mon cas à la fin des années 1980, à quatorze ans, dans une période initiatique de ma vie, lorsque je me délectais à parcourir LesFleurs du Mal, à me plonger dans les animations de Gerald Scarfe sur la musique des Pink Floyd dans le film The Wall d’Alan Parker, tout en écoutant en boucle How Beautiful You Are du groupe The Cure (une reprise du « Joujou du pauvre » dans le Spleen de Paris). Comment savoir alors de quoi il s’agissait ou de quoi il en allait, si ce n’est pour ressentir combien ces formes esthétiques largement diffusées, un peu mystérieuses, me parlaient déjà intensément, et combien je pouvais consacrer mon temps à les explorer ?
14Les principes du dictionnaire
Avec plus de cent-vingt notices, ce dictionnaire permet de saisir la notion de « lyrique » sur différentes échelles : des techniques énonciatives dans l’« adresse » à l’invocation des « muses », de la « pureté » recherchée au « livre d’artiste » ou encore de la théorie de la « métaphore » aux interventions à la « radio ». Malgré une circulation surprenante parfois en raison de l’ordre alphabétique, ce dictionnaire se bâtit sur une structure précise, dont rend compte la table analytique.
Une dizaine de notices ont été consacrées à la terminologie pour bien comprendre les distinctions entre les termes en français et dans les principales langues occidentales. En français, il fallait d’abord éclaircir les nuances entre « le lyrique », « la lyrique » et « le lyrisme », qui conduisent à une mise au point sur qui est nommé « art lyrique » ou « scène lyrique ». Cette clarification conduit à des comparaisons avec d’autres langues occidentales où le terme est aussi en vigueur : dans les langues romanes, en allemand, en anglais, mais aussi dans les langues scandinaves ou slaves. Ces réflexions s’ancrent en outre dans une histoire du terme en grec et en latin : la différence entre « mélos » et « lurikos » pour les hellénistes par exemple.
Après la terminologie, les différences historiques et géographiques ont été prises en compte. Tout d’abord, la notion et les pratiques varient d’une époque à l’autre. Aussi était-il nécessaire d’avoir une vue transversale par siècle (de la Renaissance à nos jours), tout en tenant compte du Moyen Âge. La périodisation par siècle reste un artifice utile, nous le savons, qui permet de situer certains problèmes majeurs associés à la notion, sans prétendre à l’exhaustivité. Du point de vue géographique, le regard est centré sur les principales aires francophones : Afrique subsaharienne, Maghreb, Proche-Orient, Amérique du Nord, Europe, mais aussi Amérique latine (avec des poètes écrivant en français). L’objectif là non plus n’était guère l’exhaustivité, mais la considération de l’échelle mondiale et transnationale du français, avec une diversité de réflexions selon les cultures et les continents.
Une fois ces horizons historiques et géographiques balisés, ce dictionnaire offre également une synthèse sur les principales questions intermédiales ou transmédiales : tout d’abord, par la voix et le chant, avec la « chanson », le « rap » ; mais aussi les rapports entre « oralité », 15« livre » et « numérique ». Du point de vue des arts, il est possible de considérer la « peinture » tout comme l’« harmonie », le « théâtre » ou le « livre d’artiste ». La matérialité du lyrique engage une perspective forte sur ses conditions de production et un foisonnement de supports.
Ces horizons généraux encadrent alors des notices plus attendues et déterminantes sur quinze notions principales du lyrique et plus de soixante notions associées. Si les croisements sont possibles et souhaitables, chaque notice développe un point de vue particulier : il est possible de lier l’« ode » à l’« enthousiasme », au « sublime », mais aussi aux débats historiques de l’Encyclopédie au « xviiie siècle » tout comme aux développements modernes sur le « verset ». Chaque notice propose ainsi des renvois dans le corps du texte et après les références bibliographiques de base.
Une telle structure devrait davantage inviter à fureter dans ce dictionnaire, à être surpris ou emporté par d’autres notices, qu’à le suivre dans sa linéarité. Car toutes ces notices, placées sous le signe de la tenue et de la précision, offrent une exploration inédite de la mobilité des formes lyriques tout comme de la sensibilité qui leur est associée. Rarement il m’a été donné de rassembler des textes d’aussi belle facture, qui composaient un tableau d’ensemble, dont la cohérence, plus ou moins volontaire, souligne systématiquement la qualité et le sérieux des contributions. Ce dictionnaire se place ainsi sous le signe d’une confiance : celle d’un instrument fiable dans la multiplicité des commentaires, peut-être comme certains, Mallarmé en tête, ont pu chercher quelques constellations lyriques dans le minuit profond.
Antonio Rodriguez
- Thème CLIL : 3431 -- ENCYCLOPÉDIES, DICTIONNAIRES -- Encyclopédies et dictionnaires thématiques
- ISBN : 978-2-406-15975-9
- EAN : 9782406159759
- ISSN : 2261-5938
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15975-9.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/02/2024
- Langue : Français