Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Cynismes littéraires
- Pages : 309 à 313
- Collection : Rencontres, n° 341
- Série : Confluences littéraires, n° 1
Résumés
Jean-Claude Bourdin, « Le cynisme de la théorie chez Helvétius »
Les thèses de la philosophie d’Helvétius n’encouragent pas à discerner chez lui un héritage du cynisme. Mais si on renonce à chercher des contenus doctrinaux cyniques, on perçoit chez lui un exercice de déflation morale et une logique qui découple la vérité et les valeurs morales qui permettent de l’inclure dans un cynisme transhistorique. C’est alors la forme de la théorie et son exposition qui font le cynisme d’Helvétius, inséparable de l’intention critique propre aux Lumières.
Yannick Séité, « Diogène greluchon. Sur Le Neveu de Rameau »
À quoi tient le cynisme du Neveu de Rameau ? Au seul personnage éponyme ? À celui de Denis Diderot ? À la pensée de Jean-Jacques Rousseau, que Voltaire se plaisait à décrire comme « un bâtard du chien de Diogène » ? Le cynisme imprègne-t-il l’ensemble de l’œuvre et si oui, sous quelle forme : pure reviviscence de l’école de Diogène ? sens mondain et abâtardi du terme (un comportement cynique) ? ou sens conforme au propos développé par Diderot dans l’article de l’Encyclopédie qu’il consacre à l’école cynique ?
Jean-Marie Roulin, « Benjamin Constant ou les ambivalences du cynisme »
La figure du « pitre sans pudeur » (Nietzsche) est au cœur des récits de Benjamin Constant, où la force corrosive de la parole cynique se retourne aussi contre celui qui en joue. Dans Adolphe se met en place une dialectique autodestructrice, où le sujet, enfermé dans une ironie délétère, est pris au piège de la tension entre deux formes de cynisme, celui de l’acceptation des convenances sociales et celui de la liberté critique face à ces règles.
310Daniel Sangsue, « “Je suis un jeune chien qui joue et on me mord”. Stendhal cynique »
Le beylisme, qui rejette l’autorité et valorise le naturel, est-il une forme du cynisme au sens antique ? Beyle était-il ironique et cynique ? Et les héros stendhaliens sont-ils des cyniques au sens moderne et mondain d’un « égoïsme superlatif » (J.-F. Louette) ? S’ils le sont, n’est-ce pas parce qu’ils ont été à bonne école ? Avec La Chartreuse, dont Balzac disait qu’elle était « Le Prince moderne », Stendhal a-t-il voulu écrire un bréviaire du cynisme en politique ?
Pierre Laforgue, « Morale du cynisme balzacien. L’invention de Vautrin »
Honoré de Balzac est le fondateur d’une poétique du cynisme, qui éclaire le sens de La Comédie humaine et en particulier du Père Goriot.
Sylvain Ledda, « “Une espèce d’inertie stagnante, colorée d’une joie amère…”. Musset et le cynisme »
Chez Alfred de Musset, le cynisme relève d’une énergie paradoxale, à la fois force de destruction et force de vie. La voix du cynique, quand elle est associée à celle du dandy ou à celle du libertin, fait écho à l’« espèce d’inertie stagnante, colorée d’une joie amère », qui caractérise le désenchantement. Évoquer le cynisme de Musset consiste à scruter l’avers enténébré d’une morale réversible : le cynisme est-il l’une des faces du désenchantement ou bien la cause même du mal moral que décrit Musset ?
Michel Viegnes, « Poétiquement cyniques, ou cyniquement poétiques ? Sur quelques Chiens de plumes du xixe siècle »
La difficulté que l’on éprouve à associer la poésie et le cynisme tient à une conception du lyrisme fondée sur l’accord du Je lyrique avec lui-même et avec le monde. Depuis le romantisme, on valorise une poésie investie par une lucidité cruelle, caractéristique de l’ethos cynique. Les poètes cyniques retournent contre eux-mêmes les topoï du lyrisme traditionnel. À la frontière indécise de l’image poétique et du calembour, ils mettent en musique le désenchantement du monde et du langage.
311Paolo Tortonese, « Le cynique docteur Torty »
Le Bonheur dans le crime (1874) met en scène le dialogue de deux narrateurs, l’un catholique, l’autre libre-penseur, le docteur Torty. Le docteur athée est à plusieurs reprises qualifié de cynique par son interlocuteur, qui rejette précisément ce cynisme. Mais une autre forme de cynisme, qui se traduit par un refus de la perfectibilité humaine et de la possibilité de s’émanciper du péché originel, se manifeste dans le point de vue catholique.
Bertrand Vibert, « Conte cruel, conte cynique. Villiers, Mirbeau »
Avatar moderne du cynisme, la cruauté tient à la manière plus qu’à la matière. Elle consiste à placer le lecteur dans une posture incertaine, voire désagréable, où se brouillent les critères de valeur et de vérité. L’entreprise n’épargne pas les auteurs eux-mêmes. Il s’agira d’apprécier de façon différentielle la cruauté de Villiers de l’Isle-Adam et d’Octave Mirbeau et d’évaluer dans quelle mesure, chez l’un et chez l’autre, s’opère la conversion en une jouissance esthétique exigeante mais de haut goût.
Pierre Glaudes, « D’un cynisme l’autre. Bel-Ami et Maupassant »
Dans Bel-Ami, Guy de Maupassant a livré de lui-même un autoportrait ironique, jouant sur le double registre du même et de l’autre. S’il est cynique, l’écrivain ne l’est pas à la manière de son héros, qui n’a guère d’états d’âme : l’assurance l’emporte chez lui sur l’intuition de sa propre vacuité. Le cynisme de Maupassant procède au contraire d’une pleine conscience du néant de la vie. Tout le reste n’est que chimères appelant un rire démystificateur, qui s’enracine dans un désenchantement fondamental.
Jean-François Domenget, « Montherlant, entre cynisme antique et cynisme moderne »
Henry de Montherlant ne s’est guère intéressé aux cyniques de l’Antiquité, mais il a été qualifié de cynique dès ses premiers livres. Dans son œuvre comme dans sa vie, les traits cyniques abondent : le désenchantement, le refus d’être dupe, la désinvolture… Ce qui situe le cynisme au cœur de sa vision du monde, c’est que, même si, pour lui, les discours idéalistes ont perdu toute crédibilité depuis la Grande Guerre, « les sublimes absurdités de l’âme » le touchent encore.
312Régis Tettamanzi, « Célynismes. Le cynisme chez Louis-Ferdinand Céline »
L’œuvre de Louis-Ferdinand Céline réunit les deux principales traditions du cynisme, l’ancien et le moderne, Kynismus et Zynismus, comme disent les Allemands. Mais quand elle le fait, c’est toujours dans un rapport conflictuel et ambigu, faisant tournoyer et se croiser sans cesse, de manière insécable, des figures (portrait de l’écrivain en chien), des modalités (le comique, la polémique), des notions (la fameuse parrhésie, le « tout-dire » des anciens… et des modernes).
Pierre-Louis Rey, « Camus contre le cynisme »
Les nihilistes qu’Albert Camus dénonce en priorité, dans L’Homme révolté, sont ceux qui dissertent tranquillement, dans leurs salons, sur le spectacle des ruines de la société et de la pensée. Lui qui veut en toute occasion garder « les yeux ouverts » sait pourtant que la tentation du cynisme guette quiconque est en quête d’une morale. Où est la limite ? Il la franchit délibérément dans La Chute. Au demeurant, dit-il la vérité ou invente-t-il une fable afin de rendre plus efficace sa propre vérité ?
Bruno Curatolo, « La figure de Diogène chez Raymond Guérin »
La Confession de Diogène (1947) de Raymond Guérin est, en partie, la transposition anachronique de celle de Guérin. Elle propose un traité de morale cynique appliqué à l’époque contemporaine et un manifeste esthétique. L’article s’intéresse à la façon dont les épisodes connus de la vie de Diogène coïncident avec les expériences déterminantes vécues par Guérin, à la restitution offerte par l’écrivain de sa lecture du cynisme et à l’exercice de cette éthique dans le champ de la littérature.
Helmut Meter, « Le cynisme chez Romain Gary »
Le cynisme de Romain Gary se caractérise par un parti pris essentiel : le sujet cynique lui-même n’est pas moins soumis que les autres à sa propre attitude caustique. Si le cynique ne prend guère ses distances vis-à-vis de ses cibles, c’est en raison de son identité précaire, qui n’est pas sans refléter la situation de Gary en tant qu’auteur.
313Michel Jarrety, « Cioran et le cynisme »
L’image convenue d’Emil Cioran n’est pas celle d’un cynique, mais plutôt d’un sceptique ; et cependant, parce que ce scepticisme que lui-même dit « étrange » est marqué de violence négatrice, il peut se sentir proche de Diogène qui « s’est tout permis » et manifester lui aussi cette volonté de démasquer où il voit un des traits du cynisme.
Caroline Laurent, « Philippe Muray, le cynique qui croyait au roman »
En bon cynique, Philippe Muray se méfie des illusions, à commencer par la première de toutes : la parole. Tout énoncé est déjà une interprétation, qu’il faut dépouiller afin de retrouver la matière brute dont il émane et qui se confond avec le réel. Le monde moderne, selon l’auteur, s’acharne à lisser toute contradiction. Le mal a été vaincu, il est maintenant interdit. Toutefois, il est une illusion en laquelle Muray croit encore : celle du roman. Mais qu’est-ce qu’un cynique qui croit au roman ?
Ludivine Fustin, « Le cynisme des âmes moyennes chez Michel Houellebecq »
Michel Houellebecq assigne à ses romans le pouvoir de réfléchir leur époque. Son œuvre est au plus près d’une réalité contemporaine que le romancier analyse d’un œil acerbe et critique. Il en exhibe les particularités psychologiques, historiques et sociologiques, qu’une seule notion est à même d’englober : le cynisme. Le cynisme postmoderne de Houellebecq se rapporte aux âmes moyennes, à tous ceux qui, désenchantés, vivent leur train habituel et monotone dans une perte d’adhérence au monde.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-07732-9
- EAN : 9782406077329
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07732-9.p.0309
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/05/2018
- Langue : Français