Avant-propos
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Descartes et ses mathématiques
- Pages : 7 à 8
- Collection : Histoire et philosophie des sciences, n° 27
Article de collectif : 1/12 Suivant
AVANT-PROPOS
Le Discours de la méthode sert de préface à trois essais scientifiques : La Géométrie, Les Météores et La Dioptrique (où est énoncée, entre autre, la loi de la réfraction, qu’on appelle aujourd’hui « loi de Snell-Descartes »). Il expose quatre préceptes auxquels se réduit la méthode générale de résolution de tout problème rationnel. Une telle « recette », comme l’appelle Leibniz, suffit-elle à rendre compte de la complexité de la pratique scientifique cartésienne à l’œuvre aussi bien dans Les Essais que dans les autres écrits ? Se contenter de la démarche du Discours conduit à méconnaître ou à rejeter hors du système cartésien, les textes, mathématiques en particuliers, où une pratique différente se développe.
Il n’y aurait donc pas une seule méthode cartésienne, illustrée par les procédures, certes révolutionnaires, de la Géométrie de 1637. Il y aurait plutôt des méthodes, qui seraient autant de transgressions d’une version orthodoxe de « faire » des mathématiques et de la science. Ainsi, on aurait affaire à des pratiques et des usages cartésiens des mathématiques très variés.
Le but du présent ouvrage, réunissant des contributions de spécialistes de Descartes mathématicien et savant, est d’exposer ces différentes pratiques mathématiques marginales de Descartes, officiellement exclues par la Géométrie de 1637, mais qui sont pourtant engagées dans sa réflexion théorique, comme en témoigne sa Correspondance.
« Pluralité des pratiques » signifie à la fois diversité d’opérations et d’objets. On montrera que cette pluraliré n’invalide aucunement la « méthode » de Descartes. Loin d’introduire une contradiction dans sa pensée, elle témoigne au contraire de sa richesse et de sa vitalité. Elle atteste la volonté de Descartes de résoudre tous les problèmes mathématiques qui se posent à lui, même ceux dont il considère qu’ils n’admettent pas de solution « recevable » mathématiquement. Elle exprime donc cette tension propre à celui qui, ayant créé un cadre théorique puissant et 8entièrement nouveau, souhaite tout y comprendre, mais se rend compte immédiatement qu’une foule d’objets et de problèmes s’y dérobent. Cette capacité à sortir en permanence du cadre sans le faire éclater et pour le conforter1 a permis à Descartes d’éviter de construire un système clos, et à sa place d’édifier une théorie ouverte qui, par définition, comporte des contradictions latentes et des propositions non démontrées (et peut-être non démontrables). C’est cette ouverture théorique qui a donné naissance aux sytèmes cartésiens qui le prolongent en le critiquant (Spinoza ou Leibniz) et anti-cartésiens (Locke ou Berkeley).
Dans une première partie, nous abordons la pratique mathématique « hétérodoxe » de Descartes. On y découvrira un Descartes inattendu, qu’il s’agisse d’algèbre, d’arithmétique ou de physique (la physique cartésienne, parfois fantaisiste, est en tous cas infidèle au principe de mathématisation stricte de la matière qu’implique sa réduction à l’étendue). On questionnera le rapport de Descartes à la géométrie euclidienne, fondement de l’intelligence de la nature. Nous verrons l’importance de la dimension ontologique dans cette pratique.
La seconde partie prolonge ce dernier aspect, en adoptant une approche méta-théorique et métaphysique. Y a-t-il une philosophie cartésienne des mathématiques ? Et quel dispositif logique révolutionnaire s’origine dans la démarche du cogito ? Enfin, quel nouveau rapport de la rationalité et, plus précisément, de la démarche démonstrative, à l’infini, en découle ?
Ainsi, on verra à l’œuvre un Descartes enfreignant nombre des interdits érigés en contraintes canoniques dans la Géométrie, afin de résoudre tel problème mathématique ; ou encore adoptant une explication mathématique des phénomènes physiques qui implique une autre définition du terme « mathématique ».
Aussi, derrière le roi de la méthode et de la rigueur, si ce n’est de la rigidité, découvrons-nous un Descartes mathématiquement polymorphe.
1 Sur un autre plan, celui de la métaphysique, on observe cette tension avec les thèses de la distinction réelle et de l’union réelle de l’âme et du corps. Ces thèses résolvent des problèmes autant qu’elles en entraînent de nouveaux, énonçables seulement dans ce nouveau cadre dualiste.
- Thème CLIL : 3916 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Histoire de la philosophie
- ISBN : 978-2-406-12655-3
- EAN : 9782406126553
- ISSN : 2260-9873
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12655-3.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/09/2022
- Langue : Français