[L’Apaisement de l'éclipse précédé de Diorama] Avertissement aux lecteurs
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Œuvres complètes. Tome I. Céline Arnauld
- Pages : 177 à 178
- Collection : Bibliothèque de littérature du xxe siècle, n° 9
AVERTISSEMENT AUX LECTEURS
Mes livres ayant été publiés dans des éditions à tirage très limité, ils ne peuvent être connus de tous ceux, de jour en jour plus nombreux, qui s’intéressent à la poésie ultra-moderne.
Aussi crois-je devoir préciser quelques points en tête de cet ouvrage écrit il y a trois ans déjà.
Je voudrais que mes lecteurs ne se trompent pas sur ce que j’appelle Projectivisme1. Non, ce n’est ni une école ni un mouvement. C’est une poésie que je prétends unique parce que, rentrée en moi-même, j’ai cherché d’où me vient l’inquiétude, l’amour et la souffrance. Et cette vie profonde que j’ai découverte en moi, je l’ai projetée dans mes œuvres avec toutes ses irisations, tout son imprévu et ce qu’elle peut avoir de déconcertant pour notre raison.
Cette « projection » de notre vie profonde, dans des œuvres, est selon moi la poésie même.
Depuis 1917, dans mon roman Tournevire, dans mes livres de poèmes : Poèmes à claires-voies, Point de mire, Guêpier de diamants et dans ma pièce de théâtre : L’Apaisement de l’éclipse, que je publie aujourd’hui, je suis restée fidèle à la même conception. Mes images, en particulier, n’ont pas changé de nature, et si on se voyait tenté de rapprocher maintenant mon inspiration et mon esthétique de celles de certaines écoles modernes qui font quelque bruit aujourd’hui, je prie que l’on considère combien ma poésie est restée elle-même. Oui, il y a en ce moment des groupes, des mouvements poétiques particuliers qui méritent l’intérêt qu’on leur porte, car parmi eux il y a de vrais poètes. Mais je ne voudrais pas que ceux qui ignorent mon œuvre me rattachent arbitrairement à l’un ou à l’autre de ces mouvements.
J’éprouve de l’admiration ou de la sympathie pour quelques aînés et pour certains jeunes écrivains, mais je ne veux aucun maître.
Je suis isolée au milieu de ma rêverie comme dans une plaine sans fin.
1 Les dictionnaires ignorent ce mot. – On se reportera naturellement à la revue Projecteur… – Dans une de ses « Notes », Le Thyrse (4e série, 26e année, no 19, 1er novembre 1924, p. 500) ironise : « Il paraît que le surréalisme est déjà dépassé. / Céline Anauld va publier incessamment en guise de préface à un volume de “poèmes” le manifeste du “projectivisme” ».